RMC Poker Show

  • l’année dernière
Le RMC Poker Show accueille Jérôme Schmidt. Le journaliste a traduit un livre sur le poker qui vient de sortir en librairie : “Le plus gros jeu” d’Al Alvarez. 
Transcript
00:00 Jérôme Schmitt, merci beaucoup d'être là.
00:02 Donc, ce livre, c'est rare qu'on reçoive,
00:04 il n'y a pas énormément de littérature sur le poker,
00:06 malheureusement, surtout quand on a des livres aussi excellents.
00:10 Donc, c'est le livre de Al Alvarez,
00:12 "Le plus gros jeu", une chronique éblouissante sur Las Vegas et ses joueurs de poker.
00:16 La maison d'édition, je ne la connaissais pas, Mettelier.
00:18 Mettelier, c'est une maison d'édition littéraire.
00:21 Toi, tu es journaliste, Jérôme, tu bosses dans le magazine Poker 52.
00:28 Ce livre n'en était jamais sorti en France.
00:30 Non, écoute, il y a, je ne sais pas, une demi-douzaine,
00:34 une petite dizaine de grands livres sur le poker,
00:36 je pense, qui ont été écrits en langue anglaise, principalement.
00:38 Et je pense qu'il en restait deux qui n'étaient pas traduits.
00:42 Et maintenant, il ne reste plus qu'un.
00:44 Et celui-là, c'est vraiment une chance,
00:46 puisque c'est fait par une maison d'édition qui n'a rien à voir avec le poker
00:48 et qui est en fait éditée Al Alvarez, qui est un écrivain anglais,
00:52 journaliste, reporter également assez connu, assez poétique.
00:55 Et ils avaient édité plusieurs autres livres de lui,
00:57 dont un qui est exceptionnel qui s'appelle "Nourrir la bête sur l'alpinisme".
01:00 Et ils m'ont contacté parce que le traducteur habituel était un peu perdu
01:04 devant ce monde qu'ils ne connaissaient pas.
01:06 - Il valait mieux connaître le poker, évidemment, pour le traduire.
01:11 Le sujet, c'est Las Vegas, évidemment, autour des WSOP 1981,
01:16 gagné cette année-là par Stu Hangar.
01:18 C'est toute la légende, la mystique autour de ça.
01:21 C'est quand même...
01:22 Bon, alors, on ne revient pas sur le fait qu'il ait fallu attendre si longtemps
01:24 pour en avoir ce livre en main.
01:25 On t'a contacté, toi, directement.
01:28 T'avais déjà fait d'autres traductions ?
01:30 - En fait, moi, j'ai trois casquettes.
01:32 Je dirige Poker 52, ce qui me prend un peu de temps, mais pas grand-chose.
01:34 Je fais aussi des documentaires pour les éditions culturelles.
01:37 - Au Zad Poker, il y a aussi Zad Poker.
01:39 - Zad Poker en 2007, c'est toi qui fais ce doc.
01:42 - Et j'ai fait pas mal de traductions, plutôt littéraires d'ailleurs,
01:44 habituellement, et j'ai proposé, il y a depuis 15 ans,
01:47 quelques livres à des éditeurs sur le poker.
01:48 J'avais traduit et édité aux éditions Sonatine "Joueur né",
01:52 la bio de Sturinga, qui est un livre assez génial, je trouve, sur le poker.
01:56 Et je pense qu'en fait, le traducteur s'est renseigné en cherchant,
01:59 avec deux clitères, quelqu'un qui sait traduire l'anglais
02:02 et quelqu'un qui connaît le poker.
02:03 - Il ne devait pas y en avoir des masses.
02:06 Donc, Al Alvarez est un écrivain, un poète,
02:10 quelqu'un qui n'a pas grand chose à voir avec le monde du jeu.
02:12 Il est envoyé par le journal New Yorker.
02:15 On lui dit "va à Vegas et tu nous racontes".
02:18 Et ça donne ce livre.
02:19 Alors attention, quand on dit poète,
02:21 il n'y a pas de poésie dans le livre.
02:22 C'est de la description brute.
02:24 C'est remarquablement bien écrit.
02:26 On est dedans.
02:27 Ceux qui aiment le poker, ceux qui aiment Vegas, immédiatement,
02:30 surtout si on a un petit côté nostalgique et qu'on a toujours
02:33 fantasmé sur la période des 70s, années 80, autour de...
