Jean-Dominique Senard, président de Renault et de l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, ancien président de Michelin, est l'invité du 8h20. Il vient d'être renouvelé à la tête de Renault.
Retrouvez tous les entretiens de 8h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien
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00:00 France Inter, Jérôme Cadet, le 7 930.
00:07 Bonjour Jean-Dominique Sénard, vous êtes depuis 2019 le président du groupe Renault et de l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi.
00:15 Merci d'avoir accepté l'invitation de France Inter ce matin.
00:18 Nous allons parler ensemble de l'électrification de vos véhicules, du prix de ces voitures, de leur lieu de fabrication,
00:25 mais aussi du rapport des Français au travail, puisque vous avez récemment fait plusieurs recommandations en la matière
00:31 au ministre du Travail qui vous l'avait d'ailleurs demandé.
00:33 Sur tous ces sujets, les auditeurs et les auditrices de France Inter peuvent vous interroger directement au 01 45 24 7000.
00:41 Ils le font également via l'application France Inter.
00:44 Jean-Dominique Sénard, vous êtes arrivé à la tête de Renault, je le disais, en 2019.
00:48 C'était juste après l'arrestation au Japon de l'ancien PDG Carlos Ghosn.
00:52 Quatre ans plus tard, le climat est beaucoup plus calme.
00:55 Vous avez été reconduit hier pour un deuxième mandat par l'Assemblée Générale.
00:59 Quelle va être votre priorité dans ces prochaines années ?
01:02 C'est achever le virage vers l'électrique, c'est consolider les finances parce que ce virage coûte très cher ?
01:08 Oui, vous avez raison de souligner que ces quatre années ont été très particulières et très intenses.
01:15 Je ne vais pas revenir sur toute l'histoire, mais c'est vrai qu'aujourd'hui nous sommes dans une situation...
01:20 Vous vous rappelez de l'existence même du groupe qui était en cause il y a quatre ans, qui était en jeu.
01:24 Oui, vous vous souvenez, la période a été très délicate à gérer.
01:27 Je crois que nous sommes maintenant dans une situation beaucoup plus positive.
01:31 Renault va bien, Renault va beaucoup mieux.
01:35 Nous sommes en train de vivre un rebond extraordinaire grâce au travail des équipes de Renault,
01:41 sous la houlette du directeur général Luca de Meo.
01:43 C'est clair que nous avons un autre monde maintenant.
01:46 Et nous nous confrontons à un avenir extrêmement sensible.
01:51 Le monde de l'automobile, vous le savez, en particulier en Europe, est soumis à des révolutions considérables.
01:56 Ce ne sont pas simplement des révolutions technologiques, évidemment tout ça lie à la décarbonation,
02:01 des révolutions des usages et j'en passe, et des meilleures.
02:04 Il se trouve qu'elles sont toutes cumulatives et pas séquentielles,
02:07 ce qui fait que nous avons à vivre tout cela avec une intensité forte.
02:12 Mais nous le faisons dans des conditions beaucoup plus positives.
02:16 Le groupe va bien, va beaucoup mieux, nous avons des voitures magnifiques.
02:19 Nous sommes probablement détenteurs d'une des plus belles technologies électriques et hybrides au monde.
02:26 Je le dis volontiers parce que je crois que ce sont les observateurs extérieurs qui le disent.
02:30 Nous avons des véhicules qui arrivent qui vont faire plaisir à tout le monde.
02:33 Et puis l'Alliance va beaucoup mieux.
02:36 L'Alliance va beaucoup mieux, on a passé quatre années un peu délicates.
02:39 Maintenant on a réussi, vous l'avez entendu, à faire des accords entre Nissan et Renault.
02:44 Nous partons dans une relation apaisée et qui a changé.
02:48 - Renault détenait 43% de Nissan, n'en détient plus que 15%.
02:52 Vous parlez désormais de partenariat, ça veut dire que les japonais ont réussi à s'éloigner de l'influence de Renault ?
02:59 Vous avez cédé à leurs conditions ?
03:01 - D'abord nous possédons toujours 43% de Nissan.
03:05 Et puis effectivement l'objectif c'est d'en posséder plus que 15%.
03:09 Et que nous vivons sur un plan de respect et d'égalité.
03:14 Et j'allais dire de reconnaissance mutuelle.
03:18 Vous savez c'est important sur le plan culturel.
