Ça vous regarde - Comment attirer les usines en France ?

  • l’année dernière
- Grand témoin : Jean-Noël Barrot, Ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications

LE GRAND DÉBAT / Comment attirer les usines en France ?

« Le chrono de Blako » par Stéphane Blakowski

« Réindustrialiser la France, c'est la mère des batailles » titre le magazine « Challenges » le 11 mai 2023 pour illustrer l'interview du Président de la République. Emmanuel Macron reconnaît que la France a été particulièrement touchée par des vagues de désindustrialisation entre les années 1980 et 2000. Pourtant, il est optimiste : 1,7 millions d'emplois ont été créés depuis 6 ans, dont 100 000 emplois industriels, et on dénombre 500 créations d'usines depuis 2017. Selon le baromètre EY du 10 mai 2023, la France conserve sa première place du classement européen pour l'accueil des investissements étrangers. Pourtant, l'annonce du désengagement de l'actionnaire chinois sur les deux usines Valdunes du Nord (dernier fabricant français de roues et d'essieux de trains) inquiète les salariés qui viennent de déclencher une grève à durée « illimitée ». La France parviendra-t-elle à rattraper le choc de désindustrialisation dû à la crise de 2008 en recréant autant d'usines et d'emplois ?

Invités :
- Philippe Aghion, économiste et professeur au Collège de France
- Aurélie Trouvé, députée LFI de Seine-Saint-Denis
- Marc Lhermitte, associé chez Ernst & Young
- Laurent Saint Martin, directeur général chez Business France


LE GRAND ENTRETIEN / Jean-Noël Barrot : numérique, pour en finir avec les abus et les arnaques !
Jean-Noël Barrot, Ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications, a présenté le 10 mai 2023 en Conseil des ministres un projet de loi pour « sécuriser et réguler l'espace numérique ». Celui-ci promet de mettre en place un filtre de cybersécurité anti-arnaque, de condamner les cyberharceleurs à un bannissement des réseaux sociaux et d'obliger les sites pornographiques à vérifier l'âge de leurs utilisateurs. Le but est d'offrir une meilleure protection aux citoyens français et aux entreprises. Pour cela, des actions concrètes sont prévues, comme donner le pouvoir à l'ARCOM de bloquer l'accès aux sites pour adultes sans passer par un juge. Ce projet de loi réussira-t-il à contrer les arnaques et les violences de l'espace numérique ?

- Grand témoin : Jean-Noël Barrot, Ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications

BOURBON EXPRESS
- Elsa Mondin-Gava, journaliste LCP

LES AFFRANCHIS :
- Pierre-Henri Tavoillot, philosophe, professeur à la Sorbonne
- Delphine Sabattier, journaliste à « B-Smart »

Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
Un carrefour d'opinions où ministres, députés, élus locaux, experts et personnalités de la société civile font entendre leur voix.

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Transcript
00:00 (Générique)
00:05 Bonsoir et bienvenue à tous, ravi de vous retrouver dans "Ça vous regarde"
00:09 Ce soir, le ministre de la Transition Numérique.
00:12 Bonsoir Jean-Noël Barrault.
00:14 Merci d'être notre grand témoin.
00:15 Vous venez tout juste de présenter votre projet de loi pour sécuriser et réguler l'espace numérique.
00:21 C'est un défi en soi, mais est-ce vraiment possible
00:24 à l'heure où un Français sur deux est victime d'une tentative d'arnaque sur Internet
00:28 et même le site de l'Assemblée a été récemment piraté ?
00:30 Vous allez nous dire dans la deuxième partie tout ce que vous proposez.
00:34 Mais on va commencer ce soir avec la reconquête industrielle.
00:37 Emmanuel Macron en a fait la maire des batailles.
00:40 Le président à l'Elysée a vanté ses résultats devant un parterre de chefs d'entreprise tout à l'heure.
00:46 Alors la France, certes, recrée de l'emploi industriel,
00:49 mais part de plus loin que ses voisins européens.
00:52 Quels sont nos atouts stratégiques ?
00:54 Est-ce que le protectionnisme fait partie de la solution ?
00:57 Grand débat dans un instant avec nos invités sur ce plateau
01:00 avant de retrouver nos affranchis pour leur parti pris.
01:03 Et puis dans Bourbon Express ce soir, l'indignation à l'Assemblée
01:07 après la démission du maire de Saint-Brévin, victime d'intimidation de l'extrême droite.
01:11 Voilà pour le menu ce soir. Vous me suivez, monsieur le ministre ?
01:14 Ça vous regarde ? C'est parti !
01:16 Musique de générique
01:18 "La réindustrialisation, bataille économique, mais aussi géopolitique et même identitaire",
01:33 a dit Emmanuel Macron aujourd'hui.
01:35 Le rapport à l'industrie est une part d'explication du mal français.
01:40 On va revenir ce soir sur les mots, le message du chef de l'Etat,
01:44 le protectionnisme, manifestement, n'est plus un gros mot dans notre pays.
01:48 Bonsoir, Laurent Saint-Martin. - Bonsoir.
01:50 - Ravie de vous retrouver. Vous êtes le directeur général de Business France,
01:53 l'agence publique destinée à faire venir les investisseurs étrangers dans notre pays.
01:57 Et vous êtes ancien rapporteur général du budget ici à l'Assemblée,
02:00 ancien député Renaissance. En face de vous, Aurélie Trouvé, bonsoir.
02:03 - Bonsoir. - Merci d'être là.
02:05 Députée La France Insoumise de Seine-Saint-Denis, ancienne présidente du collectif Attaque.
02:09 Bonsoir, Philippe Aghion. - Bonsoir.
02:11 - Grand plaisir de vous retrouver, économiste, professeur d'économie au Collège de France,
02:15 à la London School of Economics de Londres et à l'INSEAD à Fontainebleau.
02:19 Enfin, bonsoir, Marc Lermitte. - Bonsoir.
02:21 - Merci d'être avec nous ce soir. Vous êtes associé chez Ernst & Young,
02:25 EY en bon français, qui publie aujourd'hui son classement de l'attractivité des pays européens.
02:31 On va y revenir dans le détail. Évidemment, il est pour vous, ce débat.
02:34 Jean-Noël Barraud, le numérique, c'est un des grands leviers de la reconquête industrielle.
02:38 Donc, évidemment, vous faites partie de ce débat ce soir.
02:41 Je vous donne la parole dans un instant. Qu'est-ce qu'il a dit, le président, exactement ?
02:44 La reconquête est-elle en marche ? Il a 200 secondes. C'est le défi de Blaco, top chrono.
02:48 Et je me retourne pour vous accueillir, mon cher Stéphane, comme chaque soir. Bonsoir à vous.
02:55 - Bonsoir, Myriam. Bonsoir à toutes et tous.
02:58 - Alors, l'emploi industriel en France.
03:00 - Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais en ce moment, on est en plein compte-arbour.
03:03 Le président s'est donné 100 jours pour tourner la page de la réforme des retraites.
03:07 Il a décidé à 36 jours. Il en reste 64.
03:10 Et aujourd'hui, il avait une bonne nouvelle sur laquelle s'appuyer,
03:13 qui a été publiée par le cabinet Ernst et Young.
03:16 C'est, regardez, le fait que pour la quatrième année de suite,
03:19 la France est le pays d'Europe qui attire le plus d'investisseurs.
03:22 Alors moi, naïvement, j'aurais été tenté de pousser un petit cocorico,
03:26 mais l'opposition est manifestement beaucoup moins naïve.
03:28 On écoute Alexis Corbière.
03:30 - Quel est l'objectif ? Il est politique de changer la conversation.
03:33 On parle quasiment plus des retraites, alors qu'on est encore dans un mouvement des retraites.
03:36 Et il nous vante les mérites de son action politique.
03:38 On réindustrialise le pays.
03:40 Léger frémissement à l'image de ce qui se passe en Europe,
03:42 où nous, on n'est pas les meilleurs.
03:44 Ça n'est pas dû à Emmanuel Macron.
03:46 - Bon, on n'est pas non plus tout à fait étonné
03:48 qu'Alexis Corbière ne trouve pas beaucoup de qualité Emmanuel Macron.
03:50 Mais quand on regarde l'étude d'Ernst et Young,
03:52 on voit bien en tout cas que la France, effectivement,
03:55 aujourd'hui, est devant ses concurrents européens pour le nombre d'investissements.
03:59 Il n'est pas exclu que Emmanuel Macron y soit pour quelque chose,
04:02 puisque le redressement, vous voyez, commence autour de 2016,
04:04 quand il est arrivé au ministère de l'Economie.
04:06 Mettons quand même un petit bémol,
04:08 histoire de ne pas donner complètement tort à Alexis Corbière,
04:10 on voit que si le nombre d'investissements augmente,
04:12 en revanche, le nombre d'emplois, lui, est en baisse cette année.
04:16 Bon, le Parlement, le pardon, le Parlement niait,
04:18 mais le Président, lui, ne veut pas se laisser abattre.
04:20 Aujourd'hui, il est étatalisé pour s'adresser à tout le monde,
04:23 avec un message très clair, écrit derrière lui, vous voyez,
04:25 accélérer notre réindustrialisation.
04:29 Parce qu'on a un point plutôt positif en France,
04:31 c'est qu'on ouvre plus d'usines qu'on enferme.
04:35 Donc, il y a un solde de 200 usines ouvertes depuis deux ans,
04:39 mais on voit que ça n'accélère pas, au contraire,
04:41 puisque là, avec la crise de l'énergie,
04:43 le nombre d'ouvertures est en baisse.
04:45 Alors, comment accélérer ?
04:47 On peut, par exemple, se demander aux investisseurs étrangers
04:49 quelles sont les qualités, les défauts de la France,
04:51 notamment par rapport aux autres pays.
04:52 Donc, selon l'étude, quand on parle de nos forces,
04:54 ce qui arrive en premier, mais très largement,
04:56 c'est l'énergie décarbonée, donc celle du nucléaire.
04:59 C'est extrêmement important pour les entreprises
05:01 qui doivent toutes, aujourd'hui, réduire leurs bilans carbone,
05:03 leurs émissions de CO2.
05:05 Et quand on demande nos faiblesses,
05:07 c'est le manque de terrain disponible pour construire des usines,
05:09 par exemple, et quasiment à égalité,
05:11 le manque de flexibilité de la réglementation,
05:13 notamment environnementale,
05:15 qui fait que c'est difficile de s'implanter.
05:18 Alors, ça dit, ce n'est pas un avis complètement tombé du ciel.
05:21 On a nous-mêmes sorti un rapport en France,
05:23 l'an dernier, commandé par le gouvernement,
05:25 qui nous disait, regardez,
05:27 le délai théorique pour implanter une usine,
05:29 c'est 9 mois, le délai réel,
05:31 c'est 17 mois, c'est-à-dire 4 fois plus
05:33 que les Allemands, les Polonais.
05:35 Donc, évidemment,
05:37 ça demande à être corrigé.
05:39 Donc, dès cet après-midi, le Président a insisté là-dessus,
05:41 en disant que, désormais, pour accélérer,
05:43 il faudrait réduire par 2
05:45 ces délais pour implanter une usine.
05:47 On écoute.
05:48 Dans le projet de loi Industrie verte,
05:50 nous allons mettre en place
05:52 un dispositif, une procédure,
05:54 justement, qui va permettre de garantir
05:56 un 9 mois, entre le moment où on dit
05:58 "on toppe", l'ensemble des autorisations
06:00 et le début des travaux
06:02 peuvent se faire au maximum
06:04 9 mois après. C'est un élément
06:06 clé de compétitivité, de réduction des délais,
06:08 et donc du coût pour un investisseur.