02:37 Bon, ils y sont tous, Johnny Moss,
02:39 Stuart Garth, Dole Brunson, toute cette époque-là, la découverte du poker,
02:43 le Binyons, Benny Binyons et toutes ces histoires.
02:47 On est complètement dedans.
02:49 On est dans cette mystique du poker d'avant
02:52 la révolution culturelle de 2003, où le poker s'est ouvert au monde entier.
02:56 C'est exactement ça.
02:57 En fait, il arrive à la levaraise avec son talent de journaliste et son talent
03:02 d'entomologiste presque, à décrire les personnages, à rentrer dans leur vie,
03:05 à rentrer dans la mythologie.
03:06 En fait, il arrive à un moment où les World Series of Poker passent
03:11 d'une organisation familiale, texano-mafieuse, qui est celle de la famille Binyons,
03:16 à un début de médiatisation avec la télévision qui arrive au table finale.
03:21 On se souvient tous de la table finale de Stuart Garth en 81, justement,
03:26 qui est dehors, dans Fremont Street, où il joue avec tout le public qui est autour.
03:30 Et à ce moment-là, en fait, les joueurs, ils se divisent en deux parties.
03:33 Il y a ceux qui ont envie d'être des stars, comme Dole Brunson, comme Johnny Moss.
03:37 Donc, il s'ouvre totalement à un journaliste qui vient de New York.
03:40 Johnny Moss lui parle beaucoup.
03:42 Beaucoup, énormément.
03:43 Il lui raconte le coup.
03:44 Franchement, je lirais des passages tout à l'heure, parce que c'est fantastique.
03:48 Mais quand il raconte sa partie contre Dan Dolos, le grec, là.
03:52 Bien sûr, elle nique le grec.
03:53 C'est incroyable.
03:54 C'est fantastique de lire.
03:55 Quand tu dis la partie, c'est une partie de cash ou en tournoi ?
03:58 Non, c'est un head up.
04:00 Un HU, d'accord.
04:00 Ah oui, oui, non, mais la variante, c'est le...
04:03 Just to Seven ?
04:04 En stud, mais à 5.
04:06 En stud 5, ouais.
04:08 En fait, c'est une époque où les variantes ne sont pas les mêmes,
04:10 où les limites ne sont pas les mêmes, parce que souvent, on joue en limite.
04:12 D'ailleurs, contrairement à ce qu'on connaît actuellement et où le no limit
04:15 arrive et le no limit devient une sorte d'arme nucléaire du poker,
04:19 puisque seuls les plus riches se permettent d'aller à tapis avec tout ce qu'ils ont.
04:22 C'est un truc qu'on n'imaginait pas à l'époque.
04:24 En fait, ce qui est intéressant, c'est que cette époque,
04:26 donc le début des années 80, c'est ce qui a fondé la mythologie du poker actuel.
04:30 C'est ce qui nous a fait rêver,
04:31 toi aussi, sur tous les grands personnages, sur les grands coups, les grandes histoires.
04:36 Leur personnalité, surtout leur personnalité.
04:38 Johnny Moss, espèce de pétrolier qui est arrivé à Vegas assez tard, finalement,
04:42 dans sa vie. La légende dit qu'il avait rectifié un mec de 60 millions.
04:46 C'est vrai, ça déjà avant d'arriver à Vegas.
04:48 Donc après, il était à l'aise quand même.
04:49 Et puis, Chetou Engar, Chetou Engar, c'est le génie, le mythe absolu.
04:54 Alors, puisque tu en as parlé, c'est vers la fin du livre.
04:56 Mais je lis le passage.
04:57 Comme Moondier n'a pas eu la chance d'avoir le livre.
05:00 Merci de le dire.
05:01 Il va le faire rêver et puis il repartira avec.
05:02 Et puis, comme il fait beaucoup de voyages en ce moment,
05:05 il pourra se régaler.
05:06 Mais Chetou Engar gagne le titre de champion du monde.
05:08 Il a 75 joueurs seulement inscrits au main event à l'époque
05:13 et le droit d'entrée est comme aujourd'hui, 10 000 dollars.
05:16 Tu te rends compte, Moondier, c'est énorme.
05:18 En 81, tu payes déjà 10 000.
05:19 Le droit d'entrée du main, il gagne donc 375 000 dollars au final.
05:26 Chetou Engar a toute cette personnalité hors du commun.
05:29 Il gagne contre Perry Green le heads up, Asdam contre Asneuf.
