Chaque année, près de 3 millions de personnes dans le monde trouvent la mort au travail. En Europe, le nombre de morts est à nouveau en augmentation dans la moitié des pays après plusieurs années de baisse. En France, depuis janvier 2023, 92 décès au travail ont été recensés.
Que faire pour arrêter cette hécatombe ? Entretien avec la députée européenne Marina Mesure, du groupe La Gauche, qui lance aujourd'hui un cri d'alarme pour que des mesures soient prises par l'Union européenne contre le fléau de la mort au travail.
Un entretien réalisé par Jean-Jacques Régibier.
Que faire pour arrêter cette hécatombe ? Entretien avec la députée européenne Marina Mesure, du groupe La Gauche, qui lance aujourd'hui un cri d'alarme pour que des mesures soient prises par l'Union européenne contre le fléau de la mort au travail.
Un entretien réalisé par Jean-Jacques Régibier.
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00:00 Bonjour et bienvenue dans cette rencontre au Parlement européen de Strasbourg.
00:03 Chaque année, près de 3 millions de personnes trouvent la mort au travail
00:07 dans le monde, en Europe et en France.
00:09 Également une hécatombe invisible contre laquelle rien n'est suffisamment fait.
00:14 Le groupe La Gauche au Parlement européen lance un cri d'alarme
00:17 et exige que des mesures soient prises contre ce fléau.
00:20 Marine à mesure, bonjour.
00:21 Bonjour.
00:22 Vous êtes à l'initiative de cette alerte sur les morts au travail dans le groupe.
00:27 Bonjour à vous et merci d'être sur ce plateau.
00:29 Je rappelle que vous êtes députée européenne du groupe La Gauche au Parlement européen.
00:33 Alors, l'Europe, on le disait il y a quelques instants,
00:35 directement concernée par ce fléau et les accidents du travail entraînant la mort,
00:39 puisque le nombre de morts au travail en Europe augmente dans la moitié des pays européens.
00:46 Est-ce que vous pourriez nous rappeler un petit peu l'ampleur globale
00:49 de ce phénomène des morts au travail ?
00:51 Oui, déjà qu'effectivement, ce qu'il faut comprendre,
00:53 c'est que l'Union européenne n'a très peu de levier pour agir sur les questions sociales,
00:57 mais sur la question de la santé et sécurité au travail, elle a une compétence.
01:02 Sur les morts au travail, ça se compte par dizaines de milliers au niveau européen,
01:08 comme vous le disiez, 3 millions au niveau international,
01:12 400 millions d'accidents du travail chaque année.
01:15 Donc, c'est un phénomène d'ampleur majeure et un phénomène effectivement qui,
01:19 s'il y a un temps, il y a 10 ans, commençait à décroître,
01:23 maintenant, on retrouve de plus en plus de morts au travail
01:25 au sein de tous les pays de l'Union européenne.
01:27 Nous avions effectivement invité des Italiens qui nous disaient
01:30 3 morts par jour au travail.
01:32 Nous sommes à peu près sur la même proportion en France, de 2 à 3 morts.
01:35 C'est de savoir si on intègre aussi les accidents du travail
01:38 et les maladies professionnelles, puisqu'ils doivent être inclus.
01:41 Donc, effectivement, la situation est catastrophique au sein de l'Union européenne
01:45 et de voir qu'on n'arrive plus à faire baisser les morts au travail,
01:48 mais encore plus, on a une accélération, c'est-à-dire de ces décès
01:53 sur les lieux de travail, c'est catastrophique.
01:55 Alors, ces morts au travail sont documentés avec une relative précision,
02:00 d'abord parce qu'il y a des associations de familles,
02:03 il y a les organisations syndicales, internationales,
02:06 il y a l'OIT, l'Organisation internationale du travail.
02:08 C'est le Bureau du travail.
02:09 Je veux lire à quelle cause, quels sont les secteurs déjà d'activité
02:13 qui sont les plus concernés à l'heure actuelle ?
02:15 Alors, l'un des principaux secteurs touchés, c'est le BTP.
02:19 Donc, tout ce qui est secteur construction,
02:21 mais on peut voir aussi beaucoup de décès dans l'agriculture notamment.
