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00:00 Ce sont des choses qu'on a acceptées comme étant faites par un certain nombre de personnes sur la Terre
00:05 qui sont en grande majorité des femmes, alors qu'en fait ce ne sont pas des choses du tout à accepter.
00:11 Elles doivent croire que tout le monde trouve ça naturel qu'elles fassent toutes ces occupations.
00:16 En fait, c'est tout ce qu'il y a de pas naturel, vraiment.
00:19 En 1975, l'actrice Delphine Seyrig évoque son rôle de femme au foyer dans le film
00:24 Jeanne Dielman, 23, qui est du commerce, 10/80 Bruxelles, de la réalisatrice belge Chantal Akerman.
00:30 C'est une nouveauté pour moi, enfin pas seulement pour moi, mais je suis sûre pour beaucoup de spectateurs.
00:34 Ils n'ont jamais vu ce sujet traité. Chantal est la première à l'avoir fait, à mon avis.
00:39 Élue meilleure film de tous les temps par la prestigieuse revue britannique Sight & Sound en 2022,
00:48 le long métrage montre trois jours dans le quotidien d'une Bruxelloise, aliénée par les tâches du quotidien.
00:53 Cette femme vit seule avec son fils, elle est veuve.
00:56 Et depuis la mort de son mari, elle continue exactement à vivre de la même manière comme s'il était là.
01:02 Il n'y a pas obligatoirement la nécessité d'un homme pour que, si vous voulez, on joue son rôle.
01:08 L'ordre symbolique est tellement fort, pour continuer à vivre, elle reçoit des hommes de 5h à 5h30 tous les jours.
01:15 A la fin de la deuxième journée, tout cet univers très organisé va commencer insidieusement à se dérégler.
01:20 Mais Jeanne Dillman, c'est surtout un film pionnier dans la représentation des femmes au cinéma,
01:24 et ce qu'on appelle à l'époque la ménagère.
01:27 On se rend compte qu'une femme au foyer est une femme aussi qui travaille.
01:36 Oui, ça je crois qu'aucune ménagère n'apprendra ça comme une grande nouvelle aujourd'hui, ni dans ce film.
01:40 Non mais les marines ne le savent pas.
01:42 Les marines ne le savent pas, ou du moins ils le savent très bien, mais ils ne veulent pas le savoir.
01:47 C'est ce qui est très différent, je crois que personne ne peut ignorer les besoins de la ménagère.
01:51 Ce qu'il y a dans ce film, c'est qu'on les observe pendant 3h et que ça résume 3 jours.
01:56 La réalisatrice Chantal Ackerman, âgée de 24 ans, a tourné le film en 4 semaines, avec une équipe technique composée de femmes.
02:02 Elle dit s'être inspirée des souvenirs de sa mère à la cuisine.
02:05 J'ai vu des femmes de dos penchées, portant des paquets.
02:09 Un homme n'aurait pas fait ça, je pense.
02:11 Un homme, parce que dès son enfance, on lui apprend que les vraies valeurs ne sont pas là,
02:14 qu'on ne fait pas de l'art avec une femme qui fait la vaisselle.
02:16 Moi, je n'ai pas pris le contreprit consciemment, j'ai fait ce qui m'intéressait et ça donne le résultat de ce film.
02:22 Le film déstabilise le public par sa durée de 3h20 et son rythme lent,
02:26 où chaque acte ménager est réellement accompli devant la caméra.
02:29 Au cinéma, les spectateurs ne s'en rendent pas compte, mais on leur montre quelqu'un qui essuie une assiette,
02:34 et puis on passe à autre chose et les gens sont censés avoir compris qu'on a lavé la vaisselle.
02:39 Et dans ce film-là, non, les choses ont leur réalité complète et elles sont faites complètement.
02:45 Mais c'est aussi une révélation pour Delphine Sérig,
02:47 qui n'avait quasiment tourné jusque-là qu'avec des cinéastes masculins.
02:51 Je me suis aperçue d'abord que je jouais des personnages féminins,
02:54 que donc c'était très agréable d'en parler avec une autre personne du sexe féminin.
02:59 De même que les acteurs, je suppose, aiment bien parler avec des réalisateurs de leurs personnages masculins,
03:05 et que s'ils devaient tourner tout le temps avec des femmes,
03:07 il y a peut-être des moments où ils diront, on dirait, zut, j'aimerais bien parler avec un homme de ce personnage.
03:12 Si le film divise à Cannes, beaucoup de critiques lui reconnaissent son audace
03:17 et la force de son propos a commencé par les critiques du masque et la plume.
03:20 C'est au fond la lutte contre l'angoisse d'une femme qui est toute seule.
03:24 Et quand Nicolas Drabaudi parlait tout à l'heure d'Ellipse,
03:27 eh bien évidemment, mais c'est un parti pris.
03:30 D'habitude au cinéma, on montre que l'étant fort.
03:32 Je voudrais souligner le génie de Delphine Sérig.
03:34 On ne le dira jamais assez, son courage, film après film,
03:38 de jouer des personnages qui ne la mettent pas du tout en valeur avec un maquillage excessif,
03:42 avec un rôle de star.
03:44 Elle est la femme au foyer, dans un foyer froid, dans un pays froid,
03:47 et elle est remarquable.
03:49 ♪ ♪ ♪