La politique et moi - Frédéric Valletoux

  • l’année dernière
Frédéric Valletoux, député Horizons et apparentés de Seine-et-Marne.
Avant de se lancer en politique, Frédéric Valletoux l'a d'abord observée en tant que journaliste. Et c'est d'ailleurs peut-être ce qui lui a permis ensuite de s'imposer là où on ne l'attendait pas: à Fontainebleau, à la tête de la Fédération hospitalière de France, jusqu'à l'Assemblée.

Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements - historiques ou personnels - qui l'ont conduit à choisir la vie publique.
Car on ne naît pas politique, on le devient !
Transcript
00:00 Avant de se lancer en politique, mon invité l'a d'abord observé.
00:03 C'était d'ailleurs son métier et c'est peut-être
00:06 ce qui lui a permis ensuite de s'imposer
00:09 là où on ne l'attendait pas forcément.
00:11 Musique intrigante
00:13 ...
00:27 Bonjour, Frédéric Walthou. -Bonjour.
00:29 -Pendant longtemps, les Français vous ont connu
00:31 avec une autre casquette que celle d'homme politique,
00:34 celle de président de la FHF, la Fédération hospitalière de France,
00:38 de 2011 à 2022. Vous étiez un peu le monsieur hôpital,
00:41 et ça vous a valu d'être sollicité dans les médias,
00:44 notamment, on va le voir, pendant toute la période du Covid.
00:47 -La mairie de Paris propose un confinement de 3 semaines.
00:50 Est-ce la bonne solution ?
00:52 -Vous pensez qu'il aurait fallu reconfiner dès aujourd'hui,
00:55 notamment dans ces territoires ?
00:57 -Jusqu'à quand l'hôpital peut tenir ?
00:59 Qu'est-ce qu'on fait pour améliorer,
01:01 pour accélérer cette campagne de vaccination ?
01:04 -On donne plus de vaccins. Les chaînes logistiques existent.
01:07 Dans ma ville, je pourrais vacciner 4, 5 fois plus de personnes
01:11 si j'avais 4, 5 fois plus de vaccins.
01:13 -C'est un petit montage qui était là pour montrer
01:16 qu'on vous a interrogé sur tous les sujets possibles.
01:19 Faut-il confiner, déconfiner, reconfiner ?
01:21 L'hôpital va-t-il tenir ?
01:23 Et même, que pensez-vous du professeur Raoult ?
01:25 Comment on fait pour répondre à ces questions
01:28 quand on n'a pas de formation médicale,
01:30 qu'on n'a pas été directeur d'hôpital,
01:32 qu'on est un ancien journaliste ?
01:34 -On évacue toutes les questions qui touchent à la médecine.
01:38 J'ai toujours veillé à ne pas répondre à des questions
01:42 qui s'adressaient d'abord aux médecins,
01:46 que je ne suis pas, que je n'ai jamais été,
01:48 et que je n'ai jamais eu la prétention de remplacer.
01:52 Par contre, parler de l'organisation des soins,
01:55 de la place de l'hôpital dans le système de santé
01:58 pendant le Covid, des tensions que vivait l'hôpital,
02:01 de la manière dont on pouvait, effectivement,
02:03 mieux répartir entre les hôpitaux, les cliniques,
02:06 la médecine de ville, la mobilisation de tous,
02:09 c'est des questions d'organisation
02:11 qui en appelaient, effectivement, d'abord, sans doute,
02:14 à mon expérience de maire.
02:16 -Parce que les maires
02:17 ne s'y agent... -Parce que les maires
02:19 s'y agent dans les organes de gouvernance de l'hôpital,
02:23 des hôpitaux, que j'ai présidé mon hôpital depuis 2006,
02:27 et que c'est d'ailleurs à travers cette présidence d'hôpital
02:30 que je suis venu à m'intéresser à la Fédération hospitalière de France,
02:34 qui n'est pas toujours composée de directeurs
02:37 ni de médecins hospitaliers,
02:39 car un tiers du conseil d'administration
02:41 sont des élus locaux, parce qu'ils sont partie prenante,
02:44 et ça a toujours été la tradition de cette fédération.
02:47 -Des élus, mais souvent des élus médecins.
02:50 Votre prédécesseur était cardiologue.
02:52 Celui qui vous a succédé était praticien hospitalier.
02:55 Pendant votre présidence, vous avez eu comme adversaire
02:58 Olivier Véran et Jean-Louis Touraine.
03:00 -Ils sont des médecins. -Claude Hévin,
03:03 président de la FHF... -Sarment Alloy.
