• l’année dernière
Transcription
00:00 Les filles de rien sont-elles prêtes à tout ? C'est évidemment la question que pose
00:03 Maiwen dans Jeanne du Barry, son nouveau long métrage qui fait l'ouverture du festival de Cannes.
00:08 La Comtesse Jeanne du Barry !
00:16 Surtout, ne regardez pas le roi dans les yeux.
00:21 Ce serait perçu par la cour comme une invitation.
00:24 Une invitation à quoi ?
00:26 À la baguette.
00:33 Il s'agit d'une sorte d'autoportrait de Maiwen qui se réinvente en Comtesse du Barry,
00:43 c'est-à-dire la dernière favorite du roi Louis XV, qui est lui jouée par Johnny Depp.
00:48 Comme quoi, elle couronne une star déchue.
00:51 Ça produit une sorte de malaise, ça jette une ombre et en même temps l'image est très belle.
00:56 Le style de Maiwen, on le retrouve beaucoup moins dans ce film-là.
00:59 Elle a été probablement contrainte par les exigences d'une super production en costume avec reconstitution historique.
01:05 Donc ça fige un petit peu sa mise en scène.
01:07 Ça peut donner des très belles choses, de très beaux cadres, mais on se demande à quoi bon
01:12 une cinéaste qu'on aime ou qu'on ne l'aime pas, un style très particulier,
01:17 bride son style pour raconter une histoire qui lui tient à cœur.
01:20 Et donc ça fait quelque chose d'assez troublant et qui est presque contre-productif par rapport à ce que raconte le film.
01:26 Puisque Jeanne du Barry, arrivant à la cour de Versailles, c'est comme un chien dans un jeu de quilles.
01:30 Elle arrive pour bousculer l'étiquette, faire valser les codes.
01:32 Et là, la mise en scène, au contraire, elle est très très sage.
01:35 Et tout à coup, il y a cette séquence.
01:37 L'examen médical que doit subir Jeanne du Barry en arrivant à la cour.
01:40 Est-elle digne d'être la maîtresse du roi ? Peut-elle accéder à sa couche ?
01:44 Et bien, ça va passer par un examen gynécologique qui est à la fois terrifiante par les instruments employés,
01:49 traité en même temps sur un mode un peu presque drôle de cette femme qui se soumet à un examen
01:55 complètement invasif, complètement fou.
01:57 Alors là, pour le coup, on a enfin l'impression de sortir des vignettes historiques et du côté émission de Stéphane Bern.
02:04 Elle est au centre de tout, elle dévore l'image, elle se jette à corps perdu dans ce personnage.
02:18 Et encore une fois, en tant qu'autoportrait, c'est intéressant.
02:20 En revanche, le regard qu'elle pose sur tous les autres personnages féminins du film est épouvantable.
02:26 Elle n'en sauve jamais une.
02:28 C'est une chose assez amusante, deux minutes, de montrer les filles du roi comme les méchantes sœurs de Cendrillon.
02:35 C'en est une autre de jamais venir interroger un système qui prive les filles du roi, par exemple, du trône,
02:43 de tout héritage et de tout rôle véritablement politique.
02:47 Comme le dit Marie à Etrevere, le film est assez troublant dans son regard assez dur sur les femmes.
02:52 Parce qu'en fait, les pires ennemis de Jeanne du Barry, ce sont les femmes.
02:55 Et en fait, très paradoxalement, les personnes les moins cruelles, voire les plus empathiques,
02:59 avec le personnage de Jeanne du Barry, ce sont les hommes.
03:02 Cette réserve est en fait, ça permet quand même de faire de beaux portraits masculins.
03:05 S'il y en a peu du côté des femmes, à l'exception de Jeanne du Barry elle-même, ça en fait des plutôt beaux côtés masculins.
03:11 Alors il y a le personnage de Louis XV, évidemment, qu'on voit assez peu,
03:15 peut-être parce que c'est un acteur américain, Johnny Depp, qui le joue.
03:18 Le premier ministre ne va pas tolérer que vous laissiez une fille des rues côtoyer votre entourage.
03:22 Cette jeune femme est mon entourage.
03:25 Johnny Depp est très bien dans le film, évidemment, on entend son accent,
03:28 il faut un peu s'habituer à entendre un roi de France parler avec un accent américain.
03:32 Mais Johnny Depp le fait de manière presque un peu à la Buster Keaton,
03:35 assez réservé, assez distant, avec toujours un petit sourire en coin.
03:39 Et il arrive à être très, très émouvant dans un final que moi je trouve assez réussi.
03:43 C'est vraiment l'homme au masque de cire, assez inexpressif, il a peu de dialogue.
03:48 Il tire le personnage vers la mélancolie, la solitude.
03:53 Après, il y a tout ce qu'on projette sur le film,
03:56 compte tenu de tous les éléments extra-cinématographiques auxquels on pense constamment.
04:00 Et c'est vrai que de voir cet acteur dont on ne sait pas très bien ce qu'il fabrique depuis dix ans,
04:05 finir vérolé, finir abîmé, alité,
04:10 dans un film français qui vient lui tendre une main charitable qu'Hollywood ne veut plus lui tendre,
04:16 ça produit quelque chose d'assez troublant.
04:19 Jeanne du Barry de Maïwenn, finalement, c'est bien.
04:29 Jeanne du Barry de Maïwenn, si on cherche une grande fresque féministe, c'est bof.
04:34 Si on veut voir un beau film populaire et une histoire d'amour qui peut avoir un vrai succès public, c'est bien.
04:39 Merci d'avoir regardé cette vidéo.
04:41 [SILENCE]

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