Politiques, à table ! - Olivier Roellinger

  • l’année dernière
Un déjeuner partagé avec Olivier Roellinger, ancien chef étoilé, pour parler des épices et de la viande cellulaire.

Loin des codes classiques de l´interview, LCP a concocté un nouveau programme aux petits oignons pour croquer la politique autrement.
Avec la complicité de Jean-Pierre Montanay, Brigitte Boucher mettra son grain de sel dans cette cuisine pour passer le politique sur le gril.
« Cuisine et Confidences »... Quel rapport l´invité politique entretient-il avec la
gastronomie ? Sa gourmandise, ses talents ? Les orientations culinaires de ce boulimique de la politique ? Mais aussi « Les pieds dans le plat »... pour aborder les sujets d´actualité.
Et enfin « La face cachée de nos assiettes »... ou comment le contenu de nos assiettes en dit long sur notre société face à ses nouveaux enjeux.

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Transcript
00:00 Générique
00:02 ...
00:16 -Bonjour à tous et bienvenue dans "Politique à table" sur LCP,
00:20 l'émission où on parle cuisine, alimentation, agriculture,
00:23 écologie et un peu politique.
00:25 Cette semaine, un invité exceptionnel,
00:27 Olivier Rolinger.
00:29 Bonjour. -Bonjour.
00:30 -Merci d'avoir accepté notre invitation
00:32 et avec moi pour présenter cette émission, Jean-Pierre Montanay.
00:36 -Bonjour, Brigitte. Bonjour, Olivier Rolinger.
00:39 -Vous êtes chef cuisinier,
00:40 vous avez été auréolé de trois étoiles,
00:43 distinction rare des toqués pour votre restaurant,
00:46 Le Bricourt, à Cancale, en Bretagne.
00:48 Pourtant, rien ne vous prédestinait à vous mettre au fourneau
00:51 à part un appétit forcené pour la vie
00:54 après un accident terrible
00:55 qui vous laisse plusieurs semaines dans le coma.
00:58 En 2008, coup de théâtre,
01:00 vous déclarez forfait,
01:01 estimant que vous n'avez plus la condition nécessaire.
01:04 Vous rendez vos étoiles, mais pas les armes,
01:07 une reconversion professionnelle à seulement 53 ans,
01:10 alors que la retraite était encore, à l'époque, à 62 ans.
01:13 Vous assouvissez alors une passion, le commerce des épices,
01:17 après avoir construit votre renommée
01:19 sur le Saint-Pierre-Retour-des-Indes,
01:21 soulignant le trait d'union entre Saint-Malo
01:24 et l'ancienne colonie britannique.
01:26 Pour ce déjeuner, on met le pied à terre
01:28 avec des produits de saison.
01:30 -Et pas d'épices.
01:31 Asperges blanches mousselines aux cerfeuilles
01:34 et en dessert, une tarte à la rhubarbe.
01:36 -Dans le dessous des plats, le secret des épices rollinger,
01:40 un mélange savamment orchestré entre pères et filles.
01:43 Ils nous ont ouvert leur laboratoire secret.
01:46 -Dans les pieds, la viande de labo
01:48 qui débarque dans les boucheries et les restaurants de Singapour
01:51 avec du poulet fabriqué avec des cellules souches.
01:54 -Pour l'été, on se régalait d'avance.
01:56 -Allez, on passe à table.
01:58 Tout de suite, cuisine et confidence.
02:00 -Si je voulais vous taquiner, Olivier Rolinger,
02:08 votre passage à l'association Relais et Châteaux en 2009
02:11 a laissé chez vous des traces,
02:13 puisque vous ne jurez plus que par cette asperge blanche,
02:16 raffinée, naguère, adorée à la cour
02:20 et considérée comme un légume royal.
02:22 Non, plus sérieusement, je dirais,
02:24 et n'y voyez aucune ironie, que vous lui ressemblez à cette asperge.
02:28 Comme elle, vous préférez, en dépit de votre CV long
02:31 comme un jour sans huître, l'ombre à la lumière,
02:34 la discrétion au buzz.
02:36 Comme elle, vous aimez avoir les pieds dans le sable,
02:38 vous, le breton, plus attiré par la côte que par la mer.
02:42 La preuve avec vos maisons gourmandes
02:44 sur la falaise de Cancale.
02:45 Lorsqu'on évoque votre passion pour les épices,
02:48 vous n'incarnez pas le navigateur intrépide,
02:51 mais plutôt ce génial compositeur, né et palais,
02:54 capable de créer ces mélanges inédits,
02:56 comme votre poudre de Neptune,
02:58 savant mélange d'aneth, de fenouil, de badiane, d'algues et de sésame,
03:02 qui sublime les aliments, comme cette asperge blanche.
03:05 Mais vous avez exigé une mousseline aux cerfeuilles,
03:08 plus classique, par modestie,
03:10 pour ne pas vous mettre en avant avec vos épices.
03:12 -Je me dépasse toujours avec mon poivre à la mode de Paris.
03:16 -Ah, donc vous allez assaisonner votre plat ?
03:18 -Je assaisonne toujours mon plat.
03:20 Je voulais apporter ce mélange,
03:22 parce que j'avais créé, après les événements des attentats,
03:26 à Paris, et je voulais rendre hommage au goût,
03:28 au palais des Parisiennes et des Parisiens,
03:31 et associer tous les poivres qui ont été à la mode
03:34 du XVIIIe siècle à aujourd'hui, dans une mignonnette.
03:37 Bien souvent, lorsqu'on est nomade parisien,
03:39 on travaille tout le temps à l'extérieur
03:42 et on déjeune toujours à l'extérieur,
03:44 parfois, on a une espèce de poussière de poivre sur sa table.
03:47 C'est intéressant. Et toujours le moulin à poivre.
03:50 Vous avez votre mignonnette,
03:52 vous mettez votre petite mignonnette de poivre.
03:54 -Je prends, parce que j'adore le poivre.
03:57 -Vous vous promenez toujours avec. -Oui, et beaucoup de gens
04:00 se promènent avec, justement, parce que je considérais
04:03 que c'était... Ah oui, il fallait...
04:05 -Il y a beaucoup de poivre, là. -Ah non, mais moi, j'adore.
04:09 -Il y a à la fois du poivre timide, du poivre compote,
04:12 et différents mélanges qui ont fait...
04:14 -Rigitte ? -Qui, à un moment donné,
04:16 a été totalement prisé par les Parisiennes et les Parisiens.
04:19 Je trouve que c'était rendre hommage,
04:22 un petit peu, comme chacun d'entre nous,
04:24 j'étais évidemment bouleversé par ce moment tragique
04:28 et j'ai voulu penser,
04:30 c'est quoi le goût des Parisiennes et des Parisiens
04:33 à travers le poivre, comment ils assaisonnent leurs plats
04:36 et comment on leur rend la vie facile, ces nomades urbains.
04:40 -Le poivre, on en met partout ?
04:41 -Le poivre, c'est probablement une des seules épices
04:45 qu'on peut utiliser seul et qu'on peut mettre quasiment partout.
04:48 -Vous êtes la seule personne qui vient,
04:50 on vous parle des asperges et vous nous parlez épices.
04:53 -Je parlais des asperges et du cerfeuil.
04:56 Pourquoi ? Parce qu'aujourd'hui, le printemps explose,
05:00 c'est sur les bourgeons, c'est la vie qui sort de la terre,
05:03 et l'asperge, elle est très symbolique, elle est là.
05:07 C'est le vivant qui apparaît et c'est presque magique.
05:10 Les enfants, aujourd'hui, c'est pour ça que je prône
05:13 la production du goût à l'école, on leur apprend à écrire,
05:16 à lire, à compter, on devrait leur apprendre à se nourrir.
05:20 Il n'y a pas un jeu plus merveilleux que de regarder,
05:23 d'observer la nature et ce cycle du vivant.
05:25 Le cerfeuil, c'est ses herbes plutôt d'hiver,
05:28 mais c'est juste la fin, dès qu'il va y avoir les chaleurs,
05:31 ça va être fini. C'est juste un moment de transition.
05:34 Une mousseline, il y a toujours un oeuf,
05:37 et l'oeuf, c'est le printemps, c'est la vie.
05:39 -Goutez-les pour nous dire s'elles sont bonnes.
05:42 -Je sais qui vous prépare ces choses-là.
05:44 Je suis désolé, mais moi, les asperges,
05:47 je les mange avec les doigts.
05:49 -Ah ! Vous avez raison.
05:52 -C'est toujours...
05:54 -Alors, qu'est-ce que vous en pensez ?
05:56 -D'abord, par nature, je préfère les asperges blanches,
06:00 leur côté charnu, leur...
06:03 Leur très jolie longueur en bouche,
06:05 chose que je les trouve plus goûtées.
06:07 -Plus que les vertes ? -Oui, et avec cette pointe
06:10 d'amertume, et j'aime toujours l'amertume dans les plats,
06:13 c'est la saveur intelligente, et l'associer justement
06:17 à cette douceur, cette rondeur de la mousseline,
06:19 avec cette saveur légèrement anisée du cerfeuil,
06:22 elles sont délicieuses. -C'est bon.
06:25 J'ai une petite interrogation sur la mousseline.
06:27 Vous la faites comme ça ?