02:26 Donc, BTP, agriculture, industrie, les marins, la pêche
02:32 font aussi partie des secteurs particulièrement touchés.
02:35 Et là, de plus en plus, on retrouve aussi tout ce qui est travailleurs des plateformes aussi.
02:39 Des jeunes qui ont des accidents en vélo notamment.
02:44 Donc, il y a des nouveaux métiers qui n'étaient pas présents il y a quelques années
02:47 et où on retrouve beaucoup de décès liés au travail.
02:51 Alors, il y a des causes évidemment à chaque fois qui sont ponctuelles par nature.
02:54 Mais j'allais dire, qu'est-ce que vous dites des causes structurelles
02:57 qui mènent à cette situation que vous décrivez là,
02:59 qui est une situation dont il faut bien voir la tendance ?
03:02 Je pense que vous insistez là-dessus et c'est extrêmement important
03:05 puisque ça augmente effectivement.
03:07 J'allais dire, quelles sont les causes structurelles finalement,
03:09 puisque vous avez travaillé sur ces questions-là ?
03:12 Les premières causes, moi je viens du BTP.
03:14 Donc, effectivement, le sujet m'intéresse à titre personnel
03:19 parce que pendant des années, on s'est battu dans le secteur de la construction
03:22 sur les morts au travail et le fait de rendre visible cette hécatombe.
03:27 Parce que, et vous le disiez bien en introduction,
03:29 c'est que ces morts au travail sont traitées à 99% du temps comme des faits divers.
03:36 Et ce ne sont pas des faits divers.
03:38 C'est un phénomène social lié à des conditions de travail
03:41 qui entraînent à un moment donné une chute qui peut être mortelle.
03:44 Je dis une chute parce que par exemple, dans les accidents du travail dans le BTP,
03:48 la majorité sont liées à des chutes.
03:50 Et les chutes, c'est quoi ?
03:51 Et bien, quand vous n'avez pas le harnais,
03:52 le harnais parce que votre employeur vous dit "il faut aller plus vite",
03:56 "il faut faire avec moins de personnes",
03:59 et bien à un moment donné, vous mettez votre vie en danger et ça peut être fatal.
04:03 Donc, les conditions, évidemment, les conditions de travail
04:06 sont un des principaux facteurs des morts au travail aujourd'hui.
04:10 Le fait d'avoir moins d'inspections du travail aussi.
04:13 Ça fait, sur les dix dernières années, on a diminué de 6% en France
04:17 le nombre d'inspecteurs du travail,
04:19 ce qui fait que, par rapport justement à l'Organisation internationale du travail,
04:24 on est en dessous de ce qu'elle préconise,
04:26 c'est-à-dire un inspecteur pour 10 000 salariés.
04:29 Aujourd'hui, en France, on est un inspecteur sur 11 000 salariés,
04:32 ce qui est totalement hallucinant.
04:33 Donc, ça veut dire que vous avez de moins en moins d'inspecteurs du travail,
04:35 donc de moins en moins de personnes qui viennent veiller
04:38 à ce que les règles soient respectées sur les chantiers,
04:41 ou évidemment dans l'industrie et dans d'autres secteurs.
04:46 Donc, conditions du travail qui sont déplorables
04:50 et qui continuent effectivement à être de plus en plus problématiques,
04:54 les inspections du travail et le manque de contrôle,
04:56 et aussi toutes les nouvelles maladies professionnelles.
05:01 C'est-à-dire qu'on a eu pendant des années,
05:03 moi j'étais rapporteure notamment sur le secteur de la miente,
05:05 donc on a eu là une directive qui est passée récemment au Parlement,
05:09 où il y a encore 90 000 morts par an au travail,
05:12 et notamment des travailleurs,
05:14 qui sont empoisonnés par cette fibre mortelle.
05:16 Et bien maintenant, vous avez de nouvelles substances cancérigènes
05:21 auxquelles les travailleurs sont exposés au quotidien
05:23 et qui vont provoquer leur mort dans quelques années.
05:25 Donc, il y a aussi tous ces facteurs-là nouveaux qu'il faut reconnaître,
05:29 toutes ces substances nouvelles qu'il va falloir reconnaître.
