L'association ARPD (Assistance de Recherche de Personnes Disparues) accompagne les familles de personnes qui ont disparu mystérieusement. Jean Strazzeri, le dernier maître gantier de Grenoble veut perpétuer son savoir-faire qu'il expose au musée Dauphinois. Nathalie Baillon, spécialiste de cyclisme longue distance va tenter de battre le record du monde de la traversée de l'Europe.
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00:00 L'entrepôt du bricolage de Saint-Jean-de-Moiran et Chérole Comboire, Saint-Martin-d'Air
00:06 vous présentent "Si on parlait". L'entrepôt du bricolage, l'esprit entrepôt, ça change tout.
00:10 Avec Giltrinia Résidence, vous êtes confortablement installés pour regarder "Si on parlait".
00:17 [Musique]
00:41 Bonjour à tous, bienvenue dans "Si on parlait", l'émission qui vous donne la parole chaque jour
00:45 pour savoir ce qui se passe près de chez nous.
00:47 Et aujourd'hui, on va parler de ces disparitions inexpliquées qui laissent des familles dans le désarroi
00:53 pendant des années, d'un métier qui a fait la réputation de la ville de Grenoble, celui de Gantier
00:58 qui est du record de la traversée de l'Europe en vélo que va tenter une Iséroise spécialiste d'ultra-cyclisme.
01:05 Et pour parler de ces sujets, j'ai à mes côtés Nathalie Bayon, bonjour.
01:08 Bonjour.
01:09 C'est vous la championne d'ultra-cyclisme, affûtée comme jamais puisque vous allez tenter
01:13 une traversée de l'Europe de plus de 6000 kilomètres dans quelques jours.
01:16 À côté de vous, il a une activité purposante, Jean Straseré, bonjour.
01:20 Bonjour Thibault.
01:21 Mais néanmoins très importante pour notre ville de Grenoble, vous êtes maître Gantier,
01:26 le dernier à perpétuer ce savoir-faire dans la capitale des Alpes.
01:29 Une expo est consacrée justement à l'histoire de Grenoble et du Gant au musée dauphinois en ce moment.
01:34 On en parlera avec vous évidemment.
01:36 En face de vous, Yves Dalbello, bonjour.
01:38 Bonjour Thibault.
01:39 Responsable de l'antenne iséroise de l'ARPD, c'est l'association d'assistance de recherche
01:44 de personnes disparues.
01:46 Et puis à côté de vous, Yves Suppo, bonjour Yves.
01:49 Bonjour.
01:50 Vous êtes le papa de Nicolas Suppo qui a disparu sans laisser de trace en 2010 à Grenoble.
01:55 Vous êtes évidemment tous les deux en lien à travers cette association, l'ARPD.
02:01 Yves, quel est le but justement de cette structure ?
02:04 Alors l'ARPD existe depuis 20 ans.
02:06 Elle a pour but d'aider les familles de disparus à retrouver leurs proches.
02:11 Depuis la disparition, comment dire, l'abrogation en 93 de la recherche dans l'intérêt des familles.
02:19 Donc avant 93, les pouvoirs publics avaient l'obligation de traiter les disparitions,
02:26 on va dire, de majeures, non inquiétantes.
02:30 Et donc depuis 93, les familles sont totalement, comment dire, ont été abandonnées, si vous voulez.
02:40 Ce qui a permis l'essor d'associations de recherche disparues pour les épauler.
02:46 C'est-à-dire que vous menez des enquêtes sur le terrain ?
02:48 Oui, on met des enquêtes, mais nous ne sommes pas des policiers.
02:51 Nous sommes des gens issus de diverses catégories socio-professionnelles.
02:55 Alors parmi nous, il y a en effet d'anciens policiers, d'anciens gendarmes.
02:59 Il y a des gens un peu de toute espèce, on va dire.
03:03 On a des anciens fonctionnaires, on a des anciens du corps médico-social.
03:10 Moi, je suis ancien, comment dire, ancien clerc du Hissier, donc j'étais aussi responsable du billier.
03:17 Vous étiez déjà dans le domaine de la justice ?
03:18 J'étais déjà, oui, dans le domaine de la justice.
03:21 Mais bon, si vous voulez, c'est les bonnes volontés.
03:25 C'est des gens, comment dire, d'associations.
03:29 Nous sommes totalement débénévoles et nous avons vraiment envie d'aider autrui.
03:34 Comment vous cohabitez avec les enquêteurs officiels quand vous êtes sur un cas, justement, d'une disparition sur laquelle vous travaillez ?
03:41 Alors, si on a des choses, si on apprend des choses, nous avons l'obligation de les signaler.
03:46 Alors, il est vrai que pour des gens, des gens, des sachants qui auraient des informations,
03:53 ce n'est pas toujours facile d'aller pousser la porte d'un commissariat pour des raisons parfois qui nous échappent.
04:01 Donc on essaye d'être des facilitateurs, on va dire, d'être des personnes qui nous faisons le lien.
04:09 C'est une fois plus facile de venir se confier à des bénévoles d'une association comme vous qu'à un enquêteur officiel.
04:15 C'est ça.
04:17 Vous arrivez à sortir des affaires ? C'est, je crois, le jargon qu'on utilise dans le milieu des enquêteurs.
04:23 Oui, l'RPD a contribué, notamment dans l'affaire Bonfanti. C'est une affaire qui a été clôturée.
04:28 Et en ayant repris, après relecture de la procédure, on a pu trouver des éléments, trouver des pistes.
04:37 Et ces pistes ont permis la réouverture de l'enquête et ont permis le résultat que l'on connaît aujourd'hui.
04:43 Indirectement, on va dire que l'RPD a contribué, oui, à quelque chose, a servi à quelque chose.
04:51 Mais notre rôle, c'est surtout d'épauler les familles autant que faire se peut, de les aider, de les conseiller,
04:57 et d'essayer d'être à leur écoute et de bien comprendre et d'analyser parce que la plupart d'entre nous...
05:04 Alors, il y a des jeunes actifs qui n'ont pas forcément beaucoup de temps, mais le peu qu'ils donnent, c'est toujours bien pour les familles.
05:12 Et puis il y a des gens comme moi, des retraités, des gens plus âgés qui, eux, ont parfaitement le temps
05:18 et peuvent vraiment s'investir à fond dans les dossiers.
05:21 On voit quelques images de Marilène Bonfanti, qui était niséroise, qui a disparu à 36 ans.
05:25 Je crois que c'était en 1985 à Ponchara et dont, effectivement, l'affaire a été élucidée il y a quelques années
05:32 avec un suspect, en tout cas, qui est en prison aujourd'hui, alors que pendant une trentaine d'années, elle était classée au fond d'un tiroir.
05:39 C'est un, une des affaires un peu emblématiques du fait que, parfois, au bout de deux, trois décennies, on peut arriver à la résolution d'une énigme.