03:05 -Il avait été ministre de la Santé, mais il n'était pas médecin.
03:08 Gérard Larcher, président de la Fédération hospitalière de France.
03:12 -Il est médecin des animaux. -Il est vétérinaire,
03:15 mais il n'est pas médecin. -Vous n'étiez pas là.
03:18 Comment vous avez fait pour vous imposer
03:20 dans ce milieu médical hospitalier, sans avoir de formation,
03:23 de compétences ? Il a fallu convaincre les gens
03:26 que vous étiez la bonne personne.
03:28 -Je pense que quand on préside une association
03:30 comme la Fédération hospitalière, qui regroupe tous les hôpitaux,
03:34 mais aussi tous les EHPAD, c'est l'offre de santé publique
03:37 qui est au sein de la FHF, c'est pas une instance médicale.
03:41 On n'est pas l'académie de médecine. -C'est de la politique.
03:44 -On est l'interlocuteur des pouvoirs publics,
03:47 des gouvernements, mais aussi de l'ensemble
03:49 de l'écosystème de l'hôpital, pour parler de problématiques
03:52 de financement, d'organisation, de liens entre les uns et les autres,
03:56 la médecine de ville et la médecine hospitalière,
03:59 de décloisonnement de l'hôpital.
04:01 On parle avec des architectes sur l'hôpital de demain
04:04 et des médecins, car la dimension médicale est importante.
04:07 Peut-être que ceux qui ont voté pour moi pendant ces années
04:10 ont trouvé chez moi des qualités de facilitateurs
04:13 entre ces différentes communautés,
04:15 puisque la communauté hospitalière est plurielle,
04:18 des professeurs de médecine, des médecins généralistes
04:21 qui tiennent à bout de bras des services d'urgence
04:24 en zone rurale, jusqu'à des élus de différents niveaux.
04:27 Il y a une communauté qui est très large,
04:30 et aussi des associations de patients.
04:32 Peut-être que l'élu est celui qui fait parler.
04:35 -Avec tout le monde. Vous avez eu plusieurs casquettes.
04:38 Pendant 15 ans, au début de votre carrière,
04:40 vous avez été journaliste,
04:42 journaliste aux Echos, à la Gazette des Communes.
04:45 Pourquoi vous n'êtes pas lancé en politique dès le début ?
04:48 -Ca m'a travaillé, on ne se lève pas un matin en disant
04:51 "On va abandonner 15 ans de carrière professionnelle
04:54 "pour se lancer dans la politique."
04:56 C'est quelque chose qui a mûri progressivement.
04:59 Le lien entre ces deux moments de ma vie,
05:01 c'est l'intérêt pour la chose publique,
05:04 pour les débats publics, pour la chose politique,
05:07 et je l'ai fait pendant 15 ans comme observateur,
05:10 comme analyste, modestement à mon niveau,
05:13 mais en tout cas, comme...
05:14 Oui, comme observateur de ce qu'était
05:17 le débat public.
05:18 Et puis, à un moment, j'ai voulu être plus acteur,
05:21 me dire que, finalement, le goût de la politique
05:24 doit amener à franchir le pas
05:26 et être... à servir l'intérêt général
05:29 de cette manière-là.
05:31 -Vous l'avez fait en 2001. -En 2001, d'abord.
05:34 -En vous mettant sur la liste au municipal
05:36 d'un autre ancien journaliste télé,
05:38 Jean-François Robinet, à Fontainebleau.
05:41 Vous aviez conscience qu'en faisant ça,
05:43 vous alliez peut-être être amené
05:45 à renoncer à votre métier de journaliste ?
05:47 Vous y étiez prêt ? -Je l'avais fait, d'abord,
05:50 en plein accord avec ce qui était mes supérieurs
05:53 dans le titre que je servais,
05:55 qui était "Les Échos", à l'époque,
05:57 mais qui était un modeste rôle de conseiller municipal,
06:00 mais bon, c'était déjà mettre un doigt de pied
06:04 dans le sujet.
06:05 J'avais conscience que ça pouvait m'emmener plus loin,
06:08 pas vraiment à l'époque,
06:10 et puis les choses se sont, je vais dire,
06:12 précipitées dans les années 2004.
06:14 -2005, exactement. -En 2005,
06:16 il y a eu une élection partielle.
06:18 -Ca a été un coup de théâtre, cette élection partielle.
06:21 Crise politique locale, le maire démissionne,
06:24 et vous surgissez de nulle part.
06:25 -J'étais élu conseiller municipal depuis 3-4 ans.
06:28 -C'était pas moi qui était attendu.