05:32 Nous, par exemple, on s'était battus pendant de nombreuses années
05:34 pour faire reconnaître le bitume,
05:36 le bitume comme cancérigène, ce qu'on peut comprendre
05:38 quand vous passez à côté de personnes qui sont en train de refaire les routes,
05:42 vous sentez quand même l'odeur, vous sentez l'agressivité du bitume.
05:45 Et pourtant, les travailleurs qui, 8 heures par jour, sont exposés,
05:49 lorsqu'ils déclaraient un cancer,
05:52 ils n'étaient pas reconnus comme maladie professionnelle.
05:55 Pareil dans le bois, dans le secteur du bois aussi,
05:57 vous voyez, il y a vraiment beaucoup de secteurs,
06:00 mais donc ces substances aussi cancérigènes doivent être reconnues.
06:03 Et aujourd'hui, sur les 50, on caractérise à peu près 50 substances
06:07 qui sont reconnues comme cancérigènes,
06:09 mais l'Union Européenne avance seulement sur 27
06:12 qui sont reconnus comme...
06:14 Alors dans certains secteurs particuliers, on en parle, c'est vrai,
06:17 mais globalement, on en parle très peu, mais pour quelles raisons ?
06:20 Alors que c'est un problème social extrêmement important, finalement,
06:23 pour lequel, pour l'instant, on ne voit pas qui s'en sort bien,
06:26 j'allais dire, quel pays s'en sortirait bien ?
06:28 Eh bien, je trouve, c'est en ça que l'initiative que nous avons prise,
06:32 le 2 mai, était importante,
06:33 parce que nous avons réuni les collectifs des victimes,
06:37 donc les familles des victimes.
06:39 Et je pense que c'était un point important,
06:40 parce qu'en fait, lorsqu'il y a un décès,
06:45 la personne, sa famille, ses proches se retrouvent isolés.
06:48 C'est-à-dire, vous avez d'un seul coup énormément de paperas,
06:52 de choses à faire, les procès qui peuvent durer plusieurs années,
06:56 donc c'est une situation terrible à vivre,
06:58 au-delà de perdre, évidemment, un être cher, un être aimé,
07:01 et qui fait que vous vous isolez.
07:03 Et le collectif, c'est-à-dire le fait d'avoir réussi
07:06 à fédérer toutes ces familles qui, dans le deuil, la souffrance,
07:11 ont dit "on va se battre pour qu'il n'y ait plus aucun mort au travail",
07:15 fait en sorte qu'on arrive à visibiliser un peu ce phénomène
07:18 qui, de fait, par le fait qu'il soit singulier au quotidien,
07:23 le rendait, effectivement, le reléguait aux faits divers,
07:25 ceux qu'ils ne sont pas.
07:27 Donc je pense qu'il y a un peu de ça,
07:29 et dans le discours quotidien, c'est-à-dire, c'est la fatalité,
07:34 c'est-à-dire, c'est un accident, c'est malheureux.
07:36 Non, ce n'est pas malheureux.
07:37 Il y a des causes à cet accident,
07:38 et c'est ces causes qui ne sont jamais questionnées.
07:40 Et c'est pour ça que le collectif est déterminant dans cette problématique,
07:45 parce que ça montre l'ampleur du phénomène,
07:47 et que les solutions sont aussi à une échelle globale,
07:51 et pas locale au niveau d'une entreprise.
07:53 Phénomène actuel en plein développement aussi,
07:56 la sous-traitance, par exemple,
07:59 qui met les travailleurs en concurrence entre eux,
08:02 on le voit dans de nombreux domaines,
08:03 de grands domaines économiques à l'heure actuelle.
08:06 Est-ce que ça accentue aussi ce phénomène ?
08:07 Est-ce que c'est une des causes structurelles qu'on peut avancer ?
08:10 Évidemment, et un exemple très concret qui m'avait beaucoup marqué,
08:14 en Belgique, à Anvers, sur un marché public,
08:17 une école s'est écroulée.
08:21 Au moment de l'effondrement, on s'était alors réjouis
08:25 que les 400 étudiants n'étaient pas encore présents,
08:29 sauf qu'il y avait des travailleurs,
08:30 et huit d'entre eux ont perdu la vie lors de cet effondrement.
08:34 Et on s'est rendu compte que sur ce chantier, donc marché public,
08:37 il y avait 22 niveaux de sous-traitance.