06:11 Alors, il a bien sûr annoncé d'autres mesures
06:13 pour obtenir cet effet d'accélération,
06:15 notamment réhabiliter les friches
06:17 industrielles, pour être prêts à accueillir des entreprises,
06:19 et aussi des crédits d'impôts, dont vous allez
06:21 débattre. Est-ce que c'est suffisant ? Pas suffisant.
06:23 Je voudrais juste vous rappeler que les Américains,
06:25 avec leur IRA, ont débloqué
06:27 400 milliards de dollars de subventions
06:29 pour aider à attirer des usines.
06:31 Je ne sais pas si on sera à la hauteur.
06:33 Peut-être pas la France, mais on fera des comparaisons
06:35 avec l'Europe tout à l'heure. On poursuit avec vous
06:37 Marc Lhermitte, pour bien comprendre
06:39 l'état des lieux, déjà sur l'attractivité.
06:41 J'étais surprise, parce qu'on est
06:43 encore sur le podium, on est champion
06:45 en 2022, malgré une année
06:47 compliquée, malgré les grèves, malgré
06:49 Fitch, qui ne croit plus qu'on peut faire
06:51 de réformes. Oui, d'abord, malgré le contexte
06:53 économique international. C'est d'abord ça qui,
06:55 en 2022, a un peu cassé
06:57 la croissance, le retour de l'économie
06:59 européenne après la période Covid,
07:01 et donc là aussi un peu freiné en France.
07:03 C'est ça, le "malgré tout". D'abord,
07:05 le contexte est formidablement compliqué
07:07 pour les chefs d'entreprise, pour les salariés,
07:09 pour la population, évidemment.
07:11 C'est ça, le contexte.
07:13 Parce que globalement, l'année en investissement
07:15 en Europe est moins forte.
07:17 Exactement, l'investissement en Europe est moins fort.
07:19 La France s'inscrit à peu près dans la moyenne européenne.
07:21 On voit que les pays d'Europe du Sud,
07:23 de l'Est, profitent de la croissance.
07:25 Et c'est tant mieux, parce que ce sont aussi
07:27 des pays dans lesquels il y a des problèmes sociaux,
07:29 des questions d'emploi qui se posent.
07:31 Il faut être un peu européen en même temps.
07:33 -Les investisseurs que vous connaissez,
07:35 ils sentent que l'environnement
07:37 économique a changé, vraiment ?
07:39 -Ils sentent que la France,
07:41 finalement, quand on se regarde de l'extérieur,
07:43 quand on se compare aux autres,
07:45 on a du mal à le croire de Paris-Centre,
07:47 on a du mal à le croire dans tous les territoires
07:49 en France, c'est que quand on nous regarde
07:51 de l'extérieur, la France, c'est pas un miracle,
07:53 tout le monde est conscient des problèmes,
07:55 des handicaps assez lourds, il y a tellement de choses
07:57 à faire dans l'école, l'hôpital, etc.
07:59 Mais on voit la France, finalement, faire un parcours,
08:01 une transformation assez spectaculaire,
08:03 les chiffres le disent,
08:05 pas de politique sur ce plateau, et j'en fais d'ailleurs pas du tout.
08:07 C'est un regard extérieur...
08:09 -1259 nouveaux projets cette année.
08:11 -Un peu plus positif que notre marmite intérieure.
08:13 -Et ça, c'est quoi, le coût du travail ?
08:15 Moins cher, principalement ?
08:17 -Les atouts qui nous voient
08:19 viennent d'être très bien rappelés, d'ailleurs,
08:21 par Blaco, mais je pense que
08:23 ce qu'il faut retenir,
08:25 c'est que sur l'année 2022,
08:27 l'année 2023, on a une forme de constance,
08:29 une forme de, je dirais pas de sérénité,
08:31 mais de résistance des entreprises
08:33 vis-à-vis de la France et aussi vis-à-vis de l'Europe.
08:35 Ça, c'est d'abord la bonne nouvelle.
08:37 Les trois ans qui viennent sont en fait
08:39 les trois ans où tout va se jouer. La bascule énergétique,
08:41 la bascule sur la transition écologique,
08:43 des investissements technologiques considérables,
08:45 on l'a entendu à l'Elysée, mais on l'entend
08:47 tous les jours dans les entreprises,
08:49 petites, moyennes et grandes. D'ailleurs, c'est
08:51 beaucoup plus difficile pour les petites entreprises,
08:53 c'est d'elles qu'il fallait s'occuper aujourd'hui
08:55 et c'est à elles qu'il fallait parler.
08:57 -Vous étiez à l'Elysée, ça a été fait,
08:59 les petites entreprises. Laurent Saint-Martin,
09:01 puis je fais circuler. Vous revenez de Taïwan,
09:03 je crois ? -Oui, enfin,
09:05 j'y ai été courant avril, effectivement.
09:07 -Taïwan, c'est très important,
09:09 parce qu'il y a les micropossesseurs,
09:11 c'est TSMC,
09:13 la grosse entreprise. -C'est la grosse entreprise
09:15 de micro... -Et demain,
09:17 à Dunkerque, une autre entreprise,
09:19 Prologium, va installer
09:21 l'annonce d'une méga-usine de batteries.
09:23 Vous le sentez,
09:25 parce que vous, vous leur parlez aux étrangers,
09:27 le regard changeait, vraiment ? -Le regard se consolidait.
09:29 Comme l'a très bien dit Marc Lhermitte,
09:31 ce n'est pas en 2022-2023
09:33 que la France est redevenue attractive.
09:35 Ça date de 2016-2017.
09:37 Un paquet d'attractivités,
09:39 par la fiscalité, par les lois travail,
09:41 par beaucoup de mesures d'attractivité du quotidien,
09:43 comme on dit à Business France,
09:45 qui ont vraiment changé la donne.
09:47 -Le coût du travail reste plus élevé,
09:49 en moyenne, par rapport aux Européens.
09:51 -Une première étape de flexibilité a été
09:53 mise en oeuvre en 2017,
09:55 et elle a été perçue, vue et saluée.
09:57 En revanche, là où c'est nouveau,
09:59 ce qui était intéressant pour nous,
10:01 c'est depuis la crise Covid, avec la réouverture en Asie,
10:03 comment la France est-elle perçue ?
10:05 On voit que la France résiste mieux aux crises
10:07 que les autres pays, et ça a permis
10:09 de faire des investissements d'attractivité.
10:11 La France est loin devant le Royaume-Uni et l'Allemagne
10:13 en termes de nombre de projets d'investissement.
10:15 Si vous prenez l'exemple de Taïwan,
10:17 on salue la capacité à maîtriser l'inflation
10:19 plus que les autres pays.
10:21 On salue la capacité, sur le point de vue énergétique,
10:23 à avoir nos propres forces,
10:25 notamment par rapport à l'atome.
10:27 Et tout ça est observé.
10:29 Un troisième facteur très important
10:31 et bien perçu, c'est notre programme d'investissement
10:33 France 2030.
10:35 -C'est quoi, ça ? C'est le plan de relance ?
10:37 -C'est pas le plan de relance, c'est le plan suivant.
10:39 France 2030, c'est 54 milliards d'euros
10:41 dans l'industrie décarbonée,
10:43 mais dans tous les grands secteurs d'avenir.
10:45 Le quantique, les industries culturelles et créatives,
10:47 le spatial, etc.
10:49 Donc toutes les grandes entreprises
10:51 dans le monde qui veulent investir
10:53 dans le marché européen voient le plan France 2030
10:55 comme une terre d'accueil qui leur permet de prospérer.
10:57 Parce que derrière, ce sont des chaînes de valeur
10:59 qui sont installées, et ces entreprises-là,
11:01 derrière, elles peuvent rester durablement en France.
11:03 Et donc, c'est ce triptyque
11:05 qui permet d'avoir attractivité par la fiscalité,
11:07 la réglementation, capacité à résister aux crises
11:09 plus que les autres pays.
11:11 Le quoi qu'il en coûte a été salué à travers la planète.
11:13 Et puis, après la crise,
11:15 notre capacité de relance et de réinvestissement
11:17 dans les grands secteurs d'avenir et d'innovation,
11:19 c'est ce package, ce triptyque qui, aujourd'hui,
11:21 permet à la France de résister aussi bien.
11:23 -Aurélie Trouvé, merci. Emmanuel Macron ?
11:25 -En fait, ça a été d'abord dit
11:27 tout à l'heure, c'est que
11:29 Emmanuel Macron tente de faire diversion.
11:31 En parlant maintenant de la réindustrialisation,
11:33 comme s'il y avait un miracle de réindustrialisation,
11:35 je rappelle que c'est pas parce qu'on attire
11:37 beaucoup de capitaux étrangers,
11:39 d'abord, qu'on est capable de maintenir l'emploi.
11:41 En l'occurrence, le bilan d'Emmanuel Macron,
11:43 qui est un bilan depuis dix ans,
11:45 ça fait dix ans qu'il est aux manettes,
11:47 n'est pas bon en termes de réindustrialisation.
11:49 Prenons la part... -Que vous comptez
11:51 quand il était secrétaire générale de l'Etat
11:53 et ministre de l'Economie. -Bien sûr.
11:55 -Donc, les cinq ans de François Hollande.
11:57 -Il est aux manettes de l'économie depuis,
11:59 et puis aux manettes de l'Etat depuis dix ans.
12:01 C'est un bilan. Prenons la part de l'emploi
12:03 industriel dans l'emploi total.
12:05 Eh bien, cette part-là a encore diminué
12:07 pendant ces dix ans-là. On est aujourd'hui à 11 %,
12:09 quand on était à peu près 30 % en 1970.
12:13 Donc, il y a une énorme chute
12:15 qui n'a absolument pas été enrayée
12:17 pendant ces dix ans-là. Donc, il n'y a pas eu de réponse
12:19 à la réindustrialisation. -Mais quand on regarde
12:21 depuis 2017 les chiffres, ils sont là, quand même.
12:23 100 000 emplois créés dans l'industrie,
12:25 300 créations nettes d'usines,
12:27 158 relocalisations.
12:29 Si on regarde 2017, ça, vous vous accordez
12:31 sur ces chiffres-là ? -D'abord, je pense qu'il faut
12:33 prendre les tendances de long terme.
12:35 Donc, depuis 1970, même si vous prenez...
12:37 Là, je vous ai parlé de part de l'emploi industriel
12:39 dans l'emploi total. -Oui, mais on va parler du long terme.
12:41 -On parle maintenant de valeur absolue, puisque vous dites
12:43 le nombre d'emplois. À combien on est de nombre
12:45 d'emplois dans l'industrie ? Prenons les chiffres,
12:47 les statistiques. On était autour des 5 millions
12:49 dans les années 70. On est aujourd'hui
12:51 autour de 2,6 millions.
12:53 Depuis, en fait, 2012, il y a eu
12:55 un mini-rebond,
12:57 un minuscule rebond,
12:59 depuis quelques années, mais en réalité,
13:01 on ne fait que rattraper lentement notre retard.
13:03 -On a une chute, et on est à un niveau très bas
13:05 depuis 2012, qui est à 2,6 millions
13:07 d'emplois dans l'industrie.
13:09 Donc, aujourd'hui, il n'y a pas de réponse
13:11 en matière de réindustrialisation.
13:13 La question, elle est qu'est-ce qu'on fait ?