05:34 Après, il y a la conférence de presse.
05:36 Juste après la conférence de presse,
05:37 donc elle se tient dans la confusion et le vacarme quasiment inaudible
05:41 de l'annexe de la sombrer au room.
05:42 Quelqu'un a demandé à Engar à quel âge il avait commencé à jouer.
05:46 Il a baissé la tête et a marmonné.
05:47 Sept ou huit ans, un truc dans le genre.
05:49 Un autre l'a interrogé sur ses loisirs.
05:51 Loisirs ?
05:52 Engar a relevé la tête en jetant un regard incrédule au journaliste.
05:55 Les rares fois où je ne joue pas, c'est que je dors ou que je mange.
05:58 Il semblait encore plus agité que jamais,
06:00 bougeant sans cesse sur la petite chaise dure qu'on lui avait donnée,
06:02 hochant la tête, se grattant vaguement.
06:05 La question inévitable est tombée.
06:07 Qu'allait-il faire de tout cet argent ?
06:08 Engar a à nouveau baissé la tête,
06:10 a gloussé, puis a marmonné dans sa barbe.
06:12 Le perdre ?
06:13 - Ah non !
06:15 C'est-à-dire que le mec était déjà avancé.
06:17 - Il y a plein de...
06:19 Franchement, j'ai envie de lire plein de passages.
06:20 Le livre est vraiment formidable.
06:22 C'est tout ce qu'on a envie de lire sur le poker.
06:25 Et Jérôme, franchement, moi, à chaque...
06:28 Le nombre de fois où j'en ai parlé dans le RMC Poker Show, que je n'en peux plus.
06:32 Mais à quel moment on fait Amazon, Netflix, 12 épisodes ?
06:38 - C'est toujours la même question et toujours la même réponse.
06:40 - Non mais la même réponse.
06:41 Moi, ce qui m'énerve, c'est qu'à chaque fois que j'en parle ou que je le propose,
06:44 on me dit "ouais, mais on ne peut pas faire un truc chronologique, on ne peut pas faire..."
06:47 Mais si ! Tu fais les années 70, tu fais les personnages, Johnny Moss et Dante Doloz.
06:51 En plus, il y a tous les liens que tu décris au début.
06:54 C'est très mafieux au début.
06:56 Au début, il y a ça.
06:57 - C'est que ça.
06:58 - C'est que ça.
06:59 Mais c'est tellement, je veux dire, cinématographique.
07:02 Les personnalités.
07:04 Oui, le premier épisode, ça va être Binyon, c'est ses amis.
07:06 Le deuxième épisode, et puis l'évolution, elle va arriver jusqu'à ce qu'on...
07:09 Tu sais, le vieux Vegas.
07:11 Et aujourd'hui, tout ce qui disque le strip, c'est Disneyland.
07:13 - Le vieux Vegas explose.
07:15 - C'est l'évolution.
07:16 Oui, tu vas le raconter de façon chronologique, quoi va être le problème ?
07:18 On a l'impression que les gens qui veulent faire des films, ils ont peur.
07:21 La chronologie, c'est comme si c'était une insulte.
07:22 Mais non, le monde du poker a tellement évolué que c'est fascinant.
07:26 - Moi, je pense pas du tout que le problème soit chronologique.
07:29 Je pense que le souci...
07:30 Déjà, si tu vas sur Netflix, c'est tellement charté en termes d'écriture.
07:33 Moi, pour toi, mais bon, il faut au moins un jeu.
07:36 - Après, il n'y a pas que Netflix.
07:37 - Tout le monde dit Netflix en premier, mais je m'en fous.
07:39 Ça peut être n'importe quel diffuseur.
07:40 - Je pense que la seule limite du poker, c'est que c'est tellement mythologique,
07:43 tellement cinématographique, que la chausse trap,
07:46 c'est peut-être justement de se faire aspirer par ces mythes.
07:49 C'est tellement fort qu'il faut trouver un moyen de bien le filmer.
07:51 - Tu vas trouver quelqu'un pour raconter les mecs.
07:53 Tu vas trouver...
07:55 Dans le livre, la description des personnages, elle est folle.
07:57 - C'est un peu comme le "Match to Hangar", quand on dit "il est pâle, il mange pas,
07:59 il est maigre, il est blanc tellement..."
08:01 Les mecs ne voient pas la lumière du jour.
08:02 Ils ne sortent jamais.
08:03 C'est facile de...
