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00:00 Aliments, énergie, essence, c'est le défi économique du moment.
00:04 L'inflation, elle se ressent chaque jour au porte-monnaie et surtout chez les personnes les plus précaires.
00:09 Et pour en parler avec nous, Jean Stelitano, secrétaire général départemental du Secours Populaire. Bonjour.
00:13 Bonjour.
00:14 Ça fait des années qu'on vous reçoit, Jean Stelitano.
00:18 Des années que vous nous dites que le nombre de bénéficiaires explose.
00:21 Qu'est-ce qui est nouveau en ce mois de mai 2023, en fait ?
00:25 Eh bien, on voit tous la courbe du chômage baisser et puis paradoxalement la courbe de la pauvreté qui continue à augmenter.
00:33 Pourquoi ?
00:34 Tout simplement parce que beaucoup de personnes viennent au Secours Populaire alors qu'elles travaillent.
00:39 Sauf que le travail qu'elles ont ne leur permet pas de remplir le frigo ou de payer le loyer en même temps.
00:44 Alors, on avait depuis quelques années vu les bénéficiaires un peu changer ou en tout cas évoluer.
00:50 On a eu ces retraités seules qui sont venues.
00:52 On a eu ces familles monoparentales, notamment des femmes qui se retrouvaient avec deux, trois enfants, les fins de mois étaient difficiles.
00:57 Là, carrément, petit à petit, vous nous le disiez tout à l'heure, c'est carrément des couples qui travaillent tous les deux.
01:02 C'est ça, des familles normales avec un couple et ils arrivent et ils n'y arrivent pas.
01:09 Et surtout, on les a aidés.
01:11 On en a certains qui, il y a cinq ans, il y a six ans, on les a aidés et qui reviennent.
01:16 Il y a des bénévoles qui disent "mais comment je sais que vous revenez ?" et tout, mais ils ne s'en sortent pas.
01:20 Entre la facture de l'électricité, les Alpes-Maritimes, c'est plus de 14% d'inflation, c'est pas 6% comme on peut l'entendre par-ci par-là.
01:27 - On entend à l'heure actuelle les 7%, mais c'est une moyenne nationale. Dans les Alpes-Maritimes, on est autour de 14%, c'est ça ?
01:32 - Juste une idée, le lait, le Soco Populaire achète du lait, c'est 25% de plus en un an.
01:38 Le lait, c'est quand même le produit de base pour faire des gâteaux, pour faire le petit déjeuner des enfants.
01:42 Un enfant sur cinq ne déjeune pas aujourd'hui.
01:45 Donc c'est un vrai souci, et surtout pour le Soco Populaire, une grande difficulté avec 46% de personnes, 45% de personnes en plus en un an.
01:54 Et d'un autre côté, des dotations européennes qui baissent de 25%, une stagnation des aides et des soutiens.
02:01 Les donateurs sont aussi en difficulté.
02:03 - Alors on va parler justement de la nécessité de se réorganiser, d'être en flux tendu.
02:07 Juste un mot sur ces, on va dire, nouveaux bénéficiaires ou anciens nouveaux bénéficiaires.
02:12 Qu'est-ce qu'ils vous disent ? Ils ne viennent pas forcément début de mois, ils ne viennent pas remplir dès le début de mois, ils viennent terminer.
02:17 - C'est ça, la fin du mois commence le 20, voire le 15, et donc ils sont obligés de faire des arbitrages.
02:22 C'est ce qu'ils nous disent. Ils nous disent voilà, moi j'ai des enfants, je dois payer le loyer, ma femme travaille, pourtant on devrait y arriver, mais on n'y arrive pas.
02:30 - Qu'est-ce qu'ils coupent alors du coup ? Qu'est-ce qu'ils ne font plus ?
02:32 - Là où ils viennent, c'est effectivement l'alimentaire, parce que au Soco Populaire, comme dans d'autres associations humanitaires,
02:38 ils peuvent y trouver, ça va leur soulager le budget et ça va leur permettre de faire face.
02:42 Mais quand on voit effectivement tous ces coûts annexes qui ont augmenté aussi fortement,
02:47 et bien il y a des arbitrages, et heureusement il y a des associations comme la Nôtre pour les aider.