03:20 Nous avons vécu pendant des années avec une frustration de part et d'autre.
03:24 Imaginez les japonais, mettez-vous à leur place, ils avaient 15% de Renault et pas de droit de vote.
03:29 C'est un peu frustrant.
03:31 Et de l'autre côté Renault avait 44% de Nissan sans aucun pouvoir.
03:34 Il faut quand même reconnaître que c'est un peu baroque.
03:36 Et que ça j'ai souhaité très vite essayer d'y mettre un terme.
03:40 C'est fait, nous avons trouvé cet accord qui apaise les relations, qui enlève les frustrations.
03:45 Mais surtout qui est fondé sur un accord industriel.
03:48 Parce que c'est ça la clé.
03:49 Au fond on n'aurait jamais fait ça si nous n'avions pas pendant 3 ans travaillé à recréer une atmosphère industrielle forte.
03:56 Avec des projets partout dans le monde, en Amérique Latine, en Inde, en Europe.
04:00 Et avec des nouvelles plateformes communes, des nouveaux véhicules communs.
04:03 Nissan va fabriquer sa Micra à Douai.
04:06 Nous fabriquons des voitures pour Mitsubishi.
04:08 Le retour à l'origine de l'esprit de cette alliance qui avait été créée par Monsieur Schweizer à l'époque, nous y sommes.
04:16 Et nous y sommes en 2023 avec tous les défis que ça représente.
04:20 Et vous changez l'organisation au sein de Renault en créant plusieurs entités.
04:24 Notamment une pour l'électrique que vous baptisez Ampère.
04:27 Et l'autre pour les moteurs thermiques que vous baptisez Horse.
04:31 Quelle est l'idée Jean-Dominique Sénard ? C'est de créer, par exemple pour l'électrique, un Tesla français que serait Ampère ?
04:38 On peut toujours le baptiser comme ça.
04:39 Luca De Meo qui est à la manœuvre avec les équipes pour justement créer ces entités dont vous parlez.
04:46 Nous avons un objectif de mise en valeur des actifs du groupe.
04:52 C'est le premier objectif.
04:53 Je pense que tout ce que nous faisons dans le groupe Renault a une qualité exceptionnelle qui n'est absolument pas observée ni comprise par le monde extérieur.
05:03 Créer Ampère c'est créer une unité, je vous rappelle, en France d'ailleurs.
05:07 Et c'est quand même un point important de le comprendre parce que nous avons fait depuis longtemps le pari de la France.
05:12 Je l'ai fait moi-même dans mon passé industriel, nous le faisons avec Luca De Meo aujourd'hui.
05:15 Nous savons la foi que nous pouvons faire ça en France.
05:18 C'est toutes les usines françaises qui vont être là orientées sur les véhicules électriques.
05:25 Nous avons un engagement de fabriquer pas loin de 700 000 véhicules électriques dans le nord de la France.
05:30 Dohem, Aubeux, Joruitz, l'usine de Cléon qui fabriquait des moteurs thermiques est en train de se transformer en usine fabriquant des moteurs électriques avec en plus un accord avec Valeo.
05:40 Donc on se concentre avec une valeur ajoutée sur la France et nous allons créer Ampère pour enfin faire apparaître très clairement la perle que nous avons dans le groupe qui en fait aujourd'hui est un peu invisible.
05:54 Cette organisation elle doit vous permettre de lever plus facilement des fonds parce que vous avez besoin de capitaux.
05:59 Ça coûte cher ce virage vers l'électrique ?
06:01 Oui ça coûte cher, les véhicules électriques sont chers, on ne va pas se le cacher.
06:05 Aujourd'hui, vous le savez...
06:07 Cher à produire, cher à acheter ?
06:08 Cher à produire, cher à acheter, d'autant plus que le prix des matières premières, ça a été le cas notamment en 2022, a connu une inflation majeure.
06:14 Et que donc ça pose le problème de la compétitivité globale de ces productions de véhicules.
06:20 Le prix des batteries est très élevé et puis en plus de la question du prix, il y a la question stratégique qui permet de s'assurer de la ressource à la fois énergétique mais aussi de la ressource minière nécessaire à la fabrication de ces batteries.
06:35 Parce que vous voyez que c'est quand même une complexité importante.
06:38 Donc ça vous permet de lever des fonds ? Je reviens à ma question.