06:29 -C'est une interprétation, mais elle est très bien.
06:32 -Jean-Pierre, trois choses à savoir.
06:34 -Olivier Roland-Gillet est un collab sur les asperges.
06:38 L'asperge blanche fait partie de la même famille que les vertes,
06:41 mais elle doit sa pâleur au fait qu'elle pousse sous terre
06:44 et qu'elle est protégée de la lumière du jour.
06:47 Elle préfère les sols légers et sablonneux.
06:50 -En particulier à Cheruet, dans la baie du Mont-Saint-Michel.
06:53 -Avant de les consommer, il faut bien les éplucher
06:56 avec un couteau économe, en partant de la tête,
06:59 en allant jusqu'à la queue et en forçant un peu,
07:02 car c'est à la base qu'elle est plus dure et plus rèche.
07:05 On peut faire Olivier Roland-Gillet,
07:07 car ça peut parfumer quelque chose.
07:09 Enfin, la cuisson des asperges, c'est 20 minutes dans l'eau,
07:13 mais on peut aussi les faire cuire pour garder plus de saveur
07:17 à la vapeur, même en papillote, dans un papier parchemin.
07:20 Là, c'est plus long, on les fait cuire 30 minutes au four
07:23 et on peut les servir avec une bousseline,
07:26 une sauce hollandaise, une vinaigrette,
07:28 ou avec un peu de poivre en nature.
07:30 -Vous les faites cuire comment ?
07:32 -Moi, je les cuis toujours à l'eau.
07:35 -Vapeur ou dans l'eau ?
07:36 -Non, je les cuis dans très peu d'eau, légèrement salée,
07:40 et je réutilise un peu de cette eau pour monter ma mousseline.
07:43 -Ah oui ? -C'est très bon.
07:46 Mais je vous écoute parler,
07:48 vous êtes un merveilleux cuisinier, vous, à la maison.
07:51 -Excellent cuisinier. -Du dimanche.
07:53 -Non, mais...
07:55 J'aime m'entendre parler de cuisine.
07:57 -J'aime en parler.
07:58 Donc, Léo, avec Brigitte, on ne parle que de ça.
08:01 -On en parle beaucoup.
08:03 -C'est un plat qu'on pouvait trouver à la carte, chez vous ?
08:07 -Oui, alors, effectivement,
08:08 je l'associais à quelques épices comme ces poivres,
08:11 ces différents poivres,
08:13 mais c'est un plat qu'on pourrait retrouver,
08:16 en particulier dans le bistrot de Cancal,
08:18 qu'on a ouvert... -Le coquillage ?
08:20 -Non, c'est le bistrot de Cancal,
08:22 qu'on a ouvert sur la plage de Portmer,
08:24 alors que le coquillage, aujourd'hui,
08:27 c'est mon fils qui mène la danse,
08:29 qui a obtenu, à l'âge de 30 ans, déjà sa deuxième étoile,
08:32 et qui... -Pas de son père.
08:34 -Pas de son père, qui a été cuisinier de l'année en 2022.
08:37 C'est un garçon qui écrit une cuisine
08:40 qui est totalement différente de la mienne,
08:42 et qui est à la fois une cuisine très engagée,
08:46 une forme de radicalité,
08:49 mais bourrée de poésie,
08:51 et bourrée de délicatesse.
08:53 J'en parle quand on parle de la cuisine de son fils.
08:56 -En l'amour du père. -Oui, il y a ces choses-là.
08:59 On raconte la même histoire,
09:01 on a les mêmes crayons de couleurs. -On fait pas le même dessin.
09:04 -On fait pas le même dessin.
09:06 C'est le sortilège de l'abbé du Mont-Saint-Michel,
09:09 les croyances de l'arrière-pays celtique,
09:12 et le marche-pied de l'aventure, l'horizon,
09:14 c'est d'abord la mer, la terre, et lui, il a ce goût marin,
09:18 il a mis de côté, non pas parce qu'il est végétarien,
09:21 mais il a pas envie de travailler des viandes,
09:23 il a des poissons, des coquillages, des crustacés,
09:26 il a les algues... -Votre cuisine,
09:28 vous la définiriez comment ?
09:30 -C'est une cuisine marine potagère au parfum d'épices,
09:33 alors que lui, c'est une cuisine potagère.
09:37 -Vous disiez que vous aviez inventé la cuisine métissée.
09:40 -Oui, oui, j'en ai tout à fait,
09:42 parce que j'ai rappelé simplement
09:46 aux Françaises et aux Français
09:48 que lorsqu'on lit une recette de cuisine française,
09:51 le premier chapitre,
09:53 ce sont les ingrédients, un grand chapitre,
09:55 parce qu'il y a une multitude d'ingrédients,
09:58 il y a des cocagnes, en France,
10:00 ensuite, des techniques incroyables,
10:02 la technique comment faire...
10:04 Le titre du chapitre, assaisonnement,
10:06 sel, poivre, une maigreur sans nom,
10:08 alors que la nature nous a donné tellement de choses
10:11 pour simplement donner du goût au plat,
10:14 et évidemment, en faisant des mélanges.
10:17 L'idée, c'est de faire un mélange
10:20 pour, non pas pour faire un garam masala ou un colombo,
10:25 mais pour faire un mélange avec un goût de breton,
10:28 un goût français, et donc comment associer
10:30 avec une asperge. On rentre dans le monde du parfumeur.
10:34 -On va en parler plus tard. -On y revient toujours.
10:37 -Vous disiez radicalité. -Pour en revenir,
10:39 mon fils, Hugo, lui, fait une cuisine.
10:42 -Radicalité, vous l'avez dit. -Il est né dans les épices.
10:45 Ils utilisent, mais avec un naturel, une aisance.
10:49 -Il est tombé dans la marmite. -Il n'a pas à prouver que...
10:52 Moi, j'ai fait découvrir du galanga, du bain-joint, du zédoer.
10:56 Les gens me regardaient et me demandaient
10:58 ce que ça faisait dans la cuisine en Bretagne,
11:01 alors que c'était l'histoire de toute l'aventure maritime
11:04 malouine, bretonne, française.
11:06 -On va en reparler des épices,
11:08 mais parlez-nous de votre cuisine à vous.
11:10 Qu'est-ce que vous aimez particulièrement cuisiner ?
11:14 Les produits de la mer ? -Je vous fais une confidence.
11:17 Je cuisine très peu. Dans les maisons de bricot,
11:19 c'est Hugo qui cuisine avec toute son équipe,
11:22 une partie de mes anciens, d'ailleurs.
11:24 Ils font une équipe exceptionnelle.
11:26 Et à la maison, j'ai la chance d'avoir une femme
11:29 qui cuisine beaucoup mieux que moi. -Non, c'est pas vrai.
11:32 -C'est elle qui cuisine. -C'est un bel hommage.
11:35 -Bien sûr. Je suis là, je regarde,
11:37 et quand parfois, d'ailleurs, je me dis...
11:40 "Tiens, tu devrais faire ça comme ça."
11:43 Elle me dit "Non, tu sors de la cuisine."
11:45 Tu vois ? Du coup...
11:47 -C'est une pro de la cuisine ou elle fait un autre métier ?
11:50 -Au départ, ma femme est pharmacien.
11:53 Je l'ai accompagné par amour dans cette aventure de cinglé.
11:56 Et aujourd'hui... -C'est une passion pour elle,
11:58 mais pas son métier. -Vous savez,
12:00 bien souvent, et sur tous les cas, ma femme est dans ce sens,
12:04 et je pense qu'il y a beaucoup de mamans,
12:06 il y a beaucoup de...
12:08 C'est un acte d'amour, cuisiner.
12:10 Alors, ça peut être un papa, ça peut être un grand-père aussi,
12:13 mais elle a besoin de données.
12:16 Pour elle, c'est une preuve d'amour au quotidien.
12:19 Et...
12:22 J'y suis très sensible.
12:23 -Un chef étoilé au quotidien, qu'est-ce que ça mange ?
12:26 Est-ce que vous êtes quand même toujours sur le produit ?
12:30 C'est brut ou c'est...
12:31 -D'abord, on a la chance, nous, à Cancale,
12:34 d'avoir un potager au-dessus de la mer extraordinaire.
12:38 La Bretagne est un potager au-dessus de la mer,
12:41 enfin, devrait être un merveilleux potager bio
12:43 au-dessus de la mer.
12:45 Malheureusement, elle est un peu trop souvent,
12:47 non pas une zone d'élevage,
12:49 mais une usine à protéines animales,
12:51 ce qui n'a rien à voir avec un élevage,
12:54 mais je veux dire, c'est...
12:56 Et puis, on a des coquillages, des crustacés,
12:58 absolument extraordinaires dans cette bête Cancale,
13:01 dans cette bête Saint-Malo. -Des poissons ?
13:04 -On a des poissons, on a en particulier des macros,
13:07 des sols, enfin, on est gâté.
13:09 Donc, il suffit, finalement, d'aller sur un marché,
13:12 d'avoir nos producteurs,
13:13 et en plus, nous, on a la chance d'avoir un grand champ,
13:16 ce qu'on appelle le champ du vent,
13:19 dans la mer, et on a 80...
13:21 Aujourd'hui, 80-85 %,
13:23 on est totalement autonome en légumes.
13:25 Donc, c'est une quelle...
