Autant en emporte le vent le film de toutes les polémiques

  • l’année dernière
Autant en emporte le vent n'a pas attendu Black Lives Matter pour faire parler de lui.

A sa sortie, le livre faisait polémique et le film n'a pas fait parler de lui que pour ses oscars.

Lutte contre la ségrégation sur le plateau, bagarre entre les acteurs et les studios, bras de fer contre la censure, promotion choquante, Autant en emporte le vent a ouvert des portes au cinéma.
Transcription
00:00 Salut c'est Pépette, bienvenue sur la chaîne qui va te permettre de briller en société dans la bonne humeur.
00:05 En 2020 HBO retire de son catalogue "Autant en emporte le vent" avant de l'y remettre avec quelques avertissements,
00:14 le film ayant été jugé raciste.
00:17 Ceci dit, "Autant en emporte le vent" n'a pas attendu Black Lives Matter pour défrayer la chronique
00:23 et ce pour plusieurs raisons que nous allons voir dans cette vidéo.
00:26 La vidéo sera longue alors ne pleurniche pas et tiens le coup mon petit, tu le regretteras pas, tu vas briller sur tous les forums cinéphiles.
00:33 Lutte contre la ségrégation raciale sur le plateau, bras de fer contre la censure, tournage beaucoup trop long, émeute en ville...
00:43 Allez, on se dit à tout de suite !
00:45 Au commencement il y avait Margaret Mitchell, une femme au foyer qui s'y ennuyait à mourir.
00:53 Son mari lui dit un jour "Ah bah écoute, si tu t'ennuies, écris un livre !"
00:58 Jackpot ! C'est un best-seller.
01:00 "Autant en emporte le vent" raconte l'histoire de Scarlett O'Hara, une jeune femme de la haute société du sud,
01:06 rebelle et capricieuse.
01:08 Elle est amoureuse d'un gentleman soporifique, Ashley Wicks.
01:11 Et lui, il semble préférer une grue, Melanie Hamilton.
01:16 Mais voilà que Red Butler, un aventurier cynique, tombe sous le charme de Scarlett.
01:20 Mais taratata, elle n'en a que faire !
01:22 Et puis, le monde de Scarlett s'écroule lors de la guerre de sécession.
01:27 Elle va tout faire pour maintenir en vie Tara, le domaine familial.
01:31 Elle va traverser des épreuves terribles et puis il va y avoir un triangle amoureux, en quelque sorte,
01:37 entre elle, Ashley et Red. Mais taratata !
01:40 Au-delà de cette histoire à l'eau de rose, c'est toute une fresque autour du vieux sud esclavagiste qui y est dépeint.
01:47 Et ça ne passe pas forcément bien, même en pleine ségrégation.
01:51 Malgré un succès planétaire, Margaret Mitchell affronte les critiques la qualifiant de raciste.
01:56 Les personnages noirs s'expriment comme des demeurés et le mot "n****" apparaît en permanence.
02:02 Sans compter les jurons, mais ça, on l'abordera à l'heure de l'adaptation.
02:07 La traduction française va d'ailleurs rédulcorer un peu le texte.
02:09 Mais le vrai problème reste l'histoire de fond.
02:12 Autant en Emporte le Vent, c'est quand même une fresque
02:16 où blancs et noirs du sud des Etats-Unis vivent en parfaite harmonie dans leur statut de maître et d'esclave
02:23 et semblent tout retourner quand la guerre de sécession veut y mettre fin.
02:27 Les riches propriétaires terriens, ça se comprenait.
02:30 Mais les esclaves renonçant à leur liberté, bon, ça se comprend toujours pas.
02:34 Mitchell se défend.
02:36 Elle rappelle qu'elle raconte avant tout comment était la Géorgie du Sud
02:40 et assure avoir une balle au cœur d'écrire de cette manière.
02:43 La pilule passe difficilement, mais rien n'arrête la renommée du livre.
02:48 En général, le cinéma adapte rapidement les best-sellers.
02:53 Mais à tous les égards, Autant en Emporte le Vent pose problème à Hollywood.
02:59 En 1939, nous avons beau être 20 ans avant la lutte pour les droits civiques,
03:04 eh bien le parfum de soufre qui accompagne le livre fait peur aux studios.
03:08 Le producteur David Savesnick relève le défi.
03:12 Il sent le potentiel d'une telle adaptation.
03:14 Il sait que ce sera compliqué,
03:16 mais il ne s'imagine pas à quel point le chemin de croix sera long et douloureux pour lui.
