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Chez certains groupes d’espèces animales, la sexualité est extrêmement plastique, et des changements de sexe sont fréquents en réponse à des stimuli sociaux mais aussi à des modifications environnementales abiotiques (température, pH…). Des exemples chez les mollusques, poissons et reptiles, montreront les conditions et facteurs qui peuvent conduire à des changements de sexe et leurs conséquences. Avec : Jean-François Baroiller, chercheur au Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement (CIRAD) à l’Institut des Sciences de l’Evolution / Centre National de la Recherche Scientifique, Institut de Recherche pour le Développement, Ecole Pratique des Hautes Etudes. Université de Montpellier Séance enregistrée le 21 mars 2023 à la Cité des sciences et de l'industrie.

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Transcription
00:00:00 "Le sexisme, c'est-à-dire le sexisme sexuel,
00:00:02 est-ce que vous avez des connaissances
00:00:04 sur le sexisme sexuel ?"
00:00:06 On m'a demandé de me présenter rapidement.
00:00:09 Je vais essayer de le faire.
00:00:11 Je travaille depuis le début de ma carrière
00:00:14 sur le déterminisme du sexe chez les poissons.
00:00:18 Ça m'a amené à m'intéresser à d'autres clades,
00:00:23 et en particulier,
00:00:25 ceux dont je vais vous parler ce soir.
00:00:29 On va parler un petit peu de mollusques
00:00:33 et on va parler beaucoup de poissons.
00:00:36 Je travaille au CIRAD.
00:00:39 Mon employeur, c'est le CIRAD,
00:00:40 le Centre international en recherche agronomique
00:00:44 pour le développement.
00:00:46 C'est l'équivalent de l'INRA,
00:00:49 mais tourné vers les pays et l'agriculture
00:00:52 des pays du Sud.
00:00:54 On a la chance de beaucoup voyager.
00:00:57 C'est un point important
00:01:01 parce qu'une bonne partie des espèces
00:01:03 dont je vais vous parler
00:01:05 sont des espèces qu'on trouve dans les pays tropicaux.
00:01:08 Grâce à mon travail,
00:01:12 je peux avoir une certaine proximité
00:01:15 avec certains de ces animaux.
00:01:19 Je travaille actuellement
00:01:20 dans une unité mixte de recherche
00:01:22 qui s'appelle l'Institut des sciences de l'évolution
00:01:27 de Montpellier,
00:01:28 qui regroupe différents partenaires,
00:01:31 dont le CIRAD.
00:01:32 Je pense que j'ai assez parlé de moi.
00:01:35 Je vais parler de sujets beaucoup plus intéressants,
00:01:37 les animaux et le changement de sexe.
00:01:40 Alors...
00:01:41 Je vais essayer, dans mes propos,
00:01:46 de traiter, pas forcément toujours
00:01:48 dans l'ordre qui apparaît ici,
00:01:50 mais de ces différents points,
00:01:53 de rappeler comment se fait la détermination du sexe
00:01:58 chez les animaux,
00:02:00 de préciser qu'il y a différents types d'animaux
00:02:03 qui vont changer de sexe.
00:02:05 On connaît beaucoup les hermaphrodites.
00:02:08 On connaît moins les gonocoriques,
00:02:10 dont je vous parlerai tout à l'heure,
00:02:12 qui peuvent aussi, non pas changer de sexe,
00:02:15 mais avoir des inversions fonctionnelles de sexe.
00:02:19 On verra, dans ma conclusion,
00:02:21 que ces deux types d'espèces
00:02:24 ne sont peut-être pas si éloignées les unes des autres.
00:02:27 J'essaierai de vous montrer un certain nombre de facteurs
00:02:30 qui induisent ces phénomènes de changement de sexe
00:02:33 ou d'inversion de sexe.
00:02:34 C'est une question qui est difficile,
00:02:38 mais j'essaierai de donner quelques éléments
00:02:39 sur pourquoi ces changements de sexe,
00:02:42 ces inversions de sexe,
00:02:45 et tout ce que je vais vous montrer,
00:02:46 va toucher de très près le milieu naturel.
00:02:49 Il y a quelques expérimentations en laboratoire,
00:02:52 en milieu contrôlé, etc.
00:02:55 Mais l'essentiel de mon propos va concerner
00:02:59 des choses qui arrivent dans le milieu naturel,
00:03:02 des choses qui sont le quotidien des animaux
00:03:07 que je vais vous présenter.
00:03:08 Le premier point extrêmement important à avoir en tête,
00:03:13 c'est la diversité de la sexualité
00:03:15 qu'on observe chez les animaux,
00:03:17 en particulier chez les poissons.
00:03:19 Je vais beaucoup parler de poissons,
00:03:20 mais pas que.
00:03:21 Cette sexualité, cette diversité de la sexualité,
00:03:26 s'extrime avec des mots, des termes qui sont un peu barbares,
00:03:32 qu'il ne faut pas chercher à retenir.
00:03:34 Mais il est utile de comprendre
00:03:37 pourquoi il y a ces différentes catégories.
00:03:40 Je vais vous les décliner très rapidement.
00:03:43 D'abord, le gonocorisme.
00:03:46 Le gonocorisme, c'est ce qui se passe dans l'espèce humaine.
00:03:50 Il y a des individus qui sont mâles,
00:03:53 il y a des individus qui sont femelles,
00:03:54 et la plupart d'entre eux vont rester des mâles toute leur vie,
00:04:01 des femelles toute leur vie.
00:04:03 Les mâles ayant des testicules produisent des spermatozoïdes.
00:04:07 Les femelles ayant des ovaires produisent des ovules.
00:04:11 Ça concerne la très grande majorité des animaux.
00:04:15 On va voir que ce qui paraît extrêmement fixe,
00:04:20 comme ça a été dit dans l'introduction,
00:04:22 n'est pas si fixe que ça.
00:04:24 Il y a une plasticité.
00:04:26 Cette plasticité, on l'a découverte depuis pas si longtemps,
00:04:30 ça fait une quinzaine, une vingtaine d'années.
00:04:33 On s'aperçoit que chez des animaux
00:04:35 qui sont censés conserver le sexe qu'ils ont acquis
00:04:39 au moment de la fécondation,
00:04:42 il peut très bien y avoir,
00:04:44 chez un certain nombre d'espèces,
00:04:46 des déviations, des changements de sexe
00:04:48 ou des inversions de sexe.
00:04:50 Le deuxième mot un peu barbare, c'est la détermination du sexe.
00:04:55 C'est assez simple.
00:04:56 C'est l'ensemble des facteurs qui vont être capables de piloter
00:05:00 ou de décider du futur sexe d'un individu.
00:05:04 Sans doute, j'utiliserais le terme de cascade.
00:05:09 Cette détermination du sexe,
00:05:11 qui peut être génétique ou environnementale,
00:05:13 ou un mélange des deux,
00:05:15 va déclencher une cascade,
00:05:17 c'est-à-dire une première réaction moléculaire,
00:05:22 un gène qui s'exprime,
00:05:24 qui va déclencher l'expression d'un autre gène
00:05:27 qui est en dessous de lui, et ainsi de suite.
00:05:29 C'est pour ça qu'on appelle ça une cascade.
00:05:32 La notion de cascade est importante et intéressante
00:05:35 parce que dès l'instant où il y a une cascade,
00:05:37 ça veut dire qu'il y a plusieurs niveaux
00:05:40 auxquels des facteurs capables de moduler
00:05:44 la différenciation du sexe vont être capables d'agir.
00:05:48 Gardez en tête ce terme de cascade.
00:05:51 L'autre point qui est important,
00:05:53 c'est que cette cascade, en fait,
00:05:56 va amener à la différenciation sexuelle d'une gonade
00:06:00 qui est initialement bipotentielle.
00:06:03 C'est le cas chez, notamment, tous les vertébrés.
00:06:06 C'est le cas chez l'homme, dans l'espèce humaine.
00:06:08 On a, chez tout embryon,
00:06:10 une gonade qui est initialement bipotentielle
00:06:14 et qui n'attend qu'un signal
00:06:16 pour aller dans un sens ou dans l'autre.
00:06:20 Quelquefois, ce signal arrive,
00:06:21 quelquefois, il n'arrive pas.
00:06:23 Quelquefois, il arrive de manière différente
00:06:26 de ce que les cellules attendaient.
00:06:29 Là aussi, c'est un point important
00:06:31 pour bien comprendre ce que je vais vous présenter ensuite.
00:06:34 Là, on est presque déjà sur ce que je dirais à la fin.
00:06:38 C'est-à-dire que le destin gonadique,
00:06:42 le sexe gonadique,
00:06:44 qui était considéré jusqu'à peu
00:06:48 comme quelque chose de fixe
00:06:51 et établi par une compétition entre deux cascades...
00:06:55 Il faut vraiment imaginer
00:06:57 que vous allez avoir pour fabriquer un garçon,
00:07:02 fabriquer une fille, fabriquer un mâle,
00:07:03 fabriquer une femelle, une cascade,
00:07:06 avec deux voies, une voie mâle qui va conduire au mâle,
00:07:10 une voie femelle qui va conduire aux femelles.
00:07:12 Ce qu'on est en train de découvrir,
00:07:15 mais c'est relativement récent,
00:07:16 c'est que ces deux voies sont en compétition.
00:07:20 Non seulement elles sont en compétition
00:07:22 au moment où se fait la détermination,
00:07:25 mais restent en compétition pendant toute la vie.
00:07:29 Ce qui veut dire que pendant longtemps, on s'est dit,
00:07:31 une fois que le déterminisme est passé par là,
00:07:34 c'est fini, tout est décidé, plus rien ne bouge.
00:07:37 En fait, on s'aperçoit que ce n'est pas si simple que ça,
00:07:40 que ces deux voies continuent à se battre pour exister
00:07:44 et qu'elles ne demandent qu'à prendre le pas sur l'autre voie.
00:07:48 C'est ça qui est la clé de tout ce que je vais vous raconter,
00:07:52 de ces inversions de sexe, de ces changements de sexe.
00:07:55 C'est le fait que, d'une part,
00:07:58 il y a une bipotentialité initiale de la gonade,
00:08:01 d'autre part, il y a une cascade
00:08:02 qui va amener à cette différenciation du sexe,
00:08:06 et enfin, qu'on est dans un processus qui est dynamique,
00:08:11 puisqu'il y a une nécessité non seulement de construire,
00:08:15 mais ensuite de maintenir.
00:08:16 En fait, toutes ces certitudes qu'on a eues
00:08:22 pendant jusqu'aux 20 dernières années,
00:08:26 ça vient bien souvent, comme bien souvent, de l'homme.
00:08:31 En fait, ce qu'on connaît depuis très longtemps
00:08:34 sur le déterminisme du sexe chez les mammifères,
00:08:36 en particulier chez l'homme, la souris, ou chez les oiseaux,
00:08:39 c'est quelque chose qui semblait très fixé.