08:40 Donc vous imaginez le travailleur qui se retrouve au 21e ou au 22e niveau de sous-traitance,
08:45 quelles sont ses conditions de travail ?
08:47 Quelle est la responsabilité ? Qui est responsable ?
08:50 C'était un exemple que j'ai trouvé très marquant
08:55 pour voir justement l'ampleur du dégât,
08:58 parce que c'est vrai que la sous-traitance dans certains métiers
09:01 est un danger imminent pour les travailleurs.
09:03 Et c'est pour ça d'ailleurs que certains pays ont décidé de réduire
09:05 ou d'interdire la sous-traitance.
09:07 Je pense notamment à l'Espagne,
09:09 qui a diminué à deux le niveau de sous-traitance dans le BTP,
09:12 à l'Allemagne qui, au moment du Covid,
09:14 a décidé de supprimer la sous-traitance dans les abattoirs,
09:17 pour que justement il y ait une plus grande responsabilité
09:19 des donneurs d'ordre avec leurs salariés.
09:22 Donc la sous-traitance, c'est un véritable combat.
09:24 Il doit être interdit dans certains cas de figure, dans certains secteurs,
09:28 et la responsabilité du donneur d'ordre doit être totale.
09:31 C'est-à-dire qu'à partir du moment où on commence un chantier,
09:35 le donneur d'ordre doit être responsable de toutes les personnes
09:37 qui font intervenir sur son chantier.
09:39 En 2021, je crois, la Commission européenne avait lancé un objectif
09:43 "Zéro mort, zéro blessé au travail, horizon 2030", si je ne me trompe.
09:48 Exactement, oui, 2030.
09:50 Ce n'est pas dans longtemps.
09:52 Quel est le résultat de ce qui a été lancé,
09:55 de cet objectif "Zéro mort" lancé par la Commission européenne
09:59 en deux ans ?
10:01 Pour l'instant, le compte n'y est pas.
10:03 C'est la vision "Zéro mort au travail"
10:08 qui aujourd'hui ne prend pas en considération
10:11 notamment les maladies professionnelles.
10:13 Par exemple, ce que j'en parlais récemment,
10:15 tout ce qui est substance toxique qui empoisonne les travailleurs au quotidien,
10:19 ce n'est même pas dans la proposition de la Commission.
10:22 Aujourd'hui, les risques, notamment psychosociaux,
10:28 ne sont pas pris en considération.
10:29 Les températures extrêmes ne sont pas prises en considération.
10:32 Il y avait un vrai débat.
10:33 D'ailleurs, cet été, la Commission européenne nous parlait
10:36 de la plus grosse sécheresse depuis les 500 dernières années,
10:39 donc avec des températures aussi qui ont été des températures records et extrêmes.
10:44 Là, on a vu des travailleurs qui sont morts du fait des températures extrêmes
10:47 et qui vont s'accentuer avec le changement climatique.
10:50 Et là encore, rien n'est proposé par la Commission européenne en ce sens.
10:55 C'est-à-dire, à quel moment un travailleur peut se retirer
10:57 parce que la température ne lui permet pas de travailler en toute sécurité.
11:03 Donc, la Commission a présenté un plan.
11:05 C'était une campagne aussi, notamment la CES avait lancé depuis plusieurs années,
11:10 donc c'est la Confédération européenne des syndicats,
11:12 avait présenté une campagne justement "Zéro mort au travail".
11:15 Beaucoup de syndicats nationaux l'ont fait aussi.
11:18 Mais là, aujourd'hui, ce qui est sur la table n'est pas satisfaisant.
11:20 Et surtout, ce n'est pas seulement les morts au travail,
11:23 c'est zéro accident grave, zéro maladie professionnelle.
11:28 Et donc, on prend une partie de la problématique alors qu'elle est globale.
11:33 - Qu'est-ce que vous proposez, vous, aujourd'hui, avec la gauche ?
11:36 - Les propositions sont au niveau national et aussi au niveau européen.
11:42 Au niveau national, ce que je disais en priorité,
11:45 il y a quand même la question de la santé, de l'inspection du travail.
11:50 Parce que, si vous voulez, les règles, déjà, on peut discuter si les règles sont suffisantes,
11:54 mais il faut absolument qu'il y ait un contrôle de ces règles.
