Category
📚
ÉducationTranscription
00:00:00 [-C'est une question de la résistance de l'environnement à la nature.]
00:00:04 -Je ne sais pas si je dois m'expliquer sur ma discipline.
00:00:08 En tout cas, je suis chercheur au CNRS
00:00:11 à un laboratoire qui s'appelle
00:00:13 le Centre d'écologie fonctionnelle et évolutive.
00:00:15 Presque dans le titre, il y a déjà ce dont je vais parler,
00:00:18 c'est-à-dire ce qu'on appelle l'écologie évolutive,
00:00:21 c'est-à-dire voir les processus écologiques des organismes,
00:00:25 mais dans une perspective d'adaptation, d'évolution au cours du temps.
00:00:29 Sur le temps long ou sur le temps moins long.
00:00:31 Ce dont je vais vous parler ce soir,
00:00:34 c'est de la sexualité chez les plantes et de son évolution.
00:00:38 Ce qui frappe, je vais vous parler de plantes à fleurs.
00:00:43 C'est une restriction par rapport à ce qu'on pourrait appeler les plantes.
00:00:46 Les fougères sont aussi des plantes, mais je n'en parlerai pas.
00:00:49 Je parlerai d'un groupe qu'on connaît bien,
00:00:51 qui sont les plantes à fleurs,
00:00:53 qui ont émergé il y a à peu près 100 millions d'années
00:00:56 et qui se sont diversifiées pour donner une diversité incroyable.
00:01:02 Ce qui faisait dire à Darwin
00:01:03 que c'était l'abominable mystère à expliquer une telle diversité.
00:01:10 Cette diversité, on la voit quand on se promène dans la campagne,
00:01:15 d'abord par les formes de couleurs,
00:01:17 mais au-delà des formes qu'on peut voir de manière visible,
00:01:21 ça recouvre souvent des types de reproductions sexuées différents.
00:01:28 Je vais donner une limitation à mon travail.
00:01:31 Je ne vais pas parler de reproductions asexuées.
00:01:33 Les plantes font du clonage.
00:01:35 Elles peuvent se reproduire souvent.
00:01:36 Ça ne va pas être mon sujet.
00:01:38 Je ne vais parler que de reproductions sexuées.
00:01:40 Je vais m'inscrire dans une perspective évolutive.
00:01:47 Il faut comprendre que ces stratégies de reproduction sexuée
00:01:51 ont évolué au cours du temps.
00:01:53 Je parle du temps long, puisque là, vous avez l'arbre de la vie.
00:01:57 Il y a 3 ou 4 milliards d'années.
00:02:03 Ce dont on va parler, c'est de ce petit morceau, les plantes,
00:02:06 qui, à l'échelle de l'arbre de la vie, ont évolué très récemment.
00:02:11 Mais pour comprendre comment ça s'est mis en place,
00:02:15 il faut avoir cette perspective.
00:02:16 Je parle d'évolution sur le temps long.
00:02:19 Nous vous montrons l'arbre de l'évolution.
00:02:21 Il faut savoir que l'évolution peut évoluer sur des temps plus courts.
00:02:26 C'est ce qui se passe dans le cadre de l'agriculture
00:02:29 et de la domestication des espèces.
00:02:31 Vous avez ici un exemple.
00:02:33 À partir d'une espèce sauvage, un chou sauvage, Brassica oleracea,
00:02:37 on peut sélectionner...
00:02:39 Là, c'est de la sélection dirigée.
00:02:41 On choisit les caractères qu'on veut,
00:02:44 des bourgeons terminaux, ça va donner ce chou.
00:02:49 Des bourgeons latéraux, ça va donner le chou de Bruxelles.
00:02:52 En centaines de générations, on peut faire évoluer toutes ces formes.
00:02:57 On n'est pas dans des variations très importantes
00:03:00 par rapport à l'arbre de la vie,
00:03:02 mais on voit qu'on peut morphologiquement
00:03:05 se diversifier assez rapidement.
00:03:09 Je vais m'expliquer sur pourquoi adopter une perspective évolutive
00:03:16 sur ces questions.
00:03:18 L'évolution nous donne une logique pour comprendre le vivant.
00:03:21 Il y a une phrase célèbre d'un généticien américain qui dit,
00:03:27 je vais vous la faire en français,
00:03:28 "Rien n'a de sens en biologie,
00:03:30 dans ce qu'on voit en biologie, dans les formes, les structures,
00:03:35 si ce n'est à la lumière de l'évolution."
00:03:38 On ne peut comprendre comment les choses se sont mises en place
00:03:40 que si on regarde les choses d'un point de vue évolutif.
00:03:42 Je voudrais vous donner un exemple à ce propos.
00:03:49 Darwin, qui a été un grand explorateur,
00:03:52 trouve à Madagascar une orchidée,
00:03:56 qu'on va appeler l'orchidée de Darwin, même si elle porte un nom latin,
00:03:59 avec un éperon extrêmement long.
00:04:02 L'éperon, c'est le nectar, en général, pour les pollinisateurs.
00:04:06 22 cm.
00:04:07 Il voit ça et il se dit,
00:04:10 je pense, je fais l'hypothèse qu'il y a un pollinisateur,
00:04:14 et même un papillon,
00:04:15 il avait repéré que les odeurs ressemblaient à celles des papillons de nuit.
00:04:20 Je fais l'hypothèse qu'il existe un papillon avec une très grande trompe,
00:04:24 mais il ne l'avait pas vu.
00:04:25 Et 40 ans plus tard, ce sphinx de Darwin,
00:04:29 on peut l'appeler aussi, a été trouvé à Madagascar.
00:04:33 C'est pour vous expliquer que si on voit cet éperon
00:04:38 sans se poser la question de comment il a évolué,
00:04:42 avec quoi il est relié, etc.,
00:04:45 on ne comprend pas trop ce qui se passe.
00:04:47 Si on voit que c'est dans une logique de coévolution avec le pollinisateur,
00:04:51 que petit à petit, la fleur a fait évoluer un long éperon
00:04:58 en même temps que le pollinisateur a eu une trompe qui était longue,
00:05:03 on comprend mieux ce qui se passe.
00:05:05 Quand on parle d'évolution,
00:05:08 on fait référence à la théorie darwinienne,
00:05:11 qui a eu plusieurs raffinements depuis,
00:05:15 la théorie synthétique de l'évolution,
00:05:17 mais ça reprend les mêmes principes que Darwin a définis
00:05:20 dans son livre sur l'origine des espèces.
00:05:24 Et ce que dit Darwin, c'est assez simple, une fois qu'on a bien en tête,
00:05:28 c'est qu'il existe des variations sur les populations.
00:05:31 Il y a des petits, des grands, toutes sortes de variations.
00:05:36 Certains traits peuvent présenter un avantage en termes de survie
00:05:40 ou en termes de nombre de descendants, c'est la sélection naturelle.
00:05:44 Par exemple, je parle de petit et grand.
00:05:46 Peut-être que être petit peut être avantageux
00:05:48 quand on est dans une situation avec des prédateurs,
00:05:51 parce que ça permet de se cacher, pour un animal.
00:05:54 Peut-être que être gros peut être intéressant dans des cas de disette
00:05:58 ou des périodes où la nourriture n'est pas abondante.
00:06:01 Tout cela est contexte dépendant, il n'y a pas d'absolu dans ces choses-là.
00:06:05 Et si ces traits sont en partie héritables,
00:06:09 ça veut dire que si les parents grands font des descendants plus grands
00:06:12 que les parents petits, des descendants plus petits,
00:06:16 au fur et à mesure des générations, les traits vont changer dans la population.
00:06:22 Cette sélection naturelle, c'était la position de Darwin,
00:06:25 on y reviendra au cours de l'exposé,
00:06:27 cette sélection naturelle,
00:06:29 qui s'opère sur d'innombrables générations successives,
00:06:33 est à l'origine de changements longs et continus dans les populations.
00:06:37 L'idée de Darwin, c'est que c'était très lent,
00:06:39 que tout ça prenait beaucoup de temps.
00:06:41 Pour revenir à nos plantes à fleurs,
00:06:49 une fois cette parenthèse faite sur la nécessité de regarder les choses
00:06:53 d'un point de vue évolutif,
00:06:55 la première question qu'on peut se poser,
00:06:57 c'est comment décrire un système de reproduction chez les plantes ?
00:07:00 C'est assez simple.
00:07:03 On sait que dans la reproduction sexuelle, il y a des mâles et des femelles.
00:07:07 On fait toutes les combinaisons possibles,
00:07:10 et ce que je dis n'est presque pas un mensonge,
00:07:14 on combine les mâles et les femelles à l'intérieur des individus,
00:07:17 on les sépare ou on met des mâles et des femelles
00:07:21 et des mâles sur d'autres individus,
00:07:24 et on trouve en général cette situation dans la nature.