00:08:42 Les mâles étaient XY, enfin, sont XY.
00:08:48 Les femelles, XX, chez la plupart des mammifères.
00:08:53 Et chez les oiseaux, les mâles sont ZZ,
00:08:57 c'est des chromosomes sexuels également,
00:09:00 et les femelles sont ZW.
00:09:01 Vous voyez qu'ici, chez la femelle,
00:09:04 il y a les deux mêmes chromosomes chez les mammifères.
00:09:07 Chez le mâle, il y a deux chromosomes sexuels différents,
00:09:09 alors que chez les oiseaux,
00:09:11 on a deux chromosomes semblables sexuels chez le mâle,
00:09:15 et non pas chez la femelle,
00:09:17 et deux chromosomes différents chez la femelle,
00:09:20 et non pas chez le mâle.
00:09:22 Donc, en fait, comme on avait appris
00:09:27 dans les livres gravés dans le marbre
00:09:30 que le déterminisme du sexe était extrêmement stable
00:09:32 chez les mammifères et chez les oiseaux,
00:09:35 il semblait normal de trouver la même chose
00:09:38 dans les autres espèces qui allaient être analysées.
00:09:42 Donc, effectivement, au début,
00:09:43 c'est un peu ce qui semblait sortir des premières analyses.
00:09:46 C'est-à-dire que les premières espèces de poissons analysées,
00:09:50 vous voyez, on retrouve un type de déterminisme
00:09:53 qui est très comparable à celui des mammifères.
00:09:58 En allant un peu plus loin,
00:10:00 on analyse d'autres espèces de poissons
00:10:02 et on se rend compte que ces espèces de poissons,
00:10:04 elles peuvent être, pour certaines,
00:10:06 ZZ, ZW, ZZ, ZW,
00:10:09 c'est-à-dire comme les oiseaux.
00:10:12 Donc, vous voyez que déjà,
00:10:13 on commence à voir de la diversité qui apparaît,
00:10:16 alors que chez les mammifères,
00:10:17 on a un seul type de déterminisme,
00:10:19 alors que chez les oiseaux,
00:10:21 on a un seul type de déterminisme.
00:10:23 Chez les poissons, déjà, on en a deux,
00:10:26 et ce n'est pas fini.
00:10:28 Ce n'est pas fini
00:10:29 parce que pour certaines espèces de poissons,
00:10:31 il n'y a plus deux chromosomes sexuels.
00:10:33 Là, vous avez le X et le Y, ou le Z et le W.
00:10:37 Chez certaines espèces de poissons,
00:10:39 vous avez trois chromosomes sexuels
00:10:41 qui s'assemblent par deux pour déterminer le sexe.
00:10:44 Le X, le Y et le W.
00:10:48 Vous voyez un mélange entre ces deux types de déterminisme.
00:10:51 Oh là, pardon.
00:10:55 La touche est très sensible, il faut que je me méfie.
00:10:58 Alors, on va y arriver.
00:11:00 J'espère.
00:11:03 Si je n'y arrive pas comme ça, ce n'est pas grave.
00:11:15 Ce qu'on voit, c'est que certaines espèces
00:11:18 ont un déterminisme du sexe encore plus compliqué,
00:11:21 c'est-à-dire qu'au lieu qu'il y ait un, deux ou trois chromosomes,
00:11:26 il y en a beaucoup plus qui sont appliqués.
00:11:28 On les appelle polyfactoriels.
00:11:30 Vous voyez que le schéma commence à se compliquer chez les poissons.
00:11:33 Chez les tortues, c'est la même chose.
00:11:36 On retrouve l'un des deux déterminismes.
00:11:39 Chez les amphibiens, comme chez les poissons,
00:11:41 on voit qu'on peut avoir du XXXY ou du ZZZW.
00:11:46 C'est déjà plus compliqué que les oiseaux et les mammifères.
00:11:50 Et puis, si on arrive sur d'autres tortues,
00:11:55 des crocodiles, d'autres poissons, des lézards,
00:11:59 on s'aperçoit que la température,
00:12:02 mais aussi d'autres facteurs,
00:12:04 mais on va beaucoup insister sur la température,
00:12:07 sont capables de gouverner le sexe d'un certain nombre de ces animaux.
00:12:12 Et comme ce n'est pas encore suffisamment compliqué,
00:12:16 on s'aperçoit qu'on peut même avoir des interactions
00:12:20 entre ces deux types de déterminisme du sexe.
00:12:23 Celui qui est piloté par les chromosomes,
00:12:25 par la génétique,
00:12:26 et celui qu'on appelle GSD, pour Genetic Sex Determination,
00:12:30 et celui qui est piloté par l'environnement,
00:12:33 c'est la détermination environnementale du sexe.
00:12:37 J'ai mis TSD parce que c'est le facteur le plus représenté
00:12:41 dans ce qu'on va voir,
00:12:43 c'est la température, donc c'est Temperature Sex Determination.
00:12:46 Donc,
00:12:49 ce qui a été montré
00:12:52 et qui a déclenché beaucoup de travaux il y a bien longtemps,
00:12:56 c'est le travail d'un collègue français, Claude Piot,
00:13:00 qui a fait un très joli travail
00:13:03 dans le milieu naturel et en laboratoire.
00:13:05 Il a analysé les sexes ratios, les proportions de mâles
00:13:10 qu'il trouvait dans des nids différents,
00:13:13 dans des plages où il y avait eu des pontes de tortues.
00:13:17 Et puis, il s'est rendu compte
00:13:21 qu'il y avait des différences de sexes ratios énormes.
00:13:24 Dans certains nids, il y avait beaucoup de mâles.
00:13:28 Dans d'autres nids, il n'y avait pas du tout de mâles.
00:13:31 Donc, il s'est longtemps interrogé sur ce qui se passait.
00:13:35 Au bout d'un moment, il a récupéré des œufs,
00:13:38 il les a mis en laboratoire
00:13:39 et il les a placés à différentes températures.
00:13:42 Vous voyez qu'aux températures de 18 à, disons,
00:13:46 un peu moins de 28, 27, 5,
00:13:49 il n'y a que des mâles qui sont produits.
00:13:53 Ici, vous avez la fréquence de mâles.
00:13:55 Quand vous êtes tout en haut,
00:13:56 ça veut dire qu'il n'y a que des mâles qui sont produits
00:13:59 quand des œufs sont mis à des températures,
00:14:03 finalement, les plus basses pour cette tortue.
00:14:07 Et puis, si vous montez un tout petit peu,
00:14:09 et c'est là où on commence à s'inquiéter
00:14:12 quand on parle de changement climatique,
00:14:14 c'est que sur un tout petit peu,
00:14:17 ça peut être moins d'un demi-degré.
00:14:19 À moins d'un demi-degré,
00:14:21 ça va commencer à faire basculer la proportion de mâles.
00:14:26 C'est plutôt bien,
00:14:27 parce que pour qu'une espèce se reproduise,
00:14:29 c'est mieux qu'il y ait des mâles et des femelles,
00:14:30 mais on va voir que ce n'est pas obligatoire.
00:14:33 Mais vous voyez que sur une plage de température très courte,
00:14:36 on va changer du tout au tout
00:14:40 une production où il n'y avait que des mâles
00:14:43 pour une production où il n'y a que des femelles
00:14:45 à partir de 30 degrés environ.
00:14:48 C'était la première démonstration,
00:14:50 par un Français, il faut le saluer,
00:14:53 d'un effet de la température
00:14:55 qui déterminait le sexe chez un animal.
00:14:57 Et ça a été suivi par beaucoup d'autres travaux.
00:15:01 Donc, un premier travail...
00:15:03 Alors, ce que je dois dire aussi, qui est important,
00:15:07 c'est que quand ce premier travail a été fait,
00:15:11 la communauté scientifique a mis beaucoup de mal à l'accepter,
00:15:14 et finalement, on l'a accepté,
00:15:16 mais en disant qu'un animal ou une espèce
00:15:19 qui a une TSD,
00:15:21 dont le sexe est déterminé par la température,
00:15:24 forcément n'a pas de chromosomes sexuels.
00:15:26 Donc, c'est deux mondes à part.
00:15:29 Il y a des animaux dont le sexe va être déterminé
00:15:32 par les chromosomes...
00:15:35 Alors, c'est les animaux nobles, on va dire, bien entendu,
00:15:39 comme l'homme.
00:15:41 Et puis, les animaux où c'est l'environnement
00:15:43 qui va déterminer le sexe.
00:15:46 Ça aussi, c'était une histoire qu'on nous racontait
00:15:49 quand j'étais à l'université.
00:15:50 C'est ce qu'on me racontait.
00:15:53 C'est plus du tout ce qu'on dit et ce qu'on pense aujourd'hui.
00:15:56 Maintenant, on s'aperçoit qu'on peut avoir
00:15:59 un déterminisme génétique du sexe, GSD,
00:16:02 donc des chromosomes sexuels.
00:16:04 Donc, ça, c'est ZZ, ZW pour ce lézard magnifique
00:16:08 qui est le lézard dragon.
00:16:12 Donc, le sexe de cet animal est déterminé par la génétique
00:16:17 sur une plage de température assez importante.
00:16:20 Et quand on monte un petit peu la température,
00:16:23 et ça se passe dans le milieu naturel,
00:16:25 eh bien, à ce moment-là,
00:16:28 on voit qu'on n'est plus à 50 % de mâles, 50 % de femelles,
00:16:31 mais on voit que la proportion de mâles s'effondre
00:16:35 et qu'on va féminiser
00:16:37 et que les individus qui, normalement,
00:16:39 auraient dû être des mâles, les ZZ,
00:16:42 sont devenus des femelles,
00:16:43 simplement par le biais de la température.
00:16:46 Si on prend cet autre lézard, Baciana,
00:16:49 eh bien, c'est exactement la même chose.
00:16:52 C'est une espèce là où le déterminisme génétique
00:16:55 est XY, XX.
00:16:57 On a une plage de température
00:16:59 où c'est les chromosomes qui déterminent le sexe.
00:17:03 Et dès que la température est inférieure à cette plage,
00:17:06 alors là, c'est la température qui prend le pas
00:17:10 et qui pilote le déterminisme du sexe.
00:17:13 Donc, ça, on s'aperçoit tout d'un coup
00:17:16 que, contrairement à ce qu'on nous avait raconté,
00:17:19 eh bien, on n'a pas une exclusivité.
00:17:22 On peut avoir des chromosomes qui déterminent,
00:17:25 l'environnement qui détermine,
00:17:26 mais aussi les deux qui interagissent.
00:17:29 Et là, on voit bien que cette interaction,
00:17:33 elle va biaiser un certain nombre de résultats
00:17:37 qu'on s'attendait à avoir.
