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Interview cinéma d'une émission produite par CANAL+ autour du 76e Festival de Cannes 2023
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Transcription
00:00 -Bonjour à tous les trois, je suis ravie de vous recevoir.
00:02 Il faut quand même préciser qu'au moment où on enregistre cette émission,
00:05 vous avez présenté le film hier à Cannes en ouverture de la sélection "Un Certain Regard".
00:09 Comment vous avez vécu cette présentation, déjà ?
00:12 -Moi, c'était la première fois que je découvrais le film.
00:14 Les deux, vous l'aviez déjà vu, non ? -Oui.
00:16 -Du coup, j'avais seulement...
00:18 C'était l'excitation qui avait pris le dessus de découvrir le film.
00:22 Et pour être super sincère, j'ai tellement pleuré,
00:24 j'avais un corset, que mon dos, il a craqué.
00:26 Après, j'ai fini comme ça, en pleurant.
00:28 Mais non, c'est une chance, en plus, de le découvrir dans cette salle-là,
00:32 avec l'équipe.
00:33 Donc moi, j'étais vraiment purement excité et en spectatrice.
00:38 -Et tous les deux ?
00:39 Donc vous l'aviez déjà vu.
00:40 Ça a fait quoi de le revoir hier, alors ? Le père et le fils dans le film.
00:43 -Ça fait quatre ans de travail de ouf sur le film,
00:46 et là, c'était un peu la fin de la boucle, quoi.
00:49 C'était aussi l'excitation de l'inconnu,
00:51 parce que c'était la première fois que je montais les marches.
00:54 Et c'était bien d'être avec Romain et Adèle.
00:57 -Ouais, c'est beau pour une première montée de marche.
00:59 -Après, on espère toujours que les gens, dans cette grande salle,
01:02 ils ressentent des choses qu'on a effleurées nous-mêmes
01:05 alors qu'on a joué dans le film.
01:06 Mais c'était chaleureux.
01:08 À la fin, il y a eu des applaudissements très forts.
01:11 C'était beau, c'était un beau moment.
01:14 -"Le règne animal", c'est vraiment le genre de film qu'on a envie de voir.
01:17 C'est un film qui surfe sur plusieurs genres.
01:20 C'est un film différent, c'est dramatique, c'est dérangeant,
01:22 c'est inquiétant, c'est drôle aussi,
01:25 surtout à travers votre personnage.
01:26 Adèle, qu'est-ce qui vous a attirées, tous les trois, dans cet univers ?
01:29 Est-ce que tout ça, c'était déjà très présent à la lecture du scénario ?
01:32 -Ouais, il y a les différentes strates, il y a même un côté philosophique.
01:36 -Je t'ai mis un cheveu, à moi. -Ça va ?
01:37 -Ouais, je me mets mes cheveux sur...
01:39 -Mais c'est ça qui fait ça fort, je trouve.
01:41 Il y a une manière très linéaire de voir le film.
01:44 Puis ensuite, si on a envie de le recevoir différemment, on peut vraiment...
01:49 Je pense qu'il va parler à plein de gens différents,
01:51 à plein de sensibilités différentes.
01:53 C'est ouvert, quoi.
01:54 Et en plus, "Salut la Mouette", c'est le règne animal.
01:57 -Ah ouais ?
01:58 -Et en plus, je pense que c'est un film qui peut se voir plusieurs fois.
02:01 -Ah, parce que oui, c'est vrai que c'est quand même très, très dense.
02:04 Il faut le dire, Romain, vous incarnez un père qui est prêt à tout
02:07 pour protéger sa famille.
02:09 Comment est-ce que vous avez abordé ce personnage ?
02:12 C'est pas simple.
02:13 On le découvre au début de l'histoire, sa femme, elle est en pleine mutation.
02:16 Et vous, ça y est, maintenant, vous êtes père d'un ado, d'un grand garçon.
02:21 -Il y a le soeur qui est rentrée là-dedans.
02:22 Non, il y a la mère.
02:23 -Encore une fois, c'est énorme.
02:24 Il y a eu un côté assez naturel de comment on croisait Paul.
02:27 Je pense qu'on est assez ouverts et on s'est bien trouvés.
02:31 Et c'est vrai que ça a été une aide pour le film.
02:33 Toujours, le casting, un casting bien choisi, c'est énorme pour le film.
02:39 Et cette relation, on n'a pas eu...
