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00:00 J'arrive en caisse, j'étais mais dans un état de fatigue,
00:02 j'avais mal au dos, j'avais mal aux jambes, j'avais mal partout, ça m'avait tué.
00:06 Je sors ma carte handicapée, il y avait trois dames devant moi
00:09 et puis il y en a une qui n'a pas voulu me laisser passer.
00:11 Non, vous êtes sur vos deux jambes, vous pouvez faire la queue comme tout le monde.
00:14 Si j'ai reçu une carte handicapée, c'est que c'est valable.
00:17 C'est pas moi qui l'ai faite moi-même la carte.
00:20 À l'âge de 28 ans, je me suis réveillée un matin, prise de nausées, de vomissements.
00:25 Donc au début, j'ai pensé à une simple gastro.
00:28 Un jour, deux jours, on commence un petit peu à s'inquiéter.
00:31 Je vais voir le médecin qui me dit qu'il voit rien de spécial.
00:33 Et puis, trois, quatre jours passent, quatre, cinq jours,
00:36 et puis toujours les mêmes symptômes amplifiés.
00:38 Donc je vomissais presque 24 heures sur 24.
00:41 Dès que j'essayais de bouger la tête, j'étais prise de nausées.
00:44 Je décide d'aller aux urgences parce que je trouvais que c'était vraiment pas normal.
00:47 Puis à l'hôpital, on me dit "non, non, rien à signaler,
00:50 vous pouvez rentrer chez vous, prenez du Doliprane, ça va passer".
00:53 Ça dure dix jours, deux semaines, trois semaines, rien ne passe.
00:57 Donc là, on commence à paniquer un petit peu plus,
01:00 à retourner aux urgences où là, on me fait des examens un petit peu plus poussés
01:04 et où dans un premier temps, on m'a annoncé un diagnostic de méningite.
01:08 On rentre à la maison, on nous dit que ça peut durer un à deux mois encore les symptômes.
01:12 Bon ben, on attend.
01:14 Sauf que moi, durant cette période, rien ne s'est calmé, rien ne s'est arrêté,
01:18 c'était toujours amplifié, je vomissais constamment.
01:21 Donc au bout de quelques mois, je retourne à l'hôpital.
01:24 Et puis à l'hôpital, à ce moment-là, on me dit
01:27 "Madame Lazare, vous n'avez rien,
01:30 si c'est des arrêts de travail que vous voulez,
01:33 c'est pas ici que vous les trouverez".
01:34 Donc sous-entendu que je simulais pour avoir des arrêts de travail.
01:37 J'ai craqué, j'ai pleuré.
01:39 On est dépité de se dire que les médecins ne nous croient pas,
01:42 alors que j'ai vomi devant lui.
01:44 On ne peut pas se forcer à vomir, ça n'existe pas.
01:45 J'ai appelé mon papa à Paris, je lui ai dit "papa,
01:48 il faut que tu me trouves un rendez-vous avec un médecin sur Paris,
01:50 je ne peux plus rester en province".
01:51 Ni une ni deux, il me trouve rendez-vous avec un médecin de la salle pétrière.
01:55 Premier rendez-vous, elle ouvre mon dossier, elle ouvre mon IRM,
01:58 elle regarde, elle me dit "oh, il y a des tâches".
02:00 Elle me dit "il faut qu'on se revoie dans,
02:01 je crois que c'était dans un mois ou dans deux mois,
02:04 avec une nouvelle IRM pour voir l'évolution de ces fameuses tâches".
02:08 Mes parents et moi, on est un petit peu soulagés
02:09 parce qu'on comprend que ça y est, on est pris en charge sérieusement.
02:12 Et du coup, le 26 juillet, je retourne voir ma neurologue avec ma nouvelle IRM.
02:17 Puis là, elle ouvre les images et puis elle nous regarde.
02:19 C'était la sclérose en plaques.
02:21 Donc elle m'annonce ce diagnostic de sclérose en plaques.
02:23 J'ai été soulagée parce que je me suis dit "bon, ça y est, on sait ce que t'as,
02:27 on va te soigner, ça va aller".
02:29 La sclérose en plaques en soi, je ne savais pas ce que c'était.
02:31 Et c'est seulement après, une fois qu'on a encaissé,
02:34 qu'on a compris que là on commence à se renseigner,
02:37 à lire un petit peu sur Internet et à comprendre finalement
02:40 ce qui nous attend pour le reste de notre vie.