00:17:39 On va passer aux hermaphrodites.
00:17:41 Les hermaphrodites, c'est quelque chose qui est plus connu.
00:17:46 Ce sont des animaux et des espèces
00:17:49 dont l'ensemble ou une partie des individus
00:17:53 vont être capables de produire au cours de leur vie
00:17:55 non pas seulement des spermatozoïdes
00:17:57 ou seulement des ovules,
00:17:59 mais ils vont être capables de produire
00:18:01 les deux types de gamètes,
00:18:04 des ovules et des spermatozoïdes,
00:18:06 pour certains, en même temps,
00:18:09 pour d'autres, de manière successive.
00:18:12 Ça représente seulement, j'allais dire,
00:18:16 5 % des espèces animales.
00:18:18 Mais 5 % des espèces animales,
00:18:20 ça fait beaucoup pour vous donner un ordre de grandeur.
00:18:22 Chez les poissons,
00:18:24 on estime à peu près 500 espèces
00:18:27 le nombre d'espèces hermaphrodites.
00:18:31 C'est pas si petit que ça.
00:18:33 Ensuite, toujours, ne retenez pas ces noms barbares,
00:18:39 mais regardez comment ça marche.
00:18:42 On va avoir une première classe d'hermaphrodites,
00:18:44 qui sont les hermaphrodites successifs.
00:18:46 Ils vont changer de sexe au cours de leur vie
00:18:49 grâce à un certain nombre de facteurs qu'on verra après.
00:18:53 Le premier cas, c'est les protérogines.
00:18:57 Les protérogines vont d'abord être femelles,
00:19:01 vont se reproduire,
00:19:03 et après la reproduction...
00:19:05 Si ça passe...
00:19:07 J'ai un peu de mal avec le pointeur.
00:19:11 Ah, voilà.
00:19:12 Après la reproduction, on a un changement de sexe,
00:19:16 l'animal change de sexe et devient un mâle.
00:19:19 Ce mâle va être fonctionnel et se reproduire.
00:19:22 Ce que je vous montre,
00:19:24 ce n'est pas des expérimentations en laboratoire.
00:19:26 C'est ce qui se passe dans le milieu naturel.
00:19:28 Le deuxième cas de figure, c'est l'inverse.
00:19:34 C'est-à-dire que là, on était d'abord femelle
00:19:37 et en devenait mâle.
00:19:39 Les protendres, on est d'abord mâle,
00:19:43 on se reproduit,
00:19:44 et une fois qu'on s'est reproduit,
00:19:46 on change de sexe, on devient femelle.
00:19:48 Ensuite, il y a une troisième classe,
00:19:55 qui est celle des bidirectionnelles.
00:19:57 Là, il y a encore plus de possibilités.
00:20:00 On est, par exemple, au départ femelle,
00:20:03 on change de sexe, on devient mâle.
00:20:05 Et puis, pour les besoins d'une communauté
00:20:09 dans laquelle il manque de femelles,
00:20:11 on va être tout à fait capable de dire
00:20:13 qu'il manque de femelles,
00:20:15 je vais redevenir une femelle.
00:20:16 C'est ce qu'on appelle
00:20:18 un hermaphrodite successif bidirectionnel.
00:20:22 Il peut aller dans les deux sens,
00:20:25 comme ceci ou comme cela.
00:20:27 Évidemment, il y a l'autre cas de figure.
00:20:33 Et puis, il y a encore plus incroyable,
00:20:37 il y a les hermaphrodites simultanés
00:20:39 qui vont avoir une gonade
00:20:41 qui, en même temps, va réussir à produire
00:20:44 des spermatozoïdes et des ovules.
00:20:47 Et dans la plupart des cas,
00:20:50 dans la très grande majorité des cas,
00:20:52 il faudra quand même deux individus hermaphrodites simultanés,
00:20:56 l'un apportant le sperme,
00:20:58 l'autre apportant les ovules,
00:21:00 pour faire une fécondation.
00:21:02 C'est ce qu'on appelle la fécondation croisée.
00:21:04 Mais vous verrez que dans au moins une espèce,
00:21:07 on peut avoir de l'autofécondation.
00:21:10 C'est-à-dire qu'un même individu
00:21:12 va produire du sperme, des ovules,
00:21:15 et va produire ses propres descendants
00:21:18 sans aller chercher qui que ce soit ailleurs.
00:21:21 C'est ce qu'on appelle l'autofécondation.
00:21:23 Et encore une fois,
00:21:24 on est dans quelque chose qui existe dans le milieu naturel.
00:21:27 Je vous en parlerai tout à l'heure.
00:21:29 Je commence par une espèce que tout le monde connaît.
00:21:33 C'est... Enfin, forcément.
00:21:36 Tous les gens qui vivent au bord de la mer l'ont vu
00:21:38 ou tous les gens qui mangent des coquilles Saint-Jacques l'ont vu.
00:21:41 C'est ces espèces de patelles
00:21:44 qui se fixent sur les coquilles Saint-Jacques.
00:21:47 C'est un mollusque, c'est la crépidule.
00:21:50 Son nom d'espèce, c'est Crepidula fornicata.
00:21:54 Vous allez tout de suite comprendre
00:21:57 pourquoi on a appelé cette espèce comme ça.
00:22:01 En fait, on va voir qu'il y a une diversité de facteurs
00:22:06 qui induit le changement de sexe chez les hermaphrodites
00:22:09 et qu'il y a une diversité d'espèces
00:22:12 et de taxons et de clades
00:22:15 qui sont porteurs d'espèces hermaphrodites.
00:22:20 La fameuse crépidule,
00:22:23 je vous l'ai montrée tout à l'heure, là, sur une coquille,
00:22:27 voilà comment ça se passe.
00:22:29 On va avoir des individus qui vont se fixer
00:22:32 sur des rochers, par exemple, ou sur une coquille.
00:22:35 Et puis cet individu va grossir doucement.
00:22:40 Puis un deuxième individu va arriver
00:22:43 par voie libre dans la colonne d'eau,
00:22:48 va se métamorphoser, va descendre
00:22:51 et va réussir à monter sur la première coquille
00:22:55 et se fixer au-dessus.
00:22:57 Puis une troisième, puis une quatrième, etc.
00:23:01 On peut avoir une vingtaine à peu près de crépidules,
00:23:05 d'individus qui se montent les uns sur les autres.
00:23:09 Et alors, quand on regarde un peu le détail de ce qu'on a,
00:23:13 on voit que systématiquement,
00:23:16 les gros individus qui sont à la base, ici, par exemple,
00:23:20 ce sont des femelles.
00:23:21 Celle-là aussi, c'est une femelle.
00:23:24 Et les individus plus petits qui sont au-dessus,
00:23:26 ce sont soit des juvéniles, soit des mâles.
00:23:29 Et donc, en fait, ce gros paquet va se reproduire.
00:23:36 Les mâles qui sont au-dessus vont envoyer des spermatozoïdes
00:23:42 aux femelles qui sont en dessous pour les féconder.
00:23:45 Les œufs vont donner des embryons
00:23:49 qui vont être libérés dans le milieu naturel
00:23:52 et le cycle continue.
00:23:53 Donc, en fait, là aussi, on s'aperçoit
00:23:56 qu'on va avoir...
00:23:58 cette différence de sexe
00:24:04 entre les individus de la base, toujours des femelles,
00:24:07 les gros individus sont à la base et sont des femelles,
00:24:11 et les petits individus sont en haut et sont des mâles.
00:24:14 Donc, en fait, ce qui se passe,
00:24:16 c'est que tous les petits individus se fixent
00:24:20 sur ceux qui sont déjà fixés,
00:24:23 et tous ces petits individus sont des mâles ou des juvéniles,
00:24:27 je vous l'ai dit,
00:24:28 et ils vont, en grandissant, petit à petit, changer de sexe.
00:24:32 Donc, par exemple, ici, il y a un juvénile,
00:24:35 qui était un petit mâle, en fait,
00:24:36 qui est agrossi et qui est devenu une femelle.
00:24:39 Et ce mâle-là, au fur et à mesure de sa croissance,
00:24:43 va finir par devenir une femelle
00:24:45 et d'autres mâles vont se mettre au-dessus, etc.
00:24:48 Donc, vous voyez, changement de sexe chez un mollusque.
00:24:52 Un autre mollusque très connu, c'est l'escargot de Bourgogne.
00:24:56 Donc, là aussi, hermaphrodite.
00:24:59 Hermaphrodite protendre,
00:25:01 donc protendre, c'est je suis d'abord mâle,
00:25:03 je me reproduis et ensuite je suis femelle.
00:25:06 Là, en l'occurrence, c'est je suis d'abord mâle,
00:25:08 mais très peu de temps après, je vais produire des ovules.
00:25:11 Et donc, je vais pouvoir me reproduire deux fois.
00:25:16 Une fois avec un petit copain
00:25:19 qui va produire les gamètes du sexe opposé
00:25:22 et puis une deuxième fois avec un autre copain
00:25:24 après que j'ai produit l'autre type de gamètes.
00:25:27 Donc, par exemple, celui-là va d'abord fournir le sperme
00:25:30 et celui-là les ovules.
00:25:32 Et puis celui-là va ensuite produire des ovules
00:25:35 et, avec un autre partenaire,
00:25:37 être fécondé par le spermatose huide du second individu.
00:25:41 On est dans une fécondation croisée.
00:25:43 Toujours un mollusque.
00:25:47 Ça, c'est un gastéropone, mais qui est aquatique, d'eau douce.
00:25:52 Celui-là, il est aussi hermaphrodite,
00:25:55 mais hermaphrodite simultanée.
00:25:58 Il va produire une gonade
00:26:01 où il y a à la fois des spermatose huides et des ovules.
00:26:04 Ce qui est intéressant,
00:26:05 c'est que celui-là est aussi capable d'auto-fécondation.
00:26:09 On va voir que chez les poissons, il y a de l'auto-fécondation.
00:26:12 Ça, c'est un mollusque capable d'auto-fécondation.
00:26:15 Dans la majorité des cas,
00:26:16 il se reproduit par fécondation croisée,
00:26:19 mais quand la situation l'exige,
00:26:21 c'est-à-dire que s'il n'y a pas de partenaire,
00:26:24 il est parfaitement capable de faire son auto-fécondation.
00:26:28 On reste sur les hermaphrodites, mais on passe chez les poissons.
00:26:37 Là, il y a des photos magnifiques.
00:26:40 Pour ceux qui s'intéressent,
00:26:42 on a la chance d'avoir beaucoup de photographes sous-marins
00:26:45 qui font des photographies magnifiques.
00:26:48 En plus, ils ont la gentillesse
00:26:50 de permettre aux conférenciers d'en utiliser.
00:26:53 Je crois qu'il y en a dans la salle.
00:26:55 Je les remercie encore.