02:41 Enfin, je sais pas toi, mais moi, j'ai pas ressenti qu'on a eu
02:43 une espèce de force à la créer, elle s'est faite naturellement.
02:46 Franchement, la veille du premier jour de tournage,
02:49 on est partis voir la mère en tongs.
02:52 On s'est trouvés, quoi.
02:53 -Il avait une caisse et il m'emmenait tout le temps avec lui, direct.
02:55 Non, mais ça a été hyper important pour le film, c'est vrai.
02:57 -Alors, sans trop en dire, Paul,
02:59 vous avez quand même un rôle assez difficile, moi, je trouve.
03:01 Et déjà, bravo pour cette prestation qui va crescendo tout au long du film,
03:06 tout en nuance, un rôle physique aussi.
03:08 On vous voit courir, sauter, plonger, nager, on vous voit dans tous vos états.
03:13 C'était un tournage ou un bootcamp pour vous ?
03:16 -Un bout de quoi ? -Un bootcamp, hein !
03:18 -Un bootcamp, c'est quand tu fais de l'entraînement intensif.
03:20 -En vrai, c'est vrai que c'était intense.
03:21 C'est vrai qu'à partir du scénario,
03:23 ensuite, il y avait beaucoup de choses à imaginer,
03:25 surtout ce qui est de l'univers fantastique.
03:27 Et je trouve que Thomas, il a réussi vachement à nous transmettre
03:30 sa vision de cet univers fantastique.
03:32 Et ouais, on a beaucoup travaillé sur le corps, on a beaucoup...
03:36 Et c'était chouette à faire.
03:38 -C'est très organique.
03:39 Et ce qui est beau, c'est qu'il y a effectivement cette relation
03:41 au centre du film, très forte, de ce père avec son fils.
03:45 Et en même temps, il y a votre personnage, Adèle.
03:47 Vous êtes épatante parce que vous arrivez à devenir essentielle.
03:51 C'est-à-dire que ce personnage, il amène la touche comique,
03:54 les petits moments aussi de respiration, de légèreté.
03:57 Parce que je le disais, ce film, il est quand même dense
03:59 et puis le fond du film est quand même assez dark.
04:02 J'imagine que ça vous a plu.
04:04 On vous avait déjà vu dans ce registre un peu clownesque ?
04:07 -C'est vrai que moi, sur ce film, j'étais comme une enfant,
04:09 puisque vu que c'est vraiment une frontière
04:10 entre le réel et le fantastique,
04:12 et c'est un monde dans lequel...
04:13 C'est une société dans laquelle les humains sont en mutation,
04:17 où leurs instincts animaux peuvent se développer
04:19 et donc on dirait comme une forme de maladie pour certains
04:21 et d'autres en ordre presque naturel.
04:24 Du coup, je trouve que ce décalage, cette mutation,
04:26 permet beaucoup d'espaces d'humour.
04:28 Et il y en a dans mon personnage.
04:31 Après, pour être super sincère, moi, je m'étais battue.
04:33 Il n'y avait pas encore Tom Mercier.
04:35 Mais quand j'avais lu le scénario, mon rêve, c'était de faire l'homme-oiseau.
04:38 -C'est vrai ? -J'ai rendu fou Thomas.
04:40 Je disais "Je t'en supplie, laisse-moi juste faire un casting, s'il te plaît.
04:43 Après, tu me calcules pas, mais juste j'essaye."
04:45 Et il a trop eu raison de ne pas m'écouter.
04:48 -Oui, Tom Mercier, il fait un avis. -C'est vrai.
04:49 De pas genrer ce personnage, en plus de ça, que ce soit Tom Mercier.
04:53 J'ai découvert en lisant le dossier de presse
04:55 que beaucoup des bruits qu'il fait, c'était sur le plateau.
04:58 -C'était impressionnant. -Non, mais c'est fou.
05:00 -C'est lui qui l'a improvisé sur le tournage ?
05:03 -Non, il l'a travaillé. -Pas improvisé, il a travaillé plusieurs mois.
05:06 -Avec la gorge et tout. -Ah oui, c'est impressionnant.
05:08 -C'est un truc des caches thoraciques, ou au contraire,
05:10 je pense qu'il a travaillé avec des spécialistes et tout,
05:12 mais ce qu'il fait dans le film, sincèrement, c'est magistral.
05:15 -C'est un aspirant, je crois qu'il a fait les sons, plutôt que d'expirer.
