• l’année dernière
Elle parle d'une "grève", mais ses mots sonnent comme un départ à la retraite. Dans une lettre adressée à Télérama et publiée ce mardi par l'hebdomadaire, l'actrice Adèle Haenel explique les raisons de sa désertion des plateaux de tournage depuis son coup d'éclat politique aux César il y a trois ans. Elle y accuse notamment le milieu du cinéma de complaisance envers les prédateurs sexuels.

Category

🗞
News
Transcription
00:00 j'ai décidé de politiser mon arrêt du cinéma.
00:03 L'actrice, écœurée par un système qu'elle juge réactionnaire, raciste et patriarcal,
00:10 et oui, c'est pas fini, attendez, où la culture du silence et des apparences prévale.
00:14 Bim ! Alors en fait, Tellerama explique qu'il s'interrogeait sur ce qui était devenu l'actrice
00:19 depuis ce fameux coup d'éclat au César 2020, déjà,
00:23 car depuis ce fameux "on se lève et on se casse" aux côtés de Dépente et Sciamma,
00:27 eh bien, on ne l'avait plus revue.
00:30 Tellerama cherchait donc à savoir si elle était boycottée par les producteurs
00:34 ou si elle avait décidé d'elle-même de se mettre un peu en retrait.
00:38 Pas de réponse, quand soudain, dans la boîte aux lettres de la rédaction,
00:41 un courrier signé de l'actrice, une longue lettre que Tellerama qualifie de "brutale",
00:46 un cri dénonçant, je cite, "la complaisance généralisée du métier vis-à-vis des agresseurs sexuels
00:52 et plus généralement de la manière dont ce milieu collabore", je cite encore,
00:56 "avec l'ordre mortifère, écocide, raciste du monde tel qu'il est".
01:00 Elle tacle cette obsession du monde du cinéma de vouloir rester léger, dit-elle,
01:05 de surtout parler de rien.
01:07 Charge violente, pas vraiment surprenante.
01:10 En revanche, c'est ce que disent les artisans d'autre qui ont toujours connu Adèle Haenel très engagée.
01:14 La dernière fois qu'on a vu l'actrice, c'était en effet fin mars,
01:17 en soutien des salariés de la raffinerie de Gonfreville, très engagée en effet.
01:22 Elle expliquait aux grévistes qu'en tant que lesbienne, en tant que féministe,
01:26 il ne fallait rien attendre du gouvernement, mais créer soi-même des espaces de radicalité.
01:33 "Je suis venue aussi pour dire qu'en tant que féministe, on est bien au courant
01:35 que ce gouvernement en a rien à foutre de nous, qu'il ne s'est rien envoyé des lettres.
01:39 En fait, ce qu'on veut là, c'est imposer un rapport de force
01:41 et c'est ce qui est en train de se jouer ici avec les raffineurs.
01:44 Donc c'est pour ça qu'on est venus et j'espère qu'on sera là en masse
01:47 sur tous les rassemblements, sur tous les points chauds, sur tous les piquets
01:50 pour vous soutenir parce que c'est là que ça va se gagner, dans le rapport de force.
01:53 (Applaudissements)
01:58 - Rapport de force disait-elle, vu des réseaux sociaux pourtant,
02:02 son retrait ressemble plutôt à un coup d'épée dans l'eau.
02:06 - Côté réaction, c'est assez mou en effet.
02:08 Aucune réaction de la part de personnalité du cinéma tricolore,
02:12 aucun commentaire non plus de la ministre de la Culture,
02:14 Ima Abdoulmalak, ce qui fait ricaner cet ancien journaliste.
02:17 Adèle Haenel décide d'arrêter le cinéma.
02:19 Après un instant de stupeur, le cinéma décide de continuer sans elle.
02:24 Aucune réaction non plus de personnalité politique à part Sandrine Rousseau
02:28 qui salue cette colère qui monte, qui monte.
02:30 "Nous gagnerons, nous n'avons pas le choix", assure l'écologiste.
02:34 Des mots peu repris en France, je vous le disais,
02:36 mais qui font en revanche le tour du monde.
02:38 La presse étrangère, elle, reprend les accusations d'Adèle Haenel
02:41 contre les Gérard Depardieu, les Roman Polanski, les Dominique Boutonnat,
02:45 car l'actrice, on le sait, n'hésite pas à lâcher des noms.
02:49 Voilà sans doute pourquoi est-elle passée des tapis rouges.
02:52 Au piqué de grève, c'est une journaliste de Mediapart qui avance un chiffre
02:55 qui, selon elle, résume la situation.
02:57 95% des femmes qui dénoncent des violences dans leur cadre professionnel
03:01 finissent par perdre leur travail ou changer de poste.
03:05 95% parler n'est jamais sans conséquence,
03:09 même quand on s'appelle Adèle Haenel.
03:11 Les médias étrangers mettent en avant cette question des violences sexistes.
03:15 Ils passent sous silence, en revanche, toute la critique anticapitaliste
03:20 qu'elle fait du cinéma.
03:21 - Oui, et qui est pourtant, dans cette lettre, aussi important.
03:23 Pour elle, remplir de vent l'espace médiatique à un but lance-t-elle
03:27 rendre l'ordre bourgeois aussi naturel que le bleu du ciel,
03:30 rendre inaudibles les voix de la résistance.
03:33 Et elle poursuit, face au monopole de la parole et des finances de la bourgeoisie,
03:37 "Je n'ai pas d'autres armes que mon corps et mon intégrité.
03:40 Je vous annule de mon monde.
03:42 Je pars, je me mets en grève.
03:44 Je rejoins mes camarades pour qui la recherche du sens et de la dignité
03:48 prime sur celle de l'argent et du pouvoir."
03:51 Alors s'il y en a qui voulaient tout de même la revoir,
03:53 pour finir sa lettre, Adèle laisse tout de même la porte ouverte
03:56 à des collaborations théâtrales avec Gisèle Vienne,
03:59 notamment qu'elle cite les plateaux de ciné.
04:01 C'est donc fini la scène.
04:02 En revanche, pourquoi pas, si elle permet, dit-elle,
04:04 de retrouver la foi en la puissance de l'art.

Recommandations