00:07:26 Autrement dit, il y a une diversité chez les plantes à fleurs qui est énorme
00:07:33 et qui est presque la combinaison de tous les cas possibles.
00:07:36 La question des systèmes de reproduction
00:07:39 revient à se poser de la question
00:07:41 de comment se répartissent les sexes, mâles et femelles,
00:07:44 au sein des individus.
00:07:45 On va faire une petite...
00:07:50 Ce n'est pas encore le printemps, mais on peut déjà...
00:07:53 Voici une espèce fréquente dans la région parisienne au printemps,
00:07:58 qui, si on la regarde de près,
00:08:01 à gauche, on n'a pas tout à fait la même structure qu'à droite.
00:08:07 Ici, on a un pistil, organe femelle,
00:08:12 et ici, on a des étamines, organes mâles, qui vont donner le pollen.
00:08:17 C'est tout simple, on est dans un cas où on a des mâles et des femelles.
00:08:21 Cette espèce, Silene dioïca, vous allez voir,
00:08:26 c'est ce qui définit le fait d'avoir des mâles et des femelles.
00:08:32 Et si on regarde une espèce très proche,
00:08:35 qui lui ressemble beaucoup,
00:08:38 non, ce n'est pas celle-là,
00:08:39 Silene vulgaris,
00:08:41 elle est hermaphrodite.
00:08:43 C'est-à-dire que dans la fleur,
00:08:46 on a la fonction mâle et la fonction femelle, la même fleur.
00:08:51 Évidemment, on y reviendra longuement.
00:08:54 Dès qu'on a cette situation,
00:08:57 on peut s'attendre à ce que la plante se reproduise toute seule.
00:09:00 Puisqu'elle a les organes mâles et les organes femelles,
00:09:03 il n'y a pas d'impossibilité.
00:09:05 Mais on a encore d'autres situations. Je ne vais pas toutes les décrire.
00:09:09 Une situation très commune, chez nous, dans le sud de la France,
00:09:13 le thym dans la garigue.
00:09:15 Si on observe une fleur de thym,
00:09:20 enfin, des fleurs de thym,
00:09:22 ce qu'on a à gauche, par exemple, on voit une corolle,
00:09:25 a priori, on ne voit rien dedans.
00:09:28 Si on regarde bien et qu'on dissèque la fleur,
00:09:30 on va trouver un pistil.
00:09:31 Et là, on voit des étamines qui sortent.
00:09:34 Mais ces plantes ont aussi un pistil.
00:09:36 On est donc en présence de pieds hermaphrodites,
00:09:39 de plantes hermaphrodites, mâles-femelles,
00:09:42 et de pieds femelles tout seuls.
00:09:45 Voilà.
00:09:46 Ça a été beaucoup étudié,
00:09:49 notamment dans mon laboratoire, dans les années 80.
00:09:52 Moins maintenant.
00:09:53 Évidemment, on peut aussi avoir la situation symétrique.
00:09:57 Je prends souvent des exemples du sud de la France,
00:10:02 car en général, les laboratoires,
00:10:04 quand ils cherchent des modèles biologiques à travailler,
00:10:06 ils vont proche du laboratoire.
00:10:08 Tout ça, ça pousse dans la région méditerranéenne.
00:10:11 Il s'agit d'un arbre, la phylaire, de la famille des oliviers.
00:10:16 C'est très proche des oliviers.
00:10:18 Là, on voit, si on regarde les individus, les arbres,
00:10:23 on a des...
00:10:25 Il faut regarder les fleurs précisément, elles sont petites.
00:10:28 On a des fleurs,
00:10:30 des arbres qui ne portent que les organes mâles,
00:10:35 avec une absence de stigmates, d'absence de fonction femelle,
00:10:38 et d'autres individus, d'autres arbres,
00:10:41 qui ont à la fois des stigmates et des étamines.
00:10:44 C'est le cas symétrique du thyme.
00:10:48 Mâle et hermaphrodite. C'est un cas très rare.
00:10:50 Je ne sais pas si on en parlera plus tard,
00:10:53 mais c'est un cas énigmatique pendant longtemps.
00:10:55 On ne comprenait pas comment ça pouvait marcher,
00:10:57 pour des raisons que je vais exposer.
00:10:59 Retenez que c'est un cas très rare dans la nature.
00:11:02 Mais ça ne s'arrête pas là.
00:11:05 Je reviens sur les hermaphrodites.
00:11:07 La majorité des plantes sont hermaphrodites.
00:11:10 Si on va sur la pelouse et qu'on cueille une fleur,
00:11:13 j'ai vu qu'il y avait des véroniques.
00:11:15 Ça, c'est hermaphrodite.
00:11:16 La majorité des plantes sont hermaphrodites sous nos latitudes.
00:11:20 Même chez les hermaphrodites, on peut voir beaucoup de variations.
00:11:24 Là, vous avez le cas du sénson, le sénson vulgaire.
00:11:28 Et une autre espèce du même genre, donc proche,
00:11:33 qu'on voit tout de suite à l'œil nu
00:11:36 que ce n'est pas morphologiquement la même chose.
00:11:39 Si on réfléchit un peu encore
00:11:43 avec cette idée d'adaptation, d'évolution en tête,
00:11:48 on se dit que ça doit attirer plus les pollinisateurs que ça.
00:11:51 Et c'est effectivement le cas.
00:11:53 Là, on a le cas d'une espèce
00:11:56 dont les pétales de fleurs ont complètement régressé
00:12:01 et pratiquent quasiment exclusivement l'autofécondation.
00:12:05 Elle a des fleurs hermaphrodites,
00:12:06 elle est capable de féconder ses propres ovules,
00:12:08 donc elle fait des graines comme ça.
00:12:11 Quant à elle, elle pratique exclusivement l'allofécondation
00:12:14 avec un cas particulier,
00:12:16 c'est que l'autofécondation est impossible.
00:12:19 Il y a un mécanisme génétique qui fait que le pollen ne peut pas germer
00:12:22 sur la fonction femelle du même individu.
00:12:28 C'est un cas assez connu d'empêchement de l'autofécondation.
00:12:36 Je voulais illustrer avec le sénson.
00:12:41 On retrouve ces choses-là chez plein d'espèces et plein de genres.
00:12:46 Ici, chez le cyclamène, de la même manière,
00:12:48 on a des corolles très claires chez le cyclamène baléaricum,
00:12:56 alors qu'on a une corolle très colorée chez le cyclamène répandum.
00:13:01 Si on regarde ce qui se passe,
00:13:03 notamment si on s'intéresse aux visites des pollinisateurs,
00:13:06 on voit que celui-là attire beaucoup plus,
00:13:08 celui-là se croise avec ses congénères,
00:13:11 alors que celui-là s'autoféconde plus.
00:13:14 Il faut faire attention...
00:13:18 Je vous ai donné des exemples pédagogiques
00:13:22 en lien avec les pollinisateurs,
00:13:24 mais on a aussi des fleurs qui ne sont pas colorées du tout
00:13:28 et qui pourtant pratiquent beaucoup d'allofécondation.
00:13:31 C'est le cas de l'ambroisie.
00:13:34 L'ambroisie, à Paris, je pense qu'elle est présente.
00:13:37 C'est une plante invasive, notamment en Rhône-Alpes,
00:13:40 qui cause des problèmes d'allergie importants.
00:13:42 Si elle cause des problèmes d'allergie,
00:13:44 c'est justement qu'elle envoie beaucoup de pollen pour polliniser ses voisins.
00:13:48 C'est un cas de plantes pollinisées par le vent.
00:13:51 Il n'y a pas de structure pour attirer les pollinisateurs.
00:13:53 La stratégie pour pratiquer l'allofécondation,
00:13:56 ça va être d'inonder de pollen les voisins.
00:14:02 Tout ça pour dire qu'on a vu la pollinisation par les insectes ou par le vent,
00:14:06 mais il existe de nombreux modes de transfert du pollen.
00:14:12 Les insectes en sont un majeur.
00:14:14 Je reviens sur les hermaphrodites,
00:14:19 qui sont quand même les espèces majoritaires chez les plantes.
00:14:24 Lorsqu'on regarde, par exemple, ce groupe d'espèces,
00:14:29 il s'agit d'un groupe de petites plantes californiennes de la famille des bourraches.
00:14:35 Ici, on a des bourraches.
00:14:36 Les bourraches sont mauves, les bourraches californiennes sont oranges.
00:14:40 Quand on reconstruit l'ensemble de l'évolution de ces espèces,
00:14:47 on voit en noir les espèces qui se croisent,
00:14:54 qui sont allogames, qui se croisent avec leurs voisins, leurs voisines.
00:14:58 Et en gris, les espèces autogames, qui pratiquent l'autofécondation,
00:15:02 qui se reproduisent toutes seules.
00:15:03 C'est ce que vous avez sur la photo.