13:15 Sachant qu'on est dans un contexte qui est aujourd'hui
13:17 très inquiétant, puisqu'on a notamment
13:19 une crise de l'énergie,
13:21 des tarifs de l'énergie pour les entreprises
13:23 qui augmentent. Il y a la fabrique de l'industrie
13:25 qui dit "attention, il y a 117 000 emplois
13:27 qui risquent de disparaître".
13:29 -Oui. -Et regardez
13:31 le bouclier tarifaire, par exemple. L'Allemagne
13:33 envisage un bouclier tarifaire à 60 euros
13:35 du mégawatt-heure. En France, on est,
13:37 je crois, à 280 euros du mégawatt-heure.
13:39 Nous avons, la semaine dernière,
13:41 toute l'opposition qui dit "maintenant,
13:43 il faut absolument des tarifs réglementés
13:45 et plus faibles, évidemment, pour la justice".
13:47 -Donc, on peut faire mieux et beaucoup mieux.
13:49 -Et le gouvernement s'y est opposé.
13:51 -Les crédits sur l'énergie. -L'analyse des présidentielles.
13:53 -On a le ministre Jean-Noël Barrault.
13:55 Ensuite, je vais vers vous, Philippe Aguillon,
13:57 parce qu'on a besoin de comprendre la "big picture".
13:59 C'est-à-dire, on rattrape un retard.
14:01 On a tellement détruit avant, donc il faut comprendre
14:03 pourquoi on n'en est que là.
14:05 On parle de bons emplois.
14:07 Il a eu ce terme-là, le président de la République.
14:09 On recrée des emplois, mais pas tant que ça
14:11 dans l'industrie. Qu'est-ce que vous répondez
14:13 à Aurélie Trouvé ? -D'abord, il faut rétablir
14:15 les faits. La France est le pays
14:17 le plus attractif en Europe
14:19 pour la quatrième année consécutive.
14:21 On est arrivé avant Emmanuel Macron.
14:23 Ensuite, l'emploi industriel baissait
14:25 depuis des décennies, et depuis 2017,
14:27 il se remet à augmenter 100 000 emplois créés.
14:29 Ça, c'est un fait, et ça a commencé
14:31 après l'élection d'Emmanuel Macron.
14:33 C'est 1,7 million d'emplois qui ont été créés,
14:35 un chômage qui est au plus bas depuis 15 ans,
14:37 un chômage des jeunes qui est au plus bas depuis 40 ans.
14:39 Mais je crois qu'il y a une autre question
14:41 qu'il faut se poser, c'est à qui bénéficie tout ça ?
14:43 À quel territoire bénéficient
14:45 ces performances exceptionnelles
14:47 de l'emploi industriel et de l'emploi tout court ?
14:49 Les investissements étrangers industriels.
14:51 Les investissements étrangers industriels
14:53 bénéficient aux trois quarts, aux villes moyennes.
14:55 Ces villes même qui ont été
14:57 sinistrées par la désindustrialisation
14:59 et délaissées par les gouvernements
15:01 successifs pendant des décennies.
15:03 Et quant à la baisse du chômage
15:05 et à l'augmentation des emplois,
15:07 et au sursaut de l'emploi industriel,
15:09 ce sont dans les départements les plus pauvres de France
15:11 qu'ils sont concentrés.
15:13 Non seulement nous avons libéré
15:15 avec Emmanuel Macron
15:17 l'économie française,
15:19 mais en plus nous avons fait oeuvre de justice sociale
15:21 et territoriale en réparant les dégâts
15:23 que l'aveuglement des responsables
15:25 politiques pendant des décennies
15:27 avait laissé s'enferrer dans le déclin.
15:29 La phrase du président dans "Challenge"
15:31 grande interview à nos confrères de "Challenge" aujourd'hui
15:33 d'Emmanuel Macron, il dit "le décrochage de tant de villes
15:35 moyennes, ce sentiment d'abandon,
15:37 de paupérisation, de déclassement
15:39 dans la France des sous-préfectures, ces phénomènes
15:41 sont intimement liés à cette
15:43 désindustrialisation, cette bataille est économique
15:45 mais aussi identitaire,
15:47 en gros la France qui a perdu
15:49 ses usines, elle vote Marine Le Pen aujourd'hui.
15:51 La France des sous-préfectures qui a subi
15:53 de plein fouet la désindustrialisation,
15:55 c'est une France dans laquelle quand on s'y rend,
15:57 on retrouve
15:59 des friches industrielles,
16:01 Laurent Saint-Martin connaît bien ce sujet,
16:03 qui témoignent
16:05 au quotidien du fait que
16:07 après la prospérité, le déclin
16:09 est venu et a déclassé de manière
16:11 durable ces territoires. Ces usines,
16:13 ces entreprises qui viennent
16:15 de France ou d'étrangers reprendre
16:17 ces friches industrielles, c'est la revanche
16:19 que ces territoires prennent sur le déclin
16:21 et donc c'est effectivement une question
16:23 identitaire en plus d'être une question économique.
16:25 - Philippe Aguillon, vous allez nous dire ce que vous pensez
16:27 de la politique industrielle du chef de l'État
16:29 mais comprenons d'abord comment on en
16:31 est arrivé là. Les économistes,
16:33 j'en en souviens, n'ont pas de responsabilité
16:35 pendant tout un temps et on a entendu dire
16:37 pourquoi pas faire une société de
16:39 service, la main d'oeuvre elle est moins chère
16:41 à l'intérieur. Serge Turuc,
16:43 c'est un peu vieux, mais la France sans usines,
16:45 ça a été un discours dans les années 90.
16:47 Est-ce qu'on a commis
16:49 une erreur fondamentale
16:51 et qui l'a commise ?
16:53 - Ce qui est très intéressant, c'est que
16:55 quand il y a eu la crise de...
16:57 Enfin, le Covid, la pandémie,
16:59 on manquait de tests,
17:01 de masques et de respirateurs.
17:03 Moi, je me suis intéressé un peu
17:05 avec d'autres collègues, on a vu que les Allemands
17:07 avaient tout ça, et nous, non.
17:09 Et en fait, j'ai regardé dans ces produits-là,
17:11 jusqu'au milieu des années 90,
17:13 on était aussi bons quasiment que les Allemands.
17:15 Et puis après, eux, ils ont continué,
17:17 ils sont devenus des exportateurs nets
17:19 de 20 milliards par an dans ces produits,
17:21 et nous, on a stagné.
17:23 Et en fait, j'ai regardé plein d'autres secteurs...
17:25 - Pourquoi ? Pourquoi on a stagné ?
17:27 C'est lié au choix politique ?
17:29 - Il y a quelques secteurs dont je vais parler.
17:31 En fait, les Allemands, ils ont investi,
17:33 ils ont innové, et nous, on a délocalisé.
17:35 Alors, ce qui s'est passé, c'est qu'il y a eu
17:37 un passage à l'euro. Avant, quand on avait
17:39 des problèmes de compétitivité, on pouvait dévaluer le franc,
17:41 mais évidemment, quand on est passé à l'euro,
17:43 on ne pouvait plus dévaluer, et comme on n'a pas
17:45 vraiment investi dans l'innovation et la compétitivité,
17:47 autant qu'on aurait dû le faire,
17:49 eh bien, on a perdu notre compétitivité.
17:51 Et nos entreprises ont délocalisé
17:53 face aussi aux réglementations,
17:55 aux 35 heures, etc., elles ont dit
17:57 "Bah, finalement, moi, je vais délocaliser."
17:59 Et on voit que dans la plupart des domaines,
18:01 on était très bon en innovation.
18:03 L'innovation est un bon prédicteur
18:05 de notre état d'avancement dans différents domaines.
18:07 Et on voit que, eh bien,
18:09 on était très bon jusqu'aux années 2000,
18:11 on décroche dans quasiment tous les domaines,
18:13 sauf quelques domaines,
18:15 et les domaines dans lesquels on ne décroche pas,
18:17 c'est le nucléaire, l'aéronautique, le luxe,
18:19 et puis l'isolation thermique, les machines agricoles,
18:21 véhicules autonomes, et quelques domaines.
18:23 Et dans tout le reste, on décroche...
18:25 - On décroche lié à des choix économiques,
18:27 de politiques économiques,
18:29 ou ce sont les entreprises elles-mêmes
18:31 qui voient que la main-d'oeuvre étant moins chère,
18:33 c'est leur propre choix stratégique ?
18:35 - Je crois qu'on a décliné parce qu'on n'a pas vu
18:37 l'importance d'être une économie compétitive,
18:39 qu'il faut un environnement d'abord
18:41 qui soit favorable à l'entreprise,
18:43 qui soit fiscal et réglementaire favorable,
18:45 et également qu'il est important
18:47 d'avoir des politiques industrielles.
18:49 Donc c'est à la fois ce que j'appelle des politiques horizontales,
18:51 politiques d'éducation,
18:53 d'innovation, de recherche fondamentale,
18:55 capital risque,
18:57 investisseurs institutionnels, fiscalité,
18:59 donc tout ça, c'est horizontal,
19:01 c'est pour toutes les entreprises et tous les secteurs,
19:03 et également, on n'a pas vu qu'il y avait des séquelles
19:05 importantes où on décrochait,
19:07 et qu'il fallait qu'on ait une politique.
19:09 Alors c'est en partie la faute de la France,
19:11 mais je dois dire que l'Europe ne nous a pas beaucoup aidé,
19:13 on viendra peut-être tout à l'heure,
19:15 il faut changer en tout cas la manière
19:17 dont on pratique les institutions européennes.
19:19 - Les aides publiques, la politique de la concurrence ?
19:21 - On va répondre à l'IRA, à l'Inflation Reduction Act,
19:23 il ne suffit pas simplement de faire davantage de réformes structurelles,
19:25 il faut que l'Europe se mette en marche
19:27 industrielle face aux Etats-Unis
19:29 et à la Chine, mais peut-être qu'on reviendra sur ce débat.
19:31 - En se déliant peut-être les mains
19:33 par rapport à certaines règles et certaines contraintes.
19:35 Bon, le tableau, il est plutôt positif,
19:37 il n'est pas parfait parce qu'on rattrape un retard,
19:39 et un long retard par rapport à nos voisins
19:41 qui ont des PME puissantes
19:43 dans l'industrie, comme les Allemands.
19:45 Je vais vous montrer quand même
19:47 les images d'une usine, parce que c'est dans le Nord
19:49 où il sera le président demain, Val d'Une,
19:51 350 salariés menacés
19:53 dans cette usine qui fabrique,
19:55 c'est de l'industrie, c'est des essieux,
19:57 c'est un fleron dans le ferroviaire. Écoutez les salariés.
19:59 - Ils se relaient depuis six jours
20:05 pour défendre leur usine
20:07 et alimenter le feu de la colère.
20:09 Jeudi dernier,
20:11 ils ont appris le désengagement
20:13 de leur actionnaire chinois,
20:15 dix ans après avoir repris ce fleuron
20:17 de l'industrie ferroviaire.
20:19 Un coup dur pour les 350 salariés
20:21 des deux usines nordistes.
20:23 - Quand on arrive jeune embauché,
20:25 c'est l'avenir le ferroviaire,
20:27 on s'aperçoit que même la seule usine française
20:29 qui reste aujourd'hui, on arrive
20:31 à quasiment un dépôt de bilan.
20:33 - C'est un sentiment de dégoût,
20:35 parce qu'on est quand même une sacrée entreprise
20:37 en France, on est les seuls à faire les routes-train
20:39 et les circuits, plus des galets,
20:41 et aujourd'hui on nous abandonne.
20:43 - Qu'est-ce que vous répondez,
20:45 Jean-Noël Barraud ?
20:47 Il y a des repreneurs, c'est pas sûr,
20:49 c'est de l'emploi qui est en jeu.