05:50 J'imagine, Yves Suppo, que ça vous donne espoir quand vous voyez cette affaire qui s'est résolue quelques décennies après les faits,
05:58 près de chez nous, à Ponchara, dans la vallée du Grézy-Vaudan.
06:01 C'est vrai que ça me donne espoir, mais en même temps, ça me désespère.
06:04 Oui, parce que...
06:05 Parce que, voyez-vous, quand mon fils a disparu, j'avais 60 ans. Rajoutez 35 ans qu'on a dans l'affaire Bonfanti.
06:13 C'est-à-dire que ça serait vraiment limite de savoir ce qui est arrivé à Nicolas, si je devais attendre autant de temps. Voilà.
06:22 - Et lui, Nicolas Suppo a disparu en 2010 à Grenoble. Il avait 30 ans. Il sortait de son travail entre midi et deux.
06:31 - Oui, il y a eu aucun signe avant le coureur. Et qu'est-ce qui s'est passé ? En fait, on ne sait rien.
06:39 C'est-à-dire que toutes les portes sont ouvertes. Il a quitté son travail. Et depuis, c'est silence radio.
06:45 Et on a... Quelle que soit l'enquête qui a pu être menée, on n'a pu fermer aucune porte.
06:53 C'est-à-dire on ne sait pas est-ce qu'il est parti volontairement, est-ce qu'il s'est suffilé, est-ce qu'il a fait une mauvaise rencontre.
07:01 En fait, on ne sait pas, à l'état actuel. Et donc, 13 ans après...
07:05 - Il y a eu une enquête sur la disparition de votre fils ?
07:09 - Oui, il y a eu une enquête. Et lorsqu'il a disparu... Enfin, je vais faire un mauvais jeu de mots, parce que c'est triste à la fois.
07:16 C'était mon cadeau de départ à la retraite, la disparition de mon fils.
07:21 Bien entendu, lorsqu'il a disparu, la maman de Nicolas est allée directement à la police.
07:27 Donc la police se veut rassurante, bien entendu, dit attendez, patientez, il va revenir.
07:33 Elle était très inquiète. On appelle les pompiers qui sont allés voir chez Nicolas.
07:37 Nicolas, son appartement, il était tel qu'il l'avait laissé le matin et qu'il aurait dû le retrouver le soir.
07:42 Aucun signe de préparation d'un départ.
07:46 Donc après, je dirais, la police a fait son oeuvre.
07:50 Là, nous, à ce moment, on faisait totalement confiance, je dirais, à la police et à la justice.
07:55 On a dit on va les laisser faire. Et puis, en fait, on s'est rendu compte que les années passaient sans que le dossier n'avance.
08:01 Et en 2014, donc quatre ans après la disparition de Nicolas, le dossier a été clôturé.
08:07 Il a été rangé, circulé. Il n'y a plus rien à voir.
08:12 Et c'est lors de l'affaire Lollandais, donc c'est en 2018 que j'ai écrit au procureur de la République, c'est-à-dire à Jean-Yves Coquillat,
08:23 qui était à l'époque en poste à Prenoble, et pour lui demander la réouverture du dossier de Nicolas pour des raisons, je dirais, de proximité géographique.
08:35 Plus d'autres éléments de voisinage que j'avais pu déceler entre le parcours de Lollandais et celui qui était celui de mon fils.
08:45 Alors ce que je voulais juste préciser, c'est que pendant toutes ces premières années, en fait, j'avais la sensation de ne pas avoir besoin ni d'association, ni même d'avocat.
08:56 Je me disais dans le cas d'une disparition, que va faire un avocat de plus que...
09:01 Et donc pertinemment, je pensais que la police allait avancer sur le dossier, ce qui n'a pas été le cas.
09:07 Et donc les années passant, eh bien on a ressenti le besoin et c'est passé sur...
09:12 Enfin, ça a toujours été le cas pour la maman de Nicolas, qui elle avait besoin, peut-être encore plus que moi, de contact avec les autres,
09:21 qui a eu connaissance de l'association de recherche des personnes disparues.
09:25 Et là, ça nous a permis de voir que d'autres personnes, de nombreuses autres personnes,
09:31 étaient aussi dans le cadre de recherche de personnes qui, un jour, se sont évaporées dans la nature.
09:40 Et ça, c'est vrai que ça fait du bien de pouvoir discuter avec des personnes qui ressentent, je dirais, les mêmes douleurs que soi.
09:49 Les mêmes douleurs. Parce que je vois quand on en parle à la famille, c'est totalement différent.
09:55 Parce qu'on sent une réticence de la part des proches. Moi, j'ai des frères, des sœurs. Je fais partie d'une famille nombreuse.
10:02 Mais je vois qu'ils rechignent à me parler de la disparition de Nicolas parce qu'ils ont peur que ça me fera du mal.
10:09 Et là, souvent, c'est une grave erreur parce qu'au contraire, ça nous fait du bien à nos parents qu'on se soucie de notre fils qui a disparu.
10:19 Voilà. Qui est peut-être encore vivant quelque part. Mais de savoir que les autres se soucient de votre douleur, quelque part, ça vous fait du bien.
10:29 – Évidemment, c'est aussi une des dimensions de l'association d'apporter un soutien au-delà de mener des enquêtes, d'apporter un soutien à ces familles.
10:37 – C'est l'essentiel. C'est d'être là, c'est d'essayer d'être à disposition, c'est de partager.
10:42 Parce que quelque part, on n'entre pas par effraction vraiment, puisque c'est les familles qui froppellent à nous.
10:50 Mais c'est vrai, on rentre dans l'intime des familles. On rentre vraiment au cœur.
10:54 Et ce qui est important, c'est vraiment d'avoir une connaissance vraiment la plus totale de la vie du disparu.
11:02 Pour mieux comprendre ce qui a pu éventuellement le motiver dans le cadre d'une expérimentation volontaire ou de mieux comprendre ce qu'il a pu devenir.
11:10 Et c'est vrai que ce n'est pas évident. Alors qu'au côté enquêteur, enfin nous on se qualifie de bénévole enquêteur.
11:19 On met en avant le mot de bénévole enquêteur. Nous sommes avant tout des bénévoles.
11:22 Et comment dire, on essaye de, sans perturber, sans comment dire…
11:30 – Le…
11:36 – Le perférer.
11:37 – Oui, voilà, il y a toujours ce souci d'éviter de trop remuer des choses qui pourraient être déplaisantes.
11:42 Alors c'est vrai que le bénévole, il essaye de jauger un petit peu, de voir jusqu'où il peut aller.
11:50 Parce que le but, c'est quand même d'entrer au maximum, de comprendre vraiment le dossier.
11:54 Et pour comprendre le dossier, il faut vraiment aller le plus en profondeur possible.
11:59 Voilà, pour vraiment essayer d'avoir tous les éléments qui peuvent permettre.
12:03 Et ça nous a permis d'avoir des échanges et de réfléchir et d'échafauder des hypothèses.
12:09 Et comme disait Yves, on se rend compte que finalement, on ne peut pas fermer de porte.