08:05 Mais quand tu lis le livre, t'es au cinéma.
08:08 - C'est visuel. - C'est visuel.
08:09 - C'est du sport 16.
08:10 - Les mecs jouent cinq jours d'affilée quand ils font la fameuse partie,
08:14 là où ils sont, ils ne bouffent pas.
08:16 D'ailleurs, cet esprit-là des mecs enfermés,
08:19 on le voit dans le kit de Cincinnati.
08:21 On les a, ces personnages-là.
08:23 Donc, évidemment que c'est faisable.
08:24 Pourquoi personne ne le fait ? Moi, ça me rend fou.
08:25 - Parce que je pense qu'actuellement, il n'y a pas eu un dossier qui a été
08:28 envoyé où il y a un vrai scénar ou quelque chose qui est prenable.
08:32 Moi, je pars du principe.
08:33 Vraiment, Jérôme,
08:34 moi, je me souviens de mon premier documentaire qui a été "Dates Poker".
08:37 D'accord ? Même bien avant d'avoir vu un épisode du WPT sur Canal
08:41 présenté par Patrick Bruel.
08:43 Quand j'ai vu "Dates Poker",
08:45 j'ai pas trouvé un autre documentaire aussi fort que celui-là.
08:49 Pourquoi aujourd'hui ?
08:51 En plus, t'es la personne avec laquelle on peut parler.
08:54 T'as été le réalisateur du documentaire.
08:56 Comment ça se fait qu'aujourd'hui,
08:57 hormis le fait de l'oseille, il n'y a pas eu un autre documentaire
09:00 en rajoutant le "online", en rajoutant toutes ces histoires,
09:02 ces histoires sombres et compagnie.
09:03 Pourquoi il n'y a pas de suite ?
09:05 De 2007 ? - Je suis d'accord.
09:07 Je pense que la chausse-trap dans laquelle tout le monde tombe,
09:10 c'est filmer le jeu en soi.
09:11 On s'en fout.
09:12 - On s'en fout totalement.
09:13 - Il faut rester dans la mythologie.
09:15 - La partie de "Stud" là,
09:17 même moi, je ne connais pas les règles de ça.
09:20 C'est super bien décrit.
09:21 Il y a une carte ouverte, une carte fermée.
09:23 T'as les cinq cartes.
09:24 Ça va, quand le mec, il touche son valet de carreau à la fin,
09:26 n'importe qui est capable de comprendre avec la tension qui est décrite,
09:29 que tu es face à un coup incroyable.
09:33 Et puis surtout, il y a toute la dimension qu'il a,
09:36 encore plus cinématographique et que je verrais très bien dans une série,
09:39 dans les premiers films.
09:40 C'est juste la création de Vegas.
09:43 Alors, OK, le film "Bugsy Seagull" l'a raconté.
09:45 OK, dans "Casino", on a un petit peu également ça.
09:48 - Ouais, tu l'as.
09:49 - Bon, moi, je...
09:51 - Je pense qu'il y a un mélange à faire en plus de "Render".
09:52 - Moi, honnêtement, sur "Bignon" et comment s'appelle l'autre
09:54 qui avait buté quelqu'un avant d'arriver à Vegas ?
09:57 Avec "Bignon", ils sont deux.
09:58 - Il y a "Bignon" et "Johnny Moss" qui sont...
10:00 - Il y a "Johnny Moss", mais il y a...
10:01 - "Bignon", il en a tué deux, dont un en légitime défense.
10:04 - Ah, d'accord.
10:05 - Sans légitime défense.
10:06 - Ah, c'est "Bignon" qui est un quasi avant d'arriver ?
10:08 - Il manque une enquête.
10:09 - C'est pas qu'il est un quasi avant d'arriver.
10:10 - Il arrive à Texas, où il organisait des parties de craps illégales et des parties de Texas, "Hold'em",
10:15 et il arrive dans le Nevada, où on n'a pas le droit de l'arrêter pour des lois fédérales qui étaient un peu différentes.
10:21 Et il décide de créer le plus gros empire du jeu de "Downtown",
10:24 au beau milieu d'une ville qui est tenue par la mafia italienne.
10:26 Donc, il est quand même un Texan chez les rétards.
10:28 - Exactement. Et moi, je vais te dire, mais même dans un des épisodes...
10:32 Savoir, bon d'abord,
10:35 Vegas, cette espèce de ville en plein milieu du désert,
10:37 je crois qu'on mesure pas ce que c'est exactement.