11:57 Donc, on a besoin d'inspecteurs du travail.
11:59 Et ça, c'est au niveau de la Commission européenne, par exemple,
12:02 elle le dit dans sa proposition qu'il faut inverser la tendance,
12:08 c'est-à-dire avoir un peu plus d'inspections du travail que d'habitude,
12:11 mais sans fixer aucun objectif.
12:12 Nous, on dit qu'il faut des objectifs chiffrés,
12:14 il faut qu'on peut se fier notamment aux objectifs qui sont, aujourd'hui,
12:20 déterminés par l'Organisation internationale du travail, comme je le citais tout à l'heure.
12:23 Donc, il faut des objectifs chiffrés du nombre d'inspecteurs du travail
12:26 qu'on doit avoir par salarié dans chaque pays de l'Union européenne.
12:29 Il nous faut des moyens financiers et des moyens humains.
12:32 Ça, c'est la première chose.
12:33 La deuxième chose, c'est évidemment les conditions de travail.
12:35 C'est-à-dire qu'est-ce qu'on impulse au niveau européen
12:39 pour avoir de meilleures conditions de travail ?
12:41 Et ça, c'est évidemment pas en allant sur toujours plus de dumping social,
12:47 c'est-à-dire toujours plus de concurrence des uns envers les autres,
12:49 qu'on va avoir de meilleures conditions de travail
12:51 et qu'on va avoir des travailleurs protégés
12:53 et un environnement de travail sain et sûr.
12:55 Sachant que l'environnement de travail sain et sûr,
12:57 et on ne l'a pas encore mentionné dans la discussion,
12:59 mais c'est un droit fondamental qui a été reconnu le 10 juin 2022
13:03 par l'Organisation internationale du travail.
13:04 Donc, ça doit être garanti à tout.
13:07 Et donc, à partir du moment où c'est un droit fondamental,
13:10 on doit mettre tous les moyens pour qu'il soit garanti.
13:14 Et donc, les conditions de travail, évidemment, en font partie.
13:16 C'est de la Convention des droits de l'homme, on le rappelle.
13:18 Aussi, des socles européens des droits sociaux.
13:20 Dont le Conseil de l'Europe est garant
13:21 et dont tous les pays européens sont signataires.
13:24 Alors, à la suite de ce que vous disiez,
13:27 on entend revenir aujourd'hui en Europe
13:28 l'exigence d'un retour à la rigueur budgétaire.
13:32 Est-ce que ça n'a pas de quoi vous alerter
13:35 en se disant que ce retour, qui va être exigé avec un déficit annuel,
13:39 on le rappelle, des États qui ne doivent pas dépasser le 3% des PIB,
13:42 c'est ce qu'on est en train de voir revenir
13:45 après qu'il y ait eu un lâcher-prise à cause de la crise du Covid ?
13:48 Est-ce que ce n'est pas, justement, ça, incompatible
13:51 avec les améliorations des conditions de travail
13:54 dont vous êtes en train de parler ?
13:55 Mais bien sûr.
13:57 D'abord, parce que l'austérité budgétaire,
13:59 ça va toucher directement aussi à toute l'administration publique.
14:03 On l'a vu à chaque fois qu'il y a eu des cures d'austérité.
14:05 Et donc, justement, aux moyens de contrôle, directement.
14:09 Et évidemment, si l'objectif est toujours de faire le moins-disant social,
14:15 c'est-à-dire toujours aller chercher les économies sur les dos des travailleurs,
14:20 de fait, on va avoir des accidents de plus en plus nombreux.
14:24 Et on parle, encore une fois, on parle des accidents du travail mortel.
14:29 En France, on est à plus de 40 000 incapacités permanentes aussi,
14:34 il y a des accidents.
14:35 Je veux dire, la problématique est là.
14:36 Donc, tout ça pour dire qu'au niveau conditions de travail,
14:40 ça ne va pas s'améliorer lorsqu'on va remettre des règles budgétaires
14:43 qui font en sorte qu'on aille sur l'austérité
14:46 et sur la concurrence des uns vers les autres.
14:48 Donc, moi, je suis convaincue que si on veut porter un projet ambitieux
14:53 sur ces questions de santé et sécurité,
14:55 il faut les remettre au cœur de notre dispositif, au cœur de nos politiques.