20:51 La volonté politique,
20:53 aujourd'hui, quand il y a une concurrence,
20:55 une difficulté, c'est d'aller défendre jusqu'au bout
20:57 le dernier emploi. - Bien sûr, et c'est ce que fait
20:59 Bruno Le Maire, et c'est ce que fait Roland Lescure,
21:01 qui se mobilise avec autant d'énergie
21:03 lorsque des sites sont menacés, que lorsqu'il s'agit
21:05 d'attirer des sites industriels nouveaux
21:07 dans notre pays, ou de
21:09 soutenir le développement en France
21:11 de sites industriels,
21:13 qu'ils émanent d'entreprises
21:15 françaises, ou établies.
21:17 - Donc ils ne vont pas abandonner, comme ils le disent ?
21:19 - Non, je crois pas, je crois que Roland Lescure
21:21 les a entendus et s'y est rendu
21:23 à plusieurs reprises, et qui met toute son énergie
21:25 pour essayer de trouver des solutions.
21:27 - Alors, je voudrais qu'on revienne avant de voir
21:29 s'il faut aller jusqu'à des règles
21:31 qui ressemblent à du protectionnisme,
21:33 même s'il n'a évidemment pas prononcé le mot,
21:35 à nos avantages
21:37 comparatifs.
21:39 Marc Lhermitte, qu'est-ce qu'on doit faire ?
21:41 Dans quel secteur on entend parler ?
21:43 Du spatial, du quantique, évidemment, du numérique,
21:45 de l'intelligence artificielle,
21:47 si on avait les moyens
21:49 d'avoir... Voilà, les moyens des Américains,
21:51 dans quoi il faudrait investir ?
21:53 - Alors, France 2030
21:55 trace huit grands secteurs
21:57 et franchement donne une vision
21:59 qui est assez claire, qui est assez simple.
22:01 Laurence Amartin l'a dit,
22:03 ça va de l'industrie très lourde,
22:05 l'hydrogène, la mobilité électrique,
22:07 on dit aussi la culture et les industries créatives.
22:09 Il y a
22:11 toutes les variétés de secteurs en France,
22:13 et la France est une très grande économie,
22:15 une deuxième économie européenne, c'est d'abord ça qui attire les entreprises,
22:17 et puis, encore une fois,
22:19 c'est ça qui réattire les entreprises.
22:21 C'est probablement dans l'ensemble de ces secteurs-là,
22:23 en étant certains
22:25 et conscients des atouts que nous renvoient
22:27 les enquêtes qu'on mène,
22:29 notamment un atout formidable en ce moment
22:31 qui est celui de la disponibilité
22:33 d'énergie décarbonée.
22:35 C'est le plus gros handicap
22:37 de l'Allemagne aujourd'hui, l'Allemagne qu'on en vit
22:39 pour son capacité exportatrice,
22:41 des leaders mondiaux... - TSMC, par exemple.
22:43 Cette entreprise me fascine,
22:45 parce qu'on comprend que...
22:47 Sans eux, tout s'arrête, nos smartphones, nos télés, etc.
22:49 Ils sont à Taïwan,
22:51 Biden les a fait venir aux Etats-Unis,
22:53 apparemment, c'est l'Allemagne
22:55 qui aurait
22:57 une usine TSMC à Dresde.
22:59 Là, on a perdu ce marché,
23:01 c'est très important. - Les Allemands se concentrent
23:03 sur les très gros projets.
23:05 Alors, la France,
23:07 heureusement, dans les batteries, notamment,
23:09 a réussi à en attirer quelques-uns,
23:11 mais l'Allemagne,
23:13 qui est un pays de plein emploi,
23:15 c'est un problème pour les nouveaux investisseurs
23:17 qui veulent recruter très rapidement des centaines
23:19 d'emplois, se concentre,
23:21 notamment dans l'ex-Allemagne de l'Est,
23:23 sur les gigafactories, les très gros projets,
23:25 Tesla, Intel, TSMC, etc.
23:27 C'est à peu près tout.
23:29 Et c'est, notamment,
23:31 pour les 3-5 années qui viennent,
23:33 tout ce qu'ils pourront faire, parce que les mêmes
23:35 industriels, dans ces secteurs et dans d'autres,
23:37 disent que le fait que l'Allemagne
23:39 arrête le nucléaire
23:41 et ne travaille pas très vite
23:43 sur la production d'énergie renouvelable,
23:45 ouvre une gigantesque usine
23:47 qui produit au charbon,
23:49 c'est un gros problème
23:51 pour nous, entreprise, dans notre propre
23:53 objectif de décarbonation. - Donc, les Allemands
23:55 ne nous damnent pas le pion ? - Au contraire.
23:57 Nous prenons toujours plus d'avance
23:59 depuis ces dernières années
24:01 avec l'Allemagne. Il est aussi intéressant
24:03 de noter que l'Allemagne,
24:05 soit le premier, soit le deuxième
24:07 pays qui investit en France.
24:09 Ce sont des données intéressantes.
24:11 Vous dites que, par exemple,
24:13 cette grande industrie
24:15 taïwanaise choisirait l'Allemagne.
24:17 - C'est pas sûr, encore.
24:19 - Évidemment que l'Allemagne...
24:21 - C'est un symbole, quand même.
24:23 - Vous avez cité Prologium à Dunkerque.
24:25 Demain, célébré
24:27 par le président de la République,
24:29 5 milliards d'euros, plus de 3 000 emplois.
24:31 Ce sont des projets que nous n'aurions
24:33 jamais eus il y a encore quelques années.
24:35 Comment est-ce qu'on a fait en sorte que la France puisse
24:37 attirer ces gigafactories,
24:39 ces très gros projets que, justement,
24:41 l'Allemagne trustait un peu en Europe,
24:43 pas qu'eux, avec le Royaume-Uni, notamment ?
24:45 La France est aussi professionnalisée
24:47 dans la capacité à attirer les investissements.
24:49 On en parle trop peu. C'est le travail
24:51 de Business France, ça, typiquement.
24:53 Comment est-ce qu'on fait en sorte d'avoir des sites clés en main,
24:55 prêts à l'emploi, le délai qu'on réduit
24:57 chaque année ? Il faut atteindre
24:59 neuf mois, qui est vraiment l'objectif
25:01 pour pouvoir être encore plus compétitif.
25:03 Comment est-ce qu'on fait en sorte que l'Etat
25:05 et les collectivités territoriales, ensemble, main dans la main,
25:07 puissent attirer ces projets internationaux ?
25:09 On a fait des progrès considérables ces dernières années
25:11 là-dessus. Avant, quand il fallait
25:13 investir en France, il y avait lourdeur
25:15 fiscale, lourdeur administrative, incapacité
25:17 entre l'Etat et les collectivités à se mettre d'accord
25:19 et le projet était déjà parti en Allemagne.
25:21 Ce qui a vraiment changé ces dernières
25:23 années, c'est cette capacité à capter les gros projets,
25:25 aussi par notre capacité foncière à la mettre en avant.
25:27 - Aurait-on trouvé raccourcir des délais ?
25:29 A peu près deux ans pour s'implanter
25:31 en usine en France ?
25:33 C'est trop long, ça. C'est des délais,
25:35 c'est la procédure, simplifier, accélérer.
25:37 Vous pouvez qu'être d'accord là-dessus ?
25:39 - Le problème n'est pas là et je voudrais d'abord
25:41 revenir sur le... Je vais y revenir.
25:43 D'abord, je voudrais revenir sur le tableau idyllique que vous brossez
25:45 de la France. C'est normal, c'est votre job.
25:47 Mais enfin, aujourd'hui, regardez, l'usine
25:49 Val d'Une, pourtant, on parle d'industrie verte.
25:51 Voilà une usine qui fabrique des roues de train
25:53 et qui risque de fermer.
25:55 Mais la France, c'est aussi
25:57 de très nombreuses fermetures
25:59 d'usines, de fonderies,
26:01 de textiles, d'électroménagers,
26:03 et j'en passe.
26:05 Vous parlez de création d'usines, mais il y a aussi
26:07 beaucoup de destruction d'usines, et notamment sur des secteurs
26:09 qui sont les secteurs de la bifurcation écologique.
26:11 - Mais on n'a jamais eu un solde d'ouverture aussi positif
26:13 que ces dernières années. - J'en arrive au problème,
26:15 justement, c'est le ciblage.
26:17 Parce qu'aujourd'hui, ce que font
26:19 d'autres pays, c'est, un,
26:21 de cibler leur soutien, le cibler
26:23 sur des entreprises et des aides
26:25 qui, d'abord,
26:27 fondent la bifurcation écologique.
26:29 Or, il y a des milliards
26:31 qui ont été déversés aux entreprises
26:33 sans conditions écologiques
26:35 et sans conditions sociales. Donc il faut absolument
26:37 aujourd'hui conditionner sur le plan écologique
26:39 et social ces aides, et ça n'est pas prévu
26:41 dans le projet de loi sur les
26:43 industries vertes, et c'est un vrai problème.
26:45 - C'est le principe, même, de la loi.
26:47 - Si il y a des conditionnements.
26:49 - Le plan de relance 100 milliards d'euros,
26:51 quasiment aucune condition écologique,
26:53 et aujourd'hui, le projet de loi sur les industries vertes
26:55 est bien en soute. - Vous l'avez lu, déjà ?
26:57 - Surtout, et on a le premier projet,
26:59 d'ailleurs, qu'on est en train de travailler, et surtout,
27:01 dans le projet de loi
27:03 sur les industries vertes, manque un soutien
27:05 conséquent. Quand on voit l'argent
27:07 qui est mis sur la table, il était question
27:09 des 400 milliards aux Etats-Unis, l'argent
27:11 qui est mis sur la table par d'autres pays,
27:13 aujourd'hui, je crois que c'est 700 millions d'euros
27:15 que vous proposez dans le projet de loi
27:17 industrie verte, si... - Pour la formation seulement.
27:19 - Voilà. Et donc on attend les autres chiffres,
27:21 mais voilà, ce qu'il faut, c'est
27:23 aussi un soutien très conséquent, mais ciblé.
27:25 Ciblé sur les TPE et PME.
27:27 Le problème, c'est que depuis 10 ans,
27:29 depuis les 6 ans d'Emmanuel Macron
27:31 au pouvoir, il y a eu d'énormes réductions
27:33 d'impôts qui n'ont été bien trop
27:35 peu ciblées, qui ont beaucoup bénéficié aux très
27:37 grandes entreprises. La contribution sur la valeur
27:39 ajoutée qui a été supprimée,
27:41 qui coûte des milliards d'euros par an,
27:43 il y a des études qui montrent que ça bénéficie... - Facteur
27:45 majeur d'attractivité. - Essentiellement, ça bénéficie
27:47 essentiellement aux grandes entreprises.
27:49 Plusieurs économies, études économiques
27:51 le montrent. Donc cibler les TPE, PME,
27:53 cibler les entreprises qui maintiennent
27:55 l'emploi, qui évidemment aussi
27:57 font de l'emploi de qualité.
27:59 Et puis, je finis sur... - Ça, c'est le débat, quelque part,
28:01 du premier quinquennat.
28:03 Mais il est toujours d'actualité pour vous.
28:05 Le président a bien dit que, pour lui,
28:07 toute la "contrainte" environnementale
28:09 ne devrait pas freiner
28:11 la reconquête industrielle. Et il pense
28:13 même qu'au contraire, ça irait plus vite.