00:15:05 Vous avez des grosses fleurs qui se reproduisent par allofécondation,
00:15:09 et des petites fleurs, car ça ne vaut plus le coup d'investir dans les grosses fleurs
00:15:13 lorsqu'on fait de l'autofécondation.
00:15:16 Ce qu'on voit, c'est que c'est souvent ce qu'on appelle en bout de branche,
00:15:23 c'est-à-dire, vous avez le temps ici,
00:15:27 l'ancêtre est très ancien,
00:15:29 et on voit que l'ancêtre était noir, allogame,
00:15:33 mais que de manière récurrente, on voit évoluer des espèces autogames.
00:15:41 C'est ce qui a fait dire à un grand botaniste, Stebbins,
00:15:47 que les espèces autogames, à l'échelle de l'évolution,
00:15:51 n'ont jamais des avenirs très longs.
00:15:53 Ça a été montré mieux récemment.
00:15:56 Très souvent, ce qui perdure sur le long terme, c'est les stratégies allogames.
00:16:03 Pour finir sur la classification,
00:16:09 on prend des sexes, on les met dans les mêmes individus,
00:16:14 dans des individus séparés,
00:16:16 et on trouve toutes les situations.
00:16:19 Il y a une bonne manière de classer les systèmes de reproduction chez les plantes.
00:16:25 Soit on a un seul type d'individus,
00:16:27 tous les individus sont pareils dans une population de plantes,
00:16:31 soit on en a deux, ou plusieurs.
00:16:33 En général, deux.
00:16:35 Deux, c'est évidemment le cas du thym,
00:16:37 puisqu'on a vu qu'il y avait des hermaphrodites,
00:16:43 des hermaphrodites ici, et des femelles.
00:16:48 Ça va correspondre à ce qu'on appelle dans un terme barbare
00:16:51 la gynodioïsie, en anglais.
00:16:54 Mais on peut aussi avoir des mâles et des femelles,
00:16:56 comme on l'a vu pour le silène.
00:16:58 Le cas symétrique de la gynodioïsie avec des mâles et des hermaphrodites,
00:17:03 c'est l'androdioïsie, notre filaire, l'espèce proche de l'olivier.
00:17:08 Dans le cas où on a un seul type d'individus par population,
00:17:15 le cas le plus fréquent, c'est le cas hermaphrodite,
00:17:17 où dans les fleurs, on a des organes mâles et des organes femelles.
00:17:21 Un cas qui n'est pas très différent de l'hermaphrodisme,
00:17:25 c'est la monoïsie.
00:17:26 C'est le cas où les individus portent des fleurs mâles et femelles,
00:17:30 mais sur des fleurs différentes.
00:17:33 Il n'empêche que l'individu porte les deux.
00:17:35 Et des cas plus anecdotiques,
00:17:37 où on a des fleurs hermaphrodites avec des mâles
00:17:42 ou des fleurs hermaphrodites avec des femelles.
00:17:45 Pour vous donner une idée des différentes proportions,
00:17:50 ça va varier suivant le recensement sous les tropiques,
00:17:54 dans la toundra ou sous des régions tempérées.
00:17:57 Ça, c'est des proportions sur des fleurs tempérées.
00:18:05 On voit que la majorité des espèces qu'on rencontre,
00:18:09 72 %, parfois 75-80 %, sont hermaphrodites.
00:18:15 La monoïsie, ça correspond au maïs.
00:18:19 Le maïs ou l'espèce sauvage maïs,
00:18:21 qui a des fleurs femelles et des fleurs mâles sur le même pied.
00:18:26 Andromonoïsie, c'est les cas plus anecdotiques.
00:18:31 Et les cas...
00:18:33 L'adioïsie, le cas silène mâle-femelle, 4 %,
00:18:37 le type teint, gynodioïsie, 7 %,
00:18:41 et l'androdioïsie, c'est très rare, c'est beaucoup moins de 1 %,
00:18:46 de l'ordre de 0-1 %.
00:18:48 D'ailleurs, on aura le temps d'y revenir à la fin de l'exposé,
00:18:52 parce que ça a été un peu une énigme, ce cas.
00:18:55 Ça l'est toujours, mais quelques cas ont été résolus.
00:18:59 Pour vous donner quelques repères
00:19:03 sur l'évolution de la pensée sur ces questions-là,
00:19:06 dans les sciences botaniques,
00:19:11 peut-être que la première approche
00:19:16 des systèmes de reproduction chez les plantes,
00:19:21 on peut la faire remonter à l'inné.
00:19:23 C'est celui qui a introduit la classification linéenne.
00:19:26 Quand on parle de l'espèce homme, c'est Homo sapiens,
00:19:30 un nom de genre, Homo sapiens, un nom d'espèce.
00:19:34 Il y a Homo erectus, qui est disparu, qui était une autre espèce.
00:19:38 C'est lui qui a défini ce système de classification.
00:19:44 Dans ce système de classification,
00:19:46 l'un des critères de description, c'est le système de reproduction,
00:19:49 comme on l'a vu avec le Silène, Silène dioïca.
00:19:52 Là, c'était une première approche de ces questions-là.
00:19:59 Mais là, il n'y avait pas de vision d'évolution.
00:20:02 C'était une vision très statique...
00:20:07 des systèmes.
00:20:08 Évidemment, Darwin a fourni la première interprétation...
00:20:16 Il y a débat.
00:20:18 Très clairement, Darwin a fourni une interprétation évolutive
00:20:25 de ces questions-là.
00:20:26 Il a consacré trois livres aux questions des plantes
00:20:31 et des systèmes de reproduction.
00:20:33 Sur les orchidées et les insectes correspondants qu'il hyponisait.
00:20:40 C'est quelque chose qui l'a toujours fasciné.
00:20:42 Le fait qu'on ait un insecte spécifique d'une orchidée.
00:20:46 Un deuxième livre, pas très connu, mais très intéressant,
00:20:50 "The effect of cross and self-fertilization
00:20:53 in the vegetable kingdom".
00:20:54 Là, c'est un livre qui rapporte des résultats d'expérience
00:21:03 où les gens qui travaillaient avec Darwin
00:21:05 ont fait des croisements expérimentaux
00:21:07 en faisant des autofécondations ou des allofécondations.
00:21:10 Ils ont regardé ce que donnaient les produits de ça.
00:21:13 C'était connu avant lui, mais il l'a un peu systématisé.
00:21:18 Il a vu qu'en général, la consanguinité n'est pas très bonne.
00:21:22 Les performances des individus issus de croissements consanguins
00:21:25 sont toujours plus faibles.
00:21:26 C'est une règle générale.
00:21:28 L'amplitude va être plus ou moins forte,
00:21:31 mais les performances sont toujours plus faibles
00:21:33 que dans un cas de croissement allogament.
00:21:37 Ça a amené à une notion très importante
00:21:41 dans la compréhension qu'on a de l'évolution des systèmes de reproduction.
00:21:48 Pourquoi on fait de l'autofécondation ou pas ?
00:21:50 Il y a une bonne raison de ne pas en faire.
00:21:52 Les produits d'autofécondation sont en général moins bons.
00:21:59 C'est clairement une force qui va s'opposer à l'évolution de l'autofécondation.
00:22:03 Dans la vision de Darwin,
00:22:06 il y avait cette idée que l'autofécondation était désavantageuse.
00:22:10 Mais il y voyait le fait que quand les pollinisateurs étaient là,
00:22:17 la reproduction croisée, soit par des mâles femelles,
00:22:24 soit par des hermaphrodites qui se croisent entre eux,
00:22:27 était la meilleure solution.
00:22:29 Son interprétation, pour interpréter les plantes qui faisaient de l'autofécondation,
00:22:35 c'était de dire que les pollinisateurs n'étaient pas là,
00:22:38 ou qu'il n'y en avait pas beaucoup.
00:22:39 C'est mieux que rien. C'était l'argument.
00:22:41 Le dernier livre de Darwin sur la question
00:22:44 parle de différentes formes de fleurs au sein des espèces.
00:22:49 Ça rejoint ce dont on a parlé avec le thym, par exemple,
00:22:55 où on a des femelles et des hermaphrodites.
00:22:57 Ça peut être bien d'autres choses.
00:22:59 La dernière étape, qui est très importante
00:23:02 et sur laquelle je vais peut-être insister plus dans mon exposé,
00:23:05 c'est ce qu'a apporté la génétique des populations
00:23:10 à la compréhension de ces systèmes-là.
00:23:12 Jusqu'à avant Fischer,
00:23:15 Ronald Fischer, un généticien américain,
00:23:18 on avait une vision de l'évolution de ces systèmes-là
00:23:24 basée sur la pollinisation,
00:23:26 le pollinisateur est là, etc.
00:23:27 Là, Fischer a complètement changé la logique
00:23:30 en voyant les systèmes de reproduction
00:23:33 d'abord comme une règle de transmission des gènes.