06:40 Alors ça en effet, c'est une option possible qui permettrait de lever des fonds.
06:44 Et surtout ce qui est important de comprendre c'est que ça crée ce qui pour moi est à mon avis l'avenir, l'expression de l'avenir de l'industrie automobile dans le monde, en particulier en Europe, qui est un écosystème de partenaires.
06:57 On ne peut plus être seul si vous voulez, on est au centre d'un écosystème et des partenaires peuvent venir.
07:02 Alors c'est Nissan, Mitsubishi.
07:05 Ils travailleront avec Ampère ?
07:06 Absolument.
07:07 Et ça peut être également des acteurs du type Qualcomm ou Google qui viennent dans cette entité nous apporter leurs ressources et leurs compétences.
07:14 Mais les voitures resteront Alpine, Dacia, Renault ?
07:16 Absolument, absolument.
07:18 Le groupe Renault est là et c'est les marques Renault et c'est Renault au cœur.
07:22 L'objectif pour Ampère c'est un million de véhicules électriques à horizon 2030 ou 2031.
07:27 Vous en êtes où aujourd'hui Jean-Dominique Senard ?
07:29 Écoutez, on avance vite.
07:31 Évidemment, on n'est pas encore dans ces niveaux de chiffres là, mais la production va monter très très rapidement.
07:36 On vise 400 000 à 600 000 véhicules dans les 3-4 ans qui viennent.
07:42 Donc en 2030, l'objectif que nous venons de donner est parfaitement atteignable.
07:46 Les usines qui étaient malheureusement sous-utilisées il y a quelques années sont maintenant pleines.
07:53 Nous sommes en train d'embaucher des personnes en France.
07:56 En fait c'est une vérité parce qu'il faut comprendre aussi que la réindustrialisation de la France, ça passe par là.
08:00 Les usines qui existaient, qui n'étaient pas correctement utilisées, sont maintenant complètement chargées.
08:06 Nous embauchons des personnes.
08:08 On vient depuis le début de l'année d'embaucher 300 personnes dans le nord de la France, à Douaim au Beuge.
08:13 Et puis les usines de batterie qui s'installent autour de ces usines là vont probablement créer pas moins de 4 500 emplois dans les 2-3 ans qui viennent.
08:21 C'est considérable.
08:23 Vous voyez que tout ce qui est fait en ce moment est fait pour essayer de donner la compétitivité nécessaire à cette production.
08:30 Mais nous n'avons pas attendu que certaines mesures soient prises pour lancer des opérations.
08:36 Et heureusement parce que si on l'avait fait, on ne ferait probablement plus rien.
08:39 Alors on part tout de même de loin Jean-Dominique Sénard.
08:41 L'an dernier, 200 000 véhicules électriques vendus en France.
08:45 Et pour donner un ordre d'idée, les véhicules d'occasion de plus de 15 ans, 1 344 000.
08:50 Donc on voit que le gouffre est encore très grand.
08:55 Et la commission européenne reste sur cette échéance de 2035 pour l'interdiction des moteurs thermiques pour les voitures neuves.
09:01 On sait que les Allemands sont très réservés.
09:03 Est-ce que pour vous cet objectif est tenable, 2035 ?
09:07 Alors l'objectif est ce qu'il est.
09:09 Nous avions nous demandé un peu plus de temps parce que nous semblait assez raisonnable de nous assurer en bons industriels que ce type d'objectif était faisable.
09:19 Alors je vous le dis tout de suite, nous serons prêts.
09:21 On le fait, Renault d'ailleurs a pris toutes les dispositions nécessaires pour être prêt à temps.
09:26 Donc ce n'est pas la crainte de ce côté-là. La crainte c'est de savoir si on y arrivera de manière compétitive.
09:31 Il faut aussi avoir en tête que...
09:33 Et s'il y aura des gens pour acheter ces véhicules ?
09:36 Bien entendu.
09:37 Ils feront se les payer.
09:38 Mais il faut avoir en tête aussi que ce type de perspective a fait prendre conscience, assez brutalement je dois dire,
09:46 de la dépendance et du risque de dépendance de cette industrie par rapport à un certain nombre de sujets, notamment les matières premières.
09:54 Voyez-vous, c'est bien d'imaginer des usines de voitures électriques, c'est bien d'avoir des usines de batteries,
10:00 encore faut-il être certain de pouvoir avoir accès aux minéraux nécessaires pour pouvoir fabriquer les cellules de ces batteries.