00:26:57 Un poisson emblématique des hermaphrodites,
00:27:01 c'est le labre à tête bleue.
00:27:03 La tête bleue, on la voit bien ici,
00:27:06 c'est le mâle.
00:27:07 Ces hermaphrodites vivent dans des groupes de récifs coralliens.
00:27:13 Et puis, on a un mâle qui est un mâle dominant,
00:27:19 qui a une parure vraiment très différente
00:27:23 de celle des femelles.
00:27:24 Il va protéger le harem.
00:27:27 Ce qui se passe, c'est que si jamais on enlève ce mâle...
00:27:32 Je vais appuyer vite. J'ai enlevé le mâle.
00:27:35 Quand on enlève le mâle,
00:27:36 une des femelles va commencer à changer de comportement.
00:27:41 C'est vraiment dans les 10 minutes qui suivent
00:27:46 le retrait du mâle,
00:27:47 vous avez un comportement qui change radicalement.
00:27:51 La femelle devient extrêmement agressive
00:27:54 et développe un comportement de cours,
00:27:57 mais qui est un comportement de cours de mâle.
00:28:01 Ce qu'on voit, c'est que la disparition du mâle
00:28:06 génère toujours chez la plus grosse femelle
00:28:09 un début de changement de sexe,
00:28:12 mais ça commence au niveau du cerveau.
00:28:14 Ce changement de comportement va se compléter
00:28:23 dans les heures qui suivent par des changements de coloration.
00:28:26 Petit à petit, on va voir cette grosse femelle
00:28:31 qui, petit à petit, va acquérir le patron de coloration,
00:28:37 le comportement et le fonctionnement
00:28:41 du système nerveux central et des gonades d'un mâle.
00:28:45 En fait, la gonade de cette femelle,
00:28:49 c'était une gonade totalement femelle,
00:28:52 en 10 jours, simplement,
00:28:55 va devenir un testicule capable de produire du sperme.
00:28:59 C'est un processus extrêmement complexe
00:29:02 puisque ça touche le comportement, la coloration,
00:29:06 les gonades, le cerveau, etc.
00:29:09 Vous voyez que chez certaines espèces,
00:29:11 en l'espace de 10 jours, tout est réglé.
00:29:14 Donc, on ne perd pas de temps, on a perdu le mâle,
00:29:18 il faut refaire un mâle pour protéger le harem,
00:29:22 et on va le fabriquer.
00:29:25 Alors, ça, c'est une espèce que tout le monde connaît.
00:29:29 Je vous ferai grâce de pourquoi tout le monde la connaît,
00:29:34 notamment cette espèce amphiprion percula,
00:29:38 le hame poisson clown.
00:29:39 Il y a plusieurs espèces de poissons clown.
00:29:43 Là aussi, on a des groupes qui sont extrêmement structurés.
00:29:46 Vous savez que ces groupes sont structurés
00:29:48 autour ou dans une anémante de mer
00:29:52 parce qu'il y a une protection réciproque,
00:29:55 chacun apporte à l'autre.
00:29:57 Et là, le pilote, le chef, c'est une femelle.
00:30:01 Donc, le plus grand poisson du groupe, c'est une femelle,
00:30:05 et accompagné d'un mâle, qui est un mâle reproducteur,
00:30:09 qui est le deuxième poisson le plus gros de cette colonie.
00:30:13 Et ce couple est le seul couple qui se reproduit,
00:30:17 théoriquement, en tout cas.
00:30:19 Et le reste du groupe, ce sont des mâles non reproducteurs,
00:30:23 ils ne se reproduisent pas, et des juvéniles.
00:30:26 À quoi ils servent ?
00:30:27 C'est simple.
00:30:28 Si la femelle disparaît,
00:30:31 le mâle reproducteur va prendre la place de la femelle
00:30:36 en changeant de sexe.
00:30:38 Et à ce moment-là, on remonte le statut d'un cran.
00:30:42 Donc, si le mâle prend la place de la femelle,
00:30:45 il faut qu'il y ait un mâle qui apparaisse
00:30:49 et donc c'est un des petits mâles qui va prendre le relais.
00:30:54 On peut aussi voir ça quand il y a des individus
00:31:00 qui essayent de former un nouveau groupe,
00:31:03 une nouvelle colonie,
00:31:05 dans un autre système d'anémone.
00:31:08 Vous voyez qu'il y a un ordre
00:31:11 pour accéder au sexe féminin chez le poisson clown.
00:31:15 Le mâle reproducteur est prioritaire,
00:31:19 c'est lui qui, normalement,
00:31:22 deviendra la future femelle qui va régner sur ce groupe.
00:31:27 Ensuite, le plus grand des mâles non-reproducteurs
00:31:30 va devenir mature sexuellement, etc.
00:31:35 Certains individus, potentiellement,
00:31:38 ne deviendront jamais femelles
00:31:40 parce qu'ils vont mourir avant que la femelle disparaisse,
00:31:44 la seule femelle du groupe disparaisse,
00:31:47 et donc ils resteront mâles toute leur vie.
00:31:50 Là, c'est pareil, c'est une autre espèce de poisson clown.
00:31:54 Dans celle-là, on a également
00:31:58 une relation privilégiée avec les anémones.
00:32:03 Ce que j'ai dit, c'est que l'anémone fournit le gîte et le couvert.
00:32:08 Le gîte, c'est l'abri et les tentacules urticants, etc.
00:32:12 Le couvert, c'est parce que les poissons
00:32:15 vont se nourrir de ce qu'ils trouvent à l'intérieur de l'anémone
00:32:20 et réciproquement.
00:32:21 Là aussi, tous les individus sont d'abord des mâles
00:32:25 et le plus grand ou le plus fort va devenir une femelle
00:32:29 qui va se reproduire avec le seul mâle.
00:32:32 Là également, on va avoir des transitions mâles-femelles
00:32:37 si on enlève le poisson dominant.
00:32:42 Là également, tout commence dans le système nerveux central
00:32:45 et dans le cerveau.
00:32:47 Ensuite, il y a une autre espèce hermaphrodite
00:32:50 qui est... La photo est absolument magnifique.
00:32:55 C'est le goby à bandes bleues.
00:32:57 Là, on est dans ce que je vous ai présenté tout à l'heure,
00:33:01 les hermaphrodites bidirectionnelles.
00:33:03 Cette espèce peut changer de sexe dans un sens ou dans l'autre.
00:33:08 Elle peut changer de sexe une première fois,
00:33:10 puis revenir en arrière si nécessaire.
00:33:13 Il y a une capacité de s'adapter en fonction des besoins du groupe.
00:33:19 Par exemple, si la proportion de femelles dans le groupe
00:33:24 n'est pas suffisante,
00:33:25 un individu mâle peut redevenir femelle
00:33:30 pour augmenter la proportion de ses femelles.
00:33:35 Je ne rentre pas plus dans le détail.
00:33:39 Un poisson que j'aime bien et que j'appelle
00:33:41 le poisson qui vit dans les arbres,
00:33:43 c'est le kili des mangroves.
00:33:45 Son petit nom, c'est Cryptolebias marmoratus.
00:33:51 La mangrove, vous connaissez cet écosystème absolument fabuleux.
00:33:57 Ce sont des arbres ou des arbustes
00:33:59 qui font des réseaux racinaires absolument considérables
00:34:04 et qui abritent des quantités d'espèces aquatiques phénoménales.
00:34:09 Ce qui fait que dans les zones où cette mangrove est détruite,
00:34:12 parce qu'il y a de l'aquaculture de crevettes,
00:34:15 parce qu'on a récupéré des zones
00:34:19 pour transformer le paysage, etc.,
00:34:23 on va éliminer des endroits extrêmement précieux
00:34:26 pour la biodiversité.
00:34:28 Notamment cette espèce qui est absolument incroyable.
00:34:31 Vous allez voir si j'arrive à changer.
00:34:35 Donc ici, votre fameuse mangrove.
00:34:39 Vous voyez que l'eau a baissé.
00:34:41 Les racines sont quasiment à sec.
00:34:43 Il y a encore un peu d'eau derrière,
00:34:45 mais tout ça était rempli d'eau.
00:34:48 Ce qui se passe, c'est que ce petit poisson,
00:34:50 quand il est dans cette zone et qu'éventuellement il est piégé,
00:34:54 il peut rentrer, quand il y a encore suffisamment d'eau,
00:34:58 dans des trous creusés par les insectes
00:35:01 dans certaines de ses racines.
00:35:03 En gros, ses racines vont être mangées de l'intérieur
00:35:07 par des insectes.
00:35:09 Elles vont s'évider.
00:35:11 Et ce petit poisson,
00:35:13 pour se protéger de la dessication,
00:35:16 il n'y a plus d'eau, donc il faut se protéger.
00:35:18 S'il n'a pas pu rejoindre l'eau,
00:35:20 une technique, c'est d'être à l'intérieur
00:35:23 de ses racines,
00:35:26 vide, et à l'intérieur de ses racines,
00:35:29 il y en a un qui est ici,
00:35:31 c'est une des fameuses racines de mangrove.
00:35:34 Vous voyez le poisson qui est à l'intérieur,
00:35:37 qui est vivant, il n'y a plus d'eau,
00:35:40 mais il est à l'intérieur et il peut tenir assez longtemps.
00:35:43 Il peut tenir deux mois à peu près,
00:35:45 parce que ce milieu conserve une certaine humidité
00:35:49 et que cette espèce a une capacité de respirer
00:35:53 de manière cutanée quand il est en dehors de l'eau.
00:35:57 Tant qu'il est dans un certain degré d'humidité,
00:36:00 il arrive à survivre.
00:36:03 Et en fait, à l'intérieur de ses racines,
00:36:07 j'ai mis ici un haricot vert,
00:36:10 on peut trouver jusqu'à une vingtaine de poissons
00:36:14 empilés les uns au-dessus des autres.
00:36:16 Évidemment, ils ne peuvent pas se reproduire ensemble,
00:36:20 ils sont complètement coincés à l'intérieur de cette racine,
00:36:23 mais par contre, ils peuvent se reproduire
00:36:26 de manière très originale par autofécondation.
00:36:31 Là, c'est ce que je vous ai remis,
00:36:34 la mangrove, les racines,
00:36:37 et puis ce fameux petit poisson
00:36:40 qui va, quand il y a de l'eau,
00:36:42 pouvoir rentrer dans les racines évidées, etc.
00:36:45 En fait, là, chez cette espèce,
00:36:48 on va trouver deux types d'individus,
00:36:52 en fait, il y en a trois, mais pour simplifier,
00:36:54 je vais dire deux,
00:36:55 des hermaphrodites et puis des mâles.
00:36:58 Il n'y a pas de femelles.
00:37:00 Il n'y a pas de femelles, mais il y a un hermaphrodite.
