Gardiens d’immeubles : "On est psychologue, électricien, sœur Thérésa... On a toutes les casquettes." Catherine et Lionel sont gardiens d’immeubles depuis plusieurs décennies. Ils racontent les joies et les peines derrière l’exercice de ce métier difficile et peu reconnu.
Retrouvez Catherine et Lionel dans le livre "Éloges des loges", paru aux éditions Autrement
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NewsTranscription
00:00 J'ai eu une vie assez chaotique et je suis tombé sur une annonce pour chercher un gardien.
00:05 J'en ai vu des choses.
00:06 Nous, on a toutes les casse-fuites.
00:08 On est psychologue, sur 13h, électricien.
00:12 On est à la disposition des gens.
00:14 C'est quoi ton charmant ?
00:17 Rien faire.
00:19 Alors moi, je suis le gardien d'immeubles.
00:24 Je m'occupe de 27 immeubles, 177 locataires, 50 télécommerces.
00:30 Et comment tu as atterri dans ce métier ?
00:33 Alors vraiment, vraiment par hasard.
00:36 J'ai eu une vie assez chaotique.
00:42 J'ai fait mon armée pendant 5 ans dans les paras.
00:45 Pour le bien de la France, on va dire.
00:48 Après, j'ai travaillé comme videur.
00:50 J'ai fait de la protection rapprochée, j'ai fait du transport de fonds.
00:53 Voilà, et ensuite, j'ai passé une école de thanatopracteur.
00:57 Voir des morts toute la journée, comme on dit, c'est pas agréable.
01:00 Et quand j'ai eu mes enfants, je me suis calmé.
01:03 J'ai dit, t'as un certain âge, il serait temps que t'arrêtes tes bêtises.
01:07 Et je suis tombé sur une annonce.
01:09 Et maintenant, ça va faire 22 ou 23 ans que je suis à la IVP.
01:14 Moi, la priorité, c'était mon fils.
01:16 C'est pour ça que je suis gardien.
01:18 Ça me permettait que j'aie mon fils tout le temps avec moi.
01:23 Voilà.
01:24 Et c'est la prunelle de mes yeux.
01:25 C'est une belle chose que j'ai fait au moins.
01:28 Bonjour !
01:30 Comment ça va ?
01:31 Et vous ? Ça fait longtemps !
01:32 Longtemps, je suis toujours là, moi !
01:34 Si on dirait tout ce qu'on a pu voir dans notre vie,
01:38 je dirais que c'est pas possible, c'est des mythos.
01:40 On a ceux qu'on voit jamais,
01:42 et ceux qu'on voit tout le temps défiler à la loge,
01:44 qui ont toujours des problèmes, on va dire.
01:45 Il y a des fois, ça te fait marrer parce que tu vois le mari partir au boulot.
01:48 Tu vois, il me suit rentrer,
01:51 il ressort deux heures après, t'as tout de suite compris.
01:53 Le lit n'est pas refroidi.
01:55 Elle voit rien avec son chapeau !
01:58 - Tu tires, hein ! - Non, non, non, non.
02:00 - Viens, viens, viens. - Elle, t'as 4 ans, tu visages !
02:01 T'inquiète ! Tu vois mieux comme ça !
02:03 - Elle, tu dis rien ! Moi, c'est moi qui vis !
02:05 - C'est mieux, hein ? - Elle tire !
02:07 Ah oui, j'ai l'impression d'être grand-mère, maintenant.
02:09 J'ai vu mes petits bouts de chou comme ça, ils ont 25 ans, maintenant.
02:12 Je les vois partout avec leurs copines ou quoi que ce soit,
02:14 ils s'arrêtent, ils viennent me faire la bise, les petits.
02:16 Ils laissent tomber la fille, hein !
02:20 Des fois, je suis un peu gédée.
02:21 Après, il y a les petits inconvénients de ce métier-là,
02:25 c'est qu'on a quand même affaire à beaucoup de personnes âgées
02:28 avec qui on a des petites accroches, des choses comme ça.
02:31 Et quand elles partent, ça fait bizarre.
02:33 Ça fait bizarre.
02:34 C'est reparti.
02:37 - Monsieur Dio ! - Bonjour.
02:40 - Monsieur Benzodia ! - Oui, Mika.
02:42 Le travail de gardien est très difficile.
02:44 On habite quand même sur place,
02:46 donc il y a certains locataires qui n'arrivent pas à comprendre
02:49 que nous aussi, le week-end, on est comme tout le monde,
02:52 on a envie de se reposer.
02:53 J'ai le droit aux insultes, aux agressions physiques,
02:56 verbales, les blablabla.
02:59 Oui, parce que ces congélateurs, ils ne savent pas que...
03:01 à ma porte, on entend tout.
03:04 Alors quand on parle de moi, je mets ma tête là, je dis...
03:07 Oh ! Bon, quand même.
03:09 Et après, je l'ouvre, je dis "Je suis là, j'entends tout !"
03:11 Et je referme.
03:12 Et ça me fait rire.
03:14 Parce que bon, moi, je dis quand on parle de moi,
03:16 c'est que je suis un peu entendu.
03:18 [Musique]
03:23 Moi, j'adorais, quand je rentrais chez moi,
03:24 quand ma mère faisait le ménage,
03:26 elle mettait du parfum, souvent derrière un radiateur.
03:29 Le parfum se diffusait.
03:30 Puis voilà, moi, j'ai gardé un petit peu ce petit truc.
03:34 J'ai lavande, pamplemousse, citron, fleur blanche.
03:38 Les gens sont contents.
03:40 Il leur faut pas grand-chose pour être heureux.
03:41 - Et là, par exemple, tu fais encore le ménage ?
03:44 - Non, depuis que j'ai cassé ma clavicule,
03:46 je ne sais plus soulever mon bras.
03:47 Moi, j'ai 57 ans, je suis cassée dans tous les sens.
03:50 Je me suis pété le dos en glissant dans le bâtiment B.
03:53 En plus, j'ai fait des AVC.
03:55 Donc pour faire un ménage et tout ça, c'est pas évident.
03:57 Je ne sais plus rien porter.
03:59 Pompée, usée, cassée.
04:01 - Je vais prendre un exemple.
04:05 Un gardien, je le vois pas à 64 ans,
04:07 tirer des bacs de 700 litres.
04:11 C'est dur.
04:12 - Ben, si on continue jusqu'à 67 ans,
04:14 je vais rendre des violateurs
04:16 pour aller dans chaque immeuble.
04:19 Vous le devez au caveau.
04:20 C'est que quand je serai à la retraite, je serai à la mort.
04:22 Le monsieur Macron, je vais l'inviter, lui.
04:25 Qu'il vienne quand il veut.
04:27 Sortir des poubelles plus lourdes que vous,
04:29 les rentrer encore plus lourdes.
04:30 Parce qu'ils sont à peine vidés, qu'ils sont déjà remplis.
04:33 C'est épuisant.
04:42 Alors pour nous brancher, moi, mon truc, c'est la moto.
04:45 Tous les week-ends, entre potes,
04:47 voilà, des belles balades.
04:48 Et je me dis, ben moi, franchement, je suis heureux.
04:51 En Bretagne,
04:54 à côté de la mer,
04:56 mon rêve,
04:58 d'ouvrir ma fenêtre et entendre les vagues.
05:00 Les mouettes.
05:02 Demande pas plus.
05:04 Pas grand-chose.
05:06 - Ouh, ouh, ouh, ouh, ouh, ouh. - Oh !
05:08 Oh !
05:09 Sous-titrage ST' 501
05:12 [Musique]