14:59 C'est pour ça que, quand je reparlais de droit fondamental,
15:01 ça doit être notre objectif fixé pour les politiques européennes
15:04 et nationales.
15:06 On ne peut plus avoir, je crois que c'était Olivier Dussault
15:09 qui a dit encore il y a un mois,
15:11 "Ah ben, je trouve dommage qu'au XXIème siècle,
15:14 il y ait encore des morts au travail".
15:16 Très bien, donc ce qu'il demande, c'est qu'on lui signale
15:19 qu'il y a un mort au travail en France à chaque instant.
15:24 Non, mais le même gouvernement qui, il y a trois ans avant, quatre ans avant,
15:29 remettait en cause la pénibilité au travail en disant
15:32 "le travail n'est pas pénible".
15:34 Justement, en sucrant des facteurs de pénibilité
15:38 4 sur 10 au niveau des retraites.
15:41 Donc vous voyez, c'est-à-dire le double discours,
15:43 on s'inquiète d'un seul coup des morts au travail,
15:45 mais on n'a rien fait et on a saccagé les CHSCT,
15:48 on fait en sorte qu'il y ait moins d'inspection du travail,
15:50 on a fait en sorte que le travail ne soit plus reconnu comme pénible.
15:54 Donc vous voyez un peu le double discours quand même,
15:56 qui est totalement hallucinant par rapport à la réalité et les drames,
16:00 parce que c'est les drames, ici au Parlement européen,
16:03 ces familles sont venues avec le portrait de leurs enfants,
16:05 c'est des drames, des enfants qui décèdent alors qu'ils avaient 27 ans,
16:10 20 ans, 18 ans, des apprentis aussi, de plus en plus d'apprentis,
16:14 qui décèdent parce qu'ils n'ont pas reçu une formation
16:16 et qui se retrouvent à partir le matin au travail et ne jamais revenir.
16:19 Ce sont des drames terribles.
16:21 Donc tous nos efforts doivent être mis en place pour pallier à ce phénomène,
16:27 c'est un phénomène social, donc il faut un environnement de travail sain et sûr
16:31 qui doit être garanti à tous et toutes.
16:33 Une question à remettre aussi au centre des questions sociales,
16:37 vous prononciez le mot de retraite il y a quelques instants,
16:40 les questions sociales sont sur le devant de la scène en France par exemple.
16:44 Est-ce qu'il vous semble que ça peut avoir une influence au niveau européen ?
16:48 Est-ce que c'est important cette remontée quand même,
16:51 ne serait-ce qu'au niveau d'un pays ?
16:52 On va parler peut-être des autres pays européens,
16:54 puisque vous êtes bien sûr en lien avec vos collègues ici,
16:56 des autres pays européens.
16:59 Est-ce que remettre en avant ces questions sociales,
17:01 vous comme on le fait en France depuis plusieurs mois
17:04 avec les luttes sur les retraites,
17:08 mais sur d'autres points annexes qu'on voit émerger
17:10 dans les manifestations et les revendications,
17:12 est-ce que c'est important ?
17:13 Est-ce que vous sentez que ça pèse quelque part ou pas encore ou pas vraiment ?
17:17 Moi je pense effectivement que ça pèse et ça a commencé avec la question énergétique,
17:23 puisque les premiers mouvements qu'on a vus apparaître dès le mois d'octobre
17:27 dans toute l'Union européenne, et encore une fois,
17:29 plusieurs experts nous ont dit que c'était les plus grands mouvements sociaux
17:33 des 30 dernières années dans l'ensemble des pays de l'Union européenne.
17:36 Donc c'était la question énergétique.
17:37 La question énergétique, c'est la question des salaires,
17:40 c'est la question de...
17:41 Parce que derrière, vous avez la question de l'inflation, de la vie chère,
17:45 et ce qu'on demande, c'est l'augmentation des salaires.
17:48 Donc c'est une question sociale.
17:50 Donc oui, il y a la question sociale au cœur des mobilisations
17:54 aujourd'hui en Europe.
17:55 La question de la santé aussi, qui a été le lieu d'une manifestation monstre à Madrid,
18:00 plus de 600 000 personnes qui se sont mobilisées.