00:37:02 L'hermaphrodite a à la fois une gonnade mâle et une gonnade femelle.
00:37:06 L'hermaphrodite va être capable de produire des œufs et du sperme,
00:37:10 mais l'hermaphrodite produit relativement peu de femelles.
00:37:13 L'hermaphrodite produit relativement peu de sperme.
00:37:17 Donc, avoir un mâle qui n'est pas hermaphrodite
00:37:21 permet d'avoir une espèce de réserve de sperme
00:37:25 pour la population,
00:37:26 mais surtout, vous voyez bien qu'un système
00:37:29 qui fonctionnerait exclusivement par autofécondation
00:37:33 s'appauvrirait génétiquement,
00:37:35 puisque ce qui fait la biodiversité,
00:37:39 c'est la variabilité génétique.
00:37:41 C'est-à-dire que si on perd de la variabilité génétique
00:37:44 parce qu'on se reproduit toujours avec soi-même,
00:37:48 il y a un moment où on va avoir quelque chose
00:37:52 qui va dégénérer génétiquement et donc biologiquement.
00:37:56 Ces mâles permettent de ramener un peu,
00:38:01 de conserver un peu de variabilité génétique
00:38:06 en ayant la possibilité de féconder des œufs
00:38:09 qui ne l'ont pas été, des hermaphrodites.
00:38:12 J'ai un peu de mal pour changer de diapo, je suis désolé.
00:38:19 Voilà.
00:38:20 Je passe aux crocodiles.
00:38:23 Le crocodile, il fait toujours très peur.
00:38:27 Les bébés crocodiles sont toujours très mignons
00:38:30 et font beaucoup moins peur.
00:38:32 Et ils ont cette particularité intéressante,
00:38:36 c'est que le sexe d'un crocodile
00:38:38 est déterminé par l'environnement.
00:38:40 C'est la température qui va faire qu'un petit bébé crocodile
00:38:44 va devenir un mâle ou va devenir une femelle.
00:38:47 Un petit peu comme ce que je vous ai montré tout à l'heure
00:38:50 pour la tortue.
00:38:51 Tout à l'heure, je vous ai montré cette tortue-là.
00:38:53 Je vous ai dit que quand on est à des températures basses,
00:38:57 on fabrique des mâles.
00:38:58 Quand on est à températures hautes,
00:39:00 chez cette tortue et chez beaucoup de tortues,
00:39:02 on fabrique des femelles.
00:39:04 Chez les crocodiles, je vous en ai mis certains là,
00:39:07 c'est exactement l'inverse.
00:39:08 Les fortes températures fabriquent des mâles
00:39:11 et les températures plus basses fabriquent des femelles.
00:39:16 Là aussi, c'est le degré de température du nid
00:39:22 qui va déterminer qui sera mâle, qui sera femelle.
00:39:25 On passe chez les lézards.
00:39:29 Ce petit lézard, le Jackie Lézard,
00:39:33 il a permis de mieux comprendre
00:39:37 quel était l'intérêt
00:39:41 de cette possibilité de changer de sexe
00:39:47 avec la température.
00:39:48 Le pourquoi, quel est l'intérêt,
00:39:53 il est lié à ce qu'on appelle la fitness.
00:39:54 La fitness, c'est, en français,
00:39:58 l'efficacité de reproduction.
00:40:01 En gros, on peut le traduire, en tout cas chez cette espèce,
00:40:04 par le nombre de descendances qu'un individu
00:40:07 est capable de produire.
00:40:09 Ça, c'est le modèle
00:40:12 des effets de la température sur le sexe.
00:40:16 Si vous prenez des températures basses,
00:40:19 vous voyez que vous allez avoir très peu de mâles produits.
00:40:23 Si vous prenez des températures hautes,
00:40:25 vous mettez des œufs à température haute,
00:40:28 vous allez avoir très peu de mâles produits.
00:40:30 Si, par contre, vous êtes à température haute,
00:40:33 vous allez avoir beaucoup de femelles.
00:40:34 Si, par contre, vous êtes à température basse,
00:40:36 vous allez avoir beaucoup de femelles.
00:40:38 Et si vous êtes entre les deux,
00:40:40 vous aurez très peu de femelles,
00:40:42 mais vous n'aurez que des mâles.
00:40:44 Eh bien, ça, c'est ce qu'on observe
00:40:47 si on prend des mâles et des femelles
00:40:50 qui ont été produits à ces différentes températures,
00:40:54 basses, moyennes, hautes,
00:40:57 et on s'aperçoit que ces différents types de mâles
00:40:59 vont avoir des succès reproducteurs
00:41:02 tout à fait différents.
00:41:03 C'est-à-dire que les mâles
00:41:06 qui proviennent de ces températures intermédiaires
00:41:11 où il n'y avait que des mâles, justement,
00:41:14 vont avoir une excellente fitness,
00:41:17 c'est-à-dire un nombre de descendances extrêmement élevé.
00:41:20 Les femelles vont avoir très peu de descendances
00:41:24 dans cette gamme de températures.
00:41:26 Inversement, si vous vous mettez à température extrême,
00:41:31 haute ou basse,
00:41:33 vous allez avoir les femelles
00:41:35 qui vont avoir une efficacité de reproduction énorme,
00:41:38 alors que les mâles n'en auront très peu.
00:41:40 Vous voyez bien que la fitness d'un sexe
00:41:45 va être supérieure à la fitness de l'autre sexe.
00:41:48 Ici, dans ce cas-là, la fitness des mâles
00:41:50 va être bien supérieure à la fitness des femelles
00:41:54 selon les conditions dans lesquelles on se trouve.
00:41:57 Si on est dans une gamme de températures
00:42:00 qui produit des mâles,
00:42:02 dans cette gamme de températures,
00:42:04 c'est les mâles qui vont avoir la meilleure fitness.
00:42:06 Dans la gamme de températures qui produit que des femelles,
00:42:11 la fitness des femelles va être bien meilleure que celle des mâles.
00:42:15 Donc ça, c'est un petit peu une des clés de l'intérêt
00:42:21 d'avoir un sexe qui est piloté par l'environnement.
00:42:25 L'intérêt, c'est qu'effectivement,
00:42:28 ça va se traduire par un nombre de descendances produites
00:42:31 beaucoup plus important que si on était resté mâle toute sa vie
00:42:35 ou si on était resté femelle toute sa vie.
00:42:37 Parce que dès qu'il y a une période thermique favorable,
00:42:43 ce changement de sexe va permettre
00:42:46 d'augmenter le nombre de descendances
00:42:49 en ayant le bon sexe.
00:42:51 Donc en fait, on est en train de s'apercevoir
00:42:55 que les pilotes environnementaux du déterminisme du sexe,
00:43:01 ici la température,
00:43:03 et les pilotes chromosomiques
00:43:05 peuvent parfaitement coexister,
00:43:08 chez certaines espèces en tout cas.
00:43:11 Ici, on a ce lézard, Bassiana.
00:43:14 Donc si on se met en laboratoire,
00:43:17 on s'aperçoit qu'effectivement,
00:43:19 la température va faire varier le sexe ratio.
00:43:24 C'est-à-dire que plus on augmente la température,
00:43:28 plus on va diminuer la proportion de mâles.
00:43:30 Vous voyez qu'à 15 degrés,
00:43:33 on a à peu près 70 % de mâles.
00:43:36 À 23 degrés, on a une quarantaine de pourcents de mâles.
00:43:41 Mais curieusement,
00:43:43 par rapport à ce qu'on avait expliqué à Claude Piot
00:43:45 quand il avait mis en évidence les effets de la température,
00:43:49 on lui avait dit que s'il y a de la TSD,
00:43:51 il ne peut pas y avoir des chromosomes,
00:43:53 et s'il y a des chromosomes, il ne peut pas y avoir de TSD.
00:43:55 Là, c'est un contre-exemple intéressant
00:43:57 où on a des effets de la température,
00:44:00 et ces températures sont des températures biologiques,
00:44:03 c'est-à-dire qu'elles correspondent à ce qu'on trouve dans le milieu naturel.
00:44:06 Et chez cette espèce,
00:44:08 on a même une différence visible sur les chromosomes.
00:44:12 On a ici une femelle avec deux chromosomes semblables,
00:44:16 donc c'est des chromosomes X,
00:44:18 et on a un mâle ici avec un chromosome X et un chromosome Y.
00:44:22 Donc on a bien un déterminisme chromosomique
00:44:25 qui cohabite avec une sensibilité à l'environnement.
00:44:30 Ensuite,
00:44:34 il y a un travail qui a été fait
00:44:39 dans le milieu naturel sur cette même espèce.
00:44:42 Ce travail a été fait
00:44:44 parce qu'il y avait la possibilité de vérifier le sexe génétique.
00:44:49 Au début, c'était un peu compliqué
00:44:51 parce qu'il fallait le faire en faisant des karyotypes.
00:44:54 C'est un travail qui est long
00:44:56 et qui ne permet pas d'aller très vite.
00:45:00 Maintenant, il y a des techniques moléculaires
00:45:02 qui permettent d'aller beaucoup plus vite
00:45:04 et qui donnent des marqueurs moléculaires
00:45:08 de ces deux chromosomes.
00:45:10 On peut, en prenant des petits morceaux de nageoires,
00:45:13 pas 100 de nageoires, c'est un lézard,
00:45:16 mais quelques cellules de la queue,
00:45:19 on va pouvoir déterminer si c'est un mâle ou une femelle
00:45:23 sans tuer l'animal, simplement en prélevant quelques cellules.
00:45:26 Quand on fait ça, on peut aller dans le milieu naturel
00:45:30 et regarder le sexe phénotypique,
00:45:34 c'est-à-dire le sexe d'un individu.
00:45:36 Je prends un individu, je regarde s'il est mâle ou femelle,
00:45:40 et je vais regarder son sexe génétique
00:45:43 avec ces marqueurs.
00:45:44 Vous voyez que sur les mêmes individus qui sont analysés,
00:45:49 on n'a pas du tout les mêmes résultats.
00:45:51 Alors que l'analyse génétique a trouvé à peu près 50 % de mâles,
00:45:56 le phénotype sexuel trouve 78 % de mâles.
00:46:01 Ça veut dire quoi ?
00:46:02 Ça veut dire que dans ce milieu naturel,
00:46:06 il y a une certaine proportion de mâles
00:46:09 qui ne sont pas des mâles XY,
00:46:13 mais qui sont des mâles XX.
00:46:14 Ça veut dire que dans le milieu naturel,
00:46:18 un facteur, donc à priori la température,
00:46:21 a inversé le sexe d'un certain nombre d'individus XX,
00:46:25 les transformant en mâles.
00:46:26 Chez une autre espèce, le lézard-dragon,
00:46:32 dont je vous ai parlé tout à l'heure,
00:46:34 il y a eu un travail équivalent qui a été fait dans le milieu naturel.