06:30 -Vous vous êtes imposé une fois de plus,
06:33 un peu comme à la FHF, là où on vous attendait pas.
06:36 -En tout cas, j'ai peut-être convaincu les électeurs,
06:39 peut-être, puisque j'ai eu la majorité,
06:41 donc convaincu les électeurs
06:43 qu'ils pouvaient me faire confiance,
06:45 peut-être parce qu'à l'époque, j'étais plus jeune,
06:48 parce que j'étais un visage nouveau
06:50 dans la scène politique locale,
06:52 entre lesquelles les choses ont fonctionné.
06:54 Ca a été, pour moi, mon bascule,
06:56 et donc, voilà, c'était il y a 17-18 ans.
06:59 -Vous êtes resté maire de Fontainebleau jusqu'en 2022,
07:02 jusqu'à votre élection, mais entre les deux,
07:04 vous êtes présenté deux fois aux législatives,
07:07 deux fois en dissidence avec votre famille politique de l'époque,
07:11 vous avez été l'UMP, vous étiez engagé à droite.
07:13 On dirait pas comme ça,
07:15 mais derrière votre côté toujours souriant, jovial,
07:18 finalement, il y a un rebelle,
07:20 candidat dissident à deux reprises.
07:22 -Un rebelle, je sais pas.
07:23 D'abord, j'ai été élu sans étiquette politique,
07:26 et j'ai toujours été de centre droit, d'affinité,
07:29 voilà, donc...
07:30 Mais très européen,
07:32 mais j'avais pas d'étiquette politique.
07:34 Quand je faisais du journalisme,
07:36 je ne militais absolument pas, c'était pas le sujet.
07:39 Après mon élection, j'ai rejoint l'UMP,
07:41 mais c'était à l'époque où l'UMP était la promesse
07:44 d'être un CDU à la française,
07:46 avec un courant gaulliste, libéral et concentrique.
07:49 C'était la maison commune de la droite et du centre,
07:52 ce qu'on connaît l'histoire, et finalement,
07:54 ça a pas été celle-là, et cette maison s'est rétractée,
07:57 mais c'était ça, c'est pour ça que je rejoins cette maison.
08:01 Le rebelle, c'est simplement que j'étais...
08:03 -Ambitieux ?
08:04 Vous avez pas ce que vous voulez, vous forcez le destin ?
08:08 -On est pas invités à la table des banquets,
08:10 mais en tous les cas,
08:13 c'est aussi la foule de la jeunesse en politique.
08:18 J'étais pas très jeune, j'avais une quarantaine d'années,
08:22 mais j'étais jeune dans l'élection,
08:24 donc c'est peut-être cet enthousiasme-là
08:27 qui m'a donné envie, et puis parce que je voyais bien
08:30 que le levier, à l'époque, on parlait du député-maire,
08:33 lorsqu'on avait en charge une ville qui avait peu de moyens,
08:36 il pouvait être un levier d'action supplémentaire.
08:39 -Pour mieux servir les habitants. -J'ai vu que le député
08:42 qui m'avait battu me mettait des bâtons dans les roues,
08:45 donc j'ai vu qu'il y avait là intérêt à avoir le levier national
08:48 pour aider au développement d'une ville.
08:51 -Vous parliez de l'enthousiasme que vous aviez eu en 2022,
08:54 ça semblait être un peu moins le cas, vous y êtes allé à reculons.
08:58 -Ah bon ? -Bah oui.
08:59 Vous êtes présenté sous les couleurs d'Horizon,
09:02 donc cette fois, la formation politique d'Edouard Philippe,
09:05 vous l'avez annoncé tardivement, en disant "j'ai toujours considéré
09:08 "que la fonction de maire était plus passionnante et concrète
09:12 "que celle de député". Vous n'aviez pas une très haute idée
09:15 de ce mandat, avez-vous changé d'avis ?
09:17 -D'abord, je l'ai fait avec envie, puisque finalement, j'y suis allé.
09:21 Je rappelle que les investitures ont été données
09:23 après la présidentielle, donc moi, tant que je n'avais pas
09:27 d'investiture, je n'en parlais pas.
09:29 -Mais si vous y êtes... -J'ai eu l'impression
09:31 que j'y allais sans enthousiasme. Après, c'est vrai que je pense
09:35 que la fonction de maire est la plus riche, la plus épanouissante
09:38 et finalement la plus concrète aussi dans les mandats
09:41 du monde politique. C'est vrai que c'est éminemment concret.
09:45 Vous touchez à la vie de vos concitoyens de la naissance
09:48 jusqu'à la mort avec la gestion du cimetière et des affaires funéraires.