10:40 Et que cette ville ne tienne finalement qu'au barrage Hoover,
10:44 qui est à 40 kilomètres de la ville et que sans ce barrage, Vegas n'existe pas.
10:48 Parce que c'est là où tu pompes toute l'énergie de l'air conditionné.
10:50 Parce que si tu ne l'as pas, tu crèves de chaud à Vegas.
10:53 Parce que c'est la température et les températures sont insoutenables.
10:55 En fait, c'est un endroit où il n'y aurait jamais rien dû avoir, parce que c'est pas vivable.
11:00 Et que donc, que toute la ville ait été construite et ne tienne qu'à ce barrage Hoover,
11:04 qui pompe des millions de kilowatts, sans lesquels tout le projet s'écroule.
11:08 Ça, déjà, ça se raconte.
11:09 Alors justement, Daniel, toi tu dis ça se raconte.
11:11 Je suis entièrement d'accord avec toi.
11:13 Dans une série, tu l'as, tout ça.
11:14 Pourquoi aux Etats-Unis, ils ne l'ont pas fait ?
11:16 Parce que le seul film de poker sur lequel...
11:21 "The Render", aujourd'hui, c'est le film qui...
11:24 Non mais attends, Daniel, attends.
11:25 Moi, je me dis, en plus, à la Mecque du cinéma,
11:28 hormis en Inde, chez les Ricains, ça, ça aurait dû sortir en temps normal.
11:33 Ça aurait dû sortir.
11:34 Oui, il faut une sorte de "Boardwalk Empire", mais de Vegas.
11:36 Exactement.
11:37 Avec vraiment...
11:38 Un bon exemple, "Atlantic City".
11:40 Oui, c'est une super série.
11:41 Parce que dans un film, en fait, t'as trop de trucs.
11:43 Une série, ça te permettrait d'aborder tout.
11:46 Et de t'identifier à chaque personnage.
11:47 Pourquoi Bugsy s'y gueule ?
11:49 OK, sa lutte avec la mafia italo-américaine.
11:52 Pourquoi il se fait buter ?
11:53 Pourquoi, finalement, tout tient à...
11:56 T'imagines, tout tient à l'air conditionné.
11:57 C'est un peu dans le même principe.
11:58 Je ne sais pas si tu connais la série "Les Sopranos".
12:00 Tu vois, les Sopranos, dans le même...
12:02 Toutes les séries servent, de toute façon, à un comparatif.
12:06 En fait, en tout cas, tu peux faire une super histoire.
12:09 C'est tellement pittoresque, cinématographique, que c'est fou.
12:13 Puis les histoires...
12:14 Celle-là, elle n'a rien à voir avec le poker.
12:16 Alors ça, je l'adore.
12:17 Celle-là, tu vas l'adorer.
12:18 Vas-y, envoie.
12:20 En 1980, un homme a débarqué du désert avec deux valises.
12:23 L'une vide et l'autre contenant 777 000 dollars en billets de sang.
12:29 Il a amené les valises à la cage située à l'arrière du casino afin de changer
12:33 ses jolis liasses en jetons, puis, escorté par les agents de sécurité
12:38 des lieux, il a posé ses râques de jetons à une table de craps.
12:40 Il a tout misé sur un seul coup de dé.
12:42 Il a gagné. Il est retourné à la cage avec le double des jetons, a rempli ses
12:46 deux valises de liasses de billets, puis s'en est allé.
12:48 Son seul commentaire a été "Je me suis dit que l'inflation allait me bouffer
12:52 mon capital de toute façon, donc je préférais doubler ou tout perdre d'un coup.
12:55 Il n'est jamais revenu."
12:57 Non, mais ça, c'est une histoire vraie.
12:59 Mais attends, mais même si c'est pas vrai, on s'en fout.
13:02 Mais c'est dingue. Voilà ce que c'est.
13:05 Il a posé ses couilles.
13:05 Excuse-moi de parler comme ça, mais il les a posées.
13:07 C'est au-delà. C'est une histoire de vie.
13:09 Mais il y en a plein.
13:10 Au moins, il a pas tiré à douce.
13:12 Au-delà des personnages, au-delà du jeu, du poker.
13:14 C'est pas possible.
13:15 Il faut faire, c'est pas six épisodes, c'est douze épisodes.
13:18 Et tu fais un truc magnifique.
13:20 Ou six fois cinquante.