28:15 Je vais vous donner un exemple. Bonus électrique,
28:17 c'est un nouveau moyen de faire le tri
28:19 entre les voitures électriques fabriquées en Chine
28:21 et celles fabriquées en France. Est-ce que
28:23 c'est du protectionnisme ? Explication
28:25 avec Marco Pommier.
28:27 [Musique]
28:29 Le bonus écologique français,
28:31 une aide à l'achat
28:33 pour les véhicules électriques.
28:35 Aujourd'hui, l'aide financière
28:37 s'applique à n'importe quel modèle,
28:39 qu'il soit fabriqué en France,
28:41 aux Etats-Unis ou en Chine.
28:43 Une hérésie pour Emmanuel Macron.
28:45 - On va soutenir
28:47 les batteries
28:49 et les véhicules qui sont produits
28:51 en Europe, parce que leur empreinte carbone
28:53 est bonne. Et on va pas mettre ces bonus,
28:55 ça veut pas dire qu'on fait du protectionnisme, on va pas fermer le marché.
28:57 Mais on va pas utiliser l'argent
28:59 du contribuable français pour
29:01 accélérer l'industrialisation non-européenne.
29:03 En clair, le bonus
29:05 écologique français, qui peut
29:07 atteindre jusqu'à 7 000 euros
29:09 selon les revenus, sera attribué
29:11 en fonction de l'empreinte carbone
29:13 du véhicule électrique lors de sa
29:15 production. Au-delà d'un certain
29:17 seuil, aucune subvention.
29:19 De quoi exclure d'emblée les modèles
29:21 fabriqués en Chine et en Corée du Sud.
29:23 Objectif,
29:25 avantager le marché européen
29:27 où quasiment l'ensemble des voitures
29:29 et batteries sont conçues avec
29:31 de l'électricité décarbonée.
29:33 Une mesure attendue par les
29:35 constructeurs français, mais un stratagème
29:37 anticipé par la firme
29:39 américaine Tesla, dont le modèle
29:41 Y est devenu le modèle
29:43 électrique le plus vendu en France
29:45 au premier trimestre 2023.
29:47 Tesla s'est prémuni en quelque sorte
29:49 contre ce danger-là en assemblant
29:51 ces véhicules dans l'usine
29:53 de Berlin qui est destinée à être
29:55 sa troisième plus grosse usine
29:57 après celle des Etats-Unis et celle de Chine.
29:59 Emmanuel Macron s'inspire du modèle
30:01 américain. Aux Etats-Unis,
30:03 le plan climat de Joe Biden
30:05 prévoit jusqu'à 7 500 dollars
30:07 de crédit d'impôt pour l'achat
30:09 d'un véhicule électrique,
30:11 à l'exception de ceux produits en Chine.
30:13 -Philippe Aguillon,
30:15 ça va dans le bon sens,
30:17 on ouvre enfin les yeux, ou pas,
30:19 selon vous ? -Oui, il ne faut pas
30:21 être naïf,
30:23 l'IRA,
30:25 Inflation Reduction Act, donc c'est
30:27 737 milliards de dollars
30:29 sur 10 ans, 370 milliards de dollars
30:31 en subvention au crédit d'impôt et effectivement
30:33 un américain reçoit
30:35 7 500 dollars de crédit d'impôt
30:37 s'il achète un véhicule assemblé aux Etats-Unis
30:39 dont les batteries reposent pour au moins
30:41 30 % sur des composants américains.
30:43 Quand tu as un truc comme ça, tu dis, je ne peux pas
30:45 simplement dire j'approfondis les réformes structurelles
30:47 comme la
30:49 DOCSA européenne. On a une Europe
30:51 trop hayekienne, il faut changer.
30:53 -Hayek, c'était un monsieur qui
30:55 comprenait beaucoup de choses mais il pensait
30:57 qu'il fallait surtout le laisser faire, qu'il fallait laisser
30:59 le marché. Je crois beaucoup dans les vertus du marché
31:01 mais je crois aussi dans les vertus de l'Etat
31:03 et je crois dans les vertus de la société civile et je crois beaucoup dans le triangle
31:05 marché-Etat-société-civil.
31:07 Hayek, pour lui, il n'y avait que le marché,
31:09 il n'y avait pas besoin d'Etat, pas besoin de société civile.
31:11 Donc là, je suis totalement...
31:13 -En désaccord avec ça. -Il fallait vraiment que l'Europe...
31:15 Il fallait beaucoup de réglementation et peu.
31:17 C'est vraiment l'Europe qui est géant réglementaire,
31:19 n'est pas budgétaire. Et il faut sortir
31:21 de l'Europe géant réglementaire et n'est pas budgétaire.
31:23 -Alors ? -Et alors, comment on peut faire ça ?
31:25 Donc il y avait différents outils. D'abord, il y a
31:27 Maastricht, il y a le déficit. On disait,
31:29 voilà, il ne faut pas que le déficit dépasse 3 %
31:31 du PIB, peu importe où vont les dépenses.
31:33 On mettait sur le même plan les dépenses
31:35 récurrentes,
31:37 fonctionnement de l'Etat, retraite, etc.,
31:39 et les dépenses d'investissement. Je pense qu'il ne faut pas
31:41 les compter de la même manière. -Il faudrait sortir
31:43 les dépenses d'investissement des critères de Maastricht.
31:45 -Il faut prendre en compte quand on fait une dépense
31:47 que c'est une dépense pour la croissance
31:49 et la transition énergétique ou pas, et pas
31:51 le compter de la même manière. Donc déjà, ça, c'est la première chose.
31:53 Deuxièmement, on a une politique de concurrence
31:55 en Europe au nom de laquelle on interdit
31:57 toute aide sectorielle d'Etat.
31:59 On dit "Ah non, non, ça va pas,
32:01 ça va contre la concurrence."
32:03 Et ça, il faut que ça change. Il faut autoriser
32:05 les aides sectorielles d'Etat. -Ça commence
32:07 un peu à changer, non ? France-Allemagne,
32:09 on met beaucoup d'argent pour faire des projets industriels.
32:11 -On ne les empêche pas. On regarde après, "ex post",
32:13 comme on dit, s'il y a eu réduction de la concurrence.
32:15 Et s'il y a eu réduction de la concurrence,
32:17 à ce moment-là, on demande...
32:19 S'il y a des fusions-acquisitions, par exemple, qui conduisent
32:21 à vraiment empêcher
32:23 l'entrée de nouveaux innovants,
32:25 à ce moment-là, on régule. Mais, a priori,
32:27 on n'a pas cet "a priori".
32:29 -Donc, on peut se délier les mains par rapport à la politique
32:31 de la concurrence et des aides européennes.
32:33 -C'est 1 % du PIB, et l'Europe
32:35 n'a pratiquement jamais emprunté, à part la pandémie.
32:37 Et il faut qu'on augmente
32:39 le budget européen et qu'on autorise
32:41 l'Europe à emprunter en temps
32:43 -Pour réinvestir massivement. -Pour réinvestir,
32:45 parce qu'on est face à la Chine et aux Etats-Unis.
32:47 Et on voit vraiment les courbes de l'innovation.
32:49 La Chine et les Etats-Unis sont très hauts, et nous, on tombe.
32:51 Donc, on devient comme les Japonais.
32:53 Donc, il faut vraiment inverser ça. Et donc, c'est pas
32:55 qu'il faut totalement changer d'institution
32:57 européenne. Il faut pratiquer différemment
32:59 les outils européens. -Sans changer les traités ?
33:01 Vous pensez que c'est possible ?
33:03 -Sans changer les traités, parce que la politique
33:05 des aides et de la concurrence, c'est écrit noir sur blanc.
33:07 -Il faut les interpréter et les pratiquer différemment.
33:09 -C'est fondamental, ce que vient de dire Philippe Aguillon.
33:11 Est-ce qu'il y a une volonté politique
33:13 pour les interpréter différemment
33:15 et pour s'armer
33:17 véritablement face aux Etats-Unis et à la Chine ?
33:19 -La preuve, vous avez entendu le président de la République.
33:21 -C'est un début. -Qui annonce aujourd'hui
33:23 une mesure qui répond
33:25 en quelque sorte
33:27 à l'élan donné par
33:29 IRA aux Etats-Unis
33:31 en conditionnant le bonus écologique
33:33 au fait que le véhicule électrique
33:35 soit conçu en France. -Sortir l'investissement
33:37 des déficits. -La preuve, c'est bien que...
33:39 -Réussir à emprunter en commun massivement
33:41 pour investir. -La France défend un certain nombre
33:43 des idées toujours excellentes
33:45 de Philippe Aguillon au niveau européen,
33:47 mais là, on a une mesure très concrète
33:49 qui dit que les aides publiques,
33:51 elles ne viendront que pour
33:53 les véhicules et leurs batteries qui seront conçues en France.
33:55 -Aurait-il trouvé ça ? Ça va dans le bon sens.
33:57 -Par exemple,
33:59 je pense que plus largement,
34:01 et on portera dans nos amendements,
34:03 il faudrait que, par exemple, dans les marchés
34:05 publics, il y ait un conditionnement au local
34:07 beaucoup plus important. Ça demande
34:09 quand même de ne plus être dans une vision
34:11 du néolibéralisme économique,
34:13 la vision alienkienne dont vous parlez, mais dans une vision
34:15 keynésienne qui dit que le marché ne peut pas tout.
34:17 Il faut une forte régulation de l'Etat.
34:19 Et ça, c'est contraire, je suis désolée
34:21 de le dire. -C'est pas régulation, c'est investissement.
34:23 Parce qu'on en a beaucoup, des régulations.
34:25 -C'est investissement, et nous, on y rajoute
34:27 la régulation de marché. Parce que quand, par exemple,
34:29 vous conditionnez au local, vous conditionnez
34:31 sur le plan écologique et social, vous faites de la régulation.
34:33 Et il en faut. En fait, le marché,
34:35 le laisser faire, ça ne marche pas.
34:37 Et ça conduit... -En tout cas,
34:39 il y a des passerelles, il y a des divergences,
34:41 mais il y a aussi des points d'accord.
34:43 -Rapidement, parce que sur l'ADEME,
34:45 sur l'histoire des voitures électriques,
34:47 c'est intéressant. Vous voyez, l'ADEME,
34:49 qu'est-ce qu'elle dit ? Elle dit que si on veut vraiment des voitures
34:51 écologiques, et si on veut
34:53 qu'il y ait une efficacité écologique à cela,
34:55 il faut surtout agir sur la taille
34:57 des véhicules et la taille des batteries.
34:59 Or, par exemple, ça n'est pas du tout dans le projet de loi
35:01 Industrie verte, alors croyez-moi... -Il arrive à l'Assemblée.
35:03 On verra ce que vous amendez ou pas.
35:05 C'est la fin. Deux mots de la fin, rapidement.
35:07 -Juste rappeler que le plan France 2030
35:09 a été initié avant l'IRA,
35:11 comme quoi la France et l'Europe
35:13 peuvent aussi avoir des mesures d'anticipation
35:15 par rapport à ces problématiques-là.
35:17 Sinon, je suis tout à fait d'accord, si on continue
35:19 à s'embêter nous-mêmes pour être polis en Europe...
35:21 -Avec le carcan européen.
35:23 -Et sur la régulation, je crois qu'on a déjà
35:25 nos capacités à nous mettre nos propres freins.
35:27 -On peut dialoguer sur ce plateau.
35:29 C'est un sujet de souveraineté fondamentale.
35:31 Merci, on s'arrête là.
35:33 Merci infiniment d'être venu débattre.
35:35 Vous restez avec moi, Jean-Noël Barraud.
35:37 Dans une petite dizaine de minutes,
35:39 les partis prident nos affranchis.