09:52 A tous les âges de la vie, vos concitoyens croisent le maire,
09:55 ses services, et c'est éminemment concret et passionnant.
09:58 Fontainebleau, en plus, je ne suis pas là pour faire l'article,
10:01 mais c'est une ville passionnante. -Vous avez trouvé votre place ?
10:05 -Oui. -Vous êtes plus que un parmi 577.
10:07 Vous n'êtes pas seul aux commandes,
10:09 comme à Fontainebleau. -Je me suis engagé
10:11 derrière un homme, Edouard Philippe,
10:14 parce qu'il était dans un parcours qui m'intéressait
10:17 et parce que depuis le début, on a beaucoup échangé
10:20 sur les choix récents qu'il a fait de créer Horizon et de s'engager.
10:23 Je l'ai fait pour continuer à servir le Sud-Sénémarne
10:26 et Fontainebleau et je l'ai fait parce que c'était aussi
10:30 l'occasion pour moi de plonger, JR, dans les dossiers nationaux,
10:33 dans les enjeux nationaux. J'ai trouvé ma place,
10:36 c'est un peu tôt pour le dire. On voit que dans le contexte
10:39 politique de l'Assemblée, trouver sa place,
10:42 il n'y a pas de place très stable, on le voit,
10:44 puisque tout bouge tout le temps. -D'un mot, j'ai été,
10:47 en préparant cette émission, surpris de découvrir
10:50 qu'il y a très peu de choses écrites sur vous
10:53 qui vous racontent, très peu de portraits,
10:55 contrairement à la plupart des députés.
10:57 Vous ne vous confiez pas ? Vous méfiez des journalistes ?
11:01 -Non, je suis le chef de mon groupe.
11:03 -Vous n'aimez pas parler de vous ? -J'aime pas trop parler de moi.
11:06 -Pourquoi ? Par peur d'offrir des prises à vos adversaires ?
11:10 -Non, pas du tout. Ca n'a pas un intérêt phénoménal.
11:13 Après, c'est mon avis. Mais je peux parler de moi,
11:16 c'est pas un problème. J'ai rien de particulier à cacher,
11:19 mais simplement, quand on fait de la politique,
11:22 c'est pas pour parler de soi, c'est pour être dans l'action.
11:25 -On va passer à notre quiz, si vous le voulez bien.
11:28 Le principe, je vous l'explique, je vais commencer des phrases
11:31 et ça va être à vous de les compléter.
11:34 On y va.
11:35 Les journalistes politiques devraient...
11:37 -Devraient veiller à posséder une culture politique
11:42 qui leur permettrait de comprendre le temps long,
11:45 de manière à pouvoir concilier à la fois...
11:47 -Toutefois dans l'instant présent.
11:49 -Ce qu'est l'instant présent, mais aussi la compréhension
11:52 qu'il y a des lignes de force de longue durée
11:55 qui expliquent des choses.
11:57 -En 2027, Edouard Philippe...
11:58 -Sera candidat à la présidentielle,
12:01 en tout cas, moi, je le souhaite.
12:03 -Président ou...
12:04 -Président de la République, on fera tout pour,
12:07 mais déjà, c'est une belle étape.
12:08 -Un bon ministre de la Santé doit...
12:11 -Pas forcément être un docteur,
12:12 parce qu'on est dans un secteur où les corporatismes sont importants
12:16 et dès qu'on veut faire bouger les lignes, ça peut.
12:19 -Un peu comme pour l'agriculture.
12:21 -Peut-être. On met rarement un agriculteur
12:23 à la tête du ministère de l'Agriculture.
12:26 Il n'y a pas de militaires à la tête du ministère de la Défense.
12:29 -Pourquoi il vaut mieux...
12:31 -Il faut s'attacher des corporatismes.
12:33 C'est la première chose.
12:35 Un bon ministre de la Santé doit être quelqu'un
12:37 qui doit être capable d'être un peu volontariste et audacieux,
12:41 parce que s'il y a un secteur des politiques publiques
12:44 qui est très sclérosé, c'est les politiques de santé.
12:47 -C'est votre portrait que vous venez de dresser.
12:50 -Pas forcément. -Un peu, quand même.
12:52 Ca vous intéresserait ?
12:53 -Beaucoup de gens connaissent bien les sujets de santé.
12:56 -Ca fait partie de vos ambitions ?
12:58 -On verra ça, là-dessus. Je sais pas.
13:03 Edouard Philippe, peut-être.
13:04 -Merci beaucoup, Frédéric Valtout, d'être venu dans La Politique.
13:08 -Merci.
13:10 ...

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