13:21 Et puis, c'est un peu cliché, mais c'est une histoire et de l'argent et de l'Amérique.
13:23 C'est ça qui est hyper passionnant.
13:25 Surtout de l'Amérique.
13:26 Un concentré de l'Amérique.
13:28 Je dis toujours, il y a une très bonne définition de Vegas qui est donnée
13:30 bizarrement par un philosophe français qui dit Las Vegas, c'est une oasis inversée.
13:34 C'est à dire qu'on arrive dans le désert, on voit une oasis, on se dit
13:36 Ah ça y est, on va être sauvé.
13:37 Et en fait, ils nous prennent tout et c'est fini.
13:39 Jérôme, toi qui fait partie quand même des prémices sur les documentaires de poker.
13:44 Tu es un expert dans le poker.
13:46 Tu as trois cartes en tant que réalisateur, en tant qu'écrivain, en tant que journaliste.
13:50 Quand tu t'approches des gens comme ça,
13:51 justement, de ces ricains, de tout ce background que tu as.
13:57 Il n'y a pas moyen de sortir un truc.
14:00 Qu'est ce qui te manque exactement ?
14:01 Déjà, je pense que jamais une production française fera ce genre de fiction.
14:05 En tout cas, tu as demandé pour dire que jamais.
14:07 Là, je crois que c'est vraiment...
14:09 Ils font mimimati.
14:10 Je vais te dire, moi c'est les WSOP qui doivent être derrière.
14:13 C'est les WSOP qui doivent faire ça comme une promotion de leur jeu.
14:17 Mais c'est accepté aussi.
14:18 C'est eux qui doivent produire.
14:19 C'est Greg et ses boss.
14:21 C'est eux qui doivent se dire on va faire ça.
14:23 C'est accepter aussi les défauts inhérents,
14:25 les défauts humains qui sont tout à fait normaux, d'ailleurs,
14:27 de ces joueurs de cette époque là.
14:28 Faut pas que ce soit un truc promotionnel.
14:30 Ça peut pas être lisse.
14:32 Il faut dire ce qui était réellement Benny Mignon.
14:34 Il faut dire Johnny Moss, le grec qui a du mort.
14:38 Mario Slim.
14:39 Mario Slim.
14:41 Quand tu vois le film Casino,
14:44 ça représente bien quand le mec triche, il l'attrape, il le défonce.
14:48 Il y a des histoires comme ça, d'ailleurs.
14:50 Bien sûr.
14:50 Il y en a plein.
14:51 Alors quand est-ce que toi aussi, quand tu traduis le bouquin,
14:55 t'es dans la nostalgie de cette époque, mais toi, tu vas à Vegas encore aujourd'hui.
14:58 Tu connais le poker aujourd'hui.
14:59 Tu le suis au quotidien.
15:00 T'es dans l'actu. Cette transformation totale de ce qui est devenu le poker.
15:04 Tu vois encore des points communs avec le passé où tu dis c'est un autre monde complet.
15:07 Alors moi, j'ai arrêté d'aller à Vegas puisque maintenant,
15:10 je travaille principalement pour mes projets de films au Japon.
15:12 Donc c'est un peu différent, mais...
15:13 Une autre ambiance.
15:14 Une autre ambiance.
15:15 Manga, tout ça, non ?
15:16 Non, plutôt culturel, social.
15:19 Mais j'ai arrêté d'aller à Vegas il y a quatre ans.
15:21 Donc juste avant le Covid, si tu veux, la dernière fois.
15:23 Mais à l'époque, il y avait encore cette mythologie.
15:25 Quand tu vois des joueurs, bon, il est décédé récemment,
15:27 mais comme Lane Flack, tu vois des grandes personnalités comme ça qui ont des figures.
15:31 Toi, tu dis que récemment, il y avait des grandes figures.
15:33 Il y avait des mecs, ouais.
15:34 Après, la communication a pris le pas sur l'aventure humaine.
15:37 Donc c'est toujours aussi un peu le problème.
15:38 C'est un peu ce qu'on se disait à l'instant.
15:39 Il faut que la communication, si elle accepte d'être intelligente,
15:43 qu'elle accepte absolument les défauts et de communiquer là-dessus.
15:45 C'est vrai, je suis d'accord avec toi là-dessus.
15:47 Non, d'accord. Mais tu serais pas contre si demain il y avait un projet ?
15:51 Je vais te donner un exemple tout bête.