35:41 Pour vous interpeller, monsieur le ministre,
35:43 ce soir, le philosophe Pierre-Henri Tavoyau,
35:45 qui va remonter aux origines du débat sur l'immigration,
35:47 Delphine Sabatier, qui va nous raconter
35:49 comment Google contre-attaque
35:51 Tchète, GPT et puis dans Bourbon Express,
35:53 ce soir, Elzamond Agava
35:55 nous raconte ce maire menacé
35:57 qui finit par démissionner.
35:59 Mais d'abord, on va se pencher sur votre parcours,
36:01 mais surtout sur votre projet de loi
36:03 sécuriser et réguler
36:05 l'espace numérique.
36:07 C'est un défi de taille.
36:09 Vous vous y attelez avec des mesures très, très concrètes.
36:11 On voit cela dans le détail,
36:13 dans l'invitation d'Hélène Bonduelle.
36:15 Et on en parle ensemble juste après.
36:17 (musique)
36:19 Si on vous invite, Jean-Noël Barraud,
36:21 c'est pour éviter les arnaques
36:23 sur Internet
36:25 ou encore se prémunir des cyberattaques.
36:27 C'est en tout cas votre ambition.
36:29 Jean-Noël Barraud, vous êtes
36:31 économiste de formation et vous exercez
36:33 comme enseignant-chercheur.
36:35 Puis, c'est une histoire de famille,
36:37 comme votre père Jacques
36:39 et votre grand-père résistant Noël,
36:41 vous devenez député.
36:43 Avant de vous voir confier l'été dernier
36:45 le poste de ministre chargé
36:47 de la transition numérique
36:49 et des télécommunications.
36:51 Avec donc ce nouveau projet de loi,
36:53 sécuriser et réguler l'espace numérique,
36:55 bref, vous entendez faire
36:57 respecter l'ordre public en ligne.
36:59 18 millions de Français
37:01 ont été victimes de cyberattaques
37:03 l'année dernière et la moitié
37:05 ont perdu de l'argent au passage.
37:07 Notamment à cause de ces mails
37:09 ou ces SMS frauduleux
37:11 qui redirigent vers des sites de hackers.
37:13 "L'année dernière j'ai dû recevoir 5 ou 6 à peu près."
37:15 "Je me suis dit bon c'est bizarre,
37:17 un numéro de portable,
37:19 c'était un peu troublant."
37:21 Vous proposez un filtre anti-arnaque.
37:23 "Pour couper le mal à la racine
37:25 en dévitalisant le commerce
37:27 de ces pirates sans foi ni loi
37:29 qui ont fait de nos smartphones,
37:31 nos téléphones portables,
37:33 l'instrument de leur raquette."
37:35 Dans votre projet de loi,
37:37 vous voulez aussi lutter contre le cyberharcèlement,
37:39 punir plus sévèrement ces chefs de meute numérique
37:41 en les bannissant des réseaux sociaux
37:43 lorsqu'ils ont été condamnés.
37:45 Pour protéger les mineurs
37:47 de la pornographie, vous vous attaquez
37:49 aux sites à contenu sexuel
37:51 qui ne vérifient pas l'âge du visiteur.
37:53 Et vous proposez
37:55 que ce soit l'ArkHom qui s'en charge.
37:57 L'autorité de régulation
37:59 pourrait ainsi bloquer ces sites pornographiques
38:01 sans passer par un juge.
38:03 Ces derniers temps,
38:05 plusieurs institutions ont été piratées.
38:07 Les sites de l'Assemblée nationale,
38:09 du Sénat,
38:11 de nombreux hôpitaux ont aussi été
38:13 prises aux mains des hackers.
38:15 "C'est une attaque massive, exceptionnelle
38:17 par son ampleur et surtout par ses conséquences."
38:19 Vous voulez faire
38:21 du numérique un espace de confiance.
38:23 Mais alors, Jean-Noël Barraud,
38:25 comment lutter efficacement
38:27 contre ces attaques informatiques à répétition
38:29 face à des hackers
38:31 qui ont toujours un coup d'avance ?
38:33 "Réponse,
38:35 monsieur le ministre, c'est pas un peu David contre Goliath
38:37 ce combat ?"
38:39 "Non, je crois qu'il est à portée de main.
38:41 Je crois que déjà depuis 6 ans,
38:43 beaucoup de choses ont été faites au niveau national,
38:45 au niveau européen,
38:47 où la France a fait adopter l'année dernière des règles
38:49 très importantes qui vont s'appliquer
38:51 dans l'ensemble des États membres de l'Union européenne
38:53 et qui s'imposeront aux géants du numérique
38:55 s'ils souhaitent entrer sur le plus grand
38:57 marché économique du monde
38:59 qui est le marché européen."
39:01 "D'ailleurs, cette loi, c'est la transposition en partie
39:03 de ces directives Digital Market Act
39:05 et Digital Service Act
39:07 décidée à 27
39:09 sur la cybersécurité
39:11 anti-arnaque. Donc il y a un filtre
39:13 que vous voulez mettre en place.
39:15 Ce sont les particuliers qui vont devoir
39:17 jouer le jeu en signalant
39:19 les arnaques ou les soupçons
39:21 d'arnaques dont ils font l'objet. Est-ce que
39:23 ça sera suffisant ? Vous pensez qu'ils seront au rendez-vous ?"
39:25 "Le filtre anti-arnaque, c'était un engagement
39:27 présidentiel d'Emmanuel Macron
39:29 lors de la campagne présidentielle pour 2022.
39:31 C'est un rempart
39:33 contre les campagnes
39:35 de SMS et de mails frauduleux
39:37 que nous avons
39:39 toutes et tous subies.
39:41 Tout le monde a reçu un SMS du
39:43 compte personnel de formation, de la Sécu,
39:45 parfois de la banque..."
39:47 "Et donc on en reçoit un, qu'est-ce qu'on doit faire ?
39:49 Quel réflexe on doit prendre ?"
39:51 "Ce filtre anti-arnaque, il filtrera préventivement
39:53 les sites identifiés
39:55 comme étant malveillants. Il coupera le mal à la racine."
39:57 "Il y a une liste établie à la racine."
39:59 "Une liste qui sera alimentée. Dès qu'une
40:01 personne est victime et qu'elle notifie
40:03 le site Internet en question,
40:05 cette liste sera
40:07 actualisée et tous les Français seront protégés."
40:09 Le cyberharcèlement, là encore,
40:11 on ne compte plus les victimes et
40:13 principalement les mineurs.
40:15 Comment ça va se passer avec
40:17 les harceleurs ? Parce qu'il y a une forme d'impunité.
40:19 Est-ce que vous pensez
40:21 qu'on va réussir à ce qu'ils
40:23 cessent en coupant leurs comptes,
40:25 en les bannissant d'Internet ?
40:27 Tout ça, c'est efficace ?
40:29 Ou est-ce qu'on va toujours recréer un compte,
40:31 un nouveau pseudo ?
40:33 - Principalement les mineurs et les femmes.
40:35 A tous les âges de la vie, le cyberharcèlement,
40:37 c'est une violence qu'on voit se déplacer
40:39 d'un réseau social à l'autre
40:41 et parfois jusque dans l'espace physique
40:43 où on voit des agressions tragiques.
40:45 Tout ça, c'est le fait d'une minorité
40:47 d'internautes qui se comportent comme des chefs
40:49 de meute, qui propagent
40:51 la haine et la violence, qui embrasent
40:53 leur communauté et qui déclenchent
40:55 des raids ciblés sur
40:57 les personnes qui veulent agresser.
40:59 Il faut mettre fin à cette impunité.
41:01 - Comment ? Concrètement ?
41:03 En général, on passe par le juge, c'est très long.
41:05 - C'est très long. Mais il faut néanmoins
41:07 que certaines peines exemplaires puissent être prononcées.
41:09 Ça a été le cas dans l'affaire Mila,
41:11 ça a été le cas dans l'affaire Edi et Depréto.
41:13 Ce que nous proposons, en plus de la peine
41:15 qui cible ces agresseurs,
41:17 c'est une peine complémentaire de bannissement.
41:19 À l'image de l'interdiction des stades
41:21 pour les hooligans qui sont condamnés
41:23 et que le juge prononçait à leur encombre.
41:25 Pendant six mois, ils auront l'interdiction
41:27 de se réinscrire sur un réseau social
41:29 ou plus précisément, le réseau social devra mettre
41:31 tous les moyens en œuvre pour empêcher
41:33 leur réinscription et en cas de récidive,
41:35 cette peine sera portée à un an de bannissement.
41:37 - Dans cette affaire,
41:39 c'est les GAFA qui sont les
41:41 premières responsables, en tout cas,
41:43 les premières vigies, les grandes plateformes.
41:45 Est-ce que vous trouvez qu'elles jouent le jeu ?
41:47 Parce que cette réglementation européenne,
41:49 même s'il faut la transposer dans les différents pays,
41:51 elle entre en vigueur. Est-ce qu'on voit
41:53 déjà leur comportement changer
41:55 dans la régulation, notamment ?
41:57 - On l'a vu un peu depuis quelques années
41:59 et notamment parce que la France, avec la loi
42:01 Valeurs de la République, adoptée
42:03 il y a deux ans au Parlement...
42:05 - Sur le séparatisme. Je traduis pour les spectateurs.
42:07 - Bien sûr. Elle avait déjà imposé,
42:09 avant que le règlement ne soit adopté,
42:11 des obligations de vigilance,
42:13 de modération des contenus illicites
42:15 qui leur sont signalés. Mais désormais,
42:17 c'est une obligation qui leur sera faite au niveau européen.
42:19 De retirer les contenus qui leur sont signalés,
42:21 d'analyser le risque
42:23 qu'elles font peser
42:25 sur leurs utilisateurs et sur le débat public.
42:27 - Sinon quoi ? - Sinon des sanctions
42:29 qui peuvent aller jusqu'à 6% du chiffre d'affaires.
42:31 Pour Twitter, c'est environ 300 millions d'euros.
42:33 Et si elles ne mettent pas en place
42:35 des actions de correction, ça peut aller
42:37 jusqu'à l'interdiction d'opérer sur le territoire
42:39 de l'environnement. - Franchement, monsieur le ministre,
42:41 quand on voit qu'Elon Musk a racheté Twitter
42:43 et la manière dont il conçoit son réseau social,
42:45 l'usage de la liberté d'expression,
42:47 vous croyez qu'on peut lui faire confiance
42:49 et qu'on peut lui appliquer ce type de loi ?
42:51 Il l'appliquera ?
42:53 - La question n'est pas de savoir ce que je crois ou ce que je ne crois pas.
42:55 - Ça peut marcher, vraiment ?
42:57 - Il sera désormais assujetti à des règles s'il ne les respecte pas.
42:59 C'est 6% du chiffre d'affaires la première fois
43:01 et c'est l'interdiction de Twitter en Europe la seconde.
43:03 - Concernant la pornographie,
43:05 vous mettez en place un contrôle d'âge
43:07 des utilisateurs des plateformes.
43:09 C'est une forme de vérification de la majorité numérique
43:11 grâce à un tiers de confiance
43:13 qui doit contacter la plateforme
43:15 pour garantir ou doublement vérifier
43:17 que la personne qui utilise ce site est bien majeure.
43:19 C'est qui ce tiers de confiance ?
43:21 C'est la banque ?
43:23 C'est l'assurance maladie ?
43:25 C'est qui ?
43:27 - D'abord, il faut rappeler qu'il y a 2 millions d'enfants
43:29 chaque mois dans notre pays
43:31 qui sont exposés à des contenus pornographiques.
