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Importée des Etats-Unis et d'Europe, la friperie envahit nos marchés d'Afrique de l'Ouest. Au Ghana, premier pays importateur de vêtements usagés, grossistes, détaillants, mais aussi recycleurs en ont fait un vrai business.

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Transcription
00:00 Le marché de Katamanto d'Akra est le plus grand marché de seconde main au monde.
00:07 Kwaku travaille ici depuis plus de 20 ans.
00:10 Ce tailleur se rend chez sa fournisseuse pour acheter des produits pas comme les autres.
00:15 Des polos, mais de préférence un peu trop grands ou légèrement tachés, car ces vêtements
00:21 impossibles à vendre en l'état sont sa spécialité.
00:24 "Regarde ce polo, il a des taches à l'intérieur et ici la couleur s'est effacée.
00:31 Lui seul sait comment leur donner une seconde vie, il en a même fait son métier.
00:37 Je vais prendre ces deux polos de couleur et je vais les fusionner entre eux.
00:44 Je vais donc associer ce polo là et celui-ci et je vais les coudre entre eux pour avoir
00:49 un polo neuf.
00:50 Faire du neuf avec du vieux, une idée qui progresse de jour en jour au Ghana grâce
00:58 au marché de Katamanto.
00:59 Il est devenu un hub mondial pour les vieux vêtements.
01:03 15 millions d'objets de seconde main y débarquent chaque semaine.
01:06 Par ces containers venus pour l'essentiel d'Europe, de Chine et d'Amérique du Nord.
01:13 Mais un grand nombre de ces pièces sont en mauvais état et finissent dans les déchetteries
01:18 du pays.
01:19 Alors une nouvelle génération d'entrepreneurs s'est spécialisée dans le recyclage des
01:24 vêtements aussi appelés l'upcycling.
01:27 Que ce soit des vêtements, mais aussi des chapeaux ou encore des vieilles lunettes,
01:32 ils refusent de les jeter à la poubelle et préfèrent s'en inspirer.
01:36 Made in Africa vous emmène à la rencontre des recycleurs de Katamanto.
01:43 Sweet.
01:46 Nous retrouvons Kwaku dans la zone où s'activent tous les tailleurs de Katamanto.
01:53 Ici, on fabrique des uniformes et toutes sortes d'habits.
01:57 Kwaku y a installé ses locaux.
01:59 Donc voici mon atelier, voilà mes machines.
02:03 La première machine à coudre et voici la deuxième.
02:10 C'est sur cette table que Kwaku fabrique ses polos recyclés.
02:15 La technique est simple, il découpe les polos en bandes de différentes couleurs qu'il
02:21 assemble selon ses goûts.
02:23 Ensuite, sa couturière va tout rassembler en un rien de temps.
02:26 En seulement quelques minutes, c'est un nouvel habit qui apparaît.
02:30 Un polo à rayures avec différentes matières et surtout de nombreuses couleurs.
02:35 J'aime la couleur crème, la couleur orange, le jaune aussi.
02:43 J'aime plutôt les couleurs vives.
02:45 Le plaisir de ce métier, savoir que ces vêtements qui auraient dû finir dans une décharge
02:52 seront portés par quelqu'un un jour.
02:55 Ce sont des déchets, mais aujourd'hui, quelqu'un peut les porter.
02:59 C'est quand même très gratifiant, c'est super.
03:01 Un polo usagé coûte 250 francs CFA.
03:07 Kwaku le vendra ensuite pour 400 francs CFA en fabriquant environ 70 pièces par jour.
03:13 Sur ses ventes, il réalise une marge de 10 500 francs CFA.
03:17 Il peut ensuite payer l'entretien des machines, la location du local et le salaire d'une
03:23 employée.
03:24 A la fin de la journée, il garde pour lui 1000 francs CFA par jour.
03:30 Kwaku exporte la majorité de ses productions, ce qui est rendu possible à quelques pas
03:37 de son atelier.
03:38 Cette boutique possède des machines qui compressent les habits entre eux.
03:42 Une fois compressés, ils sont attachés grâce à des bandes métalliques pour former un
03:49 tas compact, facile à transporter, d'une balle.
03:53 Ces balles pèsent 70 kilos.
03:55 Pour l'opération de compression, il faut compter la somme de 1500 francs CFA.
04:01 Ce business, c'est la spécialité de cet homme qui envoie les balles à travers le
04:06 sous-continent.
04:07 Certaines de ces balles partent pour Abidjan, le Burkina Faso, le Mali et Akumasi, et aussi
04:15 au Nigeria.