05:17 -Attends ! Emile, qu'est-ce que tu fous ? Putain !
05:20 Merde ! Emile !
05:23 Oh !
05:24 Tu remontes dans la voiture ?
05:26 Emile !
05:27 Emile, t'arrêtes ton sérieux ! -Vous avez quoi, ton problème ?
05:31 -On a rendez-vous tous les deux, on y va tous les deux.
05:33 Vous, hein, j'ai pas envie de...
05:35 -Putain !
05:36 -Oh !
05:37 -Le film, c'est finalement aussi quand même une parabole
05:50 sur la peur de l'autre, sur la différence.
05:54 C'est vraiment une ode à la différence et à l'amour aussi, plus fort que tout.
05:58 Qu'est-ce qui est le plus important à retenir ?
06:00 -Non, mais c'est ce que vous dites,
06:01 comment l'homme est capable de vivre avec la différence ou pas,
06:05 et comment on voit les fléaux, l'armée, les gros moyens
06:10 pour essayer de calmer tout ce qui va sortir de la norme.
06:14 Donc c'est en ça que ça peut atteindre des dimensions philosophiques
06:19 sur tout ce qui se passe.
06:20 On l'a un peu touché du doigt, nous, avec le coronavirus,
06:23 et on voit comment, d'un coup, ça peut prendre une ampleur dingue,
06:26 nous dépasser, et comment l'homme, qui est très intelligent, va s'adapter.
06:30 Et avec les peurs qu'il a ou pas, et comment il va essayer...
06:34 Enfin voilà, ça dépend de certaines personnes dans le film,
06:36 il faut voir le film.
06:37 Il y a des gens qui l'acceptent très bien, il y a des gens qui vivent avec,
06:39 puis il y a des gens qui sont contre et qui veulent pas que ça change.
06:42 -Et qui parlent de monstre au lieu de parler de créature.
06:44 -Ouais.
06:45 -Finalement, c'est peut-être le premier vrai film post-Covid
06:48 avec, effectivement, cette faculté de s'adapter.
06:51 Je trouve que ce film, il illustre bien ça aussi.
06:54 -Sauf que dans le film, on sent qu'il y aura peut-être pas de retour.
06:58 Le Covid, il y avait un moment suspendu, on se disait "jusqu'où ?"
07:02 "Jusqu'à quand ?"
07:04 Et là, dans le film, on sent bien que c'est dans un sens.
07:08 -Ce qui est fascinant avec ce film,
07:11 c'est qu'il va quand même à l'inverse de l'histoire de l'humanité,
07:13 puisque le singe est devenu homme,
07:16 et là, ce sont les hommes qui redeviennent des animaux.
07:19 -Je sais pas.
07:20 Dans chaque...
07:21 Là, j'ai pas réfléchi à la réponse, mais je vais y revenir.
07:25 J'ai l'impression, quand on est dans des moments de contemplation,
07:28 sur la nature ou les animaux,
07:30 on peut enclencher ce petit truc où ça pourrait se passer.
07:34 -Ce qui m'a touché, c'est ce que vous dites aussi,
07:36 c'est que, pour moi, c'est vraiment une ode à la différence,
07:40 et en même temps, sans jamais moraliser, sans jamais juger.
07:43 Il montre à travers des personnages, des gens où c'est insidieux,
07:47 c'est malgré eux qu'ils ont peur des autres,
07:49 c'est même pas méchant, du coup, c'est très assumé.
07:51 Et on ressent toutes ces parcelles de danger
07:53 quand il y a un moment où il y a de l'adversité,
07:56 c'est là où on voit le visage de l'homme,
07:59 et je trouve ça super bien dessiné dans ce film.
08:01 -Ça parle aussi de l'adolescence,
08:03 ça parle aussi de choses beaucoup plus terre à terre.
08:06 D'ailleurs, Paul, on vous a découvert dans "Le lycéen" de Christophe Honoré,
08:09 vous aviez un rôle d'ado confronté à un drame familial, là, encore une fois.
08:12 C'est le chaos, mais lui, il veut vivre sa vie d'ado, en fait.
08:15 -Moi, ce que j'ai beaucoup aimé dans ce rôle-là,
08:18 c'est que c'est un truc de dingue,
08:20 avec cette transformation de l'adolescence
08:23 et toujours ces trucs qui arrivent
08:25 au moment où tu y attends pas,
08:26 mais t'es obligé de le confronter, en fait.