43:33 Pourquoi ? Parce que les sites concernés
43:35 ne vérifient pas l'âge de leurs utilisateurs
43:37 alors qu'ils y sont tenus par la loi.
43:39 Il y a même une procédure judiciaire
43:41 qui est en cours.
43:43 Le verdict sera rendu au mois de juillet
43:45 et le résultat sera exemplaire.
43:47 Des solutions techniques existent pour vérifier l'âge
43:49 des utilisateurs. Elles existent,
43:51 elles sont sur le marché, elles existent depuis longtemps.
43:53 Donc les sites n'ont aucune excuse.
43:55 Mais en parallèle, j'ai fait appel
43:57 ou en tout cas j'ai lancé un appel
43:59 à ce que des entreprises françaises
44:01 développent des systèmes
44:03 de vérification d'âge
44:05 qui soient à la fois fiables
44:07 et respectueux de la vie privée
44:09 pour qu'un site qui doit mettre en place
44:11 une vérification d'âge
44:13 puisse aussi mettre en place
44:15 une vérification d'âge qui reste anonyme.
44:17 - Bien sûr, les données personnelles ne circulent pas.
44:19 - Ce que fait le projet de loi,
44:21 c'est pour l'avenir de nous permettre
44:23 d'agir beaucoup plus fort et beaucoup plus vite
44:25 en confiant à l'ARCOM,
44:27 qui est l'autorité de contrôle des communications
44:29 et d'Internet, le pouvoir de bloquer
44:31 et de déréférencer sur les moteurs de recherche
44:33 un site pornographique
44:35 qui ne vérifiera pas l'âge de ses utilisateurs.
44:37 - L'ARCOM, combien de divisions,
44:39 suffisamment d'agents ?
44:41 Il y a déjà beaucoup de missions.
44:43 Ils vont avoir les moyens de faire ce travail de contrôle ?
44:45 - Le blocage pourra intervenir
44:47 en quelques semaines seulement.
44:49 L'ARCOM est une autorité centrale
44:51 dans l'application des textes européens
44:53 qui s'imposeront aux géants du numérique
44:55 qu'on évoquait à l'instant.
44:57 Et l'ARCOM est déjà
44:59 une autorité à qui la loi
45:01 a confié le soin de vérifier
45:03 que les sites font bien respecter
45:05 l'interdiction d'exposition des mineurs
45:07 aux sites pornographiques.
45:09 Ils pourront simplement aller directement
45:11 à la mesure de blocages en quelques semaines.
45:13 - Deux petites questions, plus larges,
45:15 très rapidement.
45:17 Comment vous regardez l'intelligence artificielle ?
45:19 Vous avez vu le New York Times,
45:21 le fondateur de l'IA qui parle de cauchemars,
45:23 Biden qui réunit
45:25 les géants de l'intelligence artificielle
45:27 en réfléchissant déjà
45:29 aux limites, aux problèmes éthiques
45:31 que ça pose.
45:33 Elle est où la volonté ? Il est où le débat en France
45:35 sur ces sujets fondamentaux ?
45:37 - L'intelligence artificielle en général,
45:39 ça fait longtemps qu'on l'a invitée dans notre quotidien
45:41 et elle nous permet chaque jour
45:43 de mieux nous déplacer,
45:45 de mieux nous informer,
45:47 de mieux nous soigner d'ailleurs,
45:49 puisqu'on estime que dans quelques années,
45:51 c'est un tiers des médicaments qui sera découvert
45:53 grâce à l'intelligence artificielle.
45:55 La nouveauté, c'est l'intelligence artificielle générative
45:57 qui elle aussi,
45:59 avec Chad GPT et autres,
46:01 est une évolution très intéressante.
46:03 Pourquoi ? Parce qu'elle nous permettra,
46:05 lorsqu'elle sera fiabilisée,
46:07 lorsqu'elle aura trouvé son rythme de croisière,
46:09 d'accéder au patrimoine
46:11 informationnel, au patrimoine
46:13 de connaissance de l'humanité de manière simple.
46:15 Et ça, c'est évidemment un avantage
46:17 majeur pour la discipline. - Donc c'est une chance pour vous.
46:19 - Oui, mais il est indispensable
46:21 d'abord que la France puisse maîtriser cette technologie.
46:23 D'abord parce qu'on en a les besoins,
46:25 on en a, pardon, les moyens.
46:27 Les Français sont les meilleurs en intelligence artificielle
46:29 et on les retrouve dans tous les laboratoires
46:31 d'intelligence artificielle privée comme publique.
46:33 Parce que c'est une technologie de la
46:35 représentation.
46:37 On accumule, on compacte
46:39 la connaissance et on la retranscrit.
46:41 C'est une technologie de la représentation
46:43 et donc il est impensable
46:45 que nous puissions nous appuyer en France
46:47 sur des logiciels sur lesquels
46:49 on n'aurait pas imprimé notre vision
46:51 de l'homme et de l'humanité. Et enfin, parce que c'est
46:53 une question de souveraineté, on ne va pas laisser ces...
46:55 On ne va pas emprunter les outils
46:57 conçus par des entreprises privées issues de...
46:59 - En attendant qu'on ait nos propres entreprises
47:01 médias, parce que pour l'instant, nos ingénieurs...
47:03 Une dernière question, je ne résiste pas,
47:05 il nous reste une poignée de secondes.
47:07 Vous avez forcément lu "Le Point",
47:09 la grande interview de Laurent Wauquiez
47:11 avec qui, voilà,
47:13 vous avez certaines relations.
47:15 - Une histoire commune. - Une histoire commune.
47:17 Il a longtemps travaillé avec votre père Jacques Barraud.
47:19 Qu'est-ce que vous en avez pensé ? Certains éditorialistes
47:21 parlent d'un Trump à la française.
47:23 - J'ai trouvé qu'il y avait
47:25 un certain nombre de compliments
47:27 ou de presque compliments
47:29 à l'égard de la majorité du président
47:31 de la République. Vous savez, moi, je crois
47:33 que ce qui est important en politique, c'est la constance.
47:35 Laurent Wauquiez a commencé au centre,
47:37 il est ensuite allé un peu plus à droite,
47:39 après un peu plus encore à droite,
47:41 puis il a disparu un peu des écrans.
47:43 Il revient avec des propositions
47:45 beaucoup plus centristes. Qui sait où il va terminer ?
47:47 - Bon, ben c'est dit, on suivra ça.
47:49 C'est l'heure d'accueillir nos affranchis pour leur parti
47:51 pris, ils vont vous faire réagir. On les accueille
47:53 tout de suite. Installez-vous.
47:55 Delphine Sabatier pour "L'Oeil sur le numérique".
47:57 Ça va vous intéresser. Monsieur le ministre,
47:59 Pierre-Henri Taboyot, qui préside le Collège de philosophie.
48:01 Bonsoir à vous, les amis.
48:03 On commence avec le Bourbon Express,
48:05 au pas de charge, le temps nous fait compter.
48:07 Présenté ce soir par Elsa Mondingava,
48:09 l'histoire du jour à l'Assemblée.
48:11 Bonsoir, Elsa. - Bonsoir. Je vais vous raconter
48:13 l'histoire d'un maire qui vient de démissionner.
48:15 Ce maire, c'est Yannick Morez,
48:17 maire d'Yverdroite de Saint-Brévin,
48:19 une ville de 15 000 habitants en Loire-Atlantique.
48:21 Là, il pose devant son domicile,
48:23 ciblé par un incendie volontaire.
48:25 Sa ville, elle est, depuis quelques mois,
48:27 le théâtre de manifestations pro- et anti-CADA.
48:29 Les CADA, ce sont ces centres d'accueil
48:31 pour demandeurs d'asile.
48:33 Chez les antis, c'est souvent l'extrême droite qui est à la manœuvre.
48:35 Et on l'a vu, l'élu a été victime
48:37 d'intimidation, de menaces de mort.
48:39 Et donc, le 22 mars dernier, sa maison a été incendiée.
48:41 Hier soir, il annonce qu'il démissionne,
48:43 qu'il déménage. Dans l'hémicycle,
48:45 le député Jérôme Guedj lui rend hommage.
48:47 Tous les députés se joignent à cet hommage,
48:49 en frein presque. Regardez et écoutez.
48:51 - Victime, lui,
48:53 de ce qu'il qualifie d'être un terrorisme
48:55 d'extrême droite, puisque son domicile
48:57 a été incendié,
48:59 parce qu'il défendait l'installation
49:01 d'un centre d'accueil et de demandeurs d'asile.
49:03 Et donc,
49:05 des événements de cette nature
49:07 nous interpellent.
49:09 - Vous n'êtes pas debout, le LN ?
49:11 Vous ne vous êtes pas là-bas ?
49:13 Vous faites quoi, là ?
49:15 Et alors ?
49:17 - On a constaté, à ce moment-là, que les députés
49:19 du Rassemblement national sont restés
49:21 totalement assis.
49:23 Ça me fait penser à un proverbe de ma grand-mère,
49:25 "Celui qui se sent morveux se mouche".
49:27 - Alors, évidemment, ce matin, avec Stephen Martin,
49:29 on était à la salle des Quai de Cologne.
49:31 On cherchait à interroger des députés du RN
49:33 pour leur poser la question.
49:35 - Pourquoi les députés du RN
49:37 ne se sont pas levés
49:39 après l'hommage au maire de Saint-Brévin ?
49:41 - Pour une raison simple,
49:43 j'en parlais encore avec mes collègues ce matin,
49:45 c'est qu'il y a eu un brouhaha.
49:47 De nos bords, on n'a rien entendu de ce que disait M. Guedj.
49:49 - Il a fait une interprétation sur le fait que des députés
49:51 de votre groupe ne se soient pas levés.
49:53 Il dit que c'est parce que finalement,
49:55 vous êtes mal à l'aise, puisque c'est l'extrême-droite
49:57 qui a organisé des manifestations
49:59 dans cette ville et qui a poussé ce maire
50:01 aussi à la démission.
50:03 - Non, mais c'est vraiment n'importe quoi.
50:05 Nous ne sommes jamais associés à ces manifestations.
50:07 Nous avons systématiquement dénoncé toute forme
50:09 de violence, de pression sur les élus.
50:11 Ce maire démissionne. Je suis désolé,
50:13 il a encore relu ses déclarations,
50:15 parce qu'il a été abandonné par l'Etat,
50:17 abandonné par ceux qui sont responsabilités.
50:19 - C'est vrai que dans le communiqué
50:21 où il annonce sa décision,
50:23 publié sur Facebook, le maire de Saint-Brévin
50:25 dénonce le manque de soutien de l'Etat.
50:27 - Et ce matin, la Première ministre
50:29 et le chef de l'Etat ont réagi.
50:31 - Emmanuel Macron, dans un tweet, a regretté
50:33 la démission du maire. Regardez.
50:35 Les attaques contre Yannick Moraise,
50:37 maire de Saint-Brévin-l'Épin, et contre sa famille
50:39 sont indignes à cet élu de la République,
50:41 à son épouse et à ses enfants.
50:43 Je redis ma solidarité et à celle de la nation.
50:45 Depuis la réunion, la Première ministre
50:47 a elle aussi dénoncé. Elle a promis
50:49 de mieux protéger les élus, mais elle a un peu
50:51 renvoyé les extrémismes des deux côtés.
50:53 Cette expression, elle n'a pas du tout plu
50:55 à Fabien Roussel, le chef du Parti communiste.
50:57 - J'aimerais bien que le gouvernement,
51:01 au lieu de parler des extrêmes,
51:03 qualifie ses agressions, et là,
51:05 on parle d'extrême droite, clairement.