00:23:36 Vous allez voir que ça change la perspective.
00:23:39 Une fois qu'on voit les choses comme ça,
00:23:41 on va comprendre que la stratégie qui va s'imposer,
00:23:44 le trait qui va s'imposer,
00:23:46 c'est celui qui a la meilleure transmission de gènes.
00:23:50 C'est un peu différent de le voir comme ça.
00:23:53 Je vais vous le montrer sur des exemples.
00:23:57 Alors...
00:23:58 Je vais vanter mon domaine.
00:24:01 L'évolution des systèmes de reproduction chez les plantes,
00:24:05 on a fait ça chez les animaux aussi,
00:24:07 il y a quelque chose d'intéressant dans la pratique scientifique.
00:24:11 D'abord, on a une tradition naturaliste ancienne.
00:24:15 On connaît plein de choses sur les fleurs.
00:24:17 Plein de botanistes ont décrit des formes de fleurs, des variations.
00:24:23 On sait, sur le terrain, comment sont ces systèmes de reproduction.
00:24:29 Par ailleurs, avec les techniques moléculaires récentes,
00:24:32 on est capable d'estimer un taux d'autofécondation
00:24:35 réalisé dans une population.
00:24:36 Comment on fait ?
00:24:38 On a des gènes marqueurs,
00:24:40 on regarde si les descendants portent les deux gènes du parent,
00:24:43 ou s'ils portent un gène du parent et un gène de l'autre,
00:24:45 auquel cas c'est forcément une reproduction croisée.
00:24:48 On est capable d'aller assez précisément
00:24:51 dans ce qui se passe sur le terrain.
00:24:53 Ensuite, c'est ancré dans une activité théorique forte de la discipline.
00:24:59 Je vous ai parlé du fait que la consanguinité était en général mauvaise
00:25:04 pour s'opposer à l'évolution de l'autofécondation.
00:25:09 Mais les effets délétères de la consanguinité vont bien au-delà de tout ça.
00:25:13 C'est un thème majeur dans les questions d'évolution.
00:25:15 Pourquoi il faut disperser, pourquoi il ne faut pas disperser, etc.
00:25:20 Cette thématique-là,
00:25:25 qui a été soulevée par les questions des gènes de reproduction,
00:25:27 a essaimé dans plein d'autres domaines.
00:25:29 C'est quelque chose que je vais vous illustrer tout à l'heure.
00:25:33 C'est au cœur de questions importantes,
00:25:37 la notion de conflit génétique.
00:25:38 Dit comme ça, c'est un peu barbare.
00:25:42 Je vais vous donner un exemple
00:25:45 où on montre que la transmission des gènes peut être en conflit,
00:25:51 suivant le mâle et la femelle.
00:25:53 Enfin, c'est un domaine...
00:25:57 Dans nos domaines, on aime bien les maths.
00:25:59 On est des biologistes, mais on aime bien mettre en équation.
00:26:03 Il y a beaucoup de formalisme mathématique.
00:26:06 Et beaucoup d'aller-retour.
00:26:08 L'intérêt lié à cette tradition naturaliste ancienne,
00:26:11 c'est qu'on peut faire des aller-retours entre les données et les modèles.
00:26:15 Il y a une vraie démarche expérimentale.
00:26:18 Je fais une distinction entre ce qu'on voit sur le terrain
00:26:20 et la démarche expérimentale, quand on manipule.
00:26:23 Dans ces systèmes, on est capable de faire des croisements.
00:26:26 On peut cultiver des plantes dans une serre, dans un terrain, etc.
00:26:32 Et croiser la plante A avec la plante B.
00:26:34 On sait faire, c'est facile.
00:26:35 On prend du pollen, on le met sur la fleur qu'on veut polliniser.
00:26:43 Enfin, il y a un domaine d'application important à ces questions-là.
00:26:46 C'est tout ce qui relève de l'amélioration variétale des plantes en agriculture.
00:26:50 Maintenant, on va se poser la question de comment comprendre...
00:27:00 Je vais adopter le point de vue fichierien,
00:27:04 le point de vue génétique des populations.
00:27:06 Comment comprendre la diversité des systèmes de reproduction ?
00:27:10 Finalement, comprendre la diversité des systèmes de reproduction,
00:27:14 ça revient à étudier pourquoi certaines fleurs n'ont pas d'étamines,
00:27:18 pourquoi il y en a qui ont des étamines et un stigmate,
00:27:21 pourquoi il y a plusieurs types d'individus dans les populations,
00:27:24 pourquoi certaines pratiquent la fécondation avec elles-mêmes,
00:27:28 ou pourquoi elles se croisent avec leurs voisines.
00:27:30 Variation autour de la fleur.
00:27:32 La vision qu'on va adopter, c'est...
00:27:37 Il y a un livre qui avait fait beaucoup de bruit dans les années 80-90
00:27:42 de Richard Dawkins, biologiste anglais,
00:27:45 qui s'appelle "La théorie du gène égoïste".
00:27:49 Le gène égoïste, c'est l'idée
00:27:51 que les individus peuvent être vus comme des véhicules de gènes.
00:27:56 Les gènes codent pour des fonctions,
00:27:59 codent pour une fonction mal ou pas de fonction mal, etc.
00:28:03 Et finalement, les organismes, comment vont-ils évoluer ?
00:28:07 Ils vont finalement évoluer de manière à...
00:28:10 Les gènes qui se transmettent le mieux
00:28:13 vont imposer la stratégie dans la population.
00:28:16 Si les gènes, pour donner un exemple,
00:28:19 si les gènes de couleurs rouges dans une population
00:28:25 se transmettent mieux que les blancs,
00:28:26 ils vont s'imposer dans la population,
00:28:28 ça fera qu'on aura des fleurs rouges.
00:28:31 Et de voir les choses comme ça, ça change un peu les choses
00:28:35 parce que ce qui maximise,
00:28:37 et ça n'est pas évident à comprendre,
00:28:40 ce qui maximise la transmission des gènes,
00:28:42 ça ne maximise pas forcément le nombre d'individus.
00:28:45 Finalement, le processus d'évolution
00:28:51 conserve les gènes qui se transmettent bien.
00:28:53 C'est la stratégie qui marche.
00:28:55 Une fois qu'on a ça comme vision,
00:28:57 je voudrais commencer par un paradoxe
00:28:59 pour vous donner le type de raisonnement qu'on a
00:29:01 quand on s'intéresse à ces questions.
00:29:03 Imaginez une population,
00:29:07 on va dire une population où il y a des mâles et des femelles.
00:29:11 Les mâles sont en noir...
00:29:12 Non, les femelles sont en noir et les mâles sont en blanc.
00:29:16 C'est une population qui se reproduit par reproduction sexuée.
00:29:20 Chaque génération laisse deux descendants,
00:29:23 un mâle et une femelle, sexe ratio équilibré.
00:29:25 Et puis, il y a un mutant dans cette population qui arrive
00:29:30 et qui acquiert la capacité de se reproduire tout seul,
00:29:34 de faire de la parthénogenèse, du clonage, si vous voulez.
00:29:37 Donc là, la femelle, au lieu de laisser un mâle et une femelle,
00:29:43 elle va laisser deux femelles comme elle,
00:29:45 qui ont le même patrimoine génétique.
00:29:47 Mais ces deux femelles, elles-mêmes,
00:29:50 à la génération suivante, vont laisser deux femelles,
00:29:53 alors que dans la reproduction sexuée, on n'en a qu'une.
00:29:58 Ce processus va être multiplicatif.
00:30:00 On voit bien qu'au bout de plusieurs générations,
00:30:07 la reproduction asexuée a complètement envahi.
00:30:10 Là, on en a huit.
00:30:11 Contre deux individus,
00:30:17 la reproduction asexuée a complètement envahi.
00:30:20 Or, on a donné les mêmes paramètres.
00:30:23 Chaque femelle laisse deux individus.
00:30:25 Ça, ça sonnait un peu comme un paradoxe,
00:30:28 mais c'est ce qui a apporté la génétique des populations.
00:30:31 Si on voit le problème de la transmission des gènes,
00:30:35 on comprend, c'est ce qu'on a appelé le problème du coût des mâles,
00:30:37 à quoi servent les mâles, finalement,
00:30:39 parce que démographiquement,
00:30:42 ils empêchent la population de se développer plus vite.
00:30:49 Ça a été intéressant comme hypothèse de base,
00:30:54 car comme la reproduction sexuée est partout,
00:30:56 pourquoi elle est partout ?
00:30:58 Normalement, on ne devrait pas la voir.
00:31:00 Il doit y avoir des avantages au sexe qu'on n'a sans doute pas identifiés.
00:31:04 C'était juste pour vous donner le mode de pensée
00:31:09 de la génétique des populations.
00:31:16 On va revenir un peu plus près de nos plantes.