08:28 Alors t'es obligé de faire avec et d'aller de l'avant avec,
08:32 de l'intégrer, et d'un coup,
08:33 il se sent plus tout à fait chez lui, dans son propre corps.
08:37 Et en fait, malgré que chaque fois, tu te dis "Waouh, mais là, c'est fini !"
08:42 Non, elle tombe sur ses pattes.
08:44 En plus, ce qui est cool, c'est cet univers fantastique
08:48 et aussi comique qui fait qu'on accroche aussi vachement.
08:51 -Quel rapport vous avez tous les trois avec les animaux dans la vie ?
08:54 -Moi, j'adore, ça m'émerveille, en fait.
08:56 Moi, en fait, ce qui m'émerveille, c'est surtout l'intelligence des animaux.
08:59 Moi, je regarde vachement de documentaires animaliers,
09:01 et tout, ça m'apaise, ça me calme.
09:03 Et il y a quelque chose de fascinant
09:05 dans l'intelligence neurologique et en même temps humaine des animaux.
09:10 -Le regard, ça aussi, c'est très visible dans le film.
09:14 Tous les deux, vous avez quel rapport avec les animaux ?
09:17 -Moi, ce qui me touche le plus,
09:20 c'est de se mettre dans un état pour les observer.
09:24 Donc dans la nature totale,
09:25 pas non plus dans d'autres pays, en France,
09:27 dans des champs, dans des forêts.
09:29 Et d'un coup, capter des choses, d'animaux sauvages plutôt.
09:31 C'est ça que moi qui me...
09:32 Que ce soit des chevreuils ou des sangliers ou peu importe,
09:37 c'est pas non plus des espèces rares ou des oiseaux,
09:41 mais ça me m'émeut, moi.
09:43 -En quel animal vous aimeriez vous réincarner ou muter ?
09:46 -Moi, je pense loup, parce que ça vient en meute,
09:49 donc j'aurais quand même un peu les miens autour de moi.
09:51 -Sympa.
09:52 -Ouais, c'est pas mal. -C'était comme ça, c'était spontané.
09:55 -Non, ouais, loup ou paresseux. -Paul ?
09:57 -Moi, un chien, un loup.
09:59 Ou alors j'aime bien l'impala, c'est une gazelle.
10:03 -Tu l'aimais bien.
10:05 -Et vous, Romain, alors ?
10:08 Ce sera en quel animal ?
10:09 -Un truc qui existe pas.
10:11 Un léopard qui vole.
10:12 -Un nouveau, un truc. -Ouais, un truc nouveau.
10:14 -Vraiment, il y a allé à fond.
10:16 -Pour terminer, est-ce que vous diriez que c'est un film pessimiste ?
10:19 Comment est-ce que Thomas Caillé vous en a parlé ?
10:22 Quelle est votre vision ?
10:23 -Je trouve pas qu'il soit plus pessimiste.
10:25 -Au contraire, mais...
10:26 -Parce que, comme vous avez dit en introduction, il y a de l'amour.
10:29 C'est quand même un film sur l'amour, sur la transmission, sur...
10:32 Je sais pas, au final, ce qui prend le dessus,
10:36 si c'est montrer que l'homme... -Justement, je trouve que c'est assez libre.
10:38 -Mais ouais, c'est libre.
10:39 -Je trouve pas qu'il y ait une leçon de morale derrière ce film, en fait.
10:42 Au contraire, parce que ton personnage, au début, il a quelque chose de très...
10:46 Tout en étant ultra cool, mais presque raide, à vouloir,
10:49 très dans la théorie.
10:51 -Obsessionnel. -Et finalement, il a quelque chose,
10:53 par amour pour son fils et par constat de la société,
10:55 il va vers une liberté qu'il soupçonnait pas, donc...
10:58 Je trouve pas qu'il y ait de morale chez Thomas et dans son film.
11:02 Au contraire.
11:03 -En tout cas, les humains qui acceptent la collaboration,
11:07 on les sent encore plus vivants et remplis que...
11:11 Voilà.
11:13 -Il y a quand même beaucoup d'humains qui vont avec, quoi.
11:15 -Qui sont dans l'acceptation.
11:17 En tout cas, c'est plein d'amour, et c'est vraiment un film très ambitieux,
11:21 qui m'a bouleversée, que j'ai adoré.
11:22 Donc bravo à tous les trois et merci beaucoup.
11:24 -Merci à vous.
11:25 ...

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