Drogues, sida, prison, religion... Laurent Gay, ancien toxicomane, est venu nous raconter son parcours incroyable, et nous partage un message fort sur la vie et l'espérance
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00:00 et ma copine a débarqué avec tous ses rêves.
00:02 Ça a été compliqué, parce qu'elle a vu que je me défonçais non-stop.
00:05 Elle m'a fait choisir entre elle et la drogue.
00:07 C'est un choix, malheureusement, que j'ai pas pu faire.
00:08 J'étais un enfant un peu introverti, mal dans mes baskets.
00:11 J'ai subi des choses un peu compliquées quand j'étais petit, via l'école.
00:16 J'ai commencé à m'exprimer par la violence.
00:18 J'ai appartenu à une bande, c'était des petits caïds du coin.
00:21 J'ai commencé à faire le con avec eux.
00:23 J'étais pas un scolaire, pas du tout.
00:25 Le shit m'a un peu retourné la tête.
00:28 J'ai commencé à fumer assez vite, assez rapidement, assez jeune.
00:31 Et mes parents, ils savaient plus trop bien quoi faire.
00:33 J'ai très vite vrillé en étant déscolarisé.
00:35 14 ans, première expérience de la drogue dure,
00:38 c'est-à-dire de l'héroïne en injection.
00:40 Donc ma première cure de désintox,
00:42 je commençais vraiment à faire le con avec des problématiques de justice.
00:46 Donc je me suis retrouvé au vert, j'ai été décroché.
00:48 Je suis parti loin, je suis parti dans l'avéron,
00:49 je suis resté à peu près un an et demi, même un peu plus.
00:53 J'allais mieux.
00:53 J'ai même rencontré une jeune fille, on est tombés amoureux.
00:56 Donc c'est là que l'histoire commence à être bien.
00:58 Je suis revenu sur Paris avec plein de projets, plein de rêves.
01:01 On n'a pas pu aboutir puisque je n'avais pas de diplôme.
01:03 J'étais pas mal humilié dans les recherches d'emploi.
01:05 J'avais l'impression que le travail, ce n'était pas fait pour moi.
01:08 J'ai commencé les trafics.
01:09 Le fait de remettre le nez là-dedans, j'ai repris mes grappes.
01:12 Là, j'ai trouvé un appart et tous mes potes qui squattaient.
01:14 Enfin, c'était un peu le bordel.
01:15 Et ma copine a débarqué avec tous ses rêves.
01:18 Ça a été compliqué parce qu'elle a vu que je me défonçais non-stop.
01:21 Elle m'a fait choisir entre elle et la drogue.
01:23 C'est un choix, malheureusement, que je n'ai pas pu faire.
01:24 Le fait qu'on se retrouve tous dans le même mood,
01:27 c'était un peu compliqué pour elle.
01:28 Elle a commencé à prendre des rots par le nez.
01:31 On s'est retrouvés tous les deux des gros chunks.
01:33 On s'est retrouvés dans la rue à Paris, enfin, dans des squads parisiens.
01:36 Voilà, on a essayé de décrocher.
01:37 Donc j'ai compensé pas mal par le shit,
01:39 j'ai compensé pas mal par l'alcool aussi.
01:41 Et puis, petit à petit, on a commencé à aller mieux,
01:43 à aller tomber enceinte, sauf qu'on n'a jamais su le sexe de l'enfant
01:46 parce qu'on lui a annoncé qu'elle avait le sida.
01:48 Pas de traitement contre le sida, on lui a juste dit
01:50 qu'il fallait faire une interruption de grossesse.
01:52 Le jour où l'enfant est mort, on est mort mentalement avec cet enfant.
01:54 Donc pour nous, c'était terminé.
01:56 La seule chose qu'on ne pouvait pas nous voler,
01:57 c'était de choisir comment on allait en finir.
01:59 J'ai pris pas mal de prods,
02:01 comme des tentatives de suicide, mais par overdose,
02:03 et les pompiers m'ont ramené à la vie.
02:04 Cette période, je me suis retrouvé en prison.
02:06 Sale affaire, puisque j'étais défendant de mes potes sur un trafic.
02:09 J'ai été accusé d'homicide volontaire,
02:11 surtout dans la maison d'Ariane Afrene.
02:13 Dans cette prison, on m'a appris que j'avais le sida.
02:15 Là aussi, dans ma tête, j'ai vrillé,
02:16 j'ai laissé mes pensées être envahies de pensées de mort,
02:18 donc je me suis fabriqué une lame.
02:19 J'avais pas peur de mourir, j'avais juste peur de me retrouver en enfer.
02:22 C'est un peu chelou, surtout moi, j'étais pas trop croyant.
02:25 Je me suis adressé à Dieu, si jamais.
02:27 Et donc, je sais pas pourquoi, je me suis mis à pleurer.
02:29 J'avais une lame dans les mains.
02:30 Plus je pleurais, plus je ressentais quelque chose au-dedans de moi.
02:33 Et en fait, ce que j'ai vu, c'était comme un visage.
02:36 J'ai commencé à croire qu'il y avait peut-être quelqu'un en-dessus.
02:38 À partir de ce moment-là, il y a eu comme un déclic.
02:40 Et puis, si on croit au miracle, moi, je crois au miracle.