15:53 Je me disais, tiens, moi je fais du documentaire, pas de la fiction.
15:55 D'accord.
15:55 Je me disais, tiens,
15:56 le seul qui me ferait marrer à suivre en documentaire actuellement,
16:00 il faut, quand tu fais du documentaire, il faut des personnages, il faut une équipe.
16:03 Il est face à toi, c'est ça ?
16:03 Il est face à toi.
16:04 Et moi, c'est Anthony Lelouch.
16:05 Ah bah...
16:06 Tu le prends au Sénégal.
16:07 Ah bah là...
16:08 Mec, il est de 50 kilos et tu l'amènes,
16:10 road to Vegas en faisant toutes les parties high stakes privées.
16:14 Et là, tu lui fais son comeback.
16:15 Donc là, tu peux avoir une histoire, par exemple, parce que tu as une profondeur,
16:17 t'as un personnage.
16:18 Bien évidemment.
16:19 Mais il n'y en a pas tant que ça.
16:20 C'est marrant parce que,
16:22 évidemment, la première différence qu'on peut noter,
16:26 c'est quand tu décris ces fameux joueurs de cette époque et ceux d'aujourd'hui.
16:30 On dit, ils ont le teint blafard, ils ne voient jamais la lumière du jour.
16:35 C'est des mecs qui passent leur vie,
16:37 ils ne sont pas en bonne santé, forcément.
16:39 Alors qu'aujourd'hui,
16:41 t'as l'impression parfois d'avoir des athlètes, les mecs font gaffe à ce qu'ils bouffent.
16:44 Les mecs font, il y a une dimension sportive.
16:46 Et néanmoins,
16:47 tu dis quand même que même à cette époque là,
16:51 pour la plupart des plus grands joueurs professionnels,
16:53 le poker est devenu un substitut du sport.
16:56 Donc, ils avaient déjà cette idée à l'époque que c'était au minimum,
16:59 je crois, comment tu dis l'expression, un sport mental.
17:04 Ouais, alors en fait, ça vient surtout du fait...
17:06 La discipline et la persévérance définissent le poker,
17:08 surtout quand vous affrontez les meilleurs de la partie qui joue sur la durée.
17:11 Grâce à mon passé d'athlète, j'ai ces deux qualités.
17:14 En fait, ça vient du fait que beaucoup des champions de l'époque,
17:17 en fait, c'est des sportifs qui ont été brisés par un accident.
17:19 Dole Brunson, c'est un champion de basket qui a eu un accident.
17:22 C'est lui que je disais.
17:23 Voilà, et Jack Bignon appelle ses professionnels des athlètes mentaux.
17:26 Je cherchais l'expression des athlètes mentaux.
17:28 C'est des marathoniens en plus,
17:30 quand tu fais 40, 50, 60 heures, tu vois.
17:32 Donc, il l'était quelque part à l'époque,
17:33 alors qu'il pouvait être gros, la gueule abîmée.
17:37 Mais mine de rien, c'était quand même fort aussi,
17:39 parce qu'il faisait des journées peut-être plus que maintenant,
17:41 des cinq jours d'affilée, des trucs comme ça.
17:43 Oui, mais c'est un peu des champions de l'extrême.
17:46 Mais quand tu vois des gens comme par exemple David Beniamin,
17:48 qui est une personnalité incroyable, si tu veux, qui est très peu connu.
17:51 Et qui était un grand champion de tennis.
17:52 Et qui était un grand champion de tennis, un grand pianiste, un grand chanteur.
17:55 En fait, tous ces mecs-là, les gens qu'on aime,
17:57 c'est des gens exceptionnels au sens où dès qu'ils font quelque chose,
17:59 ils vont dans l'extrême.
18:00 Surtout qu'ils ont une histoire terrible, il a une histoire terrible.
18:02 Il fallait quelqu'un poursuivre, ça serait aussi...
18:04 Oui, mais il faut qu'il se laisse.
18:06 Qu'on a reçu et qu'effectivement, dans un docu,
18:08 il faut se mettre à nu, un peu comme un livre.
18:10 Voilà.
18:10 Don Brunson dit "J'ai passé un été sans jamais voir le soleil".
18:14 Oh, c'est génial.
18:15 Et c'est ce qu'il fait encore à 89 ans ou 90 ans.
18:18 C'est pas toi qui ferais ça, Daniel.
18:19 "Franchement, c'était humainement impossible
18:21 de jouer plus d'heures que ce que j'ai fait pendant cette décennie.