00:46:38 Il y a eu des prélèvements qui ont été réalisés.
00:46:40 On a dans cette espèce les ZZ chez les mâles
00:46:45 et ZW chez les femelles.
00:46:47 En noir, vous avez les individus qui ont été collectés,
00:46:50 identifiés comme des femelles.
00:46:52 Et en blanc, les individus qui ont été collectés,
00:46:56 identifiés comme des mâles, des mâles ZZ.
00:46:59 Puis vous avez du rouge.
00:47:00 Le rouge, ça correspond à quoi ?
00:47:02 C'est des individus qui, là aussi,
00:47:04 en utilisant des marqueurs génétiques,
00:47:08 ont permis d'identifier des individus qui étaient inversés.
00:47:13 Ces individus étaient des femelles.
00:47:15 Quand on les regardait, c'était bien des femelles.
00:47:18 Quand on les reproduisait, c'était bien des femelles.
00:47:21 Mais quand on regardait les chromosomes sexuels,
00:47:23 c'était ceux d'un mâle.
00:47:25 C'est un mâle qui a été féminisé
00:47:28 et qui a été féminisé par la température.
00:47:32 Ce qui est intéressant,
00:47:33 c'est que là aussi, on retrouve un résultat
00:47:35 qui est similaire à ce que je vous ai montré.
00:47:38 C'est-à-dire que ces néo-femelles ZZ,
00:47:41 donc des mâles génétiques
00:47:43 qui ont été inversés en femelles par la température,
00:47:47 ont une excellente fitness,
00:47:49 une excellente capacité de reproduction,
00:47:53 puisqu'elles produisent
00:47:56 plus de deux fois plus d'œufs
00:48:00 qu'une femelle génétique.
00:48:02 Ça veut dire quoi ?
00:48:03 Ça veut dire que là encore,
00:48:05 on retrouve cette fameuse théorie dont je vous ai parlé.
00:48:08 C'est...
00:48:09 Pour changer de sexe, il faut qu'il y ait un intérêt derrière.
00:48:14 Là, l'intérêt, une fois de plus,
00:48:15 c'est que je vais produire davantage de descendants.
00:48:20 Ici, je produis davantage de descendants,
00:48:23 notamment parce que je produis beaucoup plus d'œufs.
00:48:26 D'accord ?
00:48:28 Je vais passer à un animal que j'aime bien
00:48:33 parce que c'est une de mes espèces
00:48:37 sur laquelle je travaille au quotidien,
00:48:39 c'est le tilapia.
00:48:41 Là aussi, on a montré
00:48:43 qu'il y avait une interaction
00:48:45 entre des facteurs génétiques et des facteurs thermiques
00:48:50 qui vont déterminer le sexe chez ce tilapia d'une île.
00:48:53 On a apporté un certain nombre de preuves dans le milieu naturel.
00:48:56 Là aussi, on retrouve des éléments
00:49:00 sur la fitness de ces individus.
00:49:02 Quand vous allez en Afrique,
00:49:03 qui est la région
00:49:05 où se trouve le tilapia,
00:49:09 et en particulier le tilapia d'une île,
00:49:11 vous avez, dans des zones très peu profondes,
00:49:16 c'est-à-dire là, il y a 2 cm d'eau maximum,
00:49:19 on est sur le bord d'un grand lac,
00:49:24 ici au Sénégal,
00:49:26 ici au Burkina Faso,
00:49:28 vous voyez tous ces petits alevins.
00:49:32 Ici, vous avez une baguette,
00:49:33 ça vous donne une taille de ces alevins.
00:49:37 Ces alevins sont dans 1 cm d'eau, pas plus.
00:49:42 Quand vous avez aussi peu d'eau,
00:49:44 bien évidemment, quand il fait chaud,
00:49:47 là, vous avez des températures
00:49:49 qui peuvent facilement dépasser les 32 degrés.
00:49:52 Les 32 degrés, ça tombe bien,
00:49:54 parce que c'est la température à partir de laquelle
00:49:57 les alevins de tilapia vont être masculinisés
00:50:01 par les fortes températures.
00:50:03 Déjà, premier élément,
00:50:06 dans le milieu naturel,
00:50:07 ce qu'on avait montré en laboratoire,
00:50:09 c'est-à-dire que les fortes températures
00:50:11 sont capables de masculiniser,
00:50:13 dans le milieu naturel,
00:50:15 on trouve bien des alevins dans des zones d'eau
00:50:18 où les températures dépassent largement
00:50:20 cette température de 32 degrés.
00:50:23 En fait, le tilapia, il fonctionne comme ça.
00:50:26 On a des adultes qui vont créer des zones de reproduction.
00:50:31 En fait, ce sont les mâles qui vont installer ces zones.
00:50:34 Ils vont creuser des nids, on en voit un ici,
00:50:37 pour attirer les femelles matures.
00:50:40 Le mâle est ici, la femelle est ici.
00:50:42 La femelle est en train de pondre.
00:50:45 Le mâle surveille la ponte.
00:50:47 Dès que la femelle aura fini de pondre,
00:50:49 elle va se pousser un petit peu.
00:50:51 Le mâle va féconder les œufs
00:50:54 en passant juste au-dessus.
00:50:55 Et la femelle va immédiatement reprendre les œufs
00:50:58 pour les incuber dans la bouche.
00:51:00 Elle va les incuber dans la bouche pour les protéger
00:51:03 pendant toute la résorption de l'œuf
00:51:06 et jusqu'à ce que les alevins
00:51:10 deviennent capables de se nourrir
00:51:12 de manière autonome, indépendante.
00:51:14 Donc, la femelle,
00:51:17 une fois la reproduction terminée,
00:51:20 va se cacher dans des zones protégées.
00:51:22 Ce sont des zones où il y a des végétaux,
00:51:25 des zones où il y a des petits rochers, etc.
00:51:28 Elle va incuber ses œufs.
00:51:30 Et au bout d'un moment,
00:51:31 au bout d'environ six, sept jours,
00:51:35 les alevins ont encore
00:51:38 un petit peu de nourriture dans leur sac vitélin,
00:51:43 mais ils commencent à savoir nager.
00:51:45 Donc, ils commencent à sortir de la bouche de la femelle.
00:51:49 C'est assez spectaculaire,
00:51:50 parce qu'on les voit sortir, rentrer.
00:51:53 Et notamment, toutes les nuits,
00:51:55 tout le monde rentre à la maison
00:51:57 dans la bouche de la maman.
00:51:58 Il peut y avoir des erreurs.
00:52:00 Quelquefois, on en retrouve dans la femelle de la voisine,
00:52:04 mais ça, c'est pas très grave.
00:52:06 Ce qui est intéressant, c'est que ces alevins,
00:52:09 ils vont aller, au bout d'un moment,
00:52:12 se nourrir dans les zones peu profondes
00:52:14 que je vous ai montrées.
00:52:17 Et dans ces zones peu profondes,
00:52:19 d'une part, il y a beaucoup plus de proies, de planctons.
00:52:23 D'autre part, ils sont protégés des prédateurs,
00:52:26 parce qu'il y a très peu d'eau.
00:52:28 Les prédateurs ne peuvent pas aller
00:52:31 dans ces zones aussi peu profondes.
00:52:33 Ce qui est intéressant,
00:52:35 c'est que les alevins qu'on trouve dans ces zones très chaudes,
00:52:39 c'est des alevins dont l'âge est compatible
00:52:43 avec une sensibilité de la gonade
00:52:46 à des fortes températures qui peuvent les masculiniser.
00:52:49 Ensuite, les juvéniles vont repartir plus au large, etc.
00:52:54 En fait, pendant la période critique de thermosensibilité,
00:52:59 c'est-à-dire de sensibilité de la gonade,
00:53:02 on trouve bien des nuages d'alevins
00:53:03 dans des zones où les températures masculinisantes
00:53:07 qu'on avait trouvées en laboratoire,
00:53:09 c'est-à-dire de 32 à 36 degrés,
00:53:11 sont parfaitement trouvées,
00:53:14 au moins pendant la saison sèche,
00:53:16 dans le milieu naturel.
00:53:18 Pour aller plus loin,
00:53:21 ce qui a été fait, c'est de vérifier
00:53:25 si c'est bien un choix des alevins
00:53:27 d'aller dans ces zones
00:53:28 où la température est élevée.
00:53:32 Pour ça, a été utilisé un dispositif
00:53:34 qui s'appelle le préférendum thermique.
00:53:38 C'est un dispositif très simple
00:53:40 où on met des aquariums
00:53:42 qui sont reliés entre eux par des petits morceaux de tuyau.
00:53:46 Les poissons, les petits poissons des alevins,
00:53:50 peuvent parfaitement passer d'un aquarium à l'autre
00:53:54 et chaque aquarium va avoir une température différente.
00:53:59 C'est un continuum.
00:54:00 Un va être à 28 degrés,
00:54:02 qui est le préférendum thermique de l'espèce.
00:54:06 Le deuxième compartiment va être à 32,
00:54:08 le troisième à 36,5.
00:54:10 Les alevins, encore une fois,
00:54:12 peuvent choisir l'aquarium dans lequel ils se sentent le mieux.
00:54:17 Et puis, il y a un dispositif équivalent
00:54:20 qui est le contrôle,
00:54:22 dans lequel tous les aquariums sont au préférendum thermique,
00:54:26 28 degrés,
00:54:27 qui va permettre de voir si c'est un hasard ou pas
00:54:31 que les animaux passent dans tel aquarium ou dans tel autre,
00:54:35 en comparant ce qui se passe là et ce qui se passe là.
00:54:38 Quand on regarde où vont les alevins
00:54:45 quand ils ont la liberté de se déplacer,
00:54:47 c'est un travail fait avec des analyses d'images
00:54:50 des caméras, etc.,
00:54:52 on s'aperçoit qu'il y a une première période
00:54:56 d'environ cinq jours
00:54:58 où les alevins vont passer majoritairement leur temps
00:55:03 dans le compartiment 3.
00:55:05 Le compartiment 3, c'est celui qui est à 36,5 degrés.
00:55:08 C'est celui qui a très forte température.
00:55:10 Il y a une deuxième période, ici en vert,
00:55:13 où les alevins vont aller dans le compartiment 2 majoritairement,
00:55:17 qui est le compartiment à 32 degrés.
00:55:20 Or, ces deux températures
00:55:21 sont des températures qui masculinisent les alevins thilapiens.
00:55:25 Ce travail montre que le préférendum thermique
00:55:29 d'un petit bébé thilapien,
00:55:31 c'est effectivement pendant ces stades-là,
00:55:33 pas après, après, ça diminue, le préférendum va diminuer,
00:55:38 mais pendant ces stades-là,
00:55:40 ce sont les fortes températures qui attirent les alevins.