02:43 Tu rentres dans ta vie de femme, tu es prête à faire des projets,
02:46 à acheter une maison, à faire des bébés,
02:48 une carrière professionnelle qui était comme ça,
02:50 et puis on t'annonce "non, c'est terminé,
02:52 tu n'as plus de travail parce que tu n'as plus le droit de travailler".
02:55 Il y a tout qui change.
02:56 On n'a plus d'objectif au quotidien.
02:58 Moi j'étais commerciale, donc j'étais animée par tout ce qui était objectif.
03:02 Je crois que ça a été encore plus un coup de massue
03:04 que quand on m'a annoncé le diagnostic.
03:06 Me dire que je ne pourrais plus travailler,
03:07 c'était concrétiser le fait que je suis handicapée.
03:12 Et j'ai eu l'impression une nouvelle fois que ma vie s'arrêtait.
03:15 La sclérose en plaques, ça marche par poussée,
03:17 c'est-à-dire que quand on est en crise,
03:20 c'est parce qu'on a une plaque qui est en train d'arriver
03:22 soit au niveau du cerveau, soit au niveau de la moelle épinière.
03:24 Ce qui veut dire que si ça arrive sur l'activité de l'œil,
03:27 je vais perdre la vue.
03:28 Ça m'est déjà arrivé plusieurs fois.
03:29 Les trois années qui ont suivi le diagnostic,
03:31 ça a été très difficile parce que j'ai fait de très grosses poussées.
03:34 Des plaques qui sont arrivées à des endroits vraiment particuliers.
03:38 Par exemple, une année où c'est arrivé sur la partie
03:41 qui gère toute la partie du corps droite,
03:44 donc j'étais paralysée du haut de la tête,
03:46 j'avais plus aucune sensation, je voyais plus rien, jusqu'au pied.
03:49 Ça a duré plus de trois mois avec, je crois,
03:51 deux mois et demi d'hospitalisation, ça a été long.
03:53 Je crois que le symptôme le plus dur pour moi à accepter,
03:57 c'est de ne plus voir.
03:58 Une fois, j'ai perdu complètement à gauche et un petit peu à droite.
04:02 En même temps, je voyais quasiment rien.
04:04 Mais par chance, donc aujourd'hui j'ai 35 ans,
04:06 j'ai toujours récupéré quasiment à 100% de chacune de mes poussées.
04:11 Alors je sais que ça ne sera pas comme ça toute ma vie,
04:13 je sais que ça va se dégrader avec le temps,
04:15 mais aujourd'hui en tout cas, j'ai toujours récupéré.
04:18 Ça fait huit ans que je vis avec cette maladie,
04:21 et du coup j'ai dû apprendre à tout un tas de choses
04:24 pour me faciliter mon quotidien.
04:26 J'ai une auxiliaire de vie qui vient m'aider quatre fois par semaine,
04:29 donc c'est beaucoup.
04:30 Rien ne m'épuise, donc je prends toujours l'exemple du sac à main.
04:34 Un sac à main, on le porte à l'épaule et puis basta quoi.
04:38 Non, moi quand je porte un sac à main à l'épaule,
04:39 après c'est pendant deux jours que j'ai mal à l'épaule.
04:42 C'est une maladie qui handicap au quotidien,
04:45 mais sans que ça se voit.
04:46 Aujourd'hui j'ai une carte de priorité pour les magasins,
04:50 j'ai une carte de stationnement handicapée,
04:52 sauf que quand on me voit descendre de ma voiture,
04:54 les gens se disent "attends, elle se moque de qui elle ?"
04:56 Ou quand on passe devant en caisse,
04:58 on regarde mon ventre, on se dit "mais elle n'est pas enceinte,
04:59 pourquoi elle passe ?"
05:00 Parce que j'ai l'air en pleine forme.
05:01 À Ikea, Ikea déjà pour tout le monde,
05:03 même quelqu'un qui n'est pas malade, c'est épuisant.
05:06 Et puis j'arrive en caisse, je sors ma carte handicapée,
05:08 il y avait trois dames devant moi,
05:09 et puis il y en a une qui n'a pas voulu me laisser passer.
05:11 Non, vous êtes sur vos deux jambes,
05:13 vous pouvez faire la queue comme tout le monde.
05:15 Quand on est face à ça,
05:16 que c'est la première fois que ça vous arrive,
05:18 on est dépité, j'ai abandonné mes cours sur place
05:20 et je suis partie en pleurant.
05:22 J'ai un traitement aujourd'hui qui diminue mes défenses immunitaires.