13:27 -80 % des légumes servis dans vos restaurants
13:30 sont issus de ces terres potagères.
13:32 C'est dingue. -C'est vraiment local.
13:34 -C'est nos producteurs,
13:35 il s'agit pas non plus de les abandonner.
13:38 Il y a des choses qu'ils peuvent faire.
13:40 Par exemple, nous, Hugo fait énormément de...
13:43 Il utilise énormément d'herbes,
13:46 il utilise, par exemple,
13:47 beaucoup de rhubarbes.
13:49 -C'est de la plante.
13:50 -Vous avez des lignes de rhubarbes qui plongent dans la mer.
13:53 C'est exceptionnel.
13:55 Vous avez, en ce moment,
13:56 vous savez, les fèves,
13:57 on n'a jamais les fèves au bon moment.
14:00 Les fèves qu'on cueille la veille ou le matin,
14:02 pour le jour même, ça n'a rien à voir avec une fève qui a traîné.
14:06 Il faut pas l'emmener trop loin,
14:08 parce qu'elle devient farineuse.
14:10 Les petits pois, c'est pareil, les haricots verts, c'est pareil.
14:13 Quand les cuisinières et les cuisiniers,
14:16 ils peuvent cueillir, la notion de la cueillette
14:18 et ensuite de prendre, d'écosser,
14:21 cette valeur de l'intention d'aller jusqu'au bout
14:24 et juste de la cuire à peine,
14:26 l'assaisonner, un soupçon,
14:28 c'est...
14:29 On donne un autre sens,
14:31 et c'est une joie.
14:34 -Ca vous manque pas, de plus être derrière les fourneaux ?
14:37 -Euh...
14:38 J'en rêve encore, de cuisiner.
14:40 J'imagine encore, en particulier, beaucoup de mélange d'épices.
14:44 Aujourd'hui, c'est plus ma fille, aussi,
14:46 qui, elle, s'investit énormément
14:49 et qui a un palais absolument incroyable.
14:51 Euh...
14:52 Je gamberge beaucoup, encore. -Sur des recettes ?
14:55 -En fait, un plat, les gens me disent
14:57 "Comment ça se passe ?"
14:59 C'est du travail, ça fait 40 ans que je goûte des choses,
15:02 je passe mon temps à goûter, à être curieux,
15:05 curieux du monde, de la vie.
15:06 Et...
15:08 Euh...
15:09 Lorsque vous voulez mélanger comme ça,
15:11 il y a une ligne,
15:12 c'est comme une ligne éditoriale,
15:14 où ça doit raconter une partie de l'histoire
15:17 de l'aventure maritime.
15:18 -C'est comme ça que vous construisiez vos recettes ?
15:21 -Oui. -Vous les écriviez ?
15:23 -C'est beaucoup.
15:24 Ca peut être à la fois trois jours,
15:26 ça peut être deux ans.
15:27 C'est un peu comme un prévent.
15:29 J'ai un grand ami, Jean-Claude Helena,
15:31 qui était né de Chermesse pendant plusieurs années,
15:35 et on est dans ce même univers, quoi.
15:38 C'est-à-dire que dans la dimension de la créativité,
15:41 il y a quelque chose de très intime.
15:43 Et puis, il y a toujours un cadre dans la créativité.
15:46 On ne peut pas faire tout et n'importe quoi.
15:48 C'est pas dire "je vais mettre ça, ça va faire pouet-pouet".
15:51 C'est un peu comme un compositeur en musique.
15:54 Comment il réussit à écrire ?
15:56 Un compositeur, il a une partie du cerveau que j'ai pas,
15:59 parce que je suis incapable de mettre sur le papier
16:02 des notes de musique,
16:03 qui peuvent apporter une mélodie, une symphonie.
16:07 Donc moi, je suis...
16:08 Je suis complètement...
16:10 Je suis totalement admiratif.
16:11 Si vous me dites "je mets un peu de courcouma,
16:14 "un peu de coriandre, un peu de cumin,
16:16 "une pointe de girofle, un soupçon de cardamom",
16:19 je sais exactement quel goût vous a.
16:21 -Vous avez dans la bouche des jeunes vous.
16:23 -Oui, et ça, c'est...
16:25 Alors, les gens disent "oui, c'est un don".
16:28 C'est pas un nom, c'est pas un talent.
16:30 C'est un beaucoup de travail, et surtout beaucoup d'envie,
16:33 et puis le plaisir de goûter.
16:35 -Vous avez pris du recul,
16:37 mais vous faites l'inspecteur des travaux fini
16:39 et vous êtes derrière votre fille, votre fils,
16:42 et il y a encore la pâte trop lingée.
16:44 On se dit "c'est pas possible, il a pas pris sa retraite au cuisine".
16:48 -Il est pas loin. -Non, non, non.
16:50 Je suis toujours...
16:51 Avec ma femme, on est toujours à leur côté,
16:54 mais c'est vraiment eux qui ont les manettes.
16:57 Je pense que... Je n'ai jamais cuisiné avec mon fils
17:00 en dehors de... On s'est jamais retrouvés
17:02 face à face sur un fourneau. -Oui.
17:04 -C'est pas bon. -Et à cuisiner ensemble,
17:07 on l'a fait simplement pour deux dîners caritatifs,
17:10 mais sans quoi...
17:11 Moi, j'ai eu à la fois la chance et la malchance
17:14 de ne pas être élevé par un père,
17:17 mais jamais je n'aurais voulu lui dire
17:19 "à ta place, j'aurais fait ça comme ça",
17:21 sauf que je ne suis pas à sa place.
17:23 Lui, c'est lui, moi, c'est moi.
17:25 Je lui ai laissé une liberté.
17:27 Parfois, je lui dis "j'aurais fait ça comme ça",
17:30 il faut que je lui dise le lendemain matin,
17:32 et je passe la nuit dessus.
17:34 Il ne veut pas que je lui dise,
17:36 car c'est son histoire, il la raconte.
17:38 Si parfois, je pense que c'est peut-être une petite erreur,
17:42 j'en ai tellement fait de conneries qu'il peut en faire une.
17:45 -C'est quoi, une erreur, en cuisine ?
17:47 -Parfois, c'est une erreur...
17:49 On peut considérer que c'est une erreur,
17:51 parce que mon plat préféré,
17:53 je l'ai mis pendant deux jours sur la carte,
17:56 et les gens l'ont détesté.
17:57 Pour moi, c'est mon meilleur plat,
18:00 une association de melon, de porto, de menthe et de cardamome.
18:03 -Ils n'y connaissent rien ?
18:05 -Ah non, jamais, je dirais ça.
18:07 Je pense que le goût et le palais de chacun,
18:09 c'est la liberté de chacun de pouvoir trouver
18:12 si c'est bon ou pas.
18:14 Mais...
18:15 Donc, c'est peut-être une erreur,
18:17 c'est peut-être une erreur de texture,
18:20 c'est rare, lui, il fait rarement d'erreurs,
18:22 ou quelque chose qui va me choquer.
18:24 En fait, c'est parfois...
18:26 -En l'occurrence, c'était pas la cardamome en trop ?
18:29 -Non, non, pas du tout.
18:31 Peut-être pas assez.
18:32 -C'est des erreurs de mélange ?
18:34 De cuisson, de mélange ?
18:35 -Oui, il peut y avoir, on dit,
18:37 "Tiens, j'aurais peut-être un peu plus cuit,
18:40 "ou au contraire, je serais pas allé dans cette association
18:43 "ou j'aurais peut-être pas mis..."
18:45 Parce que bien souvent, lorsqu'on cuisine,
18:48 on ne déguste pas l'ensemble du plat,
18:52 et lorsqu'on déguste le plat,
18:54 on s'aperçoit parfois qu'il y a des décalages
18:57 dans les proportions,
18:59 mais c'est vraiment à la marge,
19:01 et je trouve qu'il a...
19:05 Enfin, bon...
19:07 Il est bluffant.
19:09 Donc, nous, on est derrière,
19:11 avec ma femme, mais...
19:13 On est bluffés.
19:15 Et avec Mathilde, elle, qui était...
19:17 Hugo était officier de la marine marchande,
19:20 il a fait l'école du Havre,
19:21 il est venu à 24 ans, il me dit,
19:23 "tu es singlé de vouloir commencer la cuisine."
19:26 Il me dit, "Avec ou sans toi."
19:28 Je lui dis, "Mais pourquoi ? Tu gagnes très bien ta vie,
19:31 "tu vas finir commandant."
19:32 Il me dit, "Non, j'ai aussi une histoire à raconter."
19:35 Et quelques années plus tard,
19:37 notre fille, qui était avocate
19:39 dans le droit des affaires, droit de l'art,
19:41 vient nous rejoindre,
19:43 mais alors là, autant Hugo, on a dit...
19:45 Là, c'est compliqué,
19:47 parce qu'on sait bien que dans tout l'univers,
19:49 se faire un nom, c'est compliqué,
19:51 mais se faire un prénom, c'est encore plus dur.
19:54 Les gens peuvent être d'une cruauté redoutable.
19:57 Et Mathilde, par contre, alors là, on était aux anges,
20:00 parce qu'elle, c'est un avion de chasse qui est arrivé,
20:03 c'est un soleil, c'est une énergie,
20:05 c'est un rapport à l'autre qui est merveilleux.