02:52 - Alors Jean Stelitano, vous êtes obligé d'être à flux tendu, parce qu'en fait il y a à peu près 400 bénéficiaires de plus,
02:58 ça veut dire qu'il y a une nouvelle organisation, il faut s'organiser autrement.
03:01 Le principe du Secours Populaire, il est plus valable par rapport à ces nouveaux arrivants, ces nouveaux arrivés, cette manière de venir vous demander de l'aide ?
03:10 - On a la chance d'avoir beaucoup de bénévoles. On a, en l'espace d'un an, ouvert deux nouvelles antennes,
03:15 on a réorganisé des antennes pour encore plus accueillir les gens sur nos dispositifs.
03:20 - C'est-à-dire arriver plus vers la proximité ?
03:21 - Toujours. Le aller-vers, on a un proxibus qui va dans les valets de la RER-P, c'est un autre sujet,
03:25 mais on va vers les gens, on va au plus près des gens, c'est pour ça qu'on a augmenté le nombre d'antennes,
03:30 pour être au plus près, parce qu'il y a beaucoup de gens, il y a beaucoup de renoncements.
03:33 Beaucoup de gens attendent des fois trois jours avant de venir nous voir, alors que le frigo est vide depuis trois jours.
03:39 Donc c'est ça qu'il faut détecter et être au plus près des gens.
03:43 - Mais vous, la multiplication des antennes, des points, voire de collecte ou de distribution,
03:47 ça vous oblige à avoir un véritable dispositif de transport, de logistique ?
03:52 - On a une logistique énorme, très coûteuse, et en plus avec l'augmentation des carburants comme on a vécu ces derniers mois,
03:58 ça a un impact énorme. Et puis aussi une difficulté dans les collectes.
04:02 On lance là une grande campagne de collecte auprès des entreprises, auprès des associations,
04:08 pour qu'elles-mêmes collectent à notre place, parce que nous on n'y arrive plus,
04:13 les supermarchés, les chariots, le samedi, on n'y arrive plus, donc il faut trouver d'autres moyens de trouver des biens.
04:19 - Alors, le Secours Populaire n'est pas né d'hier, ça date depuis longtemps.
04:22 Est-ce qu'il n'est pas temps de revoir carrément comment fonctionne l'aide humanitaire en France ?
04:28 - Parce que le Secours Populaire, les Restos du Coeur, tout ça est né, on va dire,
04:33 a fait face à une crise des années 80, début des années 90, mais là c'est tout autre.
04:39 - On fait tous le même constat à la banque alimentaire, que ce soit les Restos du Coeur ou nous,
04:42 - Il faut se réorganiser, il faut faire autre chose.
04:44 - Oui, mais aujourd'hui, il y a quand même une chose qu'il ne faut pas perdre à l'esprit,
04:47 c'est que c'est le devoir de l'État d'assurer que les populations puissent se nourrir.
04:52 Or, aujourd'hui, on s'aperçoit que de plus en plus, c'est transféré vers les associations humanitaires.
04:58 Donc nous, ce qu'on dit, c'est stop, il faut absolument trouver d'autres moyens,
05:01 une autre organisation, pour nous permettre d'aider, mais aussi que les gens retrouvent eux-mêmes une autonomie.
05:07 Parce qu'effectivement, franchir le pas du Restos du Coeur ou du Secours Populaire pour demander de l'aide, c'est terrible.
05:12 - Vous dites stop, c'est plus à vous de le faire ?
05:14 - Si, on continuera à le faire, mais pas autant.
05:16 Aujourd'hui, on ne peut plus, quand je discute avec des autres associations, elles n'en peuvent plus,
05:22 les bénévoles sont au maximum, il faut des relais, et effectivement,
05:26 on compte beaucoup sur la solidarité des individus, bien sûr, elle est mobilisée,
05:30 les maralpas sont très généreux, mais ça ne suffit plus.
05:34 - Merci Jean Stelitano, secrétaire général Secours Populaire,
05:37 bonne journée à vous, et bon courage, on va dire, par rapport à ces difficultés auxquelles vous faites face.