10:06 Or, vous le savez très bien, la Chine, pour ne parler que d'elle,
10:09 depuis 30 ans a méthodiquement pris en compte la possession de mines dans le monde,
10:15 que ce soit du nickel, de manganèse, de cobalt, de lithium, je d'en cite les métaux rares,
10:20 et également a maîtrisé à coup d'immenses investissements,
10:24 toutes les raffineries nécessaires pour que ces métaux puissent rentrer dans les cellules des batteries.
10:29 Or, malheureusement, en Europe, honnêtement, nous sommes très très loin de tout ça.
10:34 On en a pris conscience un peu trop rapidement, si je puis dire, alors qu'on aurait peut-être pu y penser plus tôt.
10:40 Voilà, ça c'est un premier sujet. Et puis il y en a bien d'autres, parce que c'est le défi, comme je vous parlais,
10:44 le défi de la compétence. Il faut maintenant transformer les métiers des uns et des autres,
10:48 c'est le rapport au travail dont on parlait, majeur.
10:51 - Et vous vous dites "on va y arriver" ? - Oui, parce qu'on est là pour se battre, si vous voulez.
10:54 - Et vous êtes beaucoup plus optimiste, ou alors vous êtes plus pondéré dans votre expression,
11:00 que votre collègue de Stellantis, Carlo Stavarez, PDG de Stellantis,
11:05 qui lui ne mâche pas ses mots sur cet objectif.
11:08 Il dit que c'est un dogme, le véhicule électrique pour tous, parce que c'est toujours trop cher.
11:12 Et puis il parle des conséquences sociales, je le cite,
11:15 "comment protéger la liberté de mouvement des classes moyennes,
11:17 qui ne vont pas pouvoir accéder à l'achat d'un véhicule électrique ?
11:21 Dire à la classe moyenne "restez chez vous", ce n'est pas gérable politiquement."
11:25 - Non, mais Carlo Stavarez tient les propos qu'il souhaite, il n'a pas tort sur le fond.
11:30 Le problème c'est de se constater... - Vous pourriez dire la même chose, Jean-Dominique Sénard ?
11:34 - Je le constate de la même manière, j'étais le premier, il y a 4 ans,
11:37 quand je suis arrivé dans le groupe Renault, à parler des problèmes des Chinois.
11:41 Rappelez-vous peut-être, à l'époque je me sentais un petit peu seul.
11:45 Aujourd'hui, on est en plein dedans.
11:47 Donc la question sociale est tout à fait exacte,
11:52 elle n'a pas fait partie d'une analyse d'impact qui aurait pu être un peu plus élaborée
11:56 avant de prendre cette disposition.
11:58 La conversion des gens dont je vous parlais, la question de la compétence se pose franchement maintenant,
12:02 donc il faut former les gens, former les gens, former les gens.
12:04 La question de l'accès aux matières premières, je vous en ai dit un mot, elle est majeure,
12:08 c'est probablement un des sujets stratégiques les plus importants pour notre industrie,
12:12 parce qu'elle porte en plus une notion de coûte, et puis l'accès à l'énergie.
12:17 Parce que vous comprenez que tout cela, il va falloir beaucoup d'énergie,
12:21 en particulier d'énergie secondaire, c'est-à-dire l'électricité.
12:24 Il en faut pour fabriquer les batteries, il en faut pour faire rouler les véhicules,
12:27 il va falloir de ce point de vue-là s'assurer d'un accès à l'énergie pas cher et abondant.
12:33 Vous voyez que ça fait quelques défis.
12:35 Alors on les a devant nous, il y a deux réactions possibles, soit de dire "c'est pas possible, on va pas s'en sortir",
12:39 une autre c'est de dire "on va se battre", et on va se battre.
12:41 Maintenant je voudrais dire aussi autre chose, c'est qu'il faut absolument que dans ce genre de circonstances,
12:46 on laisse à l'industrie le choix de la technologie.
12:49 Et là en ce moment je rejoins Carlos Tavares, dans la mesure où l'électrique est une piste,
12:54 oui, elle est même fondamentale, et donc nous serons prêts, mais c'est peut-être pas la seule.
12:59 La question des carburants alternatifs est une source possible de mobilité dans l'avenir.