00:55:43 Ces fortes températures vont être capables
00:55:46 de masculiniser ces alevins.
00:55:49 Quand on regarde ce que ça induit,
00:55:52 je ne vais pas vous détailler l'expérimentation,
00:55:55 mais, en gros,
00:55:57 toutes les familles qui ont été mises dans ces dispositifs
00:56:01 de préférendum ont été masculinisées
00:56:05 plus ou moins fortement
00:56:07 par ce préférendum thermique.
00:56:10 Ça montre qu'il y a un choix de l'alevin
00:56:14 d'aller dans des zones où les températures sont fortes,
00:56:18 et ces températures fortes sont capables de les masculiniser.
00:56:22 Ça, c'est une autre manière de montrer
00:56:27 qu'effectivement, ces fortes températures
00:56:30 sont bien rencontrées dans le milieu naturel
00:56:32 et qu'il y a bien des déviations.
00:56:34 Au Burkina Faso,
00:56:36 on a capturé un certain nombre de mâles et de femelles
00:56:39 dans un lac,
00:56:41 et on a reproduit ces mâles et ces femelles.
00:56:44 Chaque descendance a été divisée en deux parties.
00:56:47 Une partie a été élevée à une température de 28,
00:56:50 une autre à une forte température.
00:56:52 Vous avez une première famille, une deuxième, une troisième,
00:56:55 quatrième, cinquième, sixième, septième, huitième.
00:56:58 Vous voyez que dans toutes les familles,
00:57:00 quand on augmente la température,
00:57:02 il suffit d'une dizaine de jours, pas plus,
00:57:05 on augmente la proportion de mâles,
00:57:07 parfois extrêmement fortement.
00:57:10 Dix jours de forte température
00:57:12 va multiplier par deux à peu près la proportion de mâles.
00:57:17 Ça montre quoi ?
00:57:18 Ça montre qu'il y a des variations familiales
00:57:20 de thermosensibilité.
00:57:22 Ça montre que dans le milieu naturel,
00:57:25 il y a des familles qui sont sensibles,
00:57:27 mais peu sensibles,
00:57:28 et qu'il y a des familles qui sont très sensibles.
00:57:31 Il y en a une ici qui est encore plus sensible.
00:57:33 Et ça, très rapidement,
00:57:37 c'est une analyse des températures
00:57:39 qui a été faite avec des petits loggers
00:57:43 qui prennent la température toutes les 15 minutes,
00:57:46 toutes les 30 minutes dans le milieu naturel,
00:57:48 et qui montre quoi ?
00:57:50 Qui montre que le nombre de jours
00:57:54 où la température est suffisante
00:58:01 pour inverser le sexe chez le thylapia
00:58:04 existe bien dans le milieu naturel,
00:58:06 et qu'en fait, on a suffisamment de jours chauds
00:58:11 pour que, compte tenu des températures qu'on observe,
00:58:15 on ait bien, en rouge,
00:58:17 les jours où la température est supérieure ou égale à 32,
00:58:21 en bleu, où la température est inférieure à 32,
00:58:24 32 étant le seuil des températures qui masculinisent.
00:58:29 Une étudiante a étudié le comportement
00:58:34 de ces fameux néomales,
00:58:36 c'est-à-dire des individus qui sont génétiquement femelles
00:58:39 et qui ont été masculinisés par la température,
00:58:42 toujours pareil, pour voir si la fitness,
00:58:46 l'attractivité, la capacité de se reproduire
00:58:49 d'un mâle produit par la température
00:58:53 est comparable à un mâle génétique.
00:58:56 Donc, en fait,
00:58:58 je ne vous montre pas toutes les expérimentations,
00:59:01 il y en a eu beaucoup, mais le principe est très simple.
00:59:04 On met une femelle qui est prête à pondre
00:59:06 dans un compartiment central,
00:59:08 on met un mâle classique ici,
00:59:12 on met un néomale de l'autre côté,
00:59:14 on met des séparations.
00:59:16 Dans un premier temps, les individus ne se voient pas.
00:59:20 Dans un deuxième temps, on enlève les séparations,
00:59:23 mais par précaution, on laisse des grilles
00:59:26 pour ne pas que les individus s'agressent.
00:59:29 Et puis, les animaux,
00:59:30 quand on enlève cette première plaque,
00:59:33 peuvent se voir, peuvent se sentir.
00:59:35 Ces individus émettent des phéromones.
00:59:39 Et ensuite, on regarde si la femelle qui est prête à pondre
00:59:43 va se diriger plutôt vers un néomale XX
00:59:47 ou plutôt vers un mâle XY.
00:59:50 Et en fait, le résultat de l'expérimentation,
00:59:53 c'est que les néomales
00:59:55 semblent avoir un pouvoir d'attraction des femelles
00:59:59 tout à fait comparable à celui d'un mâle génétique
01:00:02 et que donc la fitness de ces mâles produits par la température
01:00:07 est tout à fait comparable,
01:00:09 et au moins aussi comparable que celle des mâles génétiques.
01:00:12 Très rapidement, une autre espèce
01:00:16 qui a été analysée dans le milieu naturel, la capucette.
01:00:21 En fait, les collègues qui travaillaient sur cette espèce
01:00:24 se sont rendus compte que quand ils prenaient des pontes
01:00:27 de début de saison, de milieu de saison ou de fin de saison,
01:00:31 le sexe ratio, la proportion de mâles et de femelles
01:00:34 qu'il y avait dans les individus issus de ces pontes
01:00:37 variait au fil de la saison.
01:00:40 Les pontes de début de saison,
01:00:41 il n'y avait pratiquement que des femelles.
01:00:43 Au milieu de saison,
01:00:45 il y avait à peu près quelque chose d'équilibré
01:00:47 entre mâles et femelles.
01:00:49 Fin de saison, il n'y avait quasiment que des mâles.
01:00:52 Donc assez rapidement, il s'est dit,
01:00:54 est-ce que ce n'est pas un effet tout simple de la température ?
01:00:58 Donc il a capturé des œufs dans le milieu naturel,
01:01:00 il a collecté des œufs dans le milieu naturel.
01:01:03 Il a placé une centaine d'œufs à 15 degrés,
01:01:07 une centaine à 16, etc.
01:01:10 Et puis il a regardé le sexe ratio
01:01:12 après un certain temps d'élevage
01:01:17 dans ces différentes températures des différents groupes.
01:01:21 Et vous voyez que plus vous augmentez la température,
01:01:25 plus vous augmentez la proportion de mâles.
01:01:28 Et donc, en fait, c'est chez les poissons,
01:01:31 la première espèce chez laquelle une TSD,
01:01:35 un effet de la température, a été démontré.
01:01:38 C'est une toute petite espèce,
01:01:41 mais extrêmement sensible
01:01:44 et qui a permis beaucoup d'avancer dans ces domaines.
01:01:48 Alors, maintenant, je voulais vous montrer
01:01:51 que je vous ai beaucoup parlé de température,
01:01:53 mais il y a plein d'autres facteurs de l'environnement
01:01:55 qui sont capables de modifier le sexe d'un poisson gonocorique.
01:01:59 Il y a le pH.
01:02:00 Si vous prenez ces deux espèces de poissons
01:02:03 bien connues des aquariophiles,
01:02:05 il y a un cichlidé et un possilidé,
01:02:08 dans les deux cas, quand vous augmentez le pH,
01:02:12 disons, quand vous êtes un pH acide,
01:02:14 vous avez une proportion plutôt élevée de mâles,
01:02:18 dans les deux espèces,
01:02:19 et quand vous allez vers des pH neutres ou basiques,
01:02:25 vous voyez que vous effondrez la proportion de mâles
01:02:28 dans les deux espèces.
01:02:29 Donc, le pH...
01:02:31 Ça tombe bien, parce que ces deux espèces,
01:02:33 dans le milieu naturel,
01:02:34 vivent dans des zones où les pH sont très variables,
01:02:38 et le pH va être capable d'agir
01:02:41 sur le sexe ratio de ces espèces.
01:02:44 Une autre espèce, où c'est non pas la température,
01:02:47 non pas le pH, mais la densité.
01:02:50 Quand vous élevez les individus de manière isolée,
01:02:54 vous avez très peu de femelles.
01:02:55 Et plus vous augmentez la densité,
01:02:57 plus vous allez faire apparaître des femelles
01:03:00 et permettre la reproduction.
01:03:01 Donc, la densité est aussi un facteur
01:03:05 qui peut induire les modifications de sexe ratio.
01:03:10 Alors, des résultats relativement récents
01:03:15 ont montré qu'encore un autre facteur
01:03:19 pouvait intervenir dans certaines espèces,
01:03:21 c'est la photopérione.
01:03:23 En Californie, vous avez cette espèce,
01:03:25 qui s'appelle le grunion.
01:03:27 Je ne rentre pas dans le détail.
01:03:31 Mais elle est assez spectaculaire,
01:03:34 parce qu'elle va profiter des pleines lunes
01:03:39 et donc des très grandes marées
01:03:41 pour venir se reproduire sur la plage.
01:03:44 En fait, c'est une reproduction massive.
01:03:47 Les animaux arrivent avec...
01:03:50 Ils attendent que la mer soit la plus haute possible
01:03:54 et ils profitent des dernières vagues de la grande marée
01:03:57 pour aller sortir de l'eau.
01:04:00 Vous voyez, la mer est ici, la dernière vague est là.
01:04:04 Vous voyez qu'il y a une véritable marée de poissons sur la plage.
01:04:08 Heureusement, le sable est très humide.
01:04:11 Et assez rapidement,
01:04:12 vous voyez que les poissons vont s'enfuir.
01:04:15 S'enfuir, pas fuir.
01:04:18 S'enfuir.
01:04:20 Donc, en fait, on le voit très bien sur ces photos-là.
01:04:23 Et puis sur ce petit schéma.
01:04:24 Ce qui se passe, c'est que les femelles arrivent à creuser un trou,
01:04:28 s'enfoncer dans ce trou-là.
01:04:31 Dans ce trou, elles vont pondre leurs œufs
01:04:33 et les mâles vont véritablement entourer la femelle.
01:04:39 Et en entourant la femelle,
01:04:41 ils vont profiter pour lâcher du sperme dans ce nid.
01:04:47 Le sperme va descendre jusqu'aux œufs, féconder les œufs.
01:04:50 Et à la prochaine nouvelle lune,
01:04:54 les œufs vont éclorer
01:04:56 et vont pouvoir être emmenés par la marée
01:04:59 pour poursuivre leur nouvelle existence.
01:05:04 Ce qui est intéressant, c'est qu'en fait,
01:05:07 cette espèce est à la fois sensible à la température.
01:05:12 C'est-à-dire que quand on change la température,
01:05:17 17, 21, 25 degrés,
01:05:20 vous voyez que vous changez le sexe ratio.
01:05:21 Ici, c'est la proportion de femelles.