00:31:18 Si on revient à nos plantes,
00:31:20 si on applique cette règle de transmission de gènes,
00:31:26 une femelle va transmettre ses gènes à la génération suivante
00:31:30 dans ses ovules, par ses graines,
00:31:33 par les graines qu'elle porte,
00:31:34 sachant que les graines portent aussi un gène du père.
00:31:37 Donc la femelle transmet par ses ovules.
00:31:41 Le mâle, lui, transmet par le pollen qui contient les spermatozoïdes
00:31:47 et qui va féconder pour fabriquer des graines.
00:31:49 Jusqu'à là, ça va.
00:31:51 Mais si on reprend la situation du teint,
00:31:55 on voit qu'il y en a un qui a un avantage.
00:31:57 L'hermaphrodite, lui, il fait des ovules,
00:31:59 mais il fait aussi du pollen.
00:32:01 Donc, il a, a priori, beaucoup plus de copies de gènes
00:32:06 dans sa descendance que la femelle.
00:32:09 En appliquant le raisonnement de tout à l'heure,
00:32:13 on devrait voir disparaître les femelles.
00:32:15 Sauf si les femelles produisent plus de graines.
00:32:19 Mais combien il faut qu'elles en produisent plus ?
00:32:21 Deux fois.
00:32:22 Deux fois, puisque si on fait la somme de ce qui se passe,
00:32:26 comme toute graine a un père et une mère,
00:32:28 forcément, tous les grains de pollen viennent des hermaphrodites.
00:32:32 Donc, lui, en moyenne, laisse deux copies de ses gènes.
00:32:37 La femelle n'en laisse qu'une.
00:32:39 La seule manière d'en laisser deux, c'est de faire deux fois plus de graines.
00:32:44 C'est donc un raisonnement basique qui nous fait dire
00:32:51 que si on retourne dans la garrigue
00:32:53 et qu'on regarde les teints hermaphrodites et les teints femelles,
00:32:56 on doit trouver que les...
00:32:58 Sinon, elles ne se maintiendraient pas.
00:33:01 On doit trouver que les femelles produisent plus de graines,
00:33:04 deux fois plus de graines, même.
00:33:06 Oui, deux fois plus de graines.
00:33:08 Et on ne trouve pas ça.
00:33:10 Comme souvent, c'est l'intérêt des allers-retours,
00:33:12 d'avoir des modèles et de les confronter aux données.
00:33:14 Ça ne marche jamais exactement comme ça.
00:33:16 Donc, ça a été fait.
00:33:21 En fait, elles produisent un peu plus,
00:33:23 mais pas de manière à pouvoir se maintenir.
00:33:25 Tant qu'elles font moins de deux, elles doivent disparaître.
00:33:28 Après, ce qu'on est allé faire, c'est qu'on est allé chercher...
00:33:32 On s'est posé la question, comment on devient une femelle ?
00:33:37 Comment on passe d'hermaphrodite à femelle ?
00:33:39 Est-ce qu'il y a...
00:33:40 Et en fait, les gens se sont amusés à faire des croisements, etc.
00:33:44 Parce que ce qu'on appelle la stérilité mâle,
00:33:48 c'est-à-dire des femelles dans les populations,
00:33:50 il y en a beaucoup.
00:33:51 Beaucoup d'espèces ont ça, un peu.
00:33:53 Certaines en ont significativement, comme le thym.
00:33:56 Mais ce sont des mutations qu'on trouve fréquemment.
00:33:59 La chose intéressante,
00:34:02 c'est qu'on a trouvé des gènes de stérilité mâle,
00:34:04 des gènes femelles, si vous voulez.
00:34:06 Simplement, ils étaient particuliers.
00:34:09 Ils n'étaient pas dans le noyau.
00:34:11 Le noyau contient les chromosomes avec les gènes,
00:34:14 qui sont transmis dans les ovules, dans le pollen.
00:34:19 Mais les plantes, comme nous,
00:34:21 ont deux types d'organites qui contiennent aussi quelques gènes.
00:34:25 C'est les chloroplastes et les mitochondries.
00:34:27 Mitochondries pour respirer, chloroplastes pour la photosynthèse.
00:34:30 Il n'y a pas beaucoup de gènes, mais il y en a quelques-uns.
00:34:33 Et on a vu que la stérilité mâle était très souvent portée
00:34:38 par des gènes qu'on appelle cytoplasmiques,
00:34:40 c'est-à-dire dans les mitochondries.
00:34:42 On se dit comme ça, on dit oui, alors ?
00:34:47 Il y a quelque chose de très important.
00:34:49 Maintenant, il faut savoir que ces organites,
00:34:54 les mitochondries, ne sont transmises que par la femelle.
00:34:57 La femelle transmet l'ovule avec des petits trucs autour
00:35:01 et le mâle n'apporte que les gènes du noyau.
00:35:05 Et ça, ça change tout.
00:35:08 Il n'y a que la femelle qui porte ces gènes-là.
00:35:11 Le combat est déséquilibré.
00:35:14 Dès qu'il y a des gènes qui apparaissent,
00:35:16 des gènes femelles,
00:35:22 des gènes de stérilité mâle qui apparaissent chez un hermaphrodite,
00:35:25 ça éteint la fonction mâle.
00:35:27 Il suffit qu'on produise plus de graines.
00:35:29 Comme le mâle, de toute façon,
00:35:30 ne peut pas transmettre ces gènes-là,
00:35:34 il n'a pas cette voie-là.
00:35:35 Il ne peut pas...
00:35:36 Et donc, ça peut évoluer comme ça.
00:35:39 Mais la situation est plus compliquée
00:35:44 parce que si les femelles augmentaient en population,
00:35:46 il faut des mâles.
00:35:48 Au bout d'un moment,
00:35:49 il y a un phénomène qui fait que les mâles sont manquants,
00:35:53 les hermaphrodites, les fonctionnaires hermaphrodites.
00:35:55 Du coup, les hermaphrodites
00:36:00 peuvent reprendre le pouvoir.
00:36:02 On a même trouvé des situations
00:36:04 où, finalement, on a les gènes de stérilité mâle
00:36:11 qui peuvent être restaurés par des gènes nucléaires,
00:36:14 parce que les mâles ne peuvent faire que par le noyau.
00:36:17 Donc, eux, ils restaurent la fonction mâle.
00:36:20 On a une bataille comme ça
00:36:22 entre la fonction mâle et la fonction femelle.
00:36:27 C'est à ça que je faisais allusion
00:36:31 quand je parlais de conflit nucléocytoplasmique.
00:36:33 On voit bien que dans cette situation,
00:36:35 si on a un gène porté...
00:36:40 Si on a un gène dans le noyau,
00:36:42 il va se transmettre par la voie mâle et la voie femelle,
00:36:45 le pollen et les ovules.
00:36:47 Si on a un gène qui apparaît dans les mitochondries,
00:36:49 il ne se transmet que par les femelles,
00:36:52 donc il va avantager les femelles.
00:36:54 Donc, il y a un conflit
00:36:55 qu'on appelle nucléocytoplasmique.
00:37:01 La transmission des gènes mâles n'est pas la même
00:37:04 que la transmission des gènes femelles,
00:37:06 car les canaux de transmission ne sont pas les mêmes.
00:37:09 Ça illustre une idée assez intéressante.
00:37:12 Pour une fonction donnée,
00:37:15 par exemple, faire des femelles, éteindre la fonction mâle,
00:37:18 le véhicule des gènes est celui qui maximise la transmission.
00:37:22 On est dans le pur gène égoïste.
00:37:23 Un gène femelle peut apparaître dans le noyau,
00:37:28 mais il a peu de chance.
00:37:30 S'il apparaît dans la mitochondrie, il a beaucoup plus de chance,
00:37:34 car la femelle est la seule à transmettre les mitochondries.
00:37:38 [SILENCE]
00:37:42 Voilà, c'est la notion de conflit.
00:37:47 On a l'impression que tous les gènes se transmettent dans une bonne harmonie.
00:37:50 Non, pas forcément.
00:37:51 Il y a des conflits de transmission, et je vous en illustre un.
00:37:54 [SILENCE]
00:37:58 Voilà, c'était la première partie générale
00:38:00 pour vous expliquer le type de raisonnement
00:38:06 qu'on met en place pour comprendre la diversité des systèmes de reproduction.
00:38:09 J'ai pris quelques exemples,
00:38:10 l'exemple du teint, de la génoïde UAC.
00:38:16 Mais par une approche de ce type,
00:38:19 on peut réfléchir à tous les systèmes de reproduction.
00:38:23 La deuxième partie de mon exposé va s'intéresser à des choses
00:38:27 beaucoup plus proches de mes travaux,
00:38:29 que sont l'évolution contemporaine des systèmes de reproduction.
00:38:34 Comme je vous l'ai dit en introduction, l'évolution peut être sur le temps très long,
00:38:38 mais ça peut être sur des temps beaucoup plus courts.