04:16 Dans une balle, Kwaku peut mettre 600 pièces de vêtements qu'il vente à ses clients
04:22 venus de Côte d'Ivoire, du Niger, du Burkina Faso et du Bénin.
04:27 Mes clients reviennent tous les 3-4 mois.
04:34 Je leur produis 2000 pièces que je dépose dans 3 balles de 600 pièces et ils partent
04:41 avec.
04:42 Je produis pendant 3 mois, puis je leur vends tout quand ils viennent.
04:46 Je récupère mon argent et je relance ma production.
04:49 Le projet de transformer de vieux textiles en produits nouveaux et exportables est né
04:55 d'un constat.
04:56 Le marché de Katamanto accumule trop de textiles qui seront ensuite jetés.
05:01 Les vêtements les plus difficiles à réutiliser sont entassés ici.
05:07 Regarde ce pull, il est trop large, ça n'intéresse pas les Ghanéens.
05:13 Des vêtements trop larges ou inadaptés au climat ghanéen.
05:17 Celui-là n'intéresserait personne ici.
05:21 Le climat est chaud, comment veux-tu que quelqu'un le porte ?
05:24 Mais ces vêtements inutilisables, Kwaku ne pourra malheureusement pas tous les ressusciter.
05:30 Malheureusement, ces vêtements seront jetés.
05:34 Les travailleurs du marché ne peuvent rien en faire, donc ils finiront à la poubelle.
05:38 Ce n'est vraiment pas bien, c'est même triste.
05:40 Au marché de Katamanto, 40% des habits importés seront jetés, soit plus de 6 millions de
05:49 pièces textiles par semaine qui finiront dans les différentes déchetteries du pays,
05:55 comme celle de Farama, où les déchets textiles s'accumulent un peu plus chaque jour.
05:59 Le Ghana croule sous les déchets et les Ghanéens sont de plus en plus nombreux à proposer
06:04 des solutions à ce problème.
06:06 Cette prise de conscience, Mauli en est l'un des promoteurs.
06:12 Ce créateur de mode s'est spécialisé dans le recyclage des anciens accessoires, car
06:17 à Katamanto, il n'y a pas que les habits, toutes sortes d'objets arrivent chaque jour.
06:22 Mauli est à la recherche de montures de lunettes qu'il vient récupérer chez M.
06:27 Kwa, son fournisseur habituel.
06:29 Ici, on trouve des lunettes de toutes les factures, mais en un coup d'œil, Mauli trouve
06:35 la perle rare.
06:36 Toutes ces lunettes, ce sont des produits de mauvaise qualité.
06:40 Mais celle-là, c'est une Alfred Song.
06:44 On le voit car la marque est gravée tout en finesse.
06:47 Pour moi, c'est une paire que je peux nettoyer et remettre en circulation.
06:52 Mais les paires d'exception ne sont pas toujours exposées en plein air.
06:58 À l'écart de la foule, M.
07:00 Ndangkwa va nous montrer son stock qu'il n'expose pas aux passants habituels.
07:04 Dans ce sac, les lunettes ont pu être portées aux Etats-Unis, en Hollande ou en Angleterre.
07:09 Des paires qui nous font voyager à travers le monde, mais aussi dans le temps.
07:14 Ah, regardez, c'est une véritable Club Master d'époque.
07:22 On peut voir qu'elle date des années 60, ou même 50.
07:25 Véritable expert, Mauli ne cherche pas les grandes marques.
07:30 Pour lui, la priorité, c'est avant tout la qualité de fabrication des lunettes.
07:34 Souvent, les gens disent, ah, mais je ne connais pas cette marque, ce n'est pas du Gucci.
07:41 Mais pourquoi ? Ça n'a aucun sens, c'est un produit de qualité, c'est tout ce qui compte.
07:47 Réutiliser ces objets, ça réduit l'empreinte carbone dont tout le monde parle au quotidien.
07:52 Après les avoir étudiés avec minutie, il choisira finalement ces deux paires.
08:01 Ces deux-là sont tellement belles.
08:04 Un peu genre punk futuriste.
08:07 Je vais les transformer en lunettes de soleil une fois arrivées au laboratoire.
08:15 Une séance de shopping terminée de plus pour ce créateur qui se rend sur le marché
08:29 de Katamanto depuis plus de 25 ans.
08:32 Au départ, Mauli travaillait comme Kwaku sur le recyclage d'habits, mais il s'en
08:37 est détourné en constatant que leur qualité s'est dégradée.
08:40 J'ai arrêté de vendre des habits comme un geste de protestation contre le fait que
08:53 je ne trouvais plus de vêtements de qualité.
08:55 Je ne trouvais plus que des textiles très bas de gamme, donc j'ai arrêté de les
08:59 vendre.