12:15 Et c'est le drame. Si on pouvait écarter quelques pistes, quelques portes, les fermer,
12:20 ça pourrait un peu nous rassurer parce qu'on pourrait à ce moment-là concentrer nos efforts sur d'autres.
12:27 Mais ce qui n'est pas le cas. Et donc c'est un vrai drame.
12:30 Aujourd'hui, vous menez toujours des actions en commun.
12:33 Il y a quelques jours, vous étiez devant l'entreprise où travaillait Nicolas Suppo.
12:38 On vous voit là sur ces images en train de distribuer des extracts aux salariés.
12:43 Certains ont dû le côtoyer il y a une dizaine d'années.
12:46 Oui, je crois que c'est d'ailleurs peut-être un des rôles, je crois, essentiels de l'association aussi.
12:51 C'est de pouvoir organiser à notre attention des petites actions du type de celle qui s'est passée devant le lieu de travail de Nicolas.
13:04 Pour distribuer des appels de recherche ou de pouvoir renouer avec les anciens collègues de Nicolas en se disant
13:16 peut-être qu'il y a des choses qui leur ont échappé ou qu'ils n'ont pas voulu exprimer et qui, peut-être, avec le temps, resurgiraient.
13:28 Et donc, je crois que je voulais souligner peut-être l'intérêt de l'association.
13:32 C'est dans ces actions-là parce que ce n'est pas le rôle de la police.
13:36 Ce n'est pas le rôle de la justice.
13:38 Mais c'est vrai que c'est un appui pour les familles de sentir qu'il faut continuer à rechercher.
13:46 Donc, on a fait effectivement une action devant l'entreprise où travaillait Nicolas.
13:52 On en a fait une autre devant son ancien domicile à Échirol.
13:56 On s'est même déplacé à Lyon parce qu'on s'est rendu compte que Nicolas allait, je dirais, de façon anonyme à Lyon
14:05 pour faire on ne sait quoi.
14:08 Et donc, on s'est déplacé dans le quartier pour essayer de recueillir des informations.
14:13 Et ça, ça a été organisé justement par l'association.
14:16 Nous-mêmes, nous n'aurions pas eu le courage de le faire parce que j'avoue qu'après tout ce temps, moi-même, j'ai tendance, hélas, je le dis franchement, à baisser les bras.
14:29 On l'imagine bien. On voyait l'affiche qui est installée sur la mairie d'Échirol en honneur de Nicolas et de Malik Bouvilain,
14:38 qui est un autre Échirolois disparu sans laisser de traces deux ans après votre fils.
14:43 Aujourd'hui, vous avez un sentiment parmi les différentes hypothèses qu'évoquait Yves entre le suicide, le meurtre, la disparition volontaire.
14:49 Vous avez une idée de ce qui aurait pu arriver ?
14:55 Non, je dirais c'est le drame d'un père de famille, parce qu'entre toutes ces solutions, ces hypothèses, moi, j'aurais tendance à vous choisir celle qui m'est la plus confortable.
15:06 C'est que mon fils soit parti, qu'il mène une vie heureuse. Mais je ne le crois pas.
15:14 Mon fils, quand il est disparu, il avait 30 ans. J'avais de bons rapports avec lui. Il avait de bons rapports avec sa mère.
15:20 À 30 ans, vous pensez que vous avez le courage de partir comme ça. Le matin, vous quittez, vous ne prenez aucune affaire.
15:27 Vous ne dites pas où vous allez. Mais si vous voulez recommencer une vie, mais vous le dites, qu'est-ce qui vous en empêche ?
15:34 C'est même beau comme but. Mon fils, je pense qu'il ne serait jamais parti comme ça. Voilà. Sans le dire à ses parents.
15:42 Il va dire je m'en vais, je recommence quelque chose.
15:46 Yves Dalbello, Nicolas Suppo, comme toutes les autres personnes qui disparaissent sans laisser de traces, quel statut juridique ils ont 10 ans, 12 ans après ?
15:56 Ils sont considérés comme décédés, comme faisant toujours partie de la société ?
16:02 Écoutez, tant qu'on n'a rien retrouvé, la personne est censée être vivante. Il faut trouver quelques éléments tangibles qui prouveraient que la personne ne soit plus ici, plus de ce monde.
16:15 Donc Nicolas est censé être vivant. Maintenant, c'est très compliqué. Le problème, c'est que plus le temps passe et moins les chances de trouver des indices, de retrouver Nicolas ou d'autres disparus, plus les chances s'abnuisent.
16:37 D'où l'importance, en fait, en début d'enquête, quand une personne disparaît, c'est là où vraiment le paquet doit être mis, comme on dit. Le paquet doit être mis et non pas, comme disait Yves, de s'entendre dire oui, bon, il a disparu, mais c'est pas grave, il va revenir.
16:53 Attendez demain, attendez après demain. Il pourra y avoir une grande évolution des choses quand on se dira OK, la personne disparaît.
17:01 On le prend tout de suite au sérieux.
17:03 Et ensuite, on met les moyens. Voilà. Surtout s'il n'y avait pas de signe avant-coureur. Il n'y avait aucun signe avant-coureur. Tout allait bien. Et d'un seul coup, il disparaît. Donc c'est effroyable.
17:15 - Les familles sont souvent les mieux placées pour savoir si c'est...
17:17 - Si vous permettez, je voulais rajouter quelque chose parce que ça me fait penser à une notion juridique qui s'appelle l'absence. Et on est en plein dedans. C'est-à-dire que moi, j'ai deux autres enfants.
17:29 Si demain, je venais à décéder, ils ne pourraient pas hériter de quelques petits biens que j'aime. Pourquoi ? Parce que leur frère a disparu. Or, la disparition, ce n'est pas la mort.
17:45 Or, pour... Là, c'est des choses qui sont difficiles à dire. Mais il est nécessaire de faire, lorsqu'une personne disparaît, une déclaration d'abord, qu'on appelle ça, une présomption d'absence.
17:59 C'est un acte juridique qui dit "la personne a disparu". Et dix ans après, vous pouvez faire ce qu'on appelle cette fois-ci une déclaration d'absence. Et là, ça équivaut à un acte de succession.
18:17 Et là, vous faites bien de soulever le problème parce que moi, je ne me vois pas. Et maintenant, j'ai 73 ans. Je disais j'en avais eu 60 lorsque Nicolas a disparu.
18:26 Mais je ne voudrais pas, moi, décéder et que ce soit mon fils actuel, Julien et ma fille Adeline, qui a, je dirais, à régler ce problème-là.
18:36 Moi, je voudrais qu'il soit réglé de mon vivant. Alors j'espère vivement que mon fils réapparaisse, bien sûr. Mais s'il ne réapparaît pas, eh bien je ferai les formalités pour...
18:49 Même si c'est très difficile à admettre, d'absence pour que mes deux autres enfants puissent, je dirais, entre guillemets, hériter des biens sans avoir à gérer, eux, cette situation administrative dont ils sont...