05:25 Le traitement est censé être là pour diminuer les poussées.
05:29 J'en fais à peu près trois par an.
05:31 Voilà, trois poussées par an, c'est beaucoup.
05:33 Les premières années, c'était six, sept poussées dans l'année.
05:39 Et c'était des poussées beaucoup plus importantes,
05:40 beaucoup plus handicapantes, invalidantes
05:43 que celles que je fais aujourd'hui.
05:44 C'est hyper délicat de devoir appeler les gens pour annuler.
05:48 Ma sœur qui se marie, ça a été pour moi une angoisse de me dire,
05:51 "Imagine que je ne sois pas en forme ce jour-là,
05:53 imagine que je ne puisse pas aller à son mariage,
05:55 que je manque son mariage."
05:56 Ma nièce qui m'invite à son spectacle d'école,
05:59 "Imagine que je ne puisse pas y aller,
06:00 elle attend que ça, ma nièce, de me voir."
06:01 C'est très difficile de se dire que tout est régi en fonction de la maladie.
06:06 Moi, l'année dernière, on avait organisé un énorme voyage humanitaire
06:11 au Maroc avec les équipes de mon association.
06:13 C'est un voyage qui me tenait vraiment énormément à cœur.
06:16 C'était notre premier gros voyage à l'étranger, etc.
06:19 Et puis, quatre jours avant le départ, je crois, hospitalisation en urgence,
06:24 opération, anesthésie générale, quatre jours à l'hôpital,
06:29 deux mois de soins à domicile, ensuite, quotidien.
06:32 Donc, je n'ai pas pu aller à ce fameux voyage humanitaire.
06:37 En fait, je vis très bien ma maladie.
06:39 Je vis très bien.
06:41 Mais à chaque fois qu'elle me rappelle,
06:43 en m'empêchant de faire des choses, de vivre des choses,
06:46 à chaque fois, là, c'est un coup de masse.
06:47 Je me suis dit, "Putain, j'ai investi tout mon temps,
06:50 toute mon énergie, tout ce que je pouvais dans ce voyage humanitaire
06:54 et je ne vais pas pouvoir y participer."
06:56 Donc, ça, ça a été un moment très, très, très compliqué pour moi.
07:00 Je crois que j'aurais aimé apprendre plus tôt sur cette maladie,
07:05 le réel handicap qu'elle allait créer dans mon quotidien.
07:08 Je ne fais plus de course, je n'y vais plus dans les magasins
07:10 parce que j'ai atrocement mal aux jambes, parce que j'ai mal au dos.
07:12 J'aurais aimé être préparée au fait que j'allais devenir aussi dépendante des gens.
07:18 Ma plus grande appréhension face à cette maladie, c'est le fauteuil roulant.
07:22 C'est la humanité.
07:24 C'est ce qu'on dit.
07:26 Les gens atteints de sclérose en plaques, c'est par étapes.
07:28 C'est d'abord une béquille, puis une canne, puis le fauteuil,
07:32 puis après, on ne se lève plus.
07:35 Voilà, donc quand on arrive au moment où on vous dit "ça y est,
07:39 cette fois-ci, cette poussée, vous n'allez pas récupérer,
07:41 vous allez rester assise jusqu'à la fin de votre vie",
07:44 c'est ce qui fait le plus peur, je pense, pour n'importe qui.
07:48 Ma maladie m'apporte tellement de négatifs que je n'accepte pas
07:51 qu'ils viennent d'ailleurs que de ma maladie.
07:52 Ma maladie, je n'ai pas le choix.
07:54 Pour tout le reste, j'ai le choix.
07:55 Je ne m'entoure que de gens positifs, de choses positives.
07:59 Et du coup, quand je vais bien, ce ne sont que des moments de bonheur.
08:02 Je suis très fière de mon parcours dans le sens où je n'ai pas lâché.
08:07 Quand ça n'allait pas, j'ai su comprendre que ça n'allait pas
08:11 et du coup, faire en sorte que ça aille mieux.
08:13 On m'a dit "tu ne travailleras plus".
08:14 J'ai eu du mal à l'encaisser, je l'ai encaissé, j'ai rebondi,
08:18 j'ai créé mon assos aujourd'hui.
08:20 On fait de super trucs avec mon assos.
08:22 Pour moi, c'est une fierté de me dire que je ne me suis pas laissée abattre.
08:25 Quand ça ne va pas, ça ne va pas, mais quand ça va,
08:27 je suis là et je ne lâche pas.

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