00:38:40 C'est un peu l'enseignement de ces 15-20 dernières années de recherche.
00:38:50 On s'aperçoit que les processus d'évolution,
00:38:53 parce qu'on les utilise face au changement climatique,
00:38:58 sont beaucoup plus rapides que ce que pensait Darwin.
00:39:05 Il pensait que c'était infinitésimal.
00:39:07 Je m'intéresse à ces questions.
00:39:11 Une question simple qu'on peut se poser,
00:39:17 c'est quel est l'effet du changement climatique
00:39:19 et du déclin des pollinisateurs sur la reproduction des plantes ?
00:39:21 Le changement climatique ne tombe pas sous le sens,
00:39:24 mais quand il fait plus chaud, on va fleurir plus tôt,
00:39:28 donc ça va induire des désynchronisations dans les fleuraisons.
00:39:33 Les pollinisateurs ne vont peut-être pas émerger au même moment que les plantes.
00:39:36 Ça peut avoir un effet sur le système de reproduction,
00:39:38 mais le déclin des pollinisateurs avéré dans de nombreuses régions du monde,
00:39:42 on comprend qu'il a potentiellement le pouvoir d'impacter
00:39:47 la transmission du pollen entre les individus,
00:39:50 et ça va constituer une pression de sélection forte sur les populations.
00:39:57 Si on revient à notre schéma, ça revient à dire
00:40:01 qu'est-ce qui se passe dans le cadre du déclin des pollinisateurs,
00:40:07 que devient cette flèche rouge ?
00:40:08 Pour étudier ça, ce n'est pas tout simple,
00:40:12 parce qu'il faut être en mesure de comparer des plantes anciennes,
00:40:20 des plantes avant déclin, ce n'est pas exactement ça ce qu'on a,
00:40:23 mais des plantes qui ont 30 ou 40 ans,
00:40:29 avec des plantes qui ont subi l'effet du déclin des pollinisateurs.
00:40:34 Les plantes ont un grand avantage par rapport à d'autres organismes,
00:40:37 c'est qu'elles font des graines.
00:40:39 Les graines, c'est une structure qui se conserve.
00:40:42 Elle se conserve dans l'état naturel.
00:40:45 Dans le sol, les graines peuvent être en dormance très longtemps.
00:40:49 Le coquelicot peut être dans un champ 40 ans et réémerger après.
00:40:53 La graine n'est pas morte.
00:40:55 Les plantes ont ce pouvoir d'avoir des structures de conservation,
00:41:03 mais en plus, on peut amplifier cette conservation
00:41:07 si on met les graines au froid, elles vont se maintenir plus longtemps.
00:41:11 Ça a donné naissance à une discipline récente,
00:41:15 l'écologie de la résurrection.
00:41:17 Ce n'est pas moi qui ai inventé le terme,
00:41:19 je trouve qu'il est mal approprié, mais c'est le terme qu'on s'a créé.
00:41:23 L'écologie de la résurrection évoque quelque chose qu'on ressusciterait,
00:41:28 or on ne travaille que sur des graines viables.
00:41:32 Ça peut être des graines anciennes ou récentes,
00:41:34 mais on ne ressuscite rien.
00:41:36 Ce qu'on fait dans cette approche,
00:41:39 c'est qu'on va utiliser des graines qui ont été mises dans des frigos il y a 40 ans.
00:41:47 Par exemple, le Conservatoire botanique de Paris a fait ça.
00:41:50 On a des espèces en général un peu en danger,
00:41:54 avec l'idée de pouvoir éventuellement les réintroduire ou de les soutenir.
00:42:01 On a ces échantillons de plantes des années 80,
00:42:07 et rien ne nous empêche, c'est ce qu'on a fait d'ailleurs,
00:42:10 de retourner 40 ans plus tard sur exactement la même localité,
00:42:13 parce que tout ça s'est bien référencé,
00:42:15 et on va avoir les descendants des plantes qui sont dans les frigos.
00:42:21 On travaille en général sur des plantes annuelles.
00:42:23 Moi, je travaille sur des plantes annuelles,
00:42:25 donc une génération, c'est un an.
00:42:27 Entre 1980 et 2020, il s'est passé 40 générations.
00:42:32 On peut se poser la question de savoir si les choses ont évolué
00:42:37 face au réchauffement significatif depuis 40 ans,
00:42:41 au déclin des pollinisateurs significatif depuis 40 ans.
00:42:45 L'intérêt de cette méthode,
00:42:48 c'est que je peux cultiver en 2022 les anciennes et les actuelles
00:42:54 juste à côté, dans une serre, un terrain, etc.
00:42:57 Elles sont dans le même environnement.
00:42:59 Vous comprenez bien que si quelqu'un avait fait une description
00:43:02 de la population dans les années 80,
00:43:04 par exemple, c'est tout le problème qu'on a
00:43:08 quand on dit que les plantes fleurissent plus tôt.
00:43:12 Si on mesure la date de fleuraison en 1980,
00:43:17 parce qu'un botaniste est allé sur le terrain et a dit
00:43:19 qu'il avait vu une plante en fleurs à telle date,
00:43:25 et qu'en 2020, il retourne là et voit que ça a changé,
00:43:31 on ne sait pas ce qui est de l'effet de la plasticité,
00:43:35 parce qu'il fait plus chaud, la plante fleurit plus tôt,
00:43:38 de ce qui est de l'évolution.
00:43:40 Si on regarde les données de terrain,
00:43:42 on ne peut pas dire si les plantes ont évolué.
00:43:44 On peut juste voir qu'elles ont changé,
00:43:45 comme l'environnement a changé aussi.
00:43:47 Quand on nourrit plus une plante, elle est plus grosse.
00:43:49 Si on concluait que, par exemple,
00:43:52 les plantes sont plus grosses en 2020 qu'en 1980,
00:43:57 ça pourrait être l'effet des engrais dans les champs.
00:44:00 L'intérêt de la méthode,
00:44:02 c'est qu'on va cultiver en environnement parfaitement commun.
00:44:06 Si on voit des différences, c'est bien de l'évolution qu'il s'agit.
00:44:12 C'est ce qu'on a fait sur des jolies plantes.
00:44:16 Le bleuet, Cyanus séguetum, et la pansée des champs.
00:44:21 J'avais des exemples dans la guérigue,
00:44:24 je dois dire que c'est plutôt le nord de la France.
00:44:27 Le bleuet, c'est une population échantillonnée à Amiens,
00:44:32 et la pansée des champs, à Dijon.
00:44:35 Ces deux espèces sont des plantes hermaphrodites.
00:44:37 Elles sont...
00:44:38 annuelles.
00:44:44 On appelle ça des mesicoles,
00:44:46 ce sont des plantes associées aux moissons, dans les champs.
00:44:51 Ce qu'on a fait, c'est qu'avec nos échantillons anciens et nouveaux,
00:44:58 on a regardé, par exemple,
00:45:00 quelle était leur date de floraison.
00:45:05 Ici, vous avez...
00:45:06 Tout à l'heure, j'ai dit 40 ans entre mon vieil échantillon et mon nouveau.
00:45:10 J'ai triché un peu, on a un peu moins que ça.
00:45:12 Mais on a de l'ordre de 20 ans.
00:45:14 Sur l'échantillon de 1992, on note la date moyenne de floraison.
00:45:24 C'est en jours après la germination.
00:45:26 On est à peu près à 110 jours après germination
00:45:29 pour l'échantillon ancien.
00:45:33 Pour l'échantillon de 2010, dans les mêmes conditions exactement,
00:45:36 on a perdu trois jours.
00:45:40 On est à peu près à un peu plus de 107.
00:45:43 Même expérience pour la pensée.
00:45:46 On voit à peu près la même chose, de manière plus nuancée.
00:45:51 Mais dans les deux cas, on a des plantes qui fleurissent plus tôt,
00:45:56 ce qui est plutôt cohérent avec ce qu'on attendrait.
00:46:01 Sur le bleuet, on s'est intéressés à la structure des fleurs.
00:46:07 On a vu, de manière étonnante, et on n'attendait pas ça,
00:46:12 que la taille des capitules...
00:46:15 Ce que j'appelle un capitule, c'est ce qu'on pourrait appeler une fleur,
00:46:18 mais ça n'est pas une fleur.
00:46:19 La fleur, c'est juste une petite partie.
00:46:22 Le capitule, c'est une inflorescence, un groupe de fleurs.
00:46:27 Mais ce qui va compter pour le pollinisateur,
00:46:31 c'est la grosse tâche bleue qu'on voit.
00:46:32 On mesure la taille du capitule et on voit que la taille du capitule
00:46:37 a augmenté significativement entre ces deux dates.
00:46:40 La durée d'enthèse, c'est le temps que la fleur est réceptive.