13:05 Vous m'avez demandé pourquoi est-ce qu'on avait fait Horst, et bien très bien, c'est pour ça, précisément.
13:09 C'est pour faire que toute cette technologie thermique hybride de très très haut niveau,
13:15 avec des carburants alternatifs, permettrait, si jamais on y arrive à le rendre bien économiquement viable,
13:21 c'est-à-dire peut-être dans 2-3 ans, d'un seul coup, d'un seul, d'alimenter les moteurs thermiques existants,
13:27 et croyez-moi il y en a beaucoup dans le monde, avec des carburants qui feraient que l'équation carbone de cet ensemble serait neutre.
13:34 Et peut-être parfois, on peut l'imaginer, plus favorable que dans le cas d'un véhicule électrique pur.
13:40 Parce que n'oubliez pas une chose, il faut prendre cette décarbonation de l'amont à l'aval, c'est-à-dire de la mine à l'usage.
13:50 - Alors pour acheter, pour permettre aux consommateurs français d'acheter plus facilement ces véhicules électriques,
13:57 l'État a porté une aide, ça s'appelle le bonus écologique, il va être réformé, a annoncé hier Emmanuel Macron,
14:03 pour dit-il, prendre en compte l'empreinte carbone de leur production, c'est-à-dire favoriser les véhicules qui sont fabriqués en Europe,
14:09 et pas ceux fabriqués en Chine, par exemple. Est-ce que cela veut dire pour vous, Renaud,
14:14 que la Dacia Spring qui est produite en Chine en ce moment, ne pourra plus bénéficier de ce bonus ?
14:20 - Alors je vais vous dire d'abord très clairement que les mesures qui ont été évoquées hier,
14:24 donc il faut connaître un petit peu le détail maintenant, etc., sont très bonnes, et qu'elles vont dans le bon sens,
14:32 c'est absolument incontournable, c'est clair. Il faut maintenant rentrer dans le détail et voir un peu comment on peut s'appliquer,
14:38 on va essayer de faire en sorte, si possible, que ce soit simple à appliquer, puis facile à mesurer, etc., etc.
14:43 Mais l'orientation est la bonne, je le dis de la façon la plus claire.
14:47 Évidemment, face à l'immensité des défis dont je vous ai parlé tout à l'heure, c'est un pas en avant dans la bonne direction,
14:55 il reste encore beaucoup à faire, mais si nous ne prenions pas cette direction-là, là pour le coup je commencerais à me faire du souci.
15:01 Mais vous avez vu, on n'a pas attendu...
15:03 - Le bonus continuera à s'appliquer sur les véhicules que vous fabriquez en Chine, en l'occurrence la Dacia Spring.
15:08 - Oui, la Spring, probablement pas, mais je vais dire franchement, c'est totalement secondaire cette affaire de la Spring par rapport à...
15:13 - Ça renchérit considérablement le coût de ce véhicule pour le consommateur français.
15:17 - Peut-être, mais...
15:18 - Et ça vous rend moins compétitif sur le marché français, aujourd'hui, Dominique Senard.
15:20 - Peut-être, mais si c'était que la Spring, le sujet n'est pas le problème de la Spring, c'est très marginal par rapport au reste de ce que nous faisons.
15:27 - Oui, mais pensez à la Mégane, pensez à tous les véhicules qui arrivent, pensez aux Alpines que nous avons fabriquées à Dieppe, tout électrique, etc.
15:33 - Je dis ça parce que c'est un modèle qui est moins cher que d'autres, aussi.
15:36 - Oui, mais on le sait bien, parce qu'on le sait bien, et c'est là qu'on mesure d'ailleurs, en faisant la Spring comme on le fait aujourd'hui, c'est le retour de l'histoire.
15:43 On voit à peu près ce qui se passe en Chine, au moins comme ça on comprend ce qui s'y passe.
15:46 Mais c'est pas le sujet pour nous, comprenez-vous.
15:48 C'est les 700 000 véhicules dont on parlait tout à l'heure qu'on va fabriquer dans le Nord, c'est les nouvelles Alpines qu'on va faire...
15:53 - D'accord, mais sur ce point, vous avez eu la décision du ministère de l'Economie ou des services de l'Elysée, ils vous ont dit "pour la Dacia c'est terminé".
16:02 - Honnêtement, non, j'ai pas eu ce dialogue là encore, donc je peux pas vous répondre là-dessus, mais si vous voulez, pour moi encore une fois, c'est pas le sujet.