03:21 Dès l'annonce du tournage, il reçoit des lettres dénonçant le racisme de Margaret Mitchell.
03:28 Bon, vous me direz, ça, c'est pas la mer à boire.
03:31 Mais voici que le quotidien de Los Angeles Sentinel
03:35 appelle au boycott de toutes les oeuvres de Savesnick passées, présentes et à venir.
03:41 Ambiance.
03:42 Vient ensuite le casting.
03:45 Clark Gable est loin du red butler du livre, mais le public le réclame.
03:50 Mais Gable ne sent pas du tout le film.
03:53 Enfin bon, il accepte.
03:55 Leslie Howard est retenue pour jouer le fade et honorable Ashley Wilkes.
04:02 Jusqu'ici, tout va bien.
04:04 Et puis ça se gâte avec les actrices.
04:07 Olivia de Havilland est ravie d'incarner la douce et fragile Melanie Hamilton.
04:13 Restez jusqu'au bout parce qu'on va vous expliquer un peu plus tard
04:16 pourquoi elle n'a jamais voulu du rôle de Scarlett.
04:19 Sauf que Jake Warner, patron des studios Warner, refuse de la prêter à MGM.
04:26 Il le fera en échange de deux acteurs de la MGM.
04:29 Or c'est vous dire le poids de cette fille,
04:31 qui en a eu suffisamment dans le pantalon par la suite,
04:34 pour porter plainte contre les studios et amener devant la justice
04:40 la question des droits des acteurs et des actrices.
04:43 Nous on en ferait bien une vidéo, ça nous permettrait d'avoir un sujet,
04:47 on en demande de l'inspiration.
04:48 Maintenant vous, est-ce que ça vous tente ?
04:50 Mais qui allait incarner Scarlett O'Hara, l'enfant gâtée du Sud ?
04:54 Les plus grandes actrices de l'époque vont prendre d'assaut le bureau de Selznick.
04:58 Catherine Hepburn, Joan Crawford, Carole Lombard, Bette Davis.
05:03 Alors Paulette Goddard manque de très peu le rôle.
05:06 Bon, c'est sa liaison avec Charles Chaplin qui la met sur la touche.
05:10 Ah ben oui, ils ne sont pas mariés ensemble si vous voyez ce que je veux dire.
05:13 Le tournage commence, Selznick n'a toujours pas sa Scarlett.
05:16 Et puis, miracle !
05:18 Son frère Myron lui présente par hasard l'actrice Vivian Lane.
05:23 L'histoire raconte qu'elle a fait une apparition divine,
05:27 totalement impromptue, le visage éclairé par les flammes de l'incendie d'Avianta.
05:31 C'était un coup monté, vous vous en doutez.
05:33 Elle répétait le texte de Scarlett depuis quelques semaines déjà.
05:37 Myron est un des plus grands agents d'Hollywood
05:41 et Vivian Lane, mariée, a eu le bon sens de ne pas clamer sa liaison avec un autre acteur,
05:47 Laurence Olivier, lui-même mariée.
05:49 Passons au scénario.
05:51 Selznick n'est pas un patron facile.
05:54 Trois scénaristes se cassent les dents durant trois ans sur l'adaptation.
05:59 Selznick fait réécrire les pages des uns par les autres.
06:02 Et un seul d'entre eux, Sidney Howard, sera crédité au générique
06:06 parce que considéré comme plus productif.
06:09 Mais à leur décharge, le problème vient du texte de Margaret Mitchell.
06:14 Je vous explique.
06:15 Imaginez qu'à la fin du film, au moment où Red Butler claque la porte,
06:19 au lieu de balancer à Scarlett un "Franchement ma chère, je m'en fous",
06:23 ils lui disent quelque chose du genre "Franchement ma chère, je n'en ai qu'une".
06:28 Ou alors, comme la version française du livre, "Franchement ma chère, je m'en fiche comme d'une guigne".
06:33 Bon, on est d'accord que ça casse le côté dramatique.
06:37 Et pourtant, on a failli en arriver là.
06:40 En anglais, Red utilise le mot "Damn".
06:43 "Damn" à l'époque était un mot très grossier, alors qu'aujourd'hui, il est beaucoup plus passe-partout.
06:48 Depuis 1934, Hollywood subit le joug de ce que l'on appelle le "Motion Picture Production Code".
06:55 Que les anglais me pardonnent mon accent.