20:08 Aujourd'hui, elle travaille avec 1200 petits producteurs.
20:11 -Un mot sur votre parcours,
20:13 parce que votre fils, effectivement,
20:15 recommence sa formation à 24 ans.
20:17 -J'avais une formation d'ingénieur chimiste
20:19 et une formation d'informatien.
20:21 -Qu'est-ce qui, à un moment, vous dites,
20:24 "Je vais me lancer dans la cuisine ?"
20:26 -Moi, à l'époque ? -Oui.
20:28 Bon, vous l'avez relaté tout à l'heure,
20:30 j'étais victime d'une tentative d'homicide à l'âge de 21 ans.
20:33 Je suis resté pendant deux ans, les yeux braqués
20:36 sur des plafonds de cliniques ou d'hôpitaux.
20:38 Je savais pas si un jour, j'allais pouvoir remarcher.
20:41 Je savais que c'était une deuxième vie que j'entamais.
20:44 J'ai voulu saluer la vie.
20:46 J'étais à la recherche d'un moyen d'expression
20:49 de raconter le bonheur de vivre au quotidien.
20:51 J'étais pas peintre, pas musicien,
20:53 j'étais un afro-petit scientifique.
20:55 J'ai trouvé qu'autour de la table,
20:57 j'avais les copains de la petite enfance
21:00 qui étaient devenus hosticulteurs, pêcheurs, cultivateurs.
21:03 Les copains et copines étudiants en prépa,
21:05 qui ramenaient des bouteilles.
21:07 Le goût de la vie, c'est là, dans la maison.
21:10 -Le partage. -J'ai toujours cuisiné
21:12 dans cette maison. C'était un hobby.
21:14 C'est plus... Voilà.
21:15 C'est une passion qu'on a transformée.
21:17 Jamais on aurait pu imaginer...
21:19 On pensait que j'allais faire ça à 4-5 ans.
21:22 Pour exprimer le bonheur de vivre au quotidien,
21:25 rien de plus beau que la cuisine.
21:26 Pour chacun d'entre vous, à la maison,
21:29 c'est pour ça que j'invite vraiment chacun à retrouver
21:32 sa souveraineté...
21:33 Non, sa liberté, sa souveraineté alimentaire,
21:38 mais aussi un énorme plaisir que de cuisiner.
21:41 -Oui. Faire du fait maison. -Faire du fait maison.
21:43 Les gens, aujourd'hui, ont compris, par exemple,
21:46 que dans le bien-être,
21:48 il faut avoir des activités physiques.
21:50 Aujourd'hui, c'est un plaisir, l'activité physique.
21:53 Faire de la marche, du jogging, d'aller faire une activité.
21:57 Mais se nourrir, c'est tout d'un coup
22:00 retrouver l'usage de ses mains,
22:02 retrouver le nez, retrouver le goût,
22:05 choisir un produit,
22:06 dire qu'on n'a pas le temps.
22:08 Si on met de côté... -Il y a toujours le temps.
22:11 -Je pense que la très grande majorité
22:13 des Françaises et des Français en Allemagne...
22:15 Je ne parle pas d'une catégorie de personnes,
22:18 je pense à des jeunes mamans qui vivent seules,
22:21 qui travaillent, je sais pas, loin de leur lieu d'habitat.
22:24 Je me demande comment réussissent ces personnes-là.
22:27 Mais en dehors de ces personnes,
22:29 la très grande majorité, nous avons tous le temps,
22:32 c'est meilleur pour la planète,
22:34 c'est meilleur pour son portefeuille,
22:36 pour sa santé, pour son plaisir,
22:38 et c'est faire partager le bien.
22:41 Donc, c'est une cuisine qui fait du bien.
22:43 -Il y a toujours les accords, accord "mais vin".
22:46 On va parler de ce muscadet que vous nous avez apporté,
22:50 un vin, évidemment, du Val-de-Loire,
22:52 c'est une AOC. -Presque breton.
22:54 -Le Cépal, c'est melon de Bongogne.
22:56 -Pas tout à fait breton. -Couleur blanc, évidemment.
22:59 Un millésime 2020. -Oui.
23:01 -C'est élevé sur liste, donc c'est une spécificité du vin.
23:04 -Oui, et puis, monsieur Landron était un pionnier
23:08 de la biodynamie, déjà, des vins pratiquement nature.
23:13 -C'est un vin nature. -Oui.
23:15 Evidemment, sans pesticides, sans entrants,
23:19 sans ramasser à la main,
23:21 et puis, évidemment, avec... -Sans soufre.
23:24 -Avec un minimum de soufre,
23:26 et avec surtout des levures indigènes
23:29 et non pas exogènes,
23:30 c'est un peu comme le pain, la farine.
23:33 Vous allez chercher des levures,
23:34 il y a trois levures dans le monde, dans les vins,
23:37 et les vins, une année sur l'autre...
23:39 Alors, évidemment, si vous mettez un fongicide dans la vigne,
23:43 vous pouvez pas avoir de levure.
23:44 Donc, comme il y a plus de levure dans les vins,
23:47 on rajoute des levures exogènes.
23:50 Et donc, on a des vins, là, d'une été,
23:53 avec une droiture,
23:55 et ce muscadet qui a été tellement abîmé dans son image,
23:59 où, effectivement, par moments, on a fait des vins
24:02 qui étaient pas toujours très bien équilibrés,
24:05 surtout extrêmement acides,
24:07 et là, on a des seigneurs,
24:09 et aujourd'hui, il y a beaucoup de jeunes
24:12 dans tout le Val-de-Loire,
24:14 mais on va dire dans tout le vignoble français,
24:17 qui ont réapproprié le vivant dans la vigne,
24:19 qui ont renversé la table de l'INAO,
24:21 et le monde entier, aujourd'hui,
24:24 s'arrache ces vins en biodynamie, ces vins nature,
24:28 dans le monde de Copenhague à Tokyo,
24:30 en passant par New York ou San Francisco,
24:33 alors qu'il y a encore 15 ans, on disait,
24:35 les vins français vont être laminés
24:38 par ces vins du Nouveau Monde,
24:39 mais ces vins du Nouveau Monde sont restés dans le XXe siècle,
24:43 d'abord en irriguant, ce qu'on ne fait pas en France,
24:46 mais surtout en bourrant d'intrants,
24:48 d'engrais, de pesticides,
24:50 en faisant des vins, ce qu'on appelle des vins conventionnels,
24:53 mais ces vins-là, c'est les vins qu'on faisait avant-guerre.
24:56 -Hommage au vin nature.
24:58 On va voir si vous êtes incollables.
25:00 C'est le quiz. -Les quiz.
25:02 -Oui.
25:03 -Olivier Rolinger, vous,
25:05 qui aimez doper les saveurs, les asperges,
25:07 avec vos épices, sauriez-vous nous dire
25:10 si ces affirmations sur le gnocch-mame,
25:12 cette sauce de poisson,
25:14 cette sauce qui relève les plats vietnamiens,
25:16 sont vraies ou fausses ?
25:18 Le gnocch-mame débarque en France en 1915
25:21 dans les rations militaires des soldats vietnamiens
25:24 engagés dans la Grande Guerre.
25:26 Vraie ou fausse ?
25:27 -Je pense que c'est bien antérieur à tout ça.
25:30 Je pense que le peuple vietnamien a utilisé le gnocch-mame
25:34 bien avant. -Non, mais débarque en France.
25:36 -Ah, débarque en France... -En 1915.
25:38 -Dans les rations militaires des soldats vietnamiens.
25:42 -Alors, là...
25:43 Je suis pas Stéphane Bern, moi.
25:45 -Haha !
25:46 -Mais... -Appel en Amie ?
25:48 -Je... Je... Je...
25:49 Je pense que s'il débarque en France à ce moment-là...
25:52 Peut-être, oui. -Oui.
25:54 -Vraie ? -Vraie.
25:55 Il y avait des Vietnamiens engagés dans l'armée française
25:58 et on leur a donné, les autorités vietnamiennes,
26:01 du gnocch-mame pour les doper.
26:03 -C'est une source de protéines.
26:05 -Les Vietnamiens comparent le rejet
26:07 qu'inspire le gnocch-mame aux Occidentaux
26:10 au dégoût que leur procurent les escargots.
26:12 C'est faux ?
26:13 -C'est faux, car les Vietnamiens mangent aussi des escargots.
26:17 -Bravo. C'est le dégoût que leur procurent les fromages.
26:20 -Oui, parce que je pense que la grande histoire,
26:23 à la fois d'amour, avec des drames, avec le peuple vietnamien...
26:26 Le peuple français et le peuple vietnamien
26:29 sont des amoureux de la table.
26:31 Ce sont des gens qui vivent pour manger
26:33 et qui mangent pas pour vivre,
26:35 à la différence de tous nos amis anglo-saxons.
26:37 Et je dois dire que...
26:39 Ils mangent tout et ils ne gaspillent rien.
26:42 C'est bourré de saveurs.
26:43 La cuisine du Nord-Vietnam est probablement
26:46 une des plus modernes du monde.
26:47 Ce sont des gens qui ont vaincu les deux grandes armées de l'époque,
26:51 l'armée française et l'armée américaine.
26:54 Il fallait pas qu'ils tombent malades.
26:56 Ils avaient une cuisine extrêmement saine.