01:05:23 Vous voyez, quand vous augmentez la température,
01:05:26 vous diminuez la proportion de femelles.
01:05:29 Il y a deux populations.
01:05:31 Et dans les deux populations, on a le même résultat.
01:05:34 Donc les fortes températures masculinisent.
01:05:37 Si maintenant, on fait varier, non pas la température,
01:05:42 mais...
01:05:44 Si j'arrive à changer de diapo... Voilà.
01:05:47 Mais la photopériode...
01:05:50 Ici, on a deux photopériodes,
01:05:52 12 heures de lumière, 12 heures d'obscurité,
01:05:54 15 heures de lumière, 9 heures d'obscurité.
01:05:58 Vous voyez que là aussi, vous allez changer le sexe ratio.
01:06:02 Vous allez diminuer la proportion de femelles
01:06:05 en changeant la photopériode.
01:06:07 Et c'est vrai pour les deux populations.
01:06:10 Donc là aussi, on a un effet de l'environnement.
01:06:13 Ce n'est pas la température,
01:06:14 ce n'est pas la densité, ce n'est pas le pH,
01:06:17 c'est la photopériode.
01:06:18 Alors attention, je ne dis pas que toutes les espèces
01:06:21 sont toutes sensibles à tous ces facteurs.
01:06:25 Je dis simplement que chaque espèce
01:06:28 peut avoir des sensibilités
01:06:32 à certains types de facteurs de l'environnement
01:06:35 et des sensibilités qui vont conduire à des changements de sexe.
01:06:44 C'est un peu compliqué pour changer de gapeau.
01:06:48 Donc, rapidement, pourquoi changer de sexe ?
01:06:52 Alors en fait, j'ai déjà évoqué un petit peu la question.
01:06:57 Il y a, on va dire principalement,
01:07:01 deux modèles qui ont été proposés.
01:07:04 Un premier modèle, c'est celui de l'avantage relatif de la taille.
01:07:09 En gros, ça veut dire que
01:07:11 on va avoir des individus
01:07:14 qui vont être plus gros comme mâle ou plus gros comme femelle,
01:07:19 ou l'inverse, et qui,
01:07:21 du fait de cette plus grande taille,
01:07:24 vont éventuellement avoir une meilleure fitness,
01:07:27 c'est-à-dire une meilleure efficacité de reproduction.
01:07:31 Donc ça, ça veut dire qu'effectivement,
01:07:34 si un sexe, en ayant une grande taille,
01:07:39 a une meilleure fécondité, une meilleure fertilité,
01:07:43 eh bien, à ce moment-là,
01:07:44 on a intérêt à favoriser un hermaphroditisme
01:07:49 qui va permettre que le sexe,
01:07:54 qui est terminal, on va dire,
01:07:56 soit celui qui produise la meilleure fitness.
01:08:01 Donc en fait, on a vu sur différents exemples
01:08:07 que je vous ai donnés, que c'est le cas, par exemple,
01:08:09 chez la crépidule.
01:08:11 Les femelles sont en bas et sont très grosses,
01:08:13 je vous l'ai expliqué.
01:08:14 Je vous ai pas montré le détail des expérimentations,
01:08:17 mais on montre que ces grosses femelles
01:08:20 ont une fitness beaucoup plus importante
01:08:23 qu'un mâle qui aurait la même taille.
01:08:25 Donc pour l'espèce, il est plus intéressant
01:08:28 de faire des gros individus femelles
01:08:30 plutôt que de faire des individus qui soient mâles
01:08:33 quand ils sont gros.
01:08:34 Donc à ce moment-là, il vaut mieux avoir des hermaphrodites
01:08:38 qui protendent d'abord mâles
01:08:40 pour ensuite devenir femelles,
01:08:43 ce qui permettra ensuite d'avoir des gros individus.
01:08:49 On a vu aussi que c'était le cas chez le lézard.
01:08:54 Chez le lézard, on a vu qu'effectivement,
01:08:56 on avait une meilleure fitness
01:09:00 qui collait bien avec la théorie
01:09:03 de la TSD
01:09:07 chez ce lézard.
01:09:10 On a une deuxième théorie qui consiste à dire
01:09:13 que c'est pas nécessairement toujours la fitness qui est importante,
01:09:18 ça peut être aussi tout simplement la survie.
01:09:20 C'est le cas, par exemple, chez le killifish.
01:09:23 Chez le killifish, je vous ai dit qu'il y avait
01:09:25 des hermaphrodites, des individus hermaphrodites,
01:09:28 des individus mâles.
01:09:30 Or, ces individus, je vous l'ai expliqué aussi,
01:09:32 sont soumis à des brusques changements
01:09:34 de conditions environnementales.
01:09:37 Il y a des changements de salinité extrêmement forts,
01:09:39 puis il y a une déshydratation possible.
01:09:42 Je vous ai montré que certains individus s'en sortent
01:09:45 en allant à l'intérieur des branches ou des racines de mangrove.
01:09:49 On s'est aperçu assez récemment
01:09:52 qu'en fait, les mâles sont beaucoup plus résistants
01:09:56 que les hermaphrodites à ces périodes difficiles.
01:10:01 En fait, les deux théories se rejoignent un petit peu
01:10:04 parce qu'on s'est aperçu que les mâles chez le killifish
01:10:09 avaient une tendance à être plus gros que les hermaphrodites.
01:10:16 En fait, on pense que d'une part,
01:10:18 comme ils n'ont pas à produire des œufs,
01:10:21 les œufs, c'est une production
01:10:24 qui a un coût extrêmement élevé d'un point de vue énergétique,
01:10:30 la production de sperme est beaucoup moins coûteuse.
01:10:33 Eh bien, les mâles ne produisent que du sperme,
01:10:37 donc ils dépensent très peu d'énergie pour leur reproduction,
01:10:40 contrairement aux hermaphrodites qui vont produire des œufs
01:10:44 et qui, en plus, sont plus petits.
01:10:47 En fait, quand on fait des analyses
01:10:50 de la capacité à résister à ces changements
01:10:54 drastiques d'environnement,
01:10:56 on s'aperçoit que les mâles sont beaucoup plus résistants
01:10:58 que les hermaphrodites.
01:10:59 Et donc, c'est intéressant d'avoir ces deux types d'individus
01:11:03 qui se complètent,
01:11:04 ceux-là qui permettent d'assurer en permanence,
01:11:07 quoi qu'il arrive, des reproductions,
01:11:09 puisque l'individu est capable d'auto-fécondation,
01:11:12 et ceux-là qui vont être capables d'une meilleure survie
01:11:15 et qui vont, de temps en temps,
01:11:17 féconder des œufs issus des hermaphrodites.
01:11:20 Donc, en conclusion,
01:11:24 je voulais vous montrer qu'en fait,
01:11:25 il y a un certain nombre de facteurs
01:11:28 qui ont été identifiés comme capables d'inverser le sexe
01:11:31 chez des gonocoriques
01:11:33 ou capables de provoquer les changements de sexe
01:11:36 chez les hermaphrodites.
01:11:38 La question que beaucoup de personnes se posent en ce moment,
01:11:41 c'est que, soit les températures,
01:11:44 que ce soit le pH, la photopériole, les facteurs sociaux,
01:11:48 est-ce que tous ces changements de facteurs,
01:11:50 ce n'est pas tout simplement des effets stress ?
01:11:54 C'est-à-dire, quand vous montez la température,
01:11:56 quand vous diminuez la température,
01:11:58 quand vous enlevez, nous, expérimentateurs,
01:12:02 ou simplement un prédateur,
01:12:04 enlève le mâle dominant ou la femelle dominant dans un harem,
01:12:08 il est clair que ça constitue un stress.
01:12:11 Donc, dans les deux cas de figure,
01:12:12 l'inversion de sexe ou le changement de sexe,
01:12:15 la grosse question qui se pose actuellement,
01:12:18 c'est est-ce que c'est vraiment ces facteurs
01:12:20 qui sont responsables de ces changements
01:12:23 ou est-ce que c'est le stress,
01:12:25 enfin, ces facteurs induisent un stress,
01:12:28 lequel stress va agir sur les pilotes
01:12:33 des deux fameuses cascades dont je vous ai parlé tout à l'heure.
01:12:38 Ensuite, le point extrêmement important,
01:12:43 et là, on revient à ce qui a été dit au début de l'exposé,
01:12:47 c'est-à-dire qu'on a longtemps considéré
01:12:49 que le destin sexuel d'un individu
01:12:52 était un processus irréversible.
01:12:55 En gros, au moment de la fécondation
01:12:57 ou au moment d'un déterminisme environnemental,
01:13:01 on a un sexe qui s'établit
01:13:02 et après, il n'y a plus aucun changement
01:13:05 tout au long de la vie.
01:13:07 Je vous ai montré un certain nombre d'exemples
01:13:09 qui montrent que ce soit chez les hermaphrodites
01:13:13 ou chez les gonocoriques,
01:13:14 eh bien, on est dans un processus qui est dynamique.
01:13:18 Je vous l'ai dit tout au début, en fait,
01:13:22 quand on devient mâle, quand on devient femelle,
01:13:26 c'est parce qu'une des deux voies
01:13:29 qui peut mener à l'ovaire ou au testicule
01:13:34 a gagné sur l'autre.
01:13:36 Il y a un certain nombre de facteurs
01:13:37 chromosomiques ou environnementaux
01:13:39 qui peuvent pousser dans un sens ou dans l'autre,
01:13:42 mais je vous ai montré aussi qu'effectivement,
01:13:46 c'est une lutte, je vous l'ai dit,
01:13:48 c'est une lutte qui ne s'arrête pas
01:13:50 au moment de la différenciation du sexe.
01:13:55 C'est quelque chose qui est permanent
01:13:56 pendant quasiment toute la vie d'un individu.
01:13:59 Donc, en fait, non seulement il faut,
01:14:03 pour aller dans un sens,
01:14:06 arriver à ce que des facteurs chromosomiques
01:14:09 ou environnementaux poussent dans un sens,
01:14:12 mais ensuite, il faut que les conditions de vie
01:14:16 de l'individu supportent
01:14:20 tous les stress environnementaux, notamment,
01:14:24 pour arriver à conserver pendant le restant de leur vie ce sexe,
01:14:29 faute de quoi il y a effectivement,
01:14:31 de manière extrêmement courante,
01:14:33 des changements de sexe qui interviennent
01:14:36 au cours de la vie.
01:14:38 Et pour terminer, je voulais remercier
01:14:40 les photographes sous-marins
01:14:43 qui m'ont gentiment permis d'utiliser leurs photos
01:14:46 et qui ont permis de rendre, j'espère,
01:14:49 cette présentation intéressante.
01:14:52 Je vous remercie.
01:14:53 (Applaudissements)
01:14:54 (Applaudissements)

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