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Ancienne membre de l’équipe de France d’athlétisme, Emma Oudiou a arrêté sa carrière suite aux violences qu’elle a subies dans le milieu. Elle témoigne.

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Transcription
00:00 J'ai toujours rêvé de participer aux Jeux Olympiques de Paris 2024,
00:03 mais j'ai décidé de tout arrêter juste avant
00:06 parce que le milieu du sport de haut niveau est un milieu beaucoup trop violent.
00:09 J'ai fait de l'athlétisme de haut niveau pendant 10 ans.
00:12 J'ai fait 10 sélections en équipe de France.
00:14 J'ai décidé d'arrêter 10 ans après, donc à 25 ans.
00:18 Très tôt, la souffrance s'est normalisée,
00:21 voire banalisée, voire même recherchée et valorisée.
00:25 J'avais un entraîneur qui me disait quand je loupais une compétition
00:28 que c'était parce que j'étais trop faible mentalement.
00:31 Et je le croyais, je me remettais beaucoup en question.
00:34 C'était jamais suffisant.
00:35 Il fallait toujours aller plus loin.
00:36 À la fin de ma carrière à une compétition,
00:38 j'étais blessée au tibia depuis plusieurs mois
00:41 et j'étais au bord de la fracture de fatigue.
00:43 Et mon entraîneur m'a demandé coûte que coûte de continuer,
00:46 alors que très clairement, le staff médical me disait
00:49 qu'il fallait que j'arrête pour mon intégrité physique.
00:52 Et en fait, on a continué, continué jusqu'à ce que je me fasse très mal.
00:55 C'est plein de petites choses comme ça qui créent un contexte de violence
00:59 auquel on s'habitue et duquel il est très difficile de sortir.
01:03 J'étais dans une discipline dans laquelle le poids,
01:06 le rapport poids-puissance a beaucoup d'importance.
01:09 On m'a demandé de manière répétée de perdre du poids
01:12 pour pouvoir être performante.
01:15 Ça a créé en tout cas chez moi des troubles du comportement alimentaire.
01:18 Je me suis mise à m'alimenter de moins en moins.
01:21 Je suis arrivée à un poids par lequel je n'avais plus mes règles.
01:26 J'étais extrêmement maigre.
01:28 Je me blessais très facilement.
01:31 Et mon entraîneur, quand je lui ai dit que j'avais plus mes cycles,
01:34 qui m'a dit "Mais Emma, c'est normal en fait.
01:36 Tu crois que tes concurrentes sur la ligne de départ au championnat du monde,
01:40 tu crois qu'elles, elles ont leurs règles.
01:41 Non, personne n'a ses règles. C'est normal.
01:43 Certains vont croire que je suis un peu radicale,
01:45 mais pour moi, ça devrait être complètement interdit
01:47 pour un entraîneur de faire ce genre de remarques
01:49 parce que ce n'est pas son métier.
01:50 C'est peut-être le travail d'une nutritionniste, d'une diététicienne,
01:53 d'un médecin et encore, mais pour moi, ça ne devrait pas exister.
01:57 Moi, j'ai été sportive de haut niveau, donc on considère que c'est normal,
02:00 mais je veux dire, ce genre de remarques se fait aussi dans le sport loisir
02:05 et ça a créé vraiment des dérives chez beaucoup d'athlètes.
02:08 J'ai l'impression d'être complètement dépossédée de mon corps à ce moment-là
02:13 et que mon corps est un outil de travail et un outil de performance
02:18 et qu'il ne sert qu'à ça.
02:19 Que mon identité n'est résumée qu'à mon identité de sportive
02:23 et donc, si je ne performe pas, si je ne performe plus,
02:26 si je suis blessée, je n'existe plus
02:30 parce que tout doit aller dans le sens de la performance.
02:35 Je pense que le sport est un terreau très fertile pour les violences sexuelles
02:39 et par rapport aux violences que j'ai vécues en 2014,
02:43 dès que je suis rentrée en équipe de France,
02:44 on m'a tout de suite mise en garde par rapport à cet entraîneur
02:47 en me disant qu'il peut être un peu tactile,
02:50 il peut être un peu dragueur, il peut être un peu lourd.
02:52 En 2014, cet entraîneur a profité d'un moment
02:57 pendant lequel j'étais particulièrement vulnérable
03:00 parce que c'était pendant l'échauffement juste avant ma première finale mondiale.
03:04 Et en fait, il profite de ce moment-là pour être de plus en plus tactile
03:08 et tactile à des endroits comme le cou, comme les hanches
03:12 et après comme les fesses.
03:15 Et donc, il en a profité pour m'agresser sexuellement.
03:19 À l'époque, je n'aurais jamais mis les termes d'agression sexuelle
03:22 parce que pour moi, en 2014, des agressions sexuelles,
03:25 c'était forcément beaucoup plus grave que ça
03:27 et donc, c'est qu'en 2018 que je décide de porter plainte.
03:29 Malheureusement, la plainte a été classée sans suite en 2020.
03:33 Ça a été très médiatisé et donc, j'ai décidé d'en parler sur les réseaux sociaux.
03:37 Et en fait, c'est à partir de là que j'ai vraiment commencé à me rendre compte
03:40 de l'ampleur des violences dans le milieu du sport.
03:44 Beaucoup d'athlètes qui sont venus me parler
03:46 et je pense que depuis toutes ces années,
03:48 ça se compte en plusieurs centaines des témoignages de femmes
03:52 dans le milieu de l'athlée ou dans le milieu plus généralement du sport
03:55 qui ont vécu des violences d'ordre sexuel.
03:58 Arrêter le haut niveau, ça a été une décision qui est très difficile
04:00 parce que pendant 10 ans, toute notre identité repose sur le fait
04:05 d'être sportive de haut niveau.
04:06 C'est très dur en fait, c'est toute notre identité qui s'effondre
04:10 mais c'était la meilleure décision à prendre.
04:12 C'est vrai qu'on m'a dit "oui mais Emma, si t'es pas allée suffisamment loin,
04:16 c'est parce que t'étais pas assez forte ou machin".
04:19 Peut-être que j'étais pas assez forte.
04:20 Si ne pas être assez forte, ça veut dire ne rien remettre en question,
04:24 ne pas avoir de regard critique, suivre à tout prix et ne jamais se plaindre.
04:29 Bah oui, ok, d'accord, dans ce cas-là, j'étais pas suffisamment forte.
04:32 Alors quand je vois d'autres athlètes maintenant à la télé
04:35 ou des athlètes qui performent,
04:37 j'imagine qu'il y a des sportifs quand même qui le vivent bien
04:41 et qui s'épanouissent quand même dans ce milieu-là.
04:43 En tout cas, c'est ce que j'espère.
04:45 Mais je vois maintenant ce milieu tellement d'un point de vue des violences
04:50 que c'est très difficile pour moi de voir encore le côté positif
04:54 du point de vue du sport-performance.
04:55 Je veux continuer à faire de l'athlétisme amateur pour kiffer,
05:01 pas le truc de la performance à tout prix.
05:04 C'est tout à fait possible en fait de s'extraire de tout ça
05:07 et de ne plus être dans cette position de victime
05:10 et bien au contraire dans cette position d'actrice
05:13 et de se faire passer soit en premier et pas la performance.
05:17 [Générique]

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