26:58 Tout était axé sur la santé de la femme,
27:02 de la maman, ou la future maman,
27:04 ou la maman qui attendait un bébé.
27:07 Je trouve ça d'une extraordinaire modernité,
27:09 absolument sans gaspillage, et qui se marie au champagne.
27:13 -Le nho k'mam tenait une place de choix
27:15 dans la cuisine de Marguerite Duras.
27:17 Vrai ou faux ?
27:18 -Ah, je...
27:21 Je la vois bien,
27:24 parce que c'était une femme ouverte au monde,
27:27 extrêmement curieuse,
27:28 et je la vois bien aimer le nho k'mam.
27:31 -En plus, elle avait des racines.
27:33 Elle est née au Vietnam, en 1914.
27:35 Enfin, le nho k'mam,
27:36 produit sur l'île de Phu Quoc, au sud,
27:39 bénéficie d'une AOP de l'Union européenne.
27:41 Vrai ou faux ?
27:42 -Euh...
27:43 Alors, elle bénéficie d'une AOP.
27:45 Moi, je connais bien...
27:47 Je ne sais pas si c'est une AOP de l'Union européenne,
27:50 mais en tous les cas, elle bénéficie d'une appellation
27:53 sur cette île,
27:54 parce qu'il ne faut surtout pas penser
27:56 que le nho k'mam, c'est du poisson pourri.
27:59 -Non, c'est du poisson séché.
28:01 -Ce sont des poissons frais, mis en saumur.
28:03 C'est pour ça que l'île de Phu Quoc est très plate,
28:06 et là, il y a des salines,
28:08 et pour faire du nho k'mam, il faut d'abord du sel,
28:11 des salines et ces petits poissons qui ressemblent un peu...
28:14 -Ca sent dans tous les environs. -Non, ça s'empeste pas.
28:17 -Non, mais j'adore le nho k'mam, ça sent fort.
28:20 -C'est long des jarres qui sont autorisées.
28:23 Pour répondre à votre question, je pense que oui, c'est une AOP.
28:26 -En 2013. -En 2013.
28:27 -Trois réponses sur... Quasiment.
28:30 Un collab sur le nho k'mam. -Félicitations.
28:32 Vous êtes très fort.
28:33 On n'en doutait pas.
28:35 En France, le repas occupe une large place,
28:37 particulièrement en politique.
28:39 C'est souvent là que se nouent les deals politiques.
28:42 La petite et la grande histoire, c'est la brève de comptoir.
28:45 Olivier Rollinger, on vous a demandé de réfléchir
28:51 à une anecdote autour d'un repas en politique.
28:54 Vous avez dû accueillir des politiques
28:56 dans votre restaurant à l'époque,
28:58 mais je crois que c'est pas forcément ce dont vous vouliez nous parler.
29:02 -Je considère que nos maisons doivent garder
29:05 une confidentialité la plus totale.
29:07 On a eu, évidemment, des personnes illustres,
29:10 que ce soit du monde politique ou d'autres univers,
29:13 mais c'est la règle dans la famille Rollinger.
29:18 On ne communique jamais sur tous les personnes qui viennent nous voir.
29:22 C'est la raison pour laquelle il y a des gens illustres
29:25 qui viennent se cacher chez nous,
29:27 parce qu'ils savent que c'est une règle d'or.
29:29 C'est la première chose.
29:31 Lorsqu'on est dans l'univers de l'hospitalité,
29:33 on devrait toujours conserver cette règle,
29:36 ce machin ou machine qui est à la maison.
29:38 Balancer ça sur les réseaux sociaux.
29:40 Bref, fermons la parenthèse.
29:42 Par contre, vous me parlez de politique,
29:44 et moi, je vous parle de politique,
29:46 parce que l'alimentation, c'est avant tout politique.
29:49 C'est au carrefour des enjeux de nos sociétés,
29:52 enjeux sociaux, enjeux économiques,
29:54 enjeux culturels, enjeux environnementaux,
29:58 mais également enjeux de santé publique.
30:00 Aujourd'hui, je m'occupe beaucoup des...
30:03 -Ce livre-là. -Je parraine un collectif
30:05 qui s'appelle "Les pieds dans le plat".
30:07 Nous avons sorti un livre, en particulier avec Germinal Perrault,
30:11 qui est le président du département de Dordogne,
30:15 pour prouver que l'on peut faire,
30:17 dans les cantines, que ce soit les cantines municipales,
30:20 gérées par les municipalités,
30:22 évidemment, les collèges, gérés par les départements,
30:25 et les lycées, gérés par les régions,
30:27 c'est la complexité française,
30:29 mais qu'il faut arrêter de demander à l'agroindustrie
30:34 de s'approprier l'alimentation de nos enfants.
30:37 Et qu'on peut tout à fait faire une cuisine maison,
30:42 100 % maison, 100 % locale et 100 % bio...
30:46 -Pour pas trop cher ?
30:48 -Pour quasiment le même prix,
30:50 et avec, en particulier, des effets induits
30:53 nettement moindres que d'aller dans l'agrobusiness.
30:57 Et ces choses-là, on l'a fait,
30:59 c'était le programme politique de Germinal Perrault.
31:02 J'invite, quelle que soit la couleur politique des personnes,
31:05 de dire, "Ecoutez, moi, mon programme,
31:07 "c'est que, la cantine municipale,
31:10 "le collège et le lycée,
31:12 "les enfants vont être parfaitement nourris."
31:15 Parfaitement nourris, c'est quoi ?
31:17 C'est d'avoir une cuisine,
31:18 parce que ça se fait avec des cuisiniers,
31:21 des diététiciens, des diététiciennes,
31:23 c'est avoir des produits de saison,
31:25 des produits locaux au maximum,
31:27 et des produits bio, évidemment,
31:29 et justement, moi, je le dis aujourd'hui,
31:32 c'est continuer à acheter du bio.
31:33 Continuer à acheter du bio français.
31:36 Il faut sauver cette filière.
31:38 Ca a été complètement enfumé
31:40 par ce qu'on appelle la haute valeur environnementale,
31:43 parce que ça, c'est de la poudre aux yeux.
31:46 Il faut continuer à s'engager dans le bio.
31:48 C'est de moins en plus...
31:49 Vous savez qu'aujourd'hui, je le détiens
31:52 d'un grand producteur de yaourts
31:55 dans la région Bretagne.
31:57 Aujourd'hui, on va jusqu'à acheter le produit,
32:01 le lait bio, à un prix inférieur
32:03 au prix du lait conventionnel.
32:05 Pourquoi ? Parce qu'il y a un contrat de confiance
32:09 qui s'est cassé à partir du moment
32:11 où les quatre centrales d'achat se sont appropriées le bio.
32:15 Le bio, vous savez, moi, j'ai commencé en 1982,
32:19 lorsqu'on allait sur le marché des lits à Rennes,
32:21 on voyait trois gens un peu babas,
32:24 sûrement des fumeurs de pétards,
32:26 avec deux, trois carottes, trois navecs,
32:29 c'est un pangrin. Ils avaient raison.
32:31 Petit à petit, avec aucun sous d'argent public,
32:36 ils ont créé un contrat de confiance
32:39 avec les Françaises et les Français.
32:41 Et ce contrat est en train...
32:43 Enfin, a été extrêmement abîmé
32:46 lorsque les grandes surfaces se sont dites
32:48 que c'était un vrai label économique
32:51 qui allait nous donner un levier pour faire des marges
32:54 plus importantes que sur des produits conventionnels.
32:57 -Ca a tué la filière ?
32:58 -Ca a tué. C'est-à-dire que...
33:00 Comment vous pouvez avoir confiance ?
33:02 On sait très bien qu'un producteur local
33:05 qui fait ses légumes bio et une centrale d'achat
33:08 qui achète du bio en France, en Europe
33:10 et à l'autre bout du monde, dans des conditions...
33:13 Ca n'a plus de sens.
33:15 Et ils ont terriblement abîmé ce contrat de confiance.
33:18 Mais il faut le retrouver.
33:20 Allez retrouver vos producteurs bio locaux...
33:22 -Et manger du bio, surtout. -Mais par contre,
33:25 n'allez pas l'acheter en grande surface.
33:28 -Merci pour le message.
33:29 Votre spécialité, c'est le Saint-Pierre autour des Indes,
33:32 car les épices ont toujours fait le secret de votre cuisine.
33:35 C'est le dessous des plats.
33:37 Votre première boutique d'épices à Cancale date de 1998.
33:46 Depuis, la maison du voyageur dans votre ancien restaurant
33:49 accueille une cuisine laboratoire
33:52 où se fabrique le mélange des épices et une boutique entrepôt,
33:55 dans une ambiance familiale,
33:57 puisque votre fille s'est jointe à l'aventure.
34:00 Emelie Sportello et Marion Devauchelle
34:02 sont allées à sa rencontre.
34:04 -Je fais ce qu'on appelle une dégustation
34:09 de trois variétés de poivre d'Inde.
34:12 On a d'abord le pagnour.
34:14 Il y a une puissance.
34:18 Et en même temps, va arriver ce côté...
34:21 Ce côté bois,
34:24 ce côté un peu forêt.
34:26 -Poivre, bâton de cannelle ou encore baie rouge de Madagascar,
34:30 le bureau déborde d'épices et d'odeurs.