00:46:50 La durée d'enthèse, elle aussi, a augmenté.
00:46:56 Ensuite, si on mesure l'affichage floral,
00:47:00 c'est-à-dire combien une plante a simultanément de fleurs, de capitules,
00:47:04 en fleurs, en même temps,
00:47:07 on voit que celui-là aussi a augmenté.
00:47:09 En clair, on a l'impression d'avoir des plantes
00:47:15 qui sont plus attractives, plus visibles,
00:47:17 aujourd'hui, pour le bleuet, qu'il y a 20 ans.
00:47:26 Même chose chez la pensée, sauf qu'on ne trouve pas les mêmes résultats.
00:47:29 Chez la pensée, si on mesure la hauteur de fleurs,
00:47:33 on voit qu'elle diminue.
00:47:37 C'est la taille de fleurs, on pourrait prendre la largeur,
00:47:41 ça marcherait exactement pareil.
00:47:42 La durée d'enthèse, elle aussi, diminue.
00:47:45 Elle est réceptive moins longtemps, elle est ouverte moins longtemps,
00:47:48 elle se ferme plus vite.
00:47:49 Ça ressemble, au contraire du bleuet, à une réduction de l'attractivité.
00:47:55 On pousse le raisonnement, on continue.
00:47:56 Elle a un petit truc sympa, la pensée,
00:48:00 c'est qu'elle a ce qu'on appelle du polymorphisme de couleurs
00:48:03 dans les populations.
00:48:04 Si on se promène dans ces populations, on voit qu'elles ont des tâches.
00:48:07 Ça revient à la question posée par Darwin,
00:48:10 le livre de Darwin,
00:48:12 "Les différentes formes de fleurs au sein des mêmes populations".
00:48:14 Elle a des tâches bien visibles, violettes, sur l'un des morphes.
00:48:21 On en a un qui est complètement pâle et un qui est entre les deux.
00:48:25 On peut classer en trois assez facilement.
00:48:27 Donc, on a notre échantillon ancien, notre échantillon nouveau.
00:48:31 On peut calculer les fréquences, les proportions de chaque.
00:48:33 Là, ce qu'on voit,
00:48:36 c'est que l'échantillon de 1991 avait une majorité de morphes violets
00:48:43 et une minorité de blanches, moins blanches.
00:48:47 Et qu'en 2012, c'est le morphe pâle
00:48:49 qui a complètement pris le pas sur les deux autres formes.
00:48:54 Ça, ça nous fait...
00:48:56 Ça va dans le même sens que la réduction de la taille.
00:48:59 On se dit qu'à priori,
00:49:02 toutes ces choses-là sont des signaux pour attirer les insectes.
00:49:08 À priori, on se dit que ça doit ressembler à quelque chose...
00:49:12 Est-ce que la plante n'est pas en train d'abandonner la fécondation
00:49:16 avec ses voisines ?
00:49:18 Est-ce qu'elle ne pratique pas l'autofécondation ?
00:49:22 Ça, on peut le mesurer.
00:49:23 Justement, à l'aide des outils de la génétique,
00:49:26 on peut aller regarder...
00:49:28 C'est ça qui est assez génial.
00:49:29 Avec un échantillon de graines ancien, on peut dire
00:49:32 quel était le taux d'autofécondation en 1990.
00:49:35 Je n'y étais pas, mais toute l'information est contenue dans les graines.
00:49:39 Ça, c'est des techniques de labo assez classiques.
00:49:43 On regarde si les plantes portent des gènes qui se ressemblent,
00:49:49 auquel cas, c'est ce qu'on appelle l'homozygosie en génétique.
00:49:54 Si les deux gènes sont différents, c'est un événement d'allofécondation.
00:50:00 S'ils sont les mêmes, il y a une probabilité
00:50:03 que ce soit l'autofécondation.
00:50:04 Tout ça est mathématisé. On peut estimer un taux d'autofécondation.
00:50:08 La première chose qu'on constate,
00:50:10 c'est qu'elle faisait déjà de l'autofécondation en 1991.
00:50:14 Elle en faisait même pas mal.
00:50:15 Mais elle en fait beaucoup plus en 2012.
00:50:19 Elle en fait 20 % de plus.
00:50:21 Là, on a la réponse à notre question.
00:50:23 Effectivement, elle fait plus d'autofécondation.
00:50:26 Sans doute que la taille de ses fleurs...
00:50:28 Tout ça, c'est un syndrome de traits qui favorise ces choses-là.
00:50:31 On peut mesurer un autre trait, la capacité de produire des graines
00:50:35 si on met les plantes sans pollinisateur.
00:50:37 On peut faire ça en labo, on ne met pas de pollinisateur,
00:50:39 et on regarde combien elles produisent de graines.
00:50:42 C'est dans la même logique que la population de 2012
00:50:48 est capable de produire plus facilement toute seule,
00:50:51 par autofécondation, sans l'aide de pollinisateur,
00:50:53 que la population de 1991.
00:50:55 Donc, on est face à deux situations.
00:51:05 Si je reprends la situation du bleuet,
00:51:08 on a l'impression que la plante investit dans plus d'attraction
00:51:14 pour les pollinisateurs,
00:51:16 alors que la pensée investit dans moins d'attraction.
00:51:19 Pourquoi je me plais à raconter ça ?
00:51:22 C'est que ça nous donne un enseignement.
00:51:27 Il faut faire attention à la prédiction en évolution.
00:51:31 Là, j'aurais pu faire la même prédiction.
00:51:33 A priori, on aurait pu dire qu'il n'y a plus de pollinisateurs,
00:51:37 les herbes affrodites vont évoluer vers l'autofécondation.
00:51:41 C'est ce que fait la pensée, ce n'est pas ce que fait le bleuet.
00:51:44 Il y a donc des bas sur la question de l'évolution,
00:51:49 est-ce que c'est prédictif ou pas ?
00:51:51 Là, on voit que ça ne marche pas.
00:51:54 Je construis un peu le problème, car j'aurais pu m'en douter.
00:51:58 Pourquoi ?
00:52:00 Parce que le bleuet,
00:52:02 je vous ai parlé du Sennson,
00:52:04 auto-incompatible, incapable d'autofécondation,
00:52:07 le bleuet est de ce type-là.
00:52:08 Le bleuet a un système d'incompatibilité
00:52:11 qui fait que l'autofécondation n'est pas possible.
00:52:14 Alors, on pourrait me rétorquer, mais ça pourrait évoluer,
00:52:18 pour avoir une mutation qui le rende auto-compatible.
00:52:21 Oui, c'est vrai, mais c'est probablement
00:52:25 des changements qui sont beaucoup plus compliqués
00:52:28 et qui n'ont pas eu lieu en 20 ans,
00:52:30 que juste de réduire la taille des populations,
00:52:33 sachant que les pensées, quand on mesure...
00:52:36 Là, on est exactement dans la sélection darwinienne.
00:52:40 Si on mesure les pensées de 1991,
00:52:44 on a des petites et des grandes.
00:52:47 La moyenne est plus grande que la moyenne de 2020,
00:52:49 mais on a déjà de la variation.
00:52:51 Qu'est-ce qui s'est passé ? Les petites ont pris le pas.
00:52:54 Parce que la variation était préexistante.
00:52:57 Tout ça pour vous dire qu'on a deux évolutions,
00:52:59 mais quand on connaît un peu la biologie des plantes,
00:53:02 on aurait pu...
00:53:03 Disons que l'interprétation devient cohérente.
00:53:08 On aurait pu le prédire, mais je ne peux pas le dire.
00:53:11 L'interprétation devient cohérente.
00:53:13 C'est tout le problème qu'on a en évolution,
00:53:15 on a des modèles, mais la prédiction est parfois difficile.
00:53:20 Très souvent, on interprète ce qu'on voit, ce qui n'est pas un défaut,
00:53:23 mais on a peu de pouvoir de prédiction.
00:53:25 Maintenant, on pourrait se dire...
00:53:28 C'était l'introduction que j'ai eue tout à l'heure.
00:53:31 C'est peut-être une bonne nouvelle.
00:53:33 Il n'y a plus de pollinisateurs, les plantes s'adaptent.
00:53:36 Notamment la pensée.
00:53:38 Elle fait des graines sans pollinisateurs.
00:53:40 C'est une question compliquée.
00:53:44 Je n'ai pas de réponse définitive par rapport à ça.
00:53:51 Ce qu'on sait, c'est que quand on regarde...
00:53:53 Je vous ai montré au début le cas des bourraches de Californie.
00:53:57 L'autofécondation à long terme ne marche jamais très bien.
00:54:01 Ce n'est pas forcément une bonne nouvelle
00:54:03 que les pensées s'engagent dans l'autofécondation.
00:54:06 Mais il y a autre chose.