18:03 Donc tout ceci sont des questions sociales qui sont au cœur des mobilisations.
18:06 Nous, effectivement, comme vous l'avez dit,
18:09 on a été mobilisés pendant de nombreux mois sur les retraites.
18:12 Là, j'étais à Marseille samedi, on a fait converger les luttes en disant
18:17 "il faut faire converger toutes les colères",
18:19 c'est-à-dire que ce soit la colère par rapport à cette réforme cruelle
18:23 et injuste du gouvernement, mais aussi celle de l'augmentation
18:27 des prix de l'électricité, que ce soit celle de l'augmentation des denrées alimentaires.
18:32 Quand on sait que dans le même temps, vous avez en France une augmentation
18:36 de 22% des bénéficiaires de l'aide alimentaire en 2023.
18:39 Donc vous voyez que ce sont les questions fondamentales et les questions sociales
18:43 qui sont au cœur aujourd'hui de l'agenda européen dans les mouvements sociaux,
18:47 je veux dire, parce qu'ici, effectivement, il manque à l'agenda.
18:50 C'est ça.
18:51 On a entendu ce matin le chancelier allemand, Lovecholce, qui était ici,
18:54 je ne me souviens pas moi avoir entendu parler.
18:57 Il accorde une grande importance à cette question.
18:59 Non, effectivement, il a balayé d'un revers de la main.
19:02 On a entendu politique commerciale, on a entendu armement
19:07 par rapport à la guerre en Ukraine, mais par contre, la question sociale
19:10 était totalement la grande absente du discours.
19:13 Donc non, ce n'est pas à la hauteur des enjeux.
19:15 Nous avons en ce moment en Europe une telle situation,
19:18 une telle précarité, une telle pauvreté, une telle augmentation des prix
19:22 qui prennent à la gorge des millions de ménages.
19:26 Et derrière, l'Union européenne ne fait rien, ne fait rien, ne propose rien
19:31 qui puisse aider à la dignité.
19:34 C'était une question de dignité humaine.
19:37 Vous lancez un appel, on l'a dit au début, avec le groupe,
19:40 la gauche, au Parlement européen.
19:42 Qu'est-ce que vous en attendez dans l'immédiat ?
19:44 Quelles vont être les prochaines étapes, j'allais dire ?
19:46 L'appel que nous lançons est en lien avec le collectif
19:50 des familles des victimes des morts au travail.
19:54 Ce que nous avons fait, c'est que nous avons lancé cet appel
19:56 à travers des questions écrites, notamment à la Commission européenne
19:59 et une question orale qui va suivre.
20:00 L'idée, c'est évidemment de questionner par rapport à la stratégie,
20:03 à ce qui a été proposé, cette vision zéro où l'Union européenne
20:07 s'engage en 2021 à plus aucun mort au travail.
20:11 Qu'est-ce qu'elle a mis en place depuis 2021 pour faire en sorte
20:15 que ça devienne une réalité et que ça ne soit pas seulement
20:17 encore un exercice de communication ?
20:20 Donc, les questions sont précises, c'est qu'est-ce que vous mettez
20:23 sur la table aujourd'hui pour faire en sorte qu'il n'y ait plus
20:25 un mort au travail au sein de l'Union européenne ?
20:28 Dans les groupes de gauche au Parlement européen,
20:31 vous réussissez à mobiliser sur ce thème ?
20:35 Sur ce sujet, oui. C'est un sujet quand même fédérateur
20:39 dans le sens où tout le monde comprend qu'il y a une terrible réalité
20:42 et qu'il faut s'y atteler. Donc, oui, les différents groupes
20:47 de gauche sont très sensibles sur la question.
20:49 Et c'est pour ça que j'espère qu'on va pouvoir faire un débat
20:52 au sein de l'hémicycle sur cette question-là.
20:53 C'est l'idée de la question orale, puisque effectivement,
20:55 je ne l'ai pas précisé, mais c'est de faire un débat
20:57 au sein de l'hémicycle sur cette question-là et surtout,
21:00 trouver les solutions pour pouvoir pallier à ce fléau.
21:03 Merci, Marine Amesuron, on continuera bien sûr avec vous à suivre
21:07 ce dossier extrêmement important.
21:08 Merci à vous qui nous avez suivis et au revoir à bientôt.
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