34:32 On se croirait dans un cabinet de curiosité.
34:35 -Il y a beaucoup de choses sur cette table,
34:38 mais avec mon père, on a besoin de ce petit cafarnaum
34:42 pour être concentré,
34:46 disponible à la dégustation.
34:48 C'est comme si on avait un peu tout notre orgue à parfums
34:52 de matière brute avec lesquels on va pouvoir faire
34:54 des petits essais rapides avec notre balance
34:57 et voir un petit peu en live,
35:01 "Hop, tiens, j'ai une inspiration, je la mets à l'épreuve."
35:04 Est-ce que ça marche ?
35:06 -Un atelier qui a pris place dans la maison familiale
35:09 qu'accueillait à l'époque le restaurant de Olivier Rollinger,
35:12 la maison Brie-Court.
35:13 -Les personnes ressortaient d'un bon dîner,
35:15 avaient goûté une sauce "Retour des Indes"
35:18 et ont dit "C'était extraordinaire,
35:21 "j'aimerais refaire la même chose à la maison."
35:23 On leur offrait des petits sachets, des petits flacons d'épices
35:26 que ma grand-mère remplissait à la main
35:29 et ma nounou écrivait les étiquettes complètement manuscrites.
35:33 -Aujourd'hui, l'entreprise s'est développée,
35:36 les épices se comptent par centaines dans l'entrepôt
35:39 et viennent des quatre coins du monde.
35:41 Elles sont vendues brutes, mais surtout utilisées
35:44 pour créer des mélanges originaux,
35:46 comme poudre de Neptune ou poudre de Vasco,
35:48 en référence au célèbre navigateur portugais.
35:51 -Parce que Saint-Malo était un port de la route orientale des Indes,
35:55 qui commençait en Inde, qui passait par l'Orient
35:58 et qui finissait par Saint-Malo.
35:59 Saint-Malo a fait sa richesse grâce aux épices,
36:02 grâce à ses nombreux voyages.
36:04 A l'époque, on avait des petites armoiries
36:06 dans lesquelles il y avait des cases de différentes tailles
36:09 où on mettait ses ivoires, ses ors, etc.
36:11 On a voulu reproduire un peu cette image que vous avez autour de nous
36:15 avec des cases de différentes tailles
36:17 parce que nos ors à nous, c'était un peu nos épices.
36:20 -Les clients sont séduits par l'abondance,
36:22 mais surtout l'exotisme des senteurs.
36:25 -C'est le diamant sur la bague, quoi, vous voyez ?
36:28 C'est la petite touche supplémentaire qui fait le tout.
36:32 -Prochain chantier, décarboner davantage encore
36:35 le transport des épices,
36:37 c'est le cas déjà du curcuma de Guadeloupe,
36:39 qui voyage, comme il y a quatre siècles,
36:41 par bateau à voile.
36:43 ...
36:45 -Olivier Rolinger, d'où viennent toutes ces épices
36:48 qu'on trouve maintenant dans vos boutiques ?
36:51 Est-ce que vous allez sur place, vous goûtez ?
36:53 -Tout d'abord, pourquoi des épices à cancale au départ ?
36:57 Je vous disais tout à l'heure, c'était pour raconter
37:00 l'esprit d'aventure.
37:01 Ici, les gens, là-bas, nous sommes paysans, marins
37:04 et aventuriers.
37:05 Et cet esprit de réussir, c'est partir
37:08 pour un petit maloin ou un petit cancalet.
37:10 Donc comment je vais exprimer ce que je veux dire ?
37:14 Et là, on m'avait raconté, en 1981,
37:17 quelqu'un qui s'intéressait à l'histoire,
37:20 comme quoi tout ce qu'on pouvait trouver
37:22 dans les murs de Saint-Malo, les cotonades indiennes,
37:25 les porcelaines Céladon, mais à manger.
37:27 On trouvait 14 épices.
37:29 -Un mélange de 14 épices. -Certaines venaient de Chine,
37:32 d'Inde, du Moyen-Orient, du Nouveau Monde,
37:34 la mondialisation des saveurs à Saint-Malo,
37:37 et il y en avait 14.
37:38 J'ai fait mon premier mélange, le mélange retour des Indes.
37:41 C'était pas un retour d'Inde, bien évidemment.
37:44 Et puis, j'ai compris que c'était bien l'histoire,
37:47 je racontais l'histoire de mon pays.
37:49 C'est la culture de ce pays,
37:51 et c'est une formidable aventure humaine
37:53 que d'aller à l'autre bout du monde
37:55 avec des bateaux qui avançaient plus de l'arrière que de l'avant,
37:59 puisque les chronomètres ne fonctionnaient pas.
38:01 Ils étaient souvent défaillants.
38:03 Donc comment trouver la longitude,
38:05 comment la calculer si on n'a pas un bon chronomètre ?
38:08 C'est une formidable aventure
38:10 où il y a eu des Malouins, des Caporniers,
38:13 que sur la route des Indes.
38:14 Et puis, petit à petit,
38:16 j'ai toujours mis en avant les producteurs locaux,
38:18 que ce soit de la terre ou de la mer.
38:21 Et puis, à un moment, je me suis dit qu'il faut aussi
38:23 que je rende un peu à ces hommes et ces femmes
38:26 qui sont souvent dans l'anonymat
38:28 et qui m'ont fait découvrir les épices,
38:30 parce que lorsqu'on fermait trois mois,
38:33 on reprenait les routes de ces messieurs de Saint-Malo,
38:36 et on a fait connaissance avec ces producteurs.
38:38 -Vous les avez rencontrés ? -Ca, c'est 20 ans de rencontre.
38:42 -C'est quoi, du commerce équitable ?
38:44 -On achetait 4-5 kilos.
38:45 Lorsque l'on a décidé de ne pas simplement acheter des épices
38:50 pour notre propre cuisine, mais d'aller plus loin,
38:53 c'est-à-dire d'aider ces communautés
38:55 qui étaient un peu balayées par un poivre indonésien et autres,
38:59 comment on peut les aider en leur achetant
39:01 à un prix au-delà du prix du commerce équitable, d'ailleurs ?
39:05 C'était une formidable aventure,
39:07 avec les ONG locales, pour le collecter,
39:09 pour le shipping, pour le dédouanement.
39:11 C'était une aventure humaine, c'était des rencontres.
39:14 Je me disais "comment vous avez fait ?"
39:17 C'est 40 ans de vie de relations avec ces petits producteurs.
39:20 -Ca avait été dans tous ces pays ? -Oui.
39:22 -L'Inde, le Sri Lanka, la Denouissie, les Molucs...
39:25 -Il n'y a plus de production.
39:27 Il n'y a plus de girof ni de musca dans la mer de Seine.
39:30 Vous avez raison.
39:31 Il n'y a plus du tout.
39:33 Par contre, Sri Lanka, les cannelles, les poivres,
39:36 ou Grenade, ou le Mexique,
39:37 pour les piments et les vanilles, ou Madagascar...
39:40 Bien sûr, on est allé...
39:42 -Ca valait une fortune, il y a quelques siècles.
39:44 Les épices, on s'est battus pour les épices.
39:47 Ca vaut plus rien ? -On a découvert le monde.
39:49 On a découvert le monde.
39:51 C'est une poignée, d'ailleurs.
39:53 Ce petit peuple, petit par la taille,
39:55 qui, en 30 ans, a découvert le monde en dehors de l'Australie,
39:58 sans rendre hommage au portugais.
40:00 Mais à chaque fois, si vous voulez,
40:02 les épices, c'est surtout...
40:04 -Avec quelques massacres à la clé. -Evidemment.
40:07 -Non, mais je... -Evidemment.
40:09 Il y a eu des...
40:10 -Je n'en sais rien. -Mais...
40:11 Mais tous, malheureusement.
40:14 Malheureusement.
40:15 Peut-être excepté un soeur de la touche de la Ravardière,
40:18 qui était un Huguenot au Cancalet,
40:20 et qui, lui... -L'honneur des Bretons est sauf.
40:23 -Les écrits racontent qu'il était protégé
40:25 et soutenu par les Indiens, Mapuche,
40:27 parce qu'il devait fonder la France équinoxiale.
40:30 Aujourd'hui, on trouve son buste sans Louis, au Brésil.
40:34 Bref, pour vous dire que les épices,
40:37 c'est surtout permettre de faire une cuisine
40:40 avec moins de graisse,
40:42 moins de sel... -Moins de sel.
40:44 -Oui, moins de sodium. -Et moins de sucre.
40:47 Et que tout le monde des épices, c'est le monde végétal,
40:50 et permet de faire chanter et danser votre cuisine au quotidien.
40:54 -Sans masquer le goût du produit. -Pas du tout, au contraire.
40:58 Au contraire.
40:59 Un jour, j'ai écrit comme ça.
41:01 C'était repris, ma fille l'a repris, d'ailleurs,
41:04 Mathilde l'a repris, elle a dit...
41:06 "Les épices sont à la cuisine,
41:08 "ce que la ponctuation est à la littérature."
41:12 C'est-à-dire, permettre de présenter,
41:14 comme la ponctuation permet de présenter
41:16 la face cachée du mot, les épices permettent de présenter
41:19 la face cachée du mot.
