Transmettre la Culture à l'école ou les souvenirs d'Albert Algoud #CulturePrime

France Inter

Fin des années 70, début des années 80, Albert Algoud part enseigner dans une école en Haute-Savoie pour la première fois. C'était bien avant les années Canal + avec Antoine de Caunes, bien avant Fluide Glacial ou encore France Inter.   Dans "Le prof qui a sauvé sa vie", avec Florence Cestac, il a mis en image ses souvenirs d'instituteur aux méthodes pas toujours orthodoxe quant aux standards de l'Éducation nationale mais qui s'était fixé pour mission de transmettre aux enfants la culture, de la poésie au cinéma en passant par la littérature, quitte à piquer des bouquins pour atteindre son but.   Interview : Gaudéric Grauby-Vermeil Images et prise de son :  Maxime Soulard / Didier Mariani Montage : Didier Mariani   Retrouvez une partie de la fabrication de la BD dans "Dans la bulle de Florence Cestac" : https://www.youtube.com/watch?v=juFJpRKMJp4   Culture Prime, c’est un média social culturel 100% vidéo créé par les 6 entreprises de l’audiovisuel public français. Parce que la culture, ça se partage.   Et retrouvez-nous sur... Facebook : https://facebook.com/cultureprime/​​ Twitter : https://twitter.com/culture_prime​​ La newsletter hebdo : http://www.cultureprime.fr​​ #cultureprime

Transcript

00:00 passé un deal, je leur disais "quand je vous aurais passé quatre films de mon choix,

00:04 le cinquième c'est vous". Alors "ouais, un film de cul monsieur"

00:07 Je dis "ah non, quand même, faut pas pousser". Donc je me souviens que j'avais passé les

00:10 griffes de la nuit.

00:13 Cet album raconte mon expérience de prof de français et ça raconte surtout ses

00:26 années dans un collège de Haute-Savoie et un petit peu dans un collège de la

00:30 banlieue parisienne. J'étais un prof à la fois très mauvais et très bon. Très

00:35 mauvais parce que j'avais beaucoup de mal à me plier aux exigences des

00:38 programmes et bon parce que je peux me flatter d'avoir réussi à faire aimer la

00:44 lecture à beaucoup beaucoup d'enfants. Les gosses, il fallait les choper quoi,

00:48 par la culture mais qu'ils soient agréables.

00:52 La poésie par exemple, je m'arrangeais pour sortir des choses qui puissent les

01:01 émouvoir. J'allais chercher chez Prévert, chez Hugo etc. À l'époque pas de

01:06 photocopieuse dans le bahut donc je faisais à la Renéau. Quand même j'étais

01:09 passionné à l'époque parce que je me cassais le tronc à reproduire des

01:12 calligrames d'Apollinaire. Le plus simple c'est la tour Eiffel, il est dedans.

01:15 Mais j'ai fait la montre, j'ai fait le jet d'eau etc. C'était dingue.

01:19 In fine j'y arrivais et les mômes ils avaient des calligrames, ils n'avaient jamais vu ça.

01:22 J'avais passé un deal, je leur disais quand je vous aurais passé

01:28 quatre films de mon choix, le cinquième c'est vous. Alors ouais, film de cul monsieur.

01:33 Non quand même, il ne faut pas pousser. Donc je me souviens que j'avais passé

01:37 les griffes de la nuit. Donc Frédéric, Elephant Man.

01:41 Alors au début c'est noir et blanc sous-titré en anglais monsieur.

01:46 Mais fermez là et regardez, vous n'êtes quand même pas crétin au point de ne pas pouvoir

01:50 voir un film en noir et blanc etc. Et il s'était bouleversé à la fin.

01:55 Les plus réticents, la fin d'Elephant Man, si tu ne chiales pas,

01:59 c'est que tu n'es pas un être humain. Sans coeur et sans entrailles comme disait ma grand-mère.

02:04 Au lieu d'écouter mon cours absolument passionnant, ils étaient en train de lire

02:14 un truc. Donc je m'approche, je dis qu'est-ce que vous faites bande de petits salopards etc.

02:18 Et rien monsieur, il le cache. Je dis donnez-moi ça. Et je prends L'étoile mystérieuse, l'album.

02:23 Quelques jours après, je me suis dit mais je pourrais peut-être tirer quelque chose

02:26 de leur enthousiasme autour de Tintin. Et donc je me suis servi des jurons du Capitaine Haddock,

02:31 c'est là que j'ai commencé. Je leur donnais cinq jurons et je leur disais,

02:34 rédaction racontez-moi une histoire avec Moulagau, Frorich, Thérope.

02:38 Les mondes m'ont enchanté. Donc Tintin est devenu un outil pédagogique,

02:42 même si l'expression n'est pas très belle. Et ça marchait bien.

02:46 Alors la bibliothèque était alimentée, nourrie par des livres qui m'appartenaient,

02:57 par les livres qu'apportaient les élèves, par des livres que me passaient certains profs sympas,

03:01 et quelques livres dérobés. Mais il y a prescription. Je dois dire que depuis j'ai

03:07 tellement fait acheter de livres, j'en ai tellement acheté, que le dieu des libraires,

03:10 je pense, me pardonne. Sans le savoir, je renouais avec une tradition des usages qui

03:16 avait été mis en avant par Piaget, par Frenet, des pédagogues absolument géniaux.

03:20 Ou je pense aussi à des pédagogues libertaires comme Sébastien Fort,

03:24 des mecs comme Élise Herreclut, Camille Flammarion, Georges Darien et tout,

03:28 qui étaient des gens très très cultivés et qui faisaient des efforts pédagogiques absolument

03:32 énormes. Mais je ne savais pas que je marchais sur leur trace, mais de manière maladroite,

03:36 parce que c'était très pensé, très organisé.

03:39 [Musique]

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