19:09 Ils doivent rester étrangers, quoi.
19:11 On comprend bien, en tout cas, toutes les conséquences confrontées à ce type de drame. Merci Yves Suppo d'être venu témoigner. J'imagine que ce n'est pas facile, même si l'affaire date de plus de 10 ans.
19:21 On sent que ça vous prend toujours au trip et on conseille, si malheureusement d'autres personnes se retrouvent dans des situations similaires, de se rapprocher de la RPD.
19:31 C'est marqué sur le pull d'Yves d'Albelo. On va changer de sujet. C'est le principe aussi de cette émission de marier des sujets parfois très éloignés les uns des autres mais qui ont un lien avec notre territoire.
19:45 On va parler d'un métier qui disparaît lui aussi malheureusement, mais qui a fait la grandeur de la capitale des Alpes il y a un siècle.
19:51 [Musique]
20:00 On a la chance d'avoir Jean Straseri avec nous, maître gantier à Grenoble, le dernier à exercer cette activité qui a fait la renommée.
20:07 - Pas pour le moment. - J'espère que vous allez relancer la filière. En tout cas, aujourd'hui, vous êtes le seul. Fabriquer des gants, c'est une activité ancestrale.
20:17 Je crois que même au moment de la préhistoire, l'homme préhistorique se souciait déjà de ses mains.
20:21 Depuis les années 1300, on retrouve sur Grenoble, c'est le début de la fabrication des gants de Grenoble.
20:30 - Vous êtes devenu gantier comment vous, Jean ?
20:33 - C'est par hasard. Comme on dit, j'ai fait que changer de trottoir. Parce que je vous explique, à l'âge de 14 ans, je ne savais pas trop, je ne pouvais pas faire des études étant donné qu'on était une famille nombreuse.
20:47 À l'époque, bon, les études, ça coûtait cher. Donc je travaillais dans une pharmacie. Et on devait me faire un CIP pour devenir préparateur en pharmacie.
21:02 Et puis finalement, un beau jour, j'ai une de mes sœurs qui travaillait dans la ganterie et qui me dit, tu sais, dans la ganterie, on recherche des jeunes apprentis.
21:12 Si ça t'intéresse, c'est un métier noble, pas salissant, travailler en cravate. Alors j'ai dit pourquoi pas, je vais aller voir.
21:21 Parce que comme mon contrat tardait à venir, et puis je suis rentré donc à la ganterie Lidière, maison que je dirige aujourd'hui.
21:31 Et en tant que jeune ouvrier, j'ai passé un diplôme, un CAP à l'époque de Couperdegan. Et d'ailleurs, à la fin de ma formation, voilà ce qu'on me donnait.
21:43 Ça et ça. Alors ça date de 1967. – Ça c'est les diplômes d'époque, on va dire.
21:48 – Voilà, voilà ce qu'on nous donnait à la fin de notre formation.
21:51 – Ils ont bien vieilli, vous êtes précautionneux. – Ah oui, oui, non mais j'utilise, il n'y a que moi qui les utilise.
21:56 Et donc, et puis de fil en aiguille, j'ai connu toute la déchéance de la ganterie, ce qui m'a appris à prendre toutes les tâches en ganterie.
22:07 Et en 1979, j'ai succédé à l'époque à M. Marino, qui était le patron de la ganterie Lidière.
22:15 Et j'ai appris sur ce, j'ai appris que c'était en même temps le propriétaire de l'auberge et de l'hôtel Napoléon…
22:23 – A rue Montorge. – A rue Montorge.
22:25 Et je travaillais juste la pharmacie en face, Viguier.
22:28 – Ah ben c'est là l'idée de traverser la rue. – Voilà, j'ai changé de prof.
22:33 [Rires]
22:35 – Alors la particularité de votre art, parce qu'on peut appeler ça un art, c'est que vous fabriquez tout à la main.
22:42 Je crois qu'il faut assembler une vingtaine de pièces pour faire un gant.
22:44 – Oui, il y a une vingtaine de pièces, tout dépend du modèle que l'on fabrique.
22:47 Bien sûr, c'est toujours délicat de donner un chiffre exact, mais disons en moyenne, il y a une vingtaine de pièces à assembler.
22:52 Et effectivement, la plupart du temps, c'est pas tout le travail n'est pas fait par la même personne.
22:59 Vous avez le métier de la coupe, par exemple, que c'est destiné… c'est les hommes qui font ça.
23:04 Une dame pourrait le faire, parce qu'il y en a beaucoup qui s'offusquent quand on dit que c'est un métier d'homme.
23:08 Une dame pourrait le faire, mais c'est par élégance, parce que c'est un métier pénible.
23:13 Et après la couture, donc tout ce qui est couture, petite main, là c'est des dames qui font ce travail-là.
23:20 Et moi, j'ai connu une époque, par exemple, l'entreprise que je dirige aujourd'hui,
23:25 où la même personne faisait la même tâche toute la journée. Et on était plus de 50 personnes en atelier.
23:32 – C'est l'âge d'or. – L'âge d'or, enfin l'âge d'or…
23:36 – La fin de l'âge d'or. – La fin de l'âge d'or, voilà.
23:39 Et donc, voilà, moi j'ai appris toutes les tâches, justement, suite à la déchéance de la profession.
23:47 Il fallait s'adapter tous les trois mois, il y avait des plans de licenciement,
23:51 et il fallait s'adapter à de nouvelles tâches.
23:54 Et c'est de là que j'ai appris du tri de la peau,
23:57 comme je dis toujours, du balayage de l'atelier jusqu'à la vente chez le client.
24:01 – Alors là, c'est une peau que vous utilisez pour faire ces gants, c'est quoi ?
24:04 – C'est des peaux de chevraud. – Peaux de chevraud ?
24:06 – Peaux de chevraud, le vrai gant de Grenoble, c'est des gants en peaux de chevraud.
24:10 Parce que Grenoble était propice à…
24:14 disons que la région grenobloise était propice à l'élevage des chèvres.
24:18 Parce que bon, vu que les petits villages, c'est dans les montagnes,
24:22 donc une chèvre, ça grimpe un peu partout.
24:24 Et par exemple, du côté de l'Aveyron, eux, c'était plus l'agneau.
24:28 – C'est pas rouge le chevraud ?
24:30 – Non, alors, on avait à l'époque, on avait des mégistries qui étaient installées sur Grenoble,
24:36 et principalement sur la ville de Fontaine.
24:39 Parce qu'il fallait toujours être près d'une source d'eau.
24:42 Et malheureusement, la dernière a fermé en 1987, c'est avec l'avenue d'Utram.
24:50 Elle se trouvait au bout du cours Berriard, c'était la mégistrie pivot.
24:55 – Vous parliez d'une époque où il y avait plus de 50 employés dans vos ateliers.
25:01 L'atelier fonctionne toujours, alors de façon plus modeste ?
25:03 Aujourd'hui, vous travaillez en famille ?