16:08 - Est-ce que ça peut vous inciter à relocaliser la production de ce véhicule en France ? C'est l'objectif.
16:14 - Alors écoutez, c'est pas compliqué...
16:15 - C'est la rélocalisation et la réindustrialisation du pays.
16:18 - La réindustrialisation de la Spring en tant que telle sera ce qu'elle sera. Encore une fois, pour moi c'est marginal.
16:23 Quand on parle de réindustrialisation en France, pour moi, c'est déjà l'utilisation de nos usines françaises, et comme je dis souvent, remplissons ces usines comme des oeufs, on commencera à pouvoir faire un peu de compétitivité.
16:36 Et c'est ce qu'ils sont en train de faire. Douai, Maubeuge, Sandouville, Ruiz, citons-les toutes, je ne parle même pas de Flins, qu'on devait en principe fermer à mon arrivée dans le groupe, et qui aujourd'hui retrouve une seconde vie parce que justement elle devient une des plus belles usines d'économie circulaire en France.
16:53 On est en train de rétrofiter les voitures, on est en train de travailler sur l'usine...
16:56 - Rétrofiter, qu'est-ce que ça veut dire ?
16:58 - Ça veut dire que l'on transforme des véhicules d'occasion en voitures quasiment neuves, et puis dans certains cas, on peut éventuellement transformer la motorisation thermique en électrique.
17:08 On travaille sur la seconde vie des batteries, sur la troisième vie des batteries, sur le recyclage des batteries.
17:13 L'économie circulaire, là aussi, croyez-moi, on n'a pas attendu pour se lancer. On a peut-être un peu de retard par rapport à d'autres pays comme la Chine, mais on est en train de combler ce retard.
17:23 Je vous le dis sincèrement, c'est un combat formidable, incroyablement motivant, qui n'est jamais gagné d'avance.
17:30 - Les questions des auditeurs et des auditrices de France Inter, 0145 24 7000, pour vous Jean-Dominique Sénard, c'est Marc qui nous appelle du département de Lariège. Bonjour à vous !
17:40 - Oui, bonjour à vous, merci pour vos émissions. Monsieur Sénard, il me semble que vous l'avez déjà abordé, mais ne serait-il pas temps aujourd'hui de dire clairement aux Français notamment,
17:49 qu'on ne pourra pas tout électrifier au niveau automobile. Nous savons tous qu'il y a 34 à 38 millions de véhicules privés en France thermiques, qu'aujourd'hui il y a 400 000 véhicules à peu près électriques qui circulent.
18:00 Vous avez rappelé les chiffres et vous avez rappelé qu'il y a d'autres alternatives que les électriques, parce que nous savons tous qu'il faudrait tripler ou quadrupler le parc nucléaire, ce qui est complètement inconscient.
18:08 Est-ce qu'il ne serait pas temps d'afficher qu'il y a un tiers, je dis n'importe quoi, là, vous allez me reprendre un tiers de thermique, un tiers d'hybride, un tiers d'électrique,
18:15 pour que tout le monde soit au courant et savoir si les équilibres économiques, ces tiers que je viens d'évoquer, sont réalistes ou pas ?
18:21 Merci à vous Marc pour cette question. J'ajoute l'interpellation de Christine. Je ne comprends pas comment on va arriver à alimenter toutes les voitures en électricité.
18:28 Il vaudrait peut-être mieux modérer, je pense qu'elle fait référence à la consommation notamment de son véhicule. Jean-Dominique Sénard.
18:36 Mais vous avez absolument raison de faire ce constat, et c'est celui que j'ai fait tout à l'heure en expliquant les défis qui se présentaient devant nous.
18:43 Et aussi je vous ai dit qu'il y avait des voies alternatives qu'il ne fallait pas négliger. Et je pense que c'est la responsabilité de nos autres industriels que d'essayer de les apporter pour que tout le monde en bénéficie.
18:54 Alors la voie électrique en est une, vous le savez, vous avez dit ce que nous faisions Renault. Il y a également la voie du carburant alternatif.
19:02 Carburant de synthèse ?
19:03 Carburant de synthèse, dont aujourd'hui tout le monde dit qu'il n'est pas...
19:06 C'est la pièce qui est suivie aussi par la commission européenne.