02:43 La justice, elle a reconnu une légitime défense.
02:45 J'ai été libéré avec un non-lieu.
02:47 Donc, je me suis ressorti au bout des doigts.
02:49 Le problème, c'est que tout s'est pas arrangé comme ça.
02:52 C'est-à-dire que ma compagne était grave malade
02:54 parce qu'elle a pas arrêté la cam' quoi.
02:55 Et pas pu résister à la tentation, c'était trop fort.
02:59 J'ai continué à reprendre de la cam'.
03:00 Mais je faisais plus le mal que je faisais avant.
03:02 J'étais paumé, en fait.
03:03 Je rentrais dans les églises, j'essayais de chercher quelque chose.
03:07 Je me matchais devant celui qui m'avait sauvé en prison.
03:09 J'ai cru qu'il m'avait trahi, en fait.
03:11 J'ai pété un câble.
03:12 On m'a enfermé dans un autre lieu, un truc un peu chelou.
03:14 On appelle ça un hôpital psychiatrique, mais en milieu fermé.
03:17 Donc là, j'avais une chambre pour moi tout seul.
03:19 C'était beaucoup plus propre que Fred.
03:20 Il y avait un concept que je n'avais jamais repéré.
03:22 C'était des chambres avec des matelas au mur.
03:25 Et eux me disaient, c'est pour pas vous faire du mal.
03:27 Donc, j'étais attaché, les mains, les pieds.
03:28 Et puis, voilà, j'avais juste envie de me détacher.
03:31 Et ils m'ont détaché, ils m'ont mis ce qu'on appelle la camisole chimique,
03:33 c'est-à-dire injection de micro-produits.
03:35 Et là, le sida s'est déclaré, c'est-à-dire une maladie opportuniste.
03:39 J'avais le foie qui était complètement fibrosé, j'étais tout jaune.
03:42 Donc, je suis sorti de cet hôpital d'urgence pour aller être hospitalisé.
03:46 Je me suis retrouvé à l'hôpital Bichat à Paris.
03:48 Et donc, dans cet hôpital, je n'avais pas le droit de visite.
03:51 C'était un deal qu'on avait fait avec le médecin, parce que je déconnais.
03:54 Et la seule visite que j'avais, c'était les soignants
03:56 et puis les gens qui venaient visiter des bénévoles.
03:59 Et là, il y a un homme qui est venu, et cet homme-là, il a transformé ma vie.
04:03 C'est la première fois qu'on me donnait des paroles de vie.
04:05 Je lui ai dit ce que j'avais vécu en prison, je croyais que j'étais fou.
04:08 Il m'a rassuré, en fait.
04:09 Et cet homme-là, il m'a conduit dans une communauté religieuse
04:12 qui accueillait des malades, malades en fin de vie,
04:15 ce qu'on appelle des soins palliatifs.
04:16 J'y ai passé neuf ans, ça a été le temps de restauration intégrale.
04:20 Donc, la première année, j'ai guéri de toutes formes de dépendance.
04:24 On m'a appris la prière, je priais pour ma compagne.
04:26 Donc, les médecins m'ont appelé et m'ont dit "Florence, elle est en train de mourir".
04:29 Donc, j'ai été la voir.
04:30 J'ai passé deux jours de nuit à côté d'elle.
04:32 La seule chose que j'ai pu lui transmettre jusqu'à son dernier souffle,
04:34 c'est la paix dans son cœur.
04:35 J'ai promis que je ne prendrais plus de temps avec lui.
04:38 Puis, je suis reparti dans cette communauté.
04:40 J'ai trouvé un sens, j'ai adhéré à ce que je vivais.
04:42 Ça m'apportait beaucoup de paix, beaucoup de joie, beaucoup de sérénité.
04:45 Et on a trouvé des traitements en contrôle synapse.
04:47 J'ai fait partie de cette vague qui a eu la possibilité d'être traité.
04:51 Les médecins m'ont parlé d'espérance.
04:53 À partir du moment où les médecins ont commencé à me dire
04:56 que je pouvais envisager d'avoir une vie, pour moi, c'était terminé.
04:59 La drogue, c'était terminé.
05:00 J'ai décidé de faire quelque chose de ma vie.
05:02 J'ai eu la chance de partir en humanitaire.
05:04 Je suis parti au Pérou, je suis parti dans les bidonvilles.
05:06 Et je pense que ça a été, pour moi, l'appel à la vocation du monde de l'éducation.
05:11 Éduquer, c'est permettre à l'autre qu'il grandisse, qu'il progresse
05:14 et puis qu'il puisse découvrir qu'il a quelque chose de grand.
05:16 En tant qu'éducateur, je ne briserai aucun rêve des jeunes que j'ai en face de moi.
05:20 Bien au contraire, je leur permets de donner un sens pour pouvoir leur voir des rêves.
05:23 Pas de rêver leur vie, mais de vivre leurs rêves.
05:25 Voilà, j'ai écrit mon premier livre, un livre témoignage, "Arraché à l'enfer".
05:29 Et puis aujourd'hui, je suis auteur, je suis conférencier.
05:32 J'essaie de rendre ce qu'on m'a donné, en tous les cas.
05:35 C'est ce qui fait aujourd'hui ce que je suis
05:37 et ce qui me permet de donner un sens à ce que je vis.