25:05 – On est 6 personnes, on est 6 personnes, sauf que parmi ces 6 personnes,
25:10 j'ai mon épouse, j'ai ma fille, j'ai une employée avec nous également,
25:15 qui travaille à la boutique, qui nous cloue des gants.
25:18 Et puis le reste, c'est du personnel à domicile, qui travaille à la tâche.
25:22 – Vous avez inventé le télétravail.
25:24 – Oui, oui, mais ça peut redevenir la mode, justement.
25:27 C'est propice, l'époque actuelle est propice à relancer le métier.
25:31 Mais c'est des personnes, c'est des compléments de retraite.
25:35 C'est des personnes, parce qu'on n'a plus d'école depuis 1967.
25:39 Parce qu'à l'époque, on avait une classe de coupe et une classe de couture.
25:43 Et malheureusement, tous les gens qui sont sortis cette année-là n'ont jamais exercé.
25:48 – Aujourd'hui, il y a une formation, si on voulait prendre la suite de ce métier.
25:53 – Alors, après une vingtaine d'années de combat, j'ai réussi à faire ouvrir une classe de…
25:57 Enfin, je voulais exactement qu'on ouvre une classe, un petit atelier de ganterie.
26:02 C'est-à-dire que les tâches, comme le métier est devenu artisanal,
26:05 maintenant, il faut apprendre pratiquement toutes les tâches de la fabrication.
26:09 Alors, je suis rentré en contact avec l'Éducation nationale,
26:13 avec le lycée du Dauphiné, exactement, qui est situé à Romand.
26:19 Et après, je vous dis, après une vingtaine d'années,
26:23 finalement, avec l'aide de quelques élus, j'ai réussi à faire ouvrir une classe.
26:27 Mais c'est une classe de couture qu'on a ouverte,
26:31 alors qu'un travail, avant de le coudre, il faut le couper.
26:35 – Oui, il manque une partie de l'activité.
26:39 – La principale partie, parce que les personnes qui apprennent la couture,
26:43 à part certaines qui se font embaucher, quelques-unes,
26:46 mais on ne peut pas toutes les embaucher parce qu'on manque de coupeurs.
26:49 Parce qu'il faut environ un coupeur pour deux couturières.
26:52 Et en plus, le lycée, il me réclame que je leur découpe des gants
26:58 pour les apprentis, au lieu de me soulager, ça me sert à du travail supplémentaire.
27:04 Alors on me promet qu'ils vont revoir la question.
27:08 Mais je ne baisse pas les bras, quand même.
27:12 J'essaye, même au niveau national, de perpétuer.
27:16 – Vous avez une belle médaille, Jean.
27:19 Vous êtes le seul maître gantier à avoir obtenu le titre de meilleur ouvrier de France.
27:23 C'est une distinction suprême dans les métiers.
27:26 On voit votre diplôme, c'était à l'époque de Jacques Chirac, je crois.
27:30 – Oui, c'est lui qui nous a remis.
27:32 Et vous savez qui c'est qui nous a…
27:34 Exactement, là, c'était la réception à l'Élysée, après la remise des médailles.
27:39 Et vous savez qui m'a remis la médaille de meilleur ouvrier de France ?
27:44 – Non, je n'étais pas là.
27:46 C'était M. Mélenchon. – Ah, ça, on n'aurait pas pu trouver.
27:50 Mélenchon qui remet une médaille de meilleur ouvrier.
27:52 – Il était secrétaire d'État.
27:54 Et le ministre de l'Éducation nationale, à l'époque, c'était Jacqueline.
27:58 – Ah, ben voilà, vous avez côtoyé du beau monde, grâce à ce titre de meuf.
28:04 Aujourd'hui, vous le disiez, il y a l'atelier,
28:06 mais vous avez aussi une boutique qui existe en France.
28:08 – Oui, on a le Garde des Lidières, qui est juste derrière l'Office du tourisme,
28:13 qui est tenu par ma fille, et on a justement une des couturières
28:17 qui est sortie d'école qu'on a fait ouvrir sur Romand.
28:21 Et donc, bon voilà, et on va essayer de perpétuer ça,
28:25 parce qu'elles apprennent à peu près à faire…
28:28 elles font plus de 80% des tâches déjà, elles savent le faire.
28:32 Donc vous voyez, ce n'est pas entièrement disparu.
28:34 Ce qui me manque encore, c'est les coupeurs.
28:36 Mais je ne désespère pas.
28:38 – On a compris que ça prenait beaucoup de temps de fabriquer les gants,
28:40 en tout cas dans la façon traditionnelle que vous faites.
28:43 J'imagine que ça coûte cher, c'est un produit de luxe aujourd'hui.
28:45 Quels sont vos clients ?
28:47 – C'est-à-dire qu'un produit, moins vous en fabriquez,
28:50 et plus il sera vendu cher.
28:52 Alors, c'est un métier de luxe de la façon dont on le fabrique.
28:59 Mais il faut faire en sorte que ce métier ne soit pas destiné
29:04 uniquement à des personnes qui ont un gros pouvoir d'achat.
29:08 Mon but à moi, c'est que tout le monde puisse en profiter.
29:12 Et donc, je ne pratique pas le vrai prix que ça mérite.
29:16 Par exemple, la semaine dernière, j'étais sur Paris,
29:19 je passe devant la Maison Hermès.
29:21 Alors la Maison Hermès, c'est les membres de ma fédération.
29:24 Je suis leur président depuis 2008,
29:26 de la Fédération française de la ganterie.
29:30 Et j'ai vu une paire de gants 1300… des poussières.
29:36 Chez moi, une paire de gants classiques,
29:38 elle est vendue autour des 100 euros.
29:40 – Oui, donc effectivement…
29:41 – Il y a la différence, voilà.
29:42 – Il y a le marketing qui rentre un peu dans la…
29:45 – Et je suis certain que, bon, ce n'est pas pour me lancer des fleurs,
29:48 parce qu'eux, ils seraient les premiers à le reconnaître
29:51 que la fabrication est tout autre chez moi que chez eux.
29:54 – On a vu en tout cas, qu'elle minutie vous fabriquez
29:57 ces gants dans vos ateliers.
29:58 Vous faites quoi de…
29:59 – Ils font aussi de la bonne qualité.
30:00 – Oui, mais la nôtre est meilleure.
30:02 – Mais c'est le prix.
30:03 – Oui, c'est sûr que…
30:06 – Le gant de Grenoble sera toujours le meilleur, de toute façon.
30:07 – Vous en fabriquez quoi ? 200 à peu près par mois ?
30:09 – Deux à trois cents paires, tout dépend des modèles que l'on fabrique.
30:12 – Bon, et puis on a parlé, vous l'avez évoqué,
30:14 Grenoble était la capitale de la ganterie.
30:16 Il y a eu plus de 30 000 personnes qui vivaient du gant.
30:19 – 32 000 personnes qui ont travaillé,
30:21 et on a été capitale mondiale durant deux siècles.
