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00:00 Ça, ça m'est déjà arrivé.
00:01 Une personne, bien, costard, cravate,
00:04 passe à côté de moi et jette son paquet de cigarettes.
00:06 Je le ramasse, je dis "Monsieur, vous avez perdu quelque chose".
00:08 Il me regarde, il me fait "Vous êtes là pour ça, non ?"
00:10 Qu'est-ce que je peux dire ?
00:12 Bah oui, je suis là pour ça.
00:14 Mais on n'est pas des chiens non plus.
00:16 Je m'appelle Marie, j'ai 49 ans,
00:22 je suis éboueur dans le 19e arrondissement.
00:24 Je suis entrée à la ville en novembre 2013
00:28 et là, je me dirige sur mon canton,
00:30 ma zone de balayage, avec mon roule-sac.
00:32 Chaque personne a son secteur de balayage ou son canton.
00:37 On n'est pas toute la semaine sur une zone de balayage
00:40 puisqu'on a aussi des engins à faire.
00:42 On connaît les gens du quartier, les riverains.
00:45 C'est pour ça que c'est sympa.
00:46 Ça fait un petit peu des habitudes, en fait.
00:50 Ça va ? Vous allez bien ?
00:56 Ça va, tu vas bien ? Bon courage !
00:58 Là, nous arrivons sur ma zone de balayage.
01:01 On a une bouche de lavage ici
01:03 et une bouche de lavage ici,
01:05 que je vais ouvrir pour commencer à balayer
01:07 et à faire mon travail.
01:08 Ça fait novembre 2013,
01:20 donc ça fait 10 ans.
01:22 J'ai passé le concours E-boueur, que j'ai réussi.
01:26 J'étais très content.
01:27 Il n'y a pas de saut métier.
01:28 Moi, c'est un métier qui me plaît.
01:29 C'est vrai qu'au début, je pensais que je n'étais pas capable
01:32 parce que j'ouvrais des meubles.
01:34 Mais après, une fois que j'étais dedans, vraiment, j'étais bien.
01:37 Au grand dam de ma mère qui m'a dit que c'est un métier d'homme,
01:40 c'est autre chose.
01:41 Mais moi, j'ai grandi dans une cité.
01:44 Je n'ai que des frères.
01:45 Je fais de la boxe, je fais du rugby,
01:47 je fais du foot avec mes frères.
01:48 Donc après, c'est bon enfant.
01:51 Tant que c'est sur le ton de l'humour, ça passe.
01:54 Après, ça dépend.
01:55 J'ai entendu vraiment fortement
01:58 les femmes sont le sexe faible,
02:00 les femmes ne savent pas faire ci,
02:01 les femmes ne savent pas faire ça.
02:02 J'ai envie de te dire, accouche.
02:05 Puis après, on en reparlera.
02:06 Il y a des femmes partout, donc je ne vois pas pourquoi
02:10 on n'y arriverait pas.
02:12 Donc là, je viens de finir mon premier trottoir
02:17 et on arrive à la grille sélective.
02:19 Ça récupère toutes les eaux usagées.
02:21 On ne laisse pas tout dans la grille
02:22 parce que ça part directement chez les égoutiers.
02:25 Ce n'est pas très sympa.
02:26 Je vais refermer l'eau
02:27 parce qu'il ne faut pas gaspiller d'eau.
02:29 Il y a eu des moments où,
02:33 toute la période du Covid,
02:34 on n'avait pas trop le choix d'être,
02:36 on va dire, en quarantaine.
02:38 On a beaucoup valorisé les hôpitaux
02:41 et les éboueurs parce que nous, on travaillait.
02:43 C'est seulement en période de crise
02:46 où on voit,
02:47 on va dire, un peu les métiers importants.
02:50 On ne pouvait pas se permettre
02:51 pendant toute la période de quarantaine
02:53 de ne pas ramasser les ordures.
02:55 En sachant que la dernière guêpe
02:56 qui a duré plus de trois semaines
02:58 nous a apporté des rats.
03:00 Après, c'est vrai qu'il y a beaucoup de métiers difficiles,
03:02 mais on fait ce qu'on peut avec ce qu'on a, on va dire.
03:06 On essaie de s'en sentir comme on peut.
03:08 Quand je suis toujours sur la même zone de balayage,
03:18 les gens me voient.
03:19 "Ah, vous êtes là, c'est bien, ça va être propre,
03:20 vous c'est propre et tout."
03:22 J'ai l'impression que le lendemain, je reviens,
03:24 c'est toujours aussi sale comme si je n'avais rien fait.
03:26 On a envie de dire aux gens,
03:34 "Est-ce que vous faites ça chez vous ?"
03:36 Je suis déjà passé par là où
03:38 je ramassais avec ma pince
03:39 et j'ai reçu une bouteille sur la tête.
03:41 Ça, ça m'est déjà arrivé.
03:42 Une personne,
03:43 bien,
03:44 costard, cravate,
03:46 passe à côté de moi et jette son paquet de cigarettes.
03:48 Je le ramasse, je dis, "Monsieur, vous avez perdu quelque chose."
03:51 Il me regarde, il me fait, "Vous êtes là pour ça, non ?"
03:53 Qu'est-ce que je peux dire ?
03:54 Bah oui, je suis là pour ça.
03:56 Mais on n'est pas des chiens non plus.
03:58 C'est comme les petites mamies aussi qui viennent à côté de moi
04:01 et le chien fait caca à mes pieds.
04:02 Je fais, "Madame, vous savez que vous devez ramasser le caca de votre chien ?
04:05 C'est 68 euros d'amende ou 75 euros."
04:08 Elle me fait, "Vous êtes là pour ça ?"
04:09 Qu'est-ce que je peux dire à la petite mamie ?
04:11 [Musique]
04:31 C'est la preuve que non,
04:32 c'est pas trop dur pour une femme.
04:33 C'est ouvert à tout le monde.
04:35 Donc venez, les femmes.
04:36 [Musique]
04:44 Donc là, c'est la laveuse avec le chauffeur.
04:46 Donc la laveuse, il faut faire très attention
04:49 aux passants, aux riverains, à toutes les personnes.
04:51 Allez-y, monsieur, je vous en prie.
04:53 Donc il y a le pistolet.
04:55 C'est à ça qu'il faut faire attention
04:57 parce qu'il y a beaucoup de pression dedans.
04:58 Ça enlève tout ce qui est d'éjection canine,
05:02 les crottes de pigeons
05:04 et tout ce qui s'en suit,
05:06 la poussière, les saletés, voilà.
05:07 Les riverains, les parisiens, sont sympathiques en général.
05:14 Ils se plaignent de la saleté et tout ça.
05:18 J'ai envie de dire, les mégots qui les jettent,
05:19 les crottes de chiens, ça qui ?
05:21 Je rentre à la pause,
05:24 j'enlève la combinaison blanche
05:26 parce que je ne dois pas rentrer avec tous mes microbes
05:28 avec la combinaison.
05:29 Donc je l'enlève.
05:30 Ce n'est pas parce qu'on travaille dans un milieu sale
05:32 qu'on doit être sale.
05:33 Voilà.
05:34 (Rires)
05:36 (Rires)