19:08 Très bien, justement, ça tombe bien et c'est précisément ce que nous allons faire avec Renault lorsqu'on constitue cette entité qui sera extraordinairement puissante en matière de production de moteurs hybrides alimentés par des carburants alternatifs.
19:21 Et ça, je vous le dis, c'est probablement d'ici quelques années une voie alternative très très importante. Je ne voudrais pas qu'on la néglige aujourd'hui.
19:29 Et puis, il y a l'hydrogène.
19:30 J'allais y venir.
19:31 Il y a la pile à combustible, etc. Et aujourd'hui, nous mettons les premiers véhicules sur la route alimentés par des piles à combustible, évidemment, avec l'énergie d'hydrogène.
19:42 Toutes ces pistes-là, je voudrais vous dire, on y croit, on y travaille. C'est un travail formidable.
19:48 Il faut nous laisser, nous autres industriels, la capacité de trouver ces voies et de les rendre les plus économiques possibles.
19:54 Ça permettra, pour tout vous dire, de faire face aux défis majeurs que vous avez évoqués, qui est celui de la disponibilité de l'énergie électrique.
20:01 Je ne voudrais pas rentrer dans le détail des chiffres, mais quand on regarde la perspective à 2030, 2050, y compris par les chiffres qui nous viennent de la stratégie bas carbone française,
20:11 on comprend les défis qu'il faut, parce que pour y arriver, il va falloir faire probablement 14 EPR, il va falloir parfois multiplier par 5 les éoliennes terrestres et maritimes, et peut-être par 100 l'énergie solaire.
20:22 Inutile de vous dire que le défi est gratiné.
20:25 Quand est-ce qu'on roulera dans une Renault à l'hydrogène, Jean-Dominique Sénard ?
20:29 On va commencer par rouler dans des véhicules utilitaires à l'hydrogène.
20:32 Et ça déjà l'échéance ?
20:33 Échéance 2026-2027. Je pense qu'en 2030, nous devrions probablement être le leader du marché.
20:39 Sylvain vous demande "Pourquoi Renault ne développe-t-il pas des véhicules plus légers ? Je soupçonne la marque de préférer les gros véhicules anachroniques plus rentables."
20:48 Non mais là écoutez, franchement c'est de nous faire un mauvais procès. Venez essayer la Mégane, venez essayer l'Austral, vous verrez bientôt l'espace arriver.
20:57 C'est pas du tout ce que vous croyez. En plus on se bat comme des fous pour alléger ces véhicules en utilisant les matériaux qui vont bien.
21:03 Franchement là c'est peut-être une idée toute faite. Je suis tout prêt à vous démontrer que vous essayez les voitures, que c'est pas du tout ce que vous pensez.
21:13 Mais vous savez Jean-Dominique Sénard que les consommateurs, les automobilistes sont très friands de SUV, ça fait partie des meilleures ventes.
21:19 Bien sûr, mais d'accord. On met toujours derrière le mot SUV, en l'impression d'un char d'assaut de 30 tonnes.
21:26 Mais non, c'est pas le sujet. Un SUV aujourd'hui c'est simplement une forme de voiture. Les Français, ils ont raison, ont besoin de voitures familiales.
21:34 Je crois qu'on est en train de leur apporter ça. Alors évidemment une voiture familiale c'est un petit peu plus large qu'une Twingo.
21:40 Mais voilà, et je pense que les véhicules qui sortent maintenant, ceux qui vont venir, la future R5, la future 4L, je parle pas des nouvelles Alpines, vont répondre à ça.
21:52 Alors on les appelle des SUV mais il faut arrêter de les associer encore une fois à l'idée d'un char d'assaut.
21:57 Question de François Renaud, contre-réagir à l'agressivité des derniers tarifs de Tesla sur l'électrique. La concurrence de Tesla, Jean-Dominique Sénard, une Model 3 nous dit François, est moins chère qu'une Mégane E-Tech.
22:08 C'est parfaitement exact aujourd'hui et d'ailleurs, pour tout vous dire, elles sont souvent fabriquées en Chine justement et elles arrivent avec des prix en Europe qui sont effectivement très concurrentiels.
22:21 Mais voilà, c'est toute une raison d'ailleurs pour laquelle les mesures qui sont prises et qui ont été annoncées hier vont dans le bon sens.