30:24 Et d'ailleurs, je le dis tout haut,
30:27 et je le fais savoir même à tous mes confrères de l'Aveyron
30:32 ou de la Haute-Vienne,
30:35 parce qu'il reste encore quelques fabricants de gants en France,
30:38 et pour eux c'était l'Aveyron, c'était Millau, la capitale.
30:43 Alors que non, ils arrivaient après nous.
30:46 – Il faut leur conseiller d'aller au musée d'eau chinois,
30:48 puisqu'il y a une expo qui justement retrace l'histoire du gant Grenoble.
30:51 – Mais ils sont tous au courant.
30:53 – Vous y avez collaboré à cette exposition.
30:55 – Oui, effectivement.
30:56 – Jean, qu'est-ce qu'on peut y voir ?
30:58 – On peut y voir déjà toute la… enfin de très beaux gants déjà,
31:03 des gants uniques, et même des gants qu'on ne peut pas fabriquer aujourd'hui,
31:08 parce que les brodeurs n'existent plus,
31:11 on n'a plus la main-d'œuvre qualifiée pour le faire.
31:15 Et ça retrace toute l'histoire du gant sur Grenoble,
31:20 depuis, comme je vous ai dit, depuis 1330, de l'époque.
31:25 – Avec les machines de l'époque.
31:27 – Avec les machines, les machines qui étaient sans moteur,
31:30 maintenant on utilise toujours des vieilles machines,
31:33 mais on a rajouté des moteurs, et c'est un travail très minutieux,
31:37 comme vous me disiez au début, il y a une vingtaine de pièces à assembler,
31:42 c'est un véritable puzzle pour arriver à monter une paire de gants.
31:47 – On a vu la dernière image, je crois que c'était des gants
31:49 qui avaient été faits pour le couronnement de la Reine Elisabeth en 1962.
31:52 – Oui, oui.
31:53 – Ça fait écho avec, je ne sais pas si le prince Charles
31:55 avait des gants pour son couronnement.
31:56 – Si, il avait un gant, mais qui ne venait pas de Grenoble.
31:59 – Bon, donc ce n'est pas remarquable.
32:01 – Non, parce que s'il était de Grenoble, je l'aurais su,
32:03 mais je pense même qu'il était en tissu.
32:07 – Dernier petit clin d'œil à la ganterie,
32:09 ce dictionnaire historique de la ganterie grenobloise
32:11 qui vient de sortir au presse universitaire de Grenoble.
32:15 – Effectivement, il est sorti le mois dernier, au mois d'avril,
32:20 donc ça retrace un peu tous les noms des anciens gantiers,
32:24 de toutes les ganteries qui ont existé sur Grenoble,
32:26 et puis l'historique même des gérants, il y a un peu de tout.
32:30 C'est vraiment un dictionnaire de la ganterie.
32:32 – Bon, vous êtes dedans ?
32:33 – Ah bah oui, j'y suis.
32:35 Et puis j'avais quelque chose à vous dire également,
32:38 c'est qu'on ne baisse pas les bras et qu'on a ouvert la maison du gant à Grenoble.
32:45 Alors la maison du gant, c'est un lieu qui sera destiné
32:48 à la mémoire de la ganterie grenobloise,
32:52 et en même temps si possible, un lieu de formation.
32:55 – Très bien, ça fera la suite de l'exposition qui a été terminée fin juin.
32:58 – Ça va faire la suite de l'exposition, et on peut le visiter par petits groupes,
33:05 pas tous les jours, mais sur rendez-vous.
33:07 – Cette maison du gant, elle se trouve où ?
33:08 – Elle se trouve à 26 rue du colonel du Mont, à Grenoble.
33:11 – Très bien, et c'est Audrey "Colonel" Coquet qui a écrit ce dictionnaire
33:16 de la ganterie disponible au presse universitaire de Grenoble,
33:19 il vient juste de sortir. J'espère que vous allez garder un petit peu de force Jean,
33:23 parce qu'on va finir cette émission en suivant le rythme de Nathalie Bayon,
33:28 et vous allez voir, il faut s'accrocher.
33:30 – Ça m'intéresse.
33:31 [Musique]
33:39 – Nathalie Bayon, habitante de Bombonneau dans la vallée du Grésivaudan,
33:43 spécialiste d'ultra-cyclisme, c'est quoi l'ultra-cyclisme Nathalie ?
33:48 – C'est un peu comme l'ultra-trail, mais à vélo.
33:51 Donc ça va être un mix entre le voyage à vélo et des courses à vélo.
33:55 Donc des courses très longue distance, où on doit vraiment tout gérer,
33:59 le sommeil, la nutrition.
34:01 Alors après il y a plusieurs catégories, il y a des catégories avec assistance,
34:04 donc là il y a vraiment toute une équipe qui suit, qui s'occupe de tout,
34:07 le cycliste a juste à rouler.
34:08 Moi je fais des courses en autonomie, donc là c'est vraiment,
34:12 toute la gestion c'est à nous de le faire.
34:15 Voilà, essayer de ne pas trop dormir,
34:18 de prendre la nourriture qu'on a besoin avec nous,
34:21 alors de trouver ce qu'on a besoin sur le parcours.
34:24 Enfin voilà, c'est un peu de gestion et de préparation aussi en amont.
34:27 – Il y a une part d'aventure j'imagine dans ce type d'épreuve.
34:32 Vous avez décidé il y a deux ans de laisser de côté votre métier d'ingénieur,
34:36 en tout cas pour vous lancer dans l'ultra-cyclisme,
34:40 j'imagine qu'il faut beaucoup, beaucoup s'entraîner, beaucoup rouler.
34:43 Vous calculez le nombre de kilomètres que vous faites par an, Nathalie ?
34:46 – Oui, depuis trois ans je suis à peu près à 25 000 kilomètres par an,
34:50 sachant que je fais aussi beaucoup de dénivelé, vu que je suis vers Grenoble.
34:53 – Ah oui, c'est pas toujours très plat,
34:55 on vous voit vous entraîner dans la vallée du Grézin de Vendan,
34:57 mais ça monte très vite autour.
34:59 – Voilà, donc oui ça fait, je ne sais pas, 1 200 heures peut-être par an.
35:04 – Qu'est-ce qui vous plaît dans ces longues distances,
35:07 de centaines et centaines de kilomètres ?
35:09 – Je pense que c'est l'aventure,
35:11 mais aussi un petit peu la découverte de nouveaux territoires, les paysages.
35:14 Souvent je fais plutôt des courses en montagne,
35:16 parce que je trouve que les paysages sont toujours plus beaux.
35:19 Et oui, il y a un petit peu aussi le défi, essayer de se surpasser,
35:24 aller vraiment rechercher les ressources au plus profond de soi
35:28 pour faire du mieux qu'on peut et aller le plus vite possible.
35:32 – Vous parlez de la montagne, quand on en est en autonomie comme ça
35:35 sur plusieurs jours, on fait quoi ?
