Serge Toubiana, juré de Cannes 1992 : « Je voulais donner la Palme d’or à The Player »

  • l’année dernière
Après « Auto-Confidences », voici « Cannes-Confidences » pour vivre le 76ème Festival International du Film. Premier invité, Serge Toubiana, président d'Unifrance, association chargée de la promotion du cinéma français à l’international.
Transcription
00:00 Entre l'un et l'autre, c'est une histoire fusionnelle.
00:05 Sûrement parce que la mode est un festival de rêves et d'émotions, de réalité et
00:10 d'authenticité dans lequel chacun trouve son meilleur scénario.
00:14 C'est aussi ce que dévoile Khan Confidence.
00:17 Je suis Serge Toubiana, je suis président d'Unifrance.
00:26 Le rôle d'Unifrance à Cannes, c'est de rencontrer des gens qu'on voit tout au long
00:31 de l'année mais qui sont à l'étranger, comme c'est le plus grand festival de cinéma
00:35 au monde.
00:36 C'est une opportunité essentielle pour les équipes d'Unifrance de renouer des contacts
00:43 avec les gens venus d'Asie, d'Amérique, d'Afrique, d'Amérique latine.
00:50 Ils sont tous à Cannes, tout le monde vient à Cannes.
00:51 Il y a cette idée qui me taraude tout le temps avec l'équipe d'Unifrance, c'est
00:55 comment on va les accompagner à l'exportation, ce qui est notre credo absolu ici.
00:59 Comment ces films vont porter le cinéma français, les couleurs du cinéma français à l'international,
01:05 c'est ma question essentielle aujourd'hui à Unifrance.
01:07 C'est très important et Cannes est le lieu idéal.
01:09 J'étais dans un jury très prestigieux, présidé par Gérard Depardieu.
01:23 Il y avait Almodovar, John Borman, Jamili Curtis, magnifique.
01:28 Et moi j'étais le critique français un peu.
01:31 Et je n'étais pas d'accord avec le reste du membre du jury, c'était très difficile
01:36 pour moi.
01:37 J'ai appris beaucoup de choses durant cette expérience de jury à Cannes.
01:43 Moi j'essayais de parler de tous les films en disant "oui ça c'est bien".
01:46 En fait il ne faut pas faire ça.
01:47 Quand on est dans un jury, il faut défendre un film et planter son drapeau et ne plus
01:54 bouger pour négocier au cours de la discussion.
01:58 Là, ça s'est fait en une heure et demie le palmarès.
02:01 Et tout le monde était enthousiaste pour ce film qui a eu la palme d'or, mais les
02:05 meilleures intentions de Billy Auguste qui a d'ailleurs eu sa deuxième palme d'or.
02:09 Moi je n'aimais pas beaucoup le film.
02:11 J'étais plutôt pour un film que je défendais beaucoup qui était "The Player" de Robert
02:16 Altman que j'aime beaucoup.
02:17 Je n'ai pas été convaincant du tout.
02:22 Parce que je crois que j'ai aussi appris une chose importante, c'est que dans un jury,
02:28 quand vous êtes juré, ce qui compte c'est les sentiments.
02:30 Ce n'est pas la réflexion sur la mise en scène.
02:33 Bon, ça y est quand même, mais c'est anecdotique.
02:36 Ce qui compte c'est les sentiments.
02:38 Après la projection des meilleures intentions, j'ai vu les gens en larmes.
02:42 Donc j'ai compris que c'était perdu.
02:44 Et d'ailleurs Gérard de Pardieu m'a dit, on était à trois jours de la clôture du
02:50 festival, et il me dit "c'est bien, on a la palme".
02:54 Et j'ai compris.
02:55 Vous avez vu que, par exemple, ça m'a frappé, mais ça m'a frappé beaucoup de journalistes,
03:17 les trois films français en compétition sont rédiés par trois femmes.
03:21 Ça n'est jamais arrivé dans l'histoire de Cannes.
03:23 Il y a beaucoup plus de femmes réalisatrices en France qu'ailleurs.
03:29 Dans la compétition, il y a sept films faits par des femmes.
03:32 Ce n'est pas la majorité, mais c'est beaucoup mieux qu'avant.
03:35 C'est très important de mettre en évidence des nouveaux visages, des gens sur qui on
03:42 fait des paris.
03:43 C'est très important de faire des paris, d'encourager la jeunesse.
03:47 Le cinéma se nourrit de cette jeunesse, il en a besoin.
03:50 C'est sa matière première.
03:52 Les grands cinéastes s'intéressent à la jeunesse.
03:54 C'est fondamental.
03:55 Qu'est-ce qui se joue dans la jeunesse ? Les émotions, les sentiments, les premières
03:59 fois, les drames, les douleurs, les émois.
04:02 L'aventure de la vie, elle commence là.
04:04 Et ça, le cinéma s'en nourrit naturellement.
04:08 La chose la plus essentielle, la plus poétique, c'est d'aller, seul ou accompagné, peu
04:14 importe, dans une salle et de se laisser embarquer par un film.
04:18 On ne sait pas où on va.
04:20 Et on se laisse aller.
04:22 Et on voit.
04:23 On repère, on fait des repérages, on essaie de comprendre, de se situer soi-même par
04:28 rapport au film, à ce que le film nous montre, nous raconte.
04:32 Pour moi, ça, ça tient du miracle.
04:35 [Musique]

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