06:57 Ou pour faire plus simple, "Code Hey".
07:00 Un ensemble de règles morales déterminant ce que les studios pouvaient et ne pouvaient pas faire.
07:05 Et à cette époque, le mot "Damn" qui renvoyait à la damnation,
07:10 donc considéré comme une injure grave, était interdit.
07:13 Tout comme les autres jurons, mais aussi les baisers langoureux et les mariages interratiaux.
07:18 Oui, parce qu'un couple mixte allait direct en prison, alors l'humanité revient de loin.
07:23 Les scénaristes devaient trouver des alternatives plus ou moins réussies.
07:27 Autant en emporte le vent va bouleverser tout ce petit monde, et ce, grâce à une pirouette de Selznick.
07:33 Pour lui, il faut utiliser le mot "Damn" puisque c'est marqué dans le livre.
07:38 Mais qui est donc David Selznick, humble producteur, pour remettre en cause
07:44 la force créatrice que l'écrivaine a insufflée à son oeuvre ?
07:48 En fait, il prend à contre-pied le code, puisqu'il s'agit d'une adaptation et non pas d'une création originale.
07:55 Un véritable bras de fer se joue entre lui et la censure.
07:58 Selznick sait que quand on veut vendre un produit, on s'adresse directement au décisionnaire.
08:04 Il s'entretient donc avec Ace en personne.
08:07 La légende raconte qu'il l'aurait convaincu en versant des droits de 5000$.
08:13 On ne saura jamais si le code a été modifié pour "autant en emporte le vent"
08:19 ou s'il l'a été par coïncidence juste un peu avant sa sortie.
08:23 Mais ce qui est sûr, c'est que le film et ceux qui vont suivre vont en profiter.
08:28 Ouf, un problème de réglé pour le producteur qui doit maintenant affronter la valse des réalisateurs.
08:35 Georges Shukor travaille depuis deux ans sur la pré-production du film.
08:39 C'est donc tout naturellement qu'il entame le tournage.
08:43 Mais voilà, il ne se préoccupe que des actrices, au détriment de ces messieurs, dont Clark Gable, qui se sent isolé.
08:51 Et puis, Shukor commence à naviguer à vue, à improviser, prendre du retard.
08:57 Selznick n'a pas de temps à perdre, il est viré.
09:00 Clark Gable exige son ami Victor Fleming.
09:02 Le voici aux petits oignons, mais pas les actrices que Fleming maltraite sur le tournage,
09:08 comme il l'avait fait avec Judy Garland dans "Le magicien d'Oz".
09:12 Olivia de la Villande et Viviane Ley, ulcérées, continuent à voir secrètement Shukor pour travailler leur rôle.
09:19 Un matin, Victor Fleming démissionne.
09:21 Quand il avait lu le scénario, il avait dit à Selznick que c'était de la bouse.
09:26 Et là, j'ai dû le corser le propos.
09:28 Alors à un moment, il en a eu sa claque, il est parti.
09:31 Sam Wood le remplace, mais il est tout le temps malade.
09:33 Voici Fleming qui revient à chever le film,
09:37 retrouvant des acteurs exténués après 5 mois de tournage intensif.
09:43 Selznick insiste pour que la durée du film soit revue à la baisse.
09:47 Eh bien, autant en emporte-levant fait 4 heures.
09:50 Et il y en a qui se plaignent d'Avatar de Cameron. Non mais vraiment !
09:54 Selznick est maintenant à deux doigts de manger son chapeau, et pour cause.
09:58 Clark Gable menace par deux fois de quitter le tournage.
10:02 Et vous allez voir que la deuxième fois n'a rien à voir avec le caprice d'une star.
10:06 Tout d'abord, parce qu'il ne veut pas jouer la scène où Red Butler pleure la mort de son bébé.
10:13 Donc ça peut nuire à son image d'homme viril.
10:15 Au contraire, Olivia de Havilland, avec beaucoup de douceur,
10:19 réussit à le convaincre de rester avant de l'épauler
10:24 sur un combat beaucoup plus important, le respect des droits des acteurs noirs sur le tournage.
10:31 Aux Grandes Dames de Selznick.
10:32 Commençons par le cas le plus connu, Hattie McDaniel, l'interprète de la nourrice de Scarlett.
10:38 Fille d'ancienne esclave, à 44 ans, elle n'a jamais joué et ne jouera jamais que des rôles de domestique.
10:44 Clark Gable et Olivia de Havilland la soutiennent pour qu'elle obtienne le rôle de maman.