22:28 Puis ça va permettre, j'allais dire, d'essayer de créer un territoire, j'allais dire, un peu plat en termes de concurrence.
22:37 C'est-à-dire qu'on va essayer avec ce genre de mesures de rééquilibrer un tout petit peu les avantages compétitifs des uns et des autres.
22:43 Et ça c'est très important. Voilà. Mais il est hors de question pour nous de suivre cette politique de Tesla.
22:49 Pourquoi ? Parce que je vais vous dire une chose, on a déjà donné. Chaque fois que l'on fait ça, et j'ai connu ça dans d'autres industries, croyez-moi,
22:55 chaque fois que l'on cherche à faire du volume en baissant les prix, ça se termine pas toujours très bien.
23:00 Jean-Dominique Sénard, est-ce que vous avez le sentiment qu'en Europe on en fait trop, notamment sur la protection de l'environnement ?
23:06 Hier, le chef de l'État a défendu l'industrie verte, mais il a aussi appelé la Commission Européenne à une pause réglementaire. Est-ce que vous êtes d'accord avec lui ?
23:16 Je peux entendre ce propos, parce que, honnêtement, avec les dispositions que nous avons aujourd'hui, je crois vous avoir démontré l'ensemble de défis qui se posent à nous.
23:25 Laissons-nous le temps de répondre à ces défis. C'est déjà pas mal. Si on arrive à faire ce que nous avons à faire, et bien peut-être personne ne s'en plaindra.
23:34 On n'a pas de temps pour sauver la planète, Jean-Dominique Sénard.
23:37 Mais qu'est-ce que vous croyez qu'on fait en ce moment ? On ne fait que ça. Et d'ailleurs, en plus, ça fait 100 ans que Renault fait ça.
23:42 On a toujours expliqué qu'on découvrait ça dans l'industrie. Mais pas du tout chez Michelin, chez Renault et chez d'autres.
23:48 Si vous voulez, on ne fait que ça depuis 100 ans. Et donc, on nous a fait souvent un mauvais procès sur ces histoires-là.
23:54 Et je pense qu'aujourd'hui, on est en train de le démontrer. Mais qu'on nous laisse le temps de faire cela, si vous voulez.
23:59 Les échéances sont très rapprochées. Il faut que l'industrie s'adapte, se mette en route, et puis accélère la transition.
24:06 Croyez-moi, les défis dont je vous ai parlé tout à l'heure prennent du temps à être résolus. Ça ne se fait pas en claquant les doigts.
24:11 Un dernier mot, Jean-Dominique Sénard. Vous avez rendu, je l'ai dit, il y a quelques semaines, des recommandations au ministre du Travail, Olivier Dussaud,
24:18 parce qu'on l'a vu, à la faveur de la crise autour de la réforme des retraites, il y a un problème des Français dans leur relation au travail.
24:23 On a cette question de Julien. Quel est votre avis sur la semaine à quatre jours, en termes de compétitivité économique et de bien-être des collaborateurs ?
24:30 Alors, l'avis est encore incertain. Et c'est pour ça que dans le rapport, nous en parlons, en demandant que le Conseil économique et social
24:37 fasse une étude approfondie sur ce qui, aujourd'hui, est pratiqué par différentes entreprises. Parce que ce n'est pas la semaine des quatre jours,
24:44 c'est les semaines de quatre jours. Il y a des expériences très intéressantes, mais qui sont très différentes les unes des autres.
24:50 Je crois qu'à la fin, il sera probablement conclu qu'il faut que ce soit les entreprises qui décident elles-mêmes ce qu'elles ont à faire.
24:55 Mais par contre, qu'on sache ce qui se passe et les conséquences des expériences actuelles, c'est très important.
24:59 Si je peux dire un mot sur ce rapport, je voudrais simplement dire une chose. C'est que ce qui est ressorti de ces quatre mois de travaux,
25:05 avec un travail incroyable des équipes qui ont fait des interviews dans tout le monde social français, c'est que la France a besoin,
25:14 et les travailleurs ont besoin, d'écoute, de reconnaissance et de respect. Et si on arrive à faire en sorte que les managers de notre pays
25:22 prennent ça bien en compte, je pense qu'on aura fait des progrès considérables.
25:25 Merci à vous, Jean-Dominique Sénard, d'avoir accepté l'invitation de France Inter ce matin, président du groupe Renault et de l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi.
25:34 Merci beaucoup !