35:36 On campe, on pose la tente et on passe la nuit à la Belle Étoile ?
35:40 – Ça dépend, il y a plusieurs stratégies.
35:42 On a tout à fait le droit d'aller dormir à l'hôtel,
35:44 il faut juste que ça soit accessible à tout le monde.
35:46 Donc si on a des amis par exemple sur la trace de la course,
35:48 on n'a pas le droit d'y aller normalement.
35:51 Mais à l'hôtel c'est tout à fait possible,
35:53 on peut très bien faire une course avec juste la carte bleue.
35:57 Ensuite, après ça va être différentes stratégies,
35:59 il y a aussi possibilité de camper.
36:01 Moi pour l'instant j'étais surtout spécialisée
36:03 sur les courses sur route de moins de 1 500 kilomètres.
36:06 Et donc là, pour être dans les premiers, on dort très peu.
36:11 Donc j'ai une couverture de survie, je dors sur le bord de la route
36:13 une heure et c'est reparti.
36:15 – Il faut un vélo particulier, de quoi justement mettre
36:18 le matériel nécessaire à être autonome, comment ça se passe ?
36:22 – Maintenant avec le bikepacking, il y a vraiment des sacoches
36:25 qui sont très légères, qui peuvent se mettre sur n'importe quel vélo.
36:27 Donc on voit un peu de tout.
36:29 Donc ça va être des vélos de route, pareil il y a des courses VTT,
36:33 gravel, route, mais ça va être vraiment le vélo qu'on a,
36:37 enfin ça va plutôt être, si on cherche la performance,
36:40 un vélo plutôt léger.
36:42 Pour du confort, il peut y avoir des vélos un peu plus acier aussi,
36:44 mais on trouve vraiment de tout.
36:46 – On vous voit là sur ces images, vous êtes autonome,
36:49 vous êtes quoi, passée la nuit ou avec les différents packings
36:53 qui sont attachés au vélo ?
36:55 – Oui, donc là c'est la Biking Manuscadi,
36:57 on voit que je suis quand même assez légère,
36:59 mais comme je disais, là-dessus j'ai une couverture de survie,
37:03 je ne prends pas, là c'est une course de 1000 km,
37:06 sur ces courses-là je ne prends pas de sac de couchage,
37:08 c'est vraiment… – On roule !
37:10 – Voilà ! – On ne s'arrête pas !
37:12 – C'est ça, on essaie de s'arrêter le moins possible,
37:14 et c'est vraiment, si je sens que je suis fatiguée,
37:16 je me pose, je fais une sieste de 20 minutes,
37:19 j'ai quand même une doudoune pour avoir chaud,
37:22 et puis couverture de survie et c'est tout.
37:24 – Une des premières courses à laquelle vous avez participé,
37:26 c'est la Race Across France, qui elle fait 2600 km,
37:29 c'est une traversée de la France, même si c'est écrit en anglais,
37:33 là j'imagine qu'on est obligé de gérer un peu plus l'effort et la logistique ?
37:39 – Oui, alors ça c'était ma première course,
37:42 donc disons que je n'ai pas très bien géré justement,
37:45 – Il faut apprendre ! – Voilà, j'ai fait beaucoup d'erreurs,
37:47 j'ai beaucoup appris, au début j'avais la théorie,
37:50 j'avais beaucoup lu, je n'avais pas d'expérience,
37:52 mais j'avais pas mal lu sur le sujet, donc j'étais là,
37:54 je pouvais faire des nuits de 4 heures,
37:56 bon finalement c'est pas du tout passé comme ça, j'étais malade,
37:58 donc j'ai dû dormir beaucoup plus en espérant récupérer,
38:00 ensuite j'ai essayé de faire la stratégie des siestes un petit peu,
38:03 mais ça ne fonctionnait pas hyper bien,
38:06 donc oui, j'étais en autonomie, mais c'était ma première course,
38:10 j'ai fait beaucoup d'erreurs et j'ai appris plus qu'autre chose.
38:14 – On court en peloton ou chacun doit courir à son propre rythme,
38:17 comment ça se passe, il y a un règlement là-dessus ?
38:19 – Oui, ça dépend des courses,
38:21 il n'y a pas encore vraiment de règlement international,
38:23 c'est-à-dire que la plupart des courses, c'est pas le droit au drafting,
38:26 donc pas le droit de rouler en peloton, c'est vraiment tout seul,
38:30 il y a quelques courses qui l'autorisent,
38:33 et après il y a aussi des catégories en duo,
38:36 où là ils ont le droit de prendre le vent ensemble,
38:40 mais pas avec les autres participants.
38:42 – On l'a vu sur ces images, avec une course de 2600 km,
38:44 on voit du pays, du pont de Normandie jusqu'au Ventoux,
38:47 j'imagine qu'il y a quelques galères aussi sur ce type d'épreuves,
38:50 la pluie, la météo ?
38:52 – Oui, il y a toujours des galères,
38:53 il y a toujours des choses auxquelles on ne s'attend pas,
38:55 on essaie de se préparer au maximum,
38:57 mais il faut vraiment s'adapter sur ces courses,
39:00 il va toujours y avoir quelque chose auxquelles on ne s'attendait pas,
39:03 ça peut être des soucis matériels, ça peut être des soucis de santé,
39:05 moi sur la première course, j'avais jamais eu de problème au niveau de la selle,
39:10 là ça m'avait coupé, et pour s'asseoir après,
39:13 au bout de 1000 km, c'était un peu compliqué,
39:16 donc voilà, il y a vraiment toujours des soucis,
39:18 il faut essayer de rebondir, soit de souffrir et de terminer,
39:22 ou alors de trouver des solutions.
39:24 – Vous parliez de la nuit, vous pédalez aussi sur ces courses-là pendant la nuit ?
39:28 – Oui, alors comme je disais, ça va dépendre vraiment de la course,
39:33 il y en a où il va falloir dormir, mais sur des 1000, 1200,
39:38 ça se fait en 2-3 jours pour les meilleurs,
39:41 et donc là-dessus, on va essayer de ne pas dormir le moins possible.
39:44 – J'imagine que les parcours ne sont pas sécurisés, la circulation a lieu,
39:48 il n'y a pas de balisage, c'est à vous de vous débrouiller
39:50 pour prendre le bon itinéraire ?
39:52 – Oui, alors la plupart du temps, c'est pareil, il y a deux types de courses,
39:55 il y en a avec un tracé défini, donc on a une trace GPS qu'on doit suivre,
39:59 mais non, sur autant de kilomètres, ils ne peuvent pas tout baliser,
40:02 sachant qu'en plus, entre les premiers et les derniers, il y a énormément d'écarts,
40:06 et ensuite il y a des courses où ça va être des checkpoints qu'il faut relier,
40:11 et là, on peut choisir sa trace, donc chacun va avoir vraiment une stratégie différente,
40:15 il faut juste arriver à différents endroits dans un temps imparti.
40:18 – C'est le point de passage.