00:54:08 Finalement, l'hypothèse qu'on a, c'est que le déclin des pollinisateurs
00:54:14 a créé les conditions de l'évolution
00:54:18 de ce qu'on va appeler un syndrome d'autofécondation,
00:54:21 des petites fleurs, des choses comme ça.
00:54:23 Éventuellement, moins de nectar.
00:54:26 Je ne peux pas vous le dire,
00:54:27 ce n'est pas encore tout à fait publié,
00:54:31 mais on a des indices qui vont dans ce sens-là.
00:54:33 Si les plantes deviennent moins récompensantes,
00:54:37 pour moins de "rewarding" en anglais,
00:54:40 donnent moins de récompenses aux pollinisateurs,
00:54:42 les plantes qui ont évolué donnent moins de récompenses aux pollinisateurs,
00:54:45 on peut imaginer que ça va entraîner encore
00:54:52 la réduction des pollinisateurs.
00:54:55 Autrement dit, moins de nourriture pour les pollinisateurs.
00:54:58 Pour en revenir à cette question
00:55:02 de si c'est une bonne nouvelle que les plantes s'adaptent,
00:55:06 pour elles-mêmes, c'est une première question, ce n'est pas évident,
00:55:10 mais à l'échelle de l'écosystème, ce n'est pas évident du tout.
00:55:13 Parce que si cette boucle,
00:55:17 qui n'est qu'hypothétique pour l'instant, c'est du raisonnement,
00:55:21 si cette boucle existe,
00:55:23 on peut imaginer que les pollinisateurs vont décliner,
00:55:26 mais derrière les pollinisateurs, il y a les oiseaux qui mangent...
00:55:30 Il y a toute la chaîne alimentaire.
00:55:32 Donc, ça peut avoir des répercussions importantes.
00:55:35 Je vais arriver au terme de cet exposé.
00:55:42 Ce que j'ai essayé de vous faire cohabiter un peu dans cet exposé,
00:55:48 c'est une vision un peu génétique des systèmes de reproduction,
00:55:51 où on comprend mieux les choses quand on voit que tout ça,
00:55:55 c'est des règles de transmission des gènes,
00:55:59 et vous voyez, c'est assez simple, 2, 1, plus, moins.
00:56:02 Mais les systèmes de reproduction, c'est aussi du domaine de l'écologie,
00:56:08 car on voit bien qu'il y a plein de facteurs écologiques
00:56:10 qui vont impacter ces choses-là,
00:56:12 notamment à court terme, dans le cas du déclin des pollinisateurs,
00:56:16 qui affectent directement les systèmes de reproduction.
00:56:21 Il y a vraiment une dialectique entre ces deux choses,
00:56:26 la génétique et l'écologie.
00:56:28 C'est comme ça que je pratique cette question.
00:56:32 J'ai essayé aussi de vous montrer
00:56:35 que dans le développement de cette discipline,
00:56:40 il y a toujours eu un aller-retour
00:56:42 entre les approches théoriques, absolument nécessaires,
00:56:44 mais limitantes, car un modèle ne capte jamais tout,
00:56:47 et les approches empiriques.
00:56:50 C'est souvent parce qu'on ne trouvait pas
00:56:53 ce que les modèles prédisaient qu'on a fait avancer les choses.
00:56:56 On ne trouvait pas le fait que les teins femelles
00:57:00 produisaient deux fois plus de graines que les hermaphrodites.
00:57:05 On a cherché dans les gènes et on a trouvé cette stérilité cytoplasmique.
00:57:09 Je tiens à ce qu'il y ait un bon équilibre
00:57:15 entre ces deux composantes,
00:57:18 parce que c'est la seule manière de faire avancer la science.
00:57:24 Je vous avais promis de vous parler de la filaire.
00:57:29 C'est le cas de l'androduéssie,
00:57:31 qui était un cas qu'on ne comprenait pas,
00:57:33 à la lumière des modèles théoriques.
00:57:36 Parce que, finalement, autant les femelles ont cette possibilité
00:57:41 de transmettre des gènes que les mâles n'ont pas.
00:57:44 Pourquoi il y a des mâles avec des hermaphrodites ?
00:57:47 Parce qu'ils n'ont pas d'avantages particuliers,
00:57:49 donc ils devraient être désavantagés.
00:57:51 Ça avait mené les théoriciens à dire que l'androduéessie n'existe pas.
00:57:58 Ce qu'on voit sur le terrain, où il y a des mâles et des femelles,
00:58:02 ce n'est pas ça.
00:58:03 Les gens ont mal regardé.
00:58:05 Les hermaphrodites ont la fonction mâle et les femelles sont des femelles.
00:58:09 On est dans un cas de dioésie.
00:58:11 Probablement, la fonction femelle des hermaphrodites ne sert à rien.
00:58:16 Ça, c'était faux.
00:58:17 Il y a des gens qui ont essayé de creuser le sujet
00:58:21 et qui ont vu qu'il y avait fonctionnellement
00:58:24 des populations androdioïques.
00:58:28 Ça a amené la question de savoir pourquoi les mâles pouvaient se maintenir.
00:58:31 Assez récemment, on a trouvé un argument dans le cas de la filaire.
00:58:34 C'est l'idée, justement, avec un système d'incompatibilité,
00:58:38 les mâles...
00:58:39 Les hermaphrodites...
00:58:43 Il y a un système d'incompatibilité
00:58:45 qui fait que la moitié des hermaphrodites est compatible avec l'autre moitié,
00:58:48 alors que les mâles sont compatibles avec tout le monde.
00:58:50 Donc, eux peuvent polliniser tout le monde,
00:58:53 alors que la fonction mâle des hermaphrodites ne peut polliniser que la moitié.
00:58:56 Je vous ai fait l'histoire vite.
00:58:58 Tout ça pour dire que c'est justement parce que...
00:59:02 C'était le rapport entre les approches empiriques et théoriques.
00:59:06 Dans la deuxième partie de mon exposé,
00:59:10 je vous ai montré que ces systèmes de reproduction qu'on voyait au départ,
00:59:14 ayant évolué sur des temps très longs...
00:59:16 Je vous l'accorde, on n'est pas passé de femelles à mâles.
00:59:20 On a changé le taux d'autofécondation, on a modifié les pétales.
00:59:23 Mais on voit que ça peut évoluer très vite.
00:59:27 C'est vraiment aussi un acquis de ces dernières années,
00:59:31 plus généralement que sur le système de reproduction,
00:59:34 de s'apercevoir que les espèces sont capables d'évoluer assez rapidement
00:59:38 face aux changements qu'on connaît en ce moment.
00:59:44 La question de la prévisibilité de l'évolution, c'est une grande question.
00:59:47 Ma position, c'est que c'est assez difficile de prédire.
00:59:53 On est souvent assez bon pour interpréter.
00:59:57 "Ah oui, je vois pourquoi c'est comme ça."
00:59:59 Mais...
01:00:02 Il y a souvent plusieurs solutions à une pression de sélection.
01:00:08 Vous voyez, par exemple, le cas où on diminuait les pollinisateurs.
01:00:11 Une espèce, du fait de son histoire évolutive à un système d'incompatibilité,
01:00:17 ne pourra pas évoluer vers l'autofécondation au moins à court terme.
01:00:21 Peut-être à plus long terme, mais pas à court terme.
01:00:23 Donc, elle ne prend pas la même voie
01:00:25 qu'une autre espèce qui a hérité d'autres choses par le passé.
01:00:28 "Est-elle en mesure de sauver les populations ?"
01:00:33 C'est une vraie question, ça renvoie à des modèles récents,
01:00:36 des modèles de secours évolutifs.
01:00:39 Est-ce que l'évolution peut sauver les populations ?
01:00:42 J'aurais tendance à dire que ça dépend.
01:00:46 Il y a des traits sur lesquels c'est évident
01:00:48 qu'ajuster sa phénologie au climat, ça paraît une bonne stratégie.
01:00:52 Il y a d'autres choses, en vertu de la théorie du gène égoïste,
01:00:56 qui fait qu'on peut avoir des traits qui évoluent
01:01:00 sans pour autant qu'ils maximisent la démographie de la population,
01:01:05 et à l'extrême, entraîner l'extinction.
01:01:09 Ce sont des cas plutôt théoriques.
01:01:13 À ma connaissance, il n'y a pas beaucoup de choses
01:01:15 qui ont été démontrées empiriquement,
01:01:18 mais c'est quand même une question qu'on se pose.
01:01:20 Par contre, ce qui est évident,
01:01:23 c'est qu'on voit bien que l'évolution au sein des espèces
01:01:26 est à même de modifier les interactions entre espèces,
01:01:30 entre plantes et pollinisateurs,
01:01:32 car les plantes deviennent indépendantes des pollinisateurs,
01:01:35 et ça peut avoir des effets en cascade sur l'écosystème.
01:01:39 Voilà, je vous remercie pour votre attention.
01:01:45 (Applaudissements)
01:01:47 (Applaudissements)