18:24 Je ne faisais que jouer au poker,
18:25 dormir, manger et parfois passer du temps avec une nana, comme on va à l'épicerie."
18:30 En fait, on parlait du programme de Negreanu, tu sais.
18:34 Il a dit qu'il allait enchaîner pratiquement
18:36 un million de bahine, plus de 80 tournois.
18:39 Donc, il va faire la même chose.
18:40 Enfin, tu me diras, il vit à Vegas.
18:41 Il le faisait, moi, la dernière fois où j'y suis allé, c'était avant le Covid.
18:43 Il avait loué un Harvey, une roulotte Grand Lux.
18:46 Il était dans le parking du Rio.
18:47 Il logeait dans le Harvey.
18:49 Ah ouais ?
18:50 Surtout qu'il a divorcé, donc il peut se faire une main.
18:51 Faut le vouloir, quand même.
18:53 Il y a des phrases que j'adore.
18:56 "On pensait être des petits malins.
18:57 On prenait tous ceux qu'on croisait pour des pigeons.
18:59 Les pigeons avaient du blé, pas nous."
19:01 Putain, j'ai pas reçu le bouquin, ces dégueulasses.
19:04 Franchement, putain.
19:06 C'est génial.
19:07 Dis pas tout, quand même, Daniel.
19:08 Non, mais il y a des passages.
19:10 Le personnage de Nick the Greek, d'Andalos.
19:14 J'adore ce personnage-là.
19:15 Il y a une super scène qui résume bien le poker.
19:18 Je crois que c'est Johnny Moss.
19:19 Il joue contre un ouvrier.
19:21 Il a perdu toute sa paie de plusieurs mois.
19:24 Et il lui doit encore 1200 balles.
19:25 Il dit, écoute, viens avec moi chez moi.
19:27 Je vais te donner tout ce que j'ai à la maison.
19:29 Il arrive, il y a la femme, le nouveau né.
19:32 Et l'ouvrier dit, je suis désolé, j'ai perdu tout ce qu'il y a.
19:35 Où est l'argent liquide ?
19:37 Donc, il lui donne 800 balles.
19:38 Donc, il lui doit toujours 400.
19:39 Et là, il y a Johnny Moss qui voit le sac de la femme.
19:41 Il voit 110 dollars, 101 dollars.
19:44 Et donc, il raconte, j'ai pris les 100, mais je lui ai laissé un.
19:48 Le crevard. Sans pitié.
19:51 Avec la femme et l'enfant et tout ça.
19:53 Ah non, les mecs au jeu, tu prends.
19:55 Surtout à cette époque-là.
19:56 Tu dois prendre, tu prends.
19:58 Comme toi, quand tu seras à Chypre.
19:59 Les mecs, tu vas tout leur prendre.
20:00 Ah bah écoute, si je leur prends tout, je leur laisse rien pour moi.
20:04 Je crois qu'il y a qu'une fois dans Ice Team Spoker,
20:06 où il y a Guy Laliberté qui se retrouve.
20:07 Je ne sais pas si vous venez de se souvenir.
20:08 Oui, avec le coup avec.
20:09 Il se retrouve à tapis où il y a tirage flush max face à Benyamin.
20:13 Et Guy Laliberté a flopé deux paires.
20:15 Voilà. Et ça part à tapis.
20:17 OK, Olly Nicole, il lui dit, écoute, moi, ce coup là, il ne va pas changer ma vie.
20:21 Ben au contraire, mais pour toi, c'est un million au milieu.
20:24 Un million.
20:24 Ah oui, partir de 1,5 millions.
20:25 Mais c'est à dire que c'était la bankroll.
20:26 Il ne restait plus rien.
20:27 Il a dit écoute, reprends et moi, je prends ce qu'il y a dans le pot.
20:31 C'est ça, je prends le pot et toi, reprends ton argent.
20:33 Et moi, ça changera. Et il l'a fait.
20:35 Et c'est sur vidéo.
20:37 Ah ouais, les gars, c'est pour ça que Guy Laliberté est un joueur perdant.
20:41 Ouais, mais je sais pas.
20:42 Non, mais je plaisante. Mais parce qu'il est trop gentil.
20:43 Ouais, mais il est trop gentil.
20:44 Et puis bon, avec le...
20:45 Je trouve ça super à faire humainement, mais au poker, il ne faut pas.

Recommandée