40:19 – Oui.
40:20 – Alors il y a quand même certaines épreuves qui sont un peu plus cloisonnées,
40:23 c'est le cas des 24 Heures du Mans, alors moi je connaissais la version auto,
40:26 mais il y a une version vélo des 24 Heures du Mans que vous avez gagnées, Nathalie,
40:31 c'est un événement un peu atypique, on voit là des images de l'édition 2022
40:36 que vous avez remportées, je crois que vous avez d'ailleurs le record de l'épreuve.
40:40 – Record féminin, oui.
40:42 C'était un petit peu particulier, alors ce n'est pas forcément ce qui m'attire le plus,
40:46 mais j'ai eu aussi un petit peu une histoire personnelle,
40:49 à l'époque je faisais du vélo et j'avais fait mes études vers là-bas,
40:52 et c'est un peu le premier événement qui m'a attirée, que je voulais faire en longue distance,
40:57 mais à l'époque j'étais étudiante, le prix d'inscription était trop cher,
41:00 donc je l'ai laissé tomber, et entre-temps il y a une association qui m'avait contactée,
41:05 donc j'avais déjà fait il y a deux ans en équipe de 6 ou 8, en équipe de 6 je crois,
41:12 et donc c'était pour l'association Les Déglingués du Bitume,
41:15 c'était pour récolter de l'argent pour une petite fille handicapée,
41:18 et ils m'ont proposé de revenir, je vais raconter un peu mon histoire,
41:22 qu'à l'époque j'avais voulu faire ça en solo, alors que je n'avais aucune connaissance en longue distance,
41:27 et que je voulais essayer de battre le record féminin déjà à l'époque,
41:29 mais je pense que je n'avais pas encore conscience de ce que c'était vraiment,
41:32 et du coup ils m'ont proposé de revenir l'année dernière et de le faire,
41:35 et donc j'y suis allée, mais sans vraiment savoir, je ne m'étais jamais entraînée en circuit,
41:39 je n'avais pas vraiment d'idée, donc j'avais un peu annoncé "oui je vais battre le record",
41:44 mais je n'avais aucune idée de si j'allais vraiment le faire ou pas.
41:47 - Vous l'aviez bien sentie quand même, puisque vous l'avez battue, 837 km en 24 heures,
41:52 j'ai divisé par 24, ça fait pratiquement 35 km/h de moyenne,
41:56 donc ça même un cycliste aguerri a du mal à tenir cette distance sur une ou deux heures,
42:01 donc 24 heures on imagine.
42:04 Le prochain défi est encore plus fou que ce dont on vient de parler,
42:08 Nathalie, puisque vous voulez battre un autre record, un record du monde,
42:11 de la traversée de l'Europe.
42:12 - Oui, c'est ça.
42:13 Donc là c'est un Guinness record qui part de Tarifa en Espagne jusqu'au Cap Nord en Norvège,
42:20 c'est environ 6500 km à faire en moins de 16 jours, 20 heures, 59 minutes,
42:25 si je bats le record global.
42:27 Alors là c'est pareil, je n'ai pas d'expérience sur aussi long,
42:29 je ne sais pas trop comment gérer le sommeil et tout,
42:31 donc j'ai des objectifs toujours très ambitieux,
42:34 mais peut-être que je vais complètement me foirer.
42:36 Et dans le pire des cas, je vais essayer d'au moins établir un record féminin,
42:42 il n'y en a pas encore, il n'y a pas encore eu de tentative,
42:44 ou en tout cas de réussite féminine sur le parcours.
42:46 Et donc l'idée c'est aussi d'en établir un et d'avoir d'autres filles
42:50 qui puissent se motiver et essayer de le battre.
42:53 - Il y aura un huissier de justice, je me tourne vers elle,
42:56 pour attester de votre record, comment ça se passe dans ces cas-là ?
42:58 - Alors il y a pas mal de preuves à apporter.
43:00 Là je vais avoir des vidéastes avec moi,
43:03 donc ça, ça va m'aider un petit peu à prouver que je l'ai fait.
43:05 Ils vont filmer pas mal de vidéos.
43:08 Après il faut aussi faire signer des témoins sur le parcours,
43:11 comme quoi ils m'ont bien vu passer.
43:13 Il y a toutes les traces GPS que je vais leur envoyer,
43:16 des photos avec l'heure, enfin voilà,
43:18 il y a tout un tas de preuves à apporter,
43:20 des tickets des hôtels dans lesquels je vais dormir,
43:23 toutes ces choses-là, oui.
43:25 - Bon, une belle aventure, les vidéastes et Grégory Berger
43:27 et Julien Delvolgo qui vont vous suivre sur cette aventure
43:30 pour en faire un film, ça s'appellera "La route de l'audace".
43:33 C'est le titre de ce parcours assez fou,
43:36 6400 kilomètres en moins de,
43:41 déjà un peu plus de deux semaines pour essayer de battre ce record.
43:44 Bon courage, Nathalie, vous êtes prête ?
43:46 - Je sais pas.
43:48 - On a l'impression que vous êtes prête, en tout cas.
43:50 On croise les doigts pour vous,
43:52 et puis on verra en juin si vous avez réussi à battre,
43:55 vous revenez pas en vélo de Norvège quand même ?
43:57 - Je pense pas, je pense que j'aurai un peu mal aux fesses.
44:00 - Non, merci.
44:02 - On vous en prendra plus de temps.
44:04 - Merci, et puis si vous avez besoin de gants,
44:06 vous avez les gens à côté,
44:07 on peut peut-être vous faire une paire sur mesure avant que vous partiez.
44:10 Merci en tout cas, à tous les quatre,
44:12 on peut vous suivre sur les réseaux sociaux
44:14 pour voir au fil des jours votre périple,
44:17 et puis on fait un petit clin d'œil à l'association Petit Plateau 38,
44:19 que je ne connaissais pas, mais qui organise dans la région
44:21 des courses d'ultra-cyclistes, donc s'il y a des amateurs,
44:24 ils peuvent s'initier en allant sur le site de cette association.
44:29 - Alors, j'essaie de préciser, c'est justement pas des courses,
44:31 c'est pour les personnes qui veulent y aller sans pression de chrono.
44:33 - Oui, c'est de la découverte de l'ultra-cyclisme.
44:35 Oui, c'est vrai que aux courses, il y a tout de suite la notion de compétition.
44:39 Merci en tout cas à tous les quatre, on est très en retard,
44:42 et je rends l'antenne à mes amis.
44:45 [Musique]
44:55 Vous avez profité de "Si on parlait" avec Gilles Trignan Résidence.
44:59 [Musique]
45:03 L'Entrepôt du bricolage de Saint-Jean-de-Moirant,
45:06 et chez Rolls-Comboy, Saint-Martin d'Air,
45:08 vous a présenté "Si on parlait".
45:10 L'Entrepôt du bricolage, l'esprit entrepôt, ça change tout.
45:13 ça change tout.
45:14 ♪ ♪ ♪