09:00 Pour moi, revendre des accessoires comme les chapeaux ou les lunettes, c'est bien
09:12 plus intéressant aujourd'hui.
09:14 Ce sont des objets qui vieillissent mieux et qui se collectionnent plus facilement.
09:19 Pour transformer les paires choisies en lunettes de soleil, direction son atelier qu'il
09:27 a installé chez lui en périphérie de la capitale.
09:30 C'est dans cette petite salle qu'il travaille.
09:37 Et avant de commencer, un dernier essayage s'impose.
09:40 Les branches ont un design vraiment intéressant.
09:45 C'est très punk, j'adore.
09:47 Et en plus, elles sont élastiques.
09:49 Tout d'abord, Maoli va retirer les verres et reporter leur forme sur des neufs.
09:56 Il découpe manuellement les lentilles avant de les polir sur cette machine.
10:02 Un exercice délicat, car il faut reconstituer exactement la forme d'origine pour que
10:09 les nouveaux puissent rentrer dans le cadre de la paire choisie.
10:12 Tu n'as pas envie de savoir le nombre de lentilles que j'ai détruites pour réussir
10:19 ma première découpe.
10:20 A cette époque, je les payais beaucoup plus cher qu'aujourd'hui.
10:26 Vient ensuite le bain de protection contre les rayonnements ultraviolets.
10:32 Il faut y plonger les lunettes quelques minutes, puis en vérifier l'efficacité du bain,
10:37 grâce à une machine qui mesure le niveau de protection des verres.
10:40 Là, c'est 400.
10:43 Je le tourne.
10:44 400 encore.
10:46 C'est bon, ces lentilles sont prêtes.
10:48 Pour assombrir les verres, on les trempe dans une seconde solution.
10:52 Le résultat, le voici.
10:55 Des lentilles orangées avec un dégradé très rétro.
10:58 Il ne reste plus qu'à les réinsérer pour voir le résultat.
11:02 Le cadre est déjà un original, donc j'ai essayé de faire une couleur légère pour
11:11 ramener un peu de discrétion.
11:13 Un client la prendra et se dira "ah mais ce cadre est original".
11:19 Donc voilà.
11:23 Et voici le résultat.
11:28 Chaque paire de lunettes usagées, Maouli les achète environ 2000 francs CFA.
11:35 Avec les verres et les produits utilisés, il dépense 8000 francs CFA.
11:40 A la revente, il pourra obtenir jusqu'à 30 000 francs CFA par paire.
11:44 Ces créations, Mouali les expose dans sa boutique qu'il a installée chez lui.
11:50 Ici, on retrouve ses lunettes de soleil recyclées à la main, mais pas seulement.
11:55 C'est là que j'installe mes lunettes de soleil, toutes de seconde main de catamanto
12:03 avec mes lentilles maison.
12:04 Voilà les chapeaux de seconde main que je trouve et que je répare.
12:11 Ici, il y a des bijoux que je crée ensuite.
12:18 Ça, ce sont les autres marques avec lesquelles je travaille et que je stocke ici dans le
12:22 magasin.
12:23 Sa clientèle, des acheteurs ghanéens, mais aussi des collectionneurs venus d'Angleterre
12:30 ou des Etats-Unis.
12:31 Et ce n'est pas un hasard si ses clients viennent des pays qui envoient le plus de
12:36 déchets au Ghana.
12:37 J'adore l'idée de renvoyer à l'expéditeur ce que je produis ici.
12:45 C'est la base de mon business model.
12:46 Mon objectif était de refaire des habits ou des accessoires d'une façon attrayante
12:55 et de montrer aux gens d'où ils viennent pour qu'ils puissent repartir avec.
12:59 Et ceci a été rendu possible grâce à Internet.
13:09 Avec une centaine de milliers de francs CFA par mois de chiffre d'affaires, cette boutique
13:18 est relativement peu rentable, mais elle offre aux créateurs ghanéens une meilleure visibilité.
13:23 Maoli espère ainsi contribuer au business de l'hop-cycling à long terme.
13:29 On ne va pas devenir riche maintenant.
13:36 Mais pour nos successeurs, mes petits-neveux et nièces, ils pourront bâtir sur cette
13:41 structure que nous avons mise en place pour qu'ils puissent enfin avoir l'opportunité
13:46 de gagner plus d'argent que ce que nous parvenons à gagner actuellement.
13:49 Penser aux générations futures, pour qu'elles puissent vivre plus aisément, mais aussi
14:00 grandir dans un monde plus propre, voilà le projet des stylistes-recycleurs de Katamanto.
14:05 [Musique]

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