51:07 - Vous faites référence, ce matin,
51:09 à la déclaration de la Première ministre,
51:11 qui a dénoncé une montée des extrêmes des deux côtés.
51:13 - Oui, parce que mal nommer les choses,
51:15 c'est mal réglé derrière.
51:17 - La semaine prochaine,
51:19 le gouvernement va dévoiler des mesures
51:21 pour lutter plus efficacement contre les violences
51:23 à l'égard des élus. C'est vrai que dans les villes
51:25 où il y a des centres d'accueil de réfugiés
51:27 qui doivent être installés, souvent,
51:29 les édiles sont la cible de menaces
51:31 venues de l'extrême droite. - Merci beaucoup, Elsa.
51:33 On enchaîne avec vous,
51:35 Pierre-Henri Tavoyau, débat
51:37 sur l'immigration, qui revient,
51:39 le gouvernement, qui tergiverse,
51:41 "J'y vais, j'y vais pas".
51:43 Vous souhaitiez revenir sur un débat bien français.
51:45 - Oui, parce que, en fait,
51:47 depuis 1980, il y a eu 29 lois
51:49 sur l'immigration, ça fait une loi
51:51 toutes les 17 mois,
51:53 donc c'est quand même beaucoup, et on s'aperçoit
51:55 que c'est une accumulation de mesures qui sont assez
51:57 largement contradictoires. Dans un rapport
51:59 ancien, le sénateur Buffet
52:01 disait qu'au fond, notre système
52:03 de politique migratoire était assez
52:05 maltraitant avec les migrants légaux
52:07 et assez bienfaisant avec les migrants illégaux.
52:09 Donc on a un truc complètement absurde
52:11 et c'est vraiment le problème
52:13 en France de cette nature du débat.
52:15 - Alors pour vous, cette situation est moins
52:17 une cause qu'une conséquence, c'est ça de quoi ?
52:19 - Oui, parce qu'en fait, la formule peut paraître
52:21 un peu étonnante, mais je pense que le débat en France
52:23 sur l'immigration n'est pas un débat politique,
52:25 c'est un débat philosophique et moral, c'est pas un débat politique.
52:27 Si on essaie de formuler la question
52:29 politique, elle est en fait très simple
52:31 et se présente sous la forme d'un dilemme.
52:33 L'immigration est à la fois nécessaire
52:35 pour la puissance française
52:37 et en même temps dangereuse pour la cohésion sociale.
52:39 Voilà le problème, c'est ça le problème.
52:41 C'est les deux en même temps, c'est ce dilemme
52:43 et c'est ce point-là qu'on a totalement
52:45 oublié au profit d'autres thématiques.
52:47 - Alors justement, il est où, le débat pour vous ?
52:49 - Bah en fait, il se situe dans une certe
52:51 d'affrontements entre deux grandes
52:53 thèses qui s'affrontent.
52:55 D'un côté, le grand méchant remplacement,
52:57 de l'autre côté, la jolie gentille créolisation.
52:59 Voilà, on a les deux thèses qui se présentent
53:01 de cette manière.
53:03 Toutes les deux thèses défendent
53:05 l'idée qu'il y a un ethnocide en cours,
53:07 un ethnocide soit de la population française
53:09 par la mondialisation,
53:11 soit des minorités opprimées
53:13 par l'assimilation.
53:15 Toutes les deux thèses considèrent
53:17 qu'effectivement, il y a des réalités historiques,
53:19 il y a eu des grands remplacements dans l'histoire.
53:21 Par exemple, le premier, dit-on, c'est Néandertal
53:23 par Sapiens, c'était le premier grand remplacement.
53:26 Du côté de la créolité, oui,
53:28 c'est un fait, la créolité, ça existe, aux Antilles,
53:30 au Brésil, à La Réunion, donc c'est un fait.
53:32 Deuxièmement, toutes les deux s'appuient
53:34 également sur des auteurs, des théoriciens
53:36 bien connus, donc Renaud Camus pour
53:38 le grand remplacement, qui est parti par
53:40 deux détestations, pas détestations
53:42 simplement des populations invasives,
53:44 mais détestations aussi des élites
53:46 mondialisées qui aident
53:48 et qui favorisent ce grand remplacement.
53:50 Du côté de la créolisation, un grand poète
53:52 et philosophe, qui s'appelle Édouard Glissant,
53:54 qui est le grand penseur, qui considère que la créolité,
53:56 c'est pas simplement une identité,
53:58 c'est un processus complexe,
54:00 une alchimie où la différence produit de l'identité,
54:02 l'identité produit de la différence,
54:04 et tout ça décrit ce que doit être le monde de demain,
54:06 et donc un grand et un vaste métissage.
54:08 - D'où le blocage,
54:10 la conclusion, rapidement ?
54:12 - En fait, la conclusion, c'est qu'il faut dépasser
54:14 ce débat, parce que ce débat, c'est un verrou.
54:16 Les deux thèses sont d'accord
54:18 sur un même point. Il y a
54:20 une disparition de la population française,
54:22 soit c'est une merveilleuse nouvelle, soit c'est une catastrophe,
54:24 donc ils sont d'accord, mais ils sont pas
54:26 d'accord sur le plus et le moins,
54:28 et donc il n'y a pas de débat possible.
54:30 Et c'est ça, la clé. La clé, c'est
54:32 redonnons une dimension politique
54:34 à ce débat, et je répète la formule,
54:36 l'immigration est à la fois nécessaire
54:38 et elle est périlleuse. Si on arrivait juste à dire ça,
54:40 ça serait formidable. - En tout cas,
54:42 vous nous appelez à sortir de la morale, on n'a pas le temps de vous faire
54:44 réagir, c'est bien dommage, mais vous allez sans doute
54:46 avoir un peu de temps, un tout petit peu plus
54:48 pour la carte blanche de Delphine Sabatier.
54:50 Delphine, vous vouliez revenir
54:52 sur une conférence de presse que vous avez
54:54 suivie, celle de Google, face à Chad Juppiti,
54:56 l'entreprise Contre-Attaque.
54:58 - Oui, grande conférence annuelle
55:00 que vous avez peut-être suivie aussi hier soir,
55:02 monsieur le ministre, je ne sais pas, en tout cas pour résumer,
55:04 Google, c'est vraiment trouver une nouvelle
55:06 mission dans le monde, rendre l'intelligence
55:08 artificielle utile
55:10 à tous. Donc, il y va
55:12 partout, il en met partout dans tous ses services
55:14 et vu le succès de ses services, on va
55:16 difficilement y échapper. Juste
55:18 un chiffre, combien de visites, d'après vous,
55:20 fait le moteur de recherche
55:22 Google ? - Oh là !
55:24 - On est à 88 milliards
55:26 de visites par mois.
55:28 C'est très impressionnant. Donc, ces idées avec lesquelles on va
55:30 discuter, créer, travailler demain,
55:32 apprendre même, ça va devenir une réalité
55:34 très vite pour énormément
55:36 de monde. - Alors concrètement, tout ça se
55:38 concrétise comment ? - Alors exemple, vous
55:40 sollicitez le moteur de recherche. Au lieu
55:42 de taper des mots clés, vous allez pouvoir
55:44 rédiger en langage dit "naturel",
55:46 c'est-à-dire que vous allez poser la question comme si vous parliez
55:48 à un assistant. Par exemple,
55:50 j'aimerais acheter un vélo, mais j'hésite encore sur
55:52 le modèle et puis j'aimerais connaître un peu
55:54 les prix. Et là, l'assistant,
55:56 qui s'appelle Bard chez Google,
55:58 va vous donner une réponse, rédiger un peu
56:00 de la même manière, comme si c'était
56:02 une vraie personne pour vous aider à choisir.
56:04 Autre exemple, on a vu
56:06 le cas d'un e-mail. Vous voulez envoyer
56:08 un e-mail de réclamation pour obtenir un
56:10 remboursement. Eh bien, vous cliquez
56:12 sur "Help me write", qui veut dire
56:14 "Aide-moi à écrire", et là,
56:16 vous indiquez juste le but du mail
56:18 et l'IA va s'occuper de tout rédiger. - C'est incroyable.
56:20 - Toute seule, comme une grande, en deux secondes.
56:22 Vous pouvez en envoyer. Alors,
56:24 certainement que ça va tâtonner quand même un petit peu
56:26 au début, mais on est
56:28 certains que ces IAs vont vraiment
56:30 changer beaucoup de choses. Hier soir, on a
56:32 vu énormément de démonstrations
56:34 impressionnantes, pour le meilleur et
56:36 pour le pire. Je voulais parler
56:38 de cette nouvelle génération d'IAs qui est capable
56:40 de traduire dans plusieurs langues
56:42 ce que dit une personne dans une vidéo.
56:44 Je vous propose de regarder la version originale
56:46 en anglais.
56:48 - What many college students
56:50 don't realize is that knowing
56:52 when to ask for help and then following through
56:54 on using helpful resources is actually
56:56 a hallmark of becoming a productive adult.
56:58 - Alors, voilà la version espagnole. Regardez.
57:00 - Muchos universitarios
57:02 no comprenden que saber
57:04 cuándo pedir ayuda y usar recursos
57:06 útiles es en realidad una clave
57:08 para convertirse en un adulto productivo.
57:10 - Eh oui, c'est ça qui est vraiment
57:12 bluffant, c'est de regarder, parce que là, en fait,
57:14 l'IA, ce qu'elle fait, c'est qu'elle traduit,
57:16 en même temps, elle va
57:18 intégrer, en fait, les mouvements d'élèves
57:20 pour s'adapter au langage
57:22 qui est choisi par l'intelligence artificielle.
57:24 Elle réplique les expressions du visage
57:26 et même le timbre de la voix.
57:28 Alors, comme les inquiétudes pleuvent déjà...
57:30 - Oui, je ne cache pas que moi-même,
57:32 ça m'angoisse. - Les mauvais usages
57:34 que l'on pourrait faire de ces technologies, Google prend
57:36 les devants et se présente un peu comme le parangon
57:38 d'une IA qui serait audacieuse
57:40 et responsable.
57:42 C'est un grand écart acrobatique. - Comment est-on engagés
57:44 à prendre des mesures ? - Plutôt des précautions
57:46 pour l'instant. En tout cas, ce qui est intéressant,
57:48 c'est qu'il a annoncé qu'il réserverait
57:50 ces technologies de pointe
57:52 dans la génération de vidéos à des partenaires
57:54 autorisés, uniquement.
57:56 Là-dessus, je voulais vous faire réagir,
57:58 monsieur le ministre, parce que je crois
58:00 savoir que vous n'étiez pas pour un moratoire
58:02 sur le développement technologique et les prouesses.
58:04 - La fameuse pause. - Mais en revanche, qu'en est-il
58:06 de la stratégie de Google ? Est-ce que vous êtes pour
58:08 limiter les usages, les accès ? - Vous avez vraiment
58:10 quelques secondes. - Ce que je peux dire,
58:12 c'est que le Parlement européen a adopté
58:14 aujourd'hui le texte sur l'intelligence artificielle,
58:16 le règlement sur l'intelligence artificielle.
58:18 Les discussions vont commencer entre le Conseil et la Commission
58:20 et l'Europe aura été la première démocratie
58:22 à se doter d'un cadre pour réguler l'intelligence artificielle.
58:24 - On est en retard, vous l'avez compris.
58:26 Très belle soirée documentaire, portrait de
58:28 George Kitzman, qui nous a quittés.
58:30 Le grand avocat, ancien ministre, ne le ratez pas, c'est signé
58:32 Michael Prasant. À demain.
58:34 (Générique)

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