10:49 Madame Eléanore Roosevelt, première dame des États-Unis, mettait la pression pour que sa cuisinière obtienne ce rôle.
10:57 Ce sont les mêmes qui exigeront pour elle sa propre loge.
11:00 C'était impensable pour un acteur noir à l'époque.
11:03 Vient ensuite une histoire beaucoup moins connue.
11:06 Un jeune acteur noir, incarnant un soldat, tape à la loge de Gable.
11:12 Il veut lui montrer quelque chose.
11:13 Gable le suit et se retrouve devant les toilettes.
11:16 D'un côté, les toilettes pour les noirs où tout le monde fait la queue.
11:21 Et de l'autre côté, les toilettes pour les blancs où il n'y a personne.
11:25 C'est un malin ce petit.
11:26 Et je vais vous dire pourquoi est-ce qu'il a tapé à la porte de Gable et pas à celle de quelqu'un d'autre.
11:31 Clark Gable était connu pour ne pas partager des idées ségrégationnistes et racistes.
11:37 Et à l'époque, il était surnommé le roi d'Hollywood tant il était au sommet de sa gloire et tant il avait d'influence.
11:43 Alors si quelqu'un pouvait changer les choses sur le plateau, c'était lui.
11:48 Gable marmonne que cela ne se passera pas comme ça et passe un coup de fil fort peu amical à Fincher.
11:53 Vous vous souvenez ? Son pote qui l'a fait venir comme réalisateur.
11:57 "Si vous ne me virez pas immédiatement ces panneaux, je vous préviens, vous n'avez plus votre époque claire."
12:02 Hop, fini la ségrégation sur le tournage.
12:05 Ça c'est un homme.
12:06 Le film va devoir affronter la censure blanche et les associations noires qui réclament un cinéma plus égalitaire.
12:13 Selznick a beau crier partout qu'il veut ménager la chèvre et le chou,
12:18 il tient quand même à ce que Autant n'emporte le vent soit présenté en avant-première à Atlanta
12:24 dans un cinéma qui n'accueille que les blancs.
12:26 Olivia de Havilland proteste, Clark Gable s'emporte.
12:30 Il annonce qu'il n'ira qu'accompagner Dati ou pas du tout.
12:35 C'est cette dernière qui, avec beaucoup de classe, va le calmer et lui demander d'y aller sans elle.
12:41 Petite anecdote grinçante pour briller en société.
12:45 À cette fameuse avant-première, la mairie demande à des paroissiens noirs
12:50 de chanter du gospel déguisé en esclave devant le cinéma.
12:55 Ainsi s'est culotté.
12:57 Et bien, figurez-vous que seule la paroisse où prêchait le père de Martin Luther King accepte.
13:05 Et voici le jeune Martin Luther King déguisé en esclave en train de chanter et de rouler des balles de coton
13:13 à l'avant-première d'Autant n'emporte le vent.
13:16 Des manifestations pacifiques éclatent un peu partout.
13:19 Chicago, Washington...
13:21 Bon, un jeune adolescent de 17 ans sera arrêté à bon climat.
13:25 Pour éviter tout souci avec Gable aux Oscars du 12 février 1940,
13:30 Selznick va s'arranger avec l'hôtel qui abrite la cérémonie
13:34 pour que Hattie McDaniel soit dans la salle.
13:37 Bien qu'elle soit en compétition avec Olivia de Havilland pour l'Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle,
13:45 elle n'a techniquement pas le droit d'être présente.
13:47 Elle ne pourra pas s'asseoir à la même table que les autres et restera au fond, bien cachée.
13:53 Pourtant, tout le monde sait qu'elle est la favorite.
13:55 Selznick lui a même écrit un discours qu'elle ne lira pas.
13:59 Autant n'emporte le vent remporte 10 Oscars, dont celui du meilleur film
14:05 ainsi que la première récompense pour une actrice de couleur.
14:08 Alors oui, le livre est par voie de conséquence son adaptation,
14:12 porte à polémique et plutôt que de tout effacer du revers de la main,
14:16 il faudrait peut-être en parler pour éviter qu'une telle époque se reproduise.
14:21 Et d'ailleurs à ce sujet, il serait peut-être temps que nous abordions les westerns des années 30
14:27 qui véhiculaient des préjugés odieux sur les Mexicains et les Indiens.
14:31 Sans parler de la montagne de terracotta que l'on mettait sur les acteurs pour les rendre plus bronzés.

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