41:21 Regardez comment on peut faire tourner le boulet
41:24 un grain de riz dans une vinaigrette,
41:26 un risotto, dans un riz au lait.
41:28 -Un conseil, peut-être, pour les gens qui nous regardent,
41:31 c'est de choisir les principales épices
41:33 qu'il faudrait avoir chez soi. -Il faut avoir deux poivres,
41:36 un poivre plutôt viandard
41:39 et un poivre légume et légumineuse et pâte.
41:42 C'est deux choses.
41:43 Dans les poivres, les gens disent qu'il y a le poivre noir,
41:46 le poivre blanc et le poivre rouge, le poivre vert.
41:49 Dans les poivres, nous, j'étais le premier,
41:53 il y a 20 ans maintenant, à présenter les poivres,
41:56 les variétés botaniques de poivre noir.
41:58 Tout ça, c'est la même plante.
42:00 -Vous voulez dire malabar, compote...
42:02 -Ce sont des lieux, des territoires,
42:04 mais les variétés botaniques, c'est un carimunda,
42:07 un pagnot, c'est comme nous, on va dire,
42:09 une boscope, une rainette d'armorique
42:13 dans les pommes et autres.
42:15 C'est toujours un poivre.
42:16 C'est la première chose.
42:18 D'avoir deux poivres et puis ensuite,
42:20 j'ai envie de vous dire qu'on bascule tout de suite
42:23 vers des mélanges.
42:24 Moi, c'est toute ma vie de faire des mélanges
42:27 parce que d'utiliser des épices seules,
42:30 les gens m'en achètent,
42:31 car je suis à la recherche des plus belles,
42:34 avec Mathilde et toute l'équipe,
42:36 mais...
42:37 C'est un petit peu, si vous allez chez un parfumeur,
42:40 vous n'arrivez pas à dire que vous allez prendre
42:42 de l'ylang-ylang, un peu de vétiver,
42:44 un peu de musc, un peu de géranium,
42:46 je vais faire mon parfum.
42:48 -Vous devez prendre le sein du chèvre.
42:50 -Et puis acheter des mélanges dans une belle maison.
42:53 -On va parler de la viande cultivée en laboratoire.
42:56 -J'ai montré des questions sur les épices.
42:59 -Vous en avez plein sur la viande de laboratoire,
43:01 car elle existe déjà à Singapour.
43:03 Des start-up travaillent aussi en France.
43:06 Est-ce que c'est l'avenir ?
43:07 On en parle et on met les pieds dans le plat.
43:10 Musique jazz
43:11 ...
43:14 -Olivier Roland-Jacques,
43:16 une population qui ne cesse de croître.
43:18 Comment nourrir la planète demain ?
43:20 Une course contre la montre est lancée
43:22 pour produire de la viande de laboratoire.
43:25 Il faudra attendre chez nous pour la goûter.
43:28 Le cellule souche est déjà commercialisé
43:30 dans les boucheries et dans les restaurants à Singapour.
43:33 Reportage dans cette cité-état.
43:36 ...
43:38 -Singapour est-elle en train de préparer
43:40 l'alimentation du futur ?
43:42 Réponse dans cette boucherie haut de gamme
43:45 qui a pignon sur rue depuis 30 ans.
43:47 Elle est la première au monde à proposer à ses clients
43:50 de la viande pas comme les autres.
43:52 -Hi ! Hello, Anouar.
43:54 -Nice to see you.
43:55 -André Hubert vend des produits du monde entier,
43:58 des filets de bœuf, des côtes de porc,
44:00 ailes ou cuisses de volaille
44:02 et désormais de la viande cultivée en laboratoire.
44:05 -Ce que nous avons de nouveau, ce sont ces brochettes,
44:08 de poulet de culture produite localement.
44:11 ...
44:13 -Du poulet de synthèse à 4 euros pièce.
44:15 C'est de la viande fabriquée in vitro
44:18 à partir de cellules animales.
44:20 -C'est du poulet, bien sûr.
44:21 C'est l'avenir de cultiver du poulet
44:23 sans avoir à tuer un animal.
44:25 -Ce poulet en brochette,
44:27 les Singapouriens peuvent déjà le trouver dans leurs assiettes.
44:30 Préparation ici en cuisine.
44:32 -Comme pour tout poulet à frire,
44:34 on le met dans l'huile et dès que la peau est dorée,
44:37 on le ressort.
44:38 -Servi avec du taboulet, plus cher que du poulet conventionnel,
44:42 tous les jeudis dans ce restaurant avant-gardiste,
44:46 c'est au menu.
44:47 -Bonjour. Vous partagez ? Je vous le mets là ?
44:50 -Thank you.
44:51 -Wow !
44:52 -Pour des raisons écologiques, de bien-être animal
44:55 ou par curiosité, ce groupe d'amis tente l'expérience.
44:59 -Le goût est bon,
45:00 mais j'ai un peu l'impression de manger un poulet
45:03 qui vient d'aller à la gym.
45:04 La viande est moins grasse.
45:06 -C'est un peu sec, mais ça a le goût de poulet.
45:09 -De la viande de synthèse, poulet, bœuf,
45:12 crabe embeigné, Singapour parie sur ces innovations alimentaires.
45:16 -C'est un peu chaud,
45:18 mais c'est un peu bon.
45:19 -Singapour parie sur ces innovations alimentaires.
45:22 Comment ça marche ?
45:23 Démonstration dans cette start-up spécialisée
45:26 dans les produits de la mer.
45:28 Première étape, des cellules de crustacés sont prélevées
45:31 et conservées dans du nitrogen liquide à -180 degrés.
45:34 -Ce sont des cellules sélectionnées,
45:36 qui vont ensuite dans le centre de production.
45:39 -Puis la production commence, dans ce laboratoire.
45:42 Aux cellules souches de crevettes,
45:45 on ajoute des nutriments
45:47 pour qu'elles grandissent ensuite dans cet incubateur.
45:50 La chair de la crevette se développera alors
45:52 dans ses fioles et non dans la nature.
45:55 A ce stade expérimental,
45:56 cela donne un kilo de crevettes à 70 euros, tout de même.
46:00 -Les crevettes dans la nature mettent entre 6 et 8 mois à grandir.
46:03 Nous, nous avons la même quantité de chair de crevette
46:06 en 4 à 6 semaines. C'est la grande différence.
46:09 Si quelqu'un me demande si notre méthode est plus durable,
46:12 consomme-t-elle moins d'énergie ?
46:14 Sur ce seul argument, le temps de production
46:17 est considérablement réduit.
46:19 -L'enjeu principal pour la cité-Etat,
46:21 c'est celui de l'indépendance alimentaire.
46:24 1 % seulement du territoire est occupé par l'agriculture.
46:27 Résultat, pratiquement tous les produits de ce marché,
46:30 par exemple, sont importés.
46:32 C'est pour cela que Singapour investit des millions
46:35 dans la recherche et commence à autoriser la vente
46:38 de nourriture de laboratoire.
46:39 Mais l'idée de remplacer ces crevettes élevées
46:42 en aliments naturels par des crevettes de synthèse
46:45 n'a pas encore fait son chemin.
46:47 -Je préfère manger du vrai poisson, c'est plus naturel.
46:50 -Un aliment cultivé en laboratoire, c'est pas pour moi.
46:53 Je préfère la nourriture plus traditionnelle.
46:56 -Le marché des protéines alternatives est lancé.
46:59 Si ça marche, l'histoire retiendra que cette révolution alimentaire
47:02 a commencé à Singapour.
47:04 -Alors, ce poulet, il vous fait saliver
47:06 ou vous laborez déjà et vous détestez ce monde de demain
47:10 et ces assiettes qui nous attendent ?
47:12 -Il met coeur, parce que c'est encore là...
47:14 D'abord, c'est se dire que c'est une poignée de personnes
47:18 qui vont s'approprier encore un peu plus l'alimentation du monde,
47:21 en particulier les protéines, et ce sont les GAFA,
47:24 c'est-à-dire aujourd'hui tous ces géants du numérique
47:27 en Californie qui veulent s'approprier...
47:30 -Vous êtes de gauche, Olivier Roland.
47:32 -Je peux être partout, moi, vous savez.
47:34 Moi, ce que j'aime, c'est être droit dans mes bottes
47:37 et être sincère et être dans le bon sens.
47:40 Je ne veux pas se voiler la face.
47:41 Donc, première chose, c'est, est-ce que l'on souhaite
47:44 laisser entre les mains l'ensemble des protéines du monde ?
47:48 Première chose, s'approprier.
47:50 Deux, l'histoire de l'énergie, c'est faux,
47:52 parce que ce sont des usines.
47:54 Il se trouve que moi, je parraine les travaux
47:56 de la Fondation de l'Aquilinie de Médecine française,
48:00 et j'ai eu l'occasion de rencontrer des gens merveilleux,
48:03 avec un livre blanc qui sort le 1er juin,
48:05 à destination en particulier de tous les députés,
48:08 pour qu'ils comprennent les conclusions de ce livre blanc.
48:12 C'est que l'alimentation,
48:15 la bonne alimentation,
48:17 saine pour le corps, pour la santé,
48:19 elle vient rejoindre l'alimentation
48:21 qui est bonne pour la planète. -C'est dangereux ?
48:24 -C'est dangereux pour la santé, pourquoi ?
48:27 Parce que, si je me permets, d'abord, l'énergie.
48:30 Ce sont d'énormes usines
48:31 qui doivent être totalement aseptisées,
48:34 comme une usine pharmaceutique,
48:36 donc au niveau de l'énergie, c'est absolument énorme.
48:39 D'autre part, ils utilisent énormément de plastique,
48:42 et beaucoup de perturbateurs endoctriniens
48:44 que l'on trouve dans ces aliments.
48:46 -Pour conserver les aliments ? -Pour les séparer.
48:49 Comment ça fonctionne ? Ce sont des bioréacteurs,
48:52 une espèce de bouillon de culture, de bactéries.
48:55 On a ces cellules souches,
48:56 pour qu'elles deviennent des cellules musculaires,
48:59 on va y associer des hormones de croissance.
49:02 -Elles le disent pas dans le reportage.
49:04 -C'est interdit en Europe.
49:06 On a interdit les injections de hormones de croissance.
49:09 -Cette viande cellulaire n'est pas autorisée en Europe.
49:12 -Oui. -Un rapport du Sénat dit
49:14 qu'il faut y travailler parce que, on ne sait jamais,
49:17 dans l'avenir, ça pourrait être autorisé.
49:20 -Je veux dire que s'il y a un pays qui, jusqu'au bout,
49:23 doit dire non à cette chose-là, c'est la France.
49:26 -Non à ce marché qui s'ouvre.
49:27 -C'est un fonds marché.
49:29 -Je sais pas. -C'est un marché
49:31 pour que des gens s'approprient la liqueur
49:33 et que des gens s'approprient l'alimentation du monde
49:36 pour que, deux, le gain au niveau de l'énergie
49:39 des émissions de gaz à effet de serre,
49:41 c'est totalement bullshit, c'est faux.
49:44 -Ca peut pas permettre de retrouver notre souveraineté alimentaire.
49:47 On importe énormément, par exemple, de viande,
49:50 la moitié de nos poulets.
49:52 -Oui, enfin, on en...
49:53 Je vous ai dit, en Bretagne,
49:55 on est bien placés pour savoir qu'on exporte
49:58 une grande partie de nos poulets, en particulier dans les Émirats.
50:02 -Dans les cantines, la moitié des poulets viennent de l'étranger.
50:06 -Dans les cantines.
50:08 Je le tiens d'un responsable d'achat
50:10 d'une grande centrale d'achat française,
50:13 pour tout le Grand Ouest, qui m'a expliqué
50:15 que les poulets, aujourd'hui, de batterie, à 43 jours,
50:18 bas de gamme, ne sont plus référencés
50:21 dans les centrales d'achat.
50:22 Ils partent ou à l'export, en particulier pour les Émirats,
50:26 parfois pour les nourrir, les travailleurs,
50:28 sans commentaire, et deuxièmement,
50:31 dans le cantine de France.
50:32 C'est-à-dire qu'on donne les plus vilaines volailles.
50:35 -C'est vrai. -Si vous voulez,
50:37 les gens qui, aujourd'hui, qui sont souvent les fils
50:40 et les petits-fils de ceux qui investissaient
50:42 dans les abattoirs de Chicago, sont en Californie,
50:45 et ils nous expliquent qu'ils vont nous faire l'ersatz d'une viande,
50:49 ils vont s'approprier totalement cette chose-là,
50:53 c'est absolument pas recevable,
50:57 parce que, parallèlement, ils lancent le mouvement vegan.
51:00 -Alors que le bon sens, en France,
51:02 c'est de retrouver le bon sens d'avoir des élevages
51:05 de qualité en France, parce que l'élevage,
51:07 on en a besoin dans les prairies, pour la biodiversité,
51:10 ça fait partie d'un équilibre.
51:12 Ce qu'il y a d'inacceptable, effectivement,
51:15 c'est la souffrance animale,
51:16 ces élevages qui ne sont plus des élevages,
51:19 mais des usines à protéines, et c'est ça, le scandale.
51:22 -T'as raison, il n'y a plus de souffrance animale
51:24 si on fait de la viande à partir de...
51:27 -Mais attendez, mais depuis la nuit des temps,
51:29 l'élevage, on l'a fait, mais ce mouvement de dire
51:32 la souffrance animale, de tuer un animal,
51:34 manger, c'est tuer, c'est tuer une salade,
51:37 une salade, elle pleure, elle a une larme blanche aussi.
51:40 On coupe la vie pour se nourrir, mais ça, c'est le cycle,
51:44 et l'idée de dire "je ne veux plus tuer un animal
51:48 "pour me nourrir", ça, c'est une civilisation
51:52 qui est restée totalement adolescente,
51:54 qui refuse la mort. On ne voit plus un corbillère passer.
51:57 Quand vous avez vu les tours du Watton Center,
52:00 vous n'avez pas vu un cadavre américain.
52:02 -Les écolos vous risquaient ?
52:04 -Non, ça veut dire qu'on refuse la mort.
52:07 On est dans le jeunisme et on considère que la mort
52:10 ne fait plus partie de la vie, alors qu'elle fait tellement partie.
52:14 La seule cadavre que l'on voit, c'est le rôti au milieu de la table,
52:17 quand on amène le rôti de porc ou le rosbif.
52:20 Donc, ça n'a... Effectivement, c'est très facile de dire ça,
52:24 mais moi, je reviens à la viande de qualité,
52:27 et des éleveurs qui sont absolument respectueux des animaux,
52:32 même si, effectivement, des animaux doivent être tués
52:35 pour se nourrir, mais c'est...
52:37 C'est...
52:38 C'est absolument insupportable de jouer sur cette corde
52:42 en disant qu'il faut passer par les GAFA,
52:46 par les Californies, par ces gens qui vont nous faire...
52:49 Ces trucs, c'est absolument abominable.
52:51 Et au niveau de la santé, c'est absolument...
52:54 Cette viande est totalement dépourvue de vitamine B12.
52:57 -On n'est pas prêts de manger de la viande de labo à concave.
53:00 -Chez vous, c'est non.
53:01 On va passer au dessert, et c'est le pêché mignon.
53:05 -Avec une tarte à la rhubarbe,
53:10 ce n'est pas un dessert breton,
53:12 mais il n'est pas très loin, de l'autre côté de la Manche.
53:15 Cette tarte cartonne au Royaume-Uni,
53:18 où la rhubarbe, cette plante au tige acide,
53:20 est préparée depuis le 18e siècle.
53:22 Tarte aussi traditionnelle aux Etats-Unis,
53:25 et c'est un totem de la cuisine de la Nouvelle-Angleterre.
53:28 C'est bien ça, ce chemin ?
53:29 On a parlé des Indes, la route des Indes.
53:32 Là, il y a la route... -D'abord,
53:34 justement, ma femme est un quart anglaise,
53:36 et puis, moi, les Anglais, je...
53:39 Ce sont des...
53:40 Ils me passionnent, les Anglais,
53:42 parce que je crois que la culture anglaise...
53:45 Je crois qu'ils nous le rendent bien.
53:47 On a l'impression, parfois, on les...
53:50 Ils nous émerveillent, pour les mêmes raisons
53:53 que, parfois, on peut les allier.
53:55 C'est-à-dire que...
53:57 On peut les détester et on peut totalement les adorer.
54:01 -On les déteste jamais, les Anglais ?
54:03 -Non, je crois pas. -Oh !
54:05 -Je crois que c'est à peu près le même rapport.
54:07 -Ah bon ? -Oui, on se déteste.
54:09 -On les fascine aussi, ils comprennent pas,
54:12 et sinon, franchement, ils adorent les Français.
54:15 Ils adorent notre culture, ils adorent notre cuisine.
54:18 J'ai voulu rentrer là, parce que c'est une saveur
54:20 à la fois herbacée, acidulée,
54:23 et c'est le goût de l'Angleterre,
54:25 c'est ce goût de bonbons anglais,
54:27 c'est cette acidité de la vie,
54:29 qui est l'expression même du printemps.
54:32 -On va la goûter, cette tarte à la rhubarbe.
54:34 -On veut faire des tartes aux fraises,
54:36 alors qu'il faut attendre pour avoir de bonnes fraises.
54:39 Profitons de la rhubarbe. -Vous allez la goûter,
54:42 et pendant ce temps-là, on écoute la musique que vous choisissez.
54:46 -C'est la fin de cette émission.
54:48 Musique douce
54:50 ...
54:57 -Et surtout, au Finistérien. -Au Finistérien.
55:00 J'ai choisi Didier Schiban,
55:02 car vous nous aviez laissé le choix.
55:04 Hommage, effectivement, à la culture bretonne, là aussi.
55:08 -Oui, parce que je crois que...
55:10 Moi, je suis un indépendantiste breton,
55:12 je l'ai été pendant très longtemps,
55:15 depuis mes adolescences,
55:16 et je crois toujours à l'identité culturelle bretonne,
55:21 qui doit être présentée.
55:25 Je dis toujours, avoir une identité,
55:27 c'est pas se couper des autres, au contraire,
55:29 c'est justement la possibilité de pouvoir partager
55:32 une partie de son identité avec l'autre,
55:35 et d'ailleurs, s'enrichir de l'identité de l'autre
55:38 pour développer la sienne.
55:41 Et là, Didier Schiban, qui est devant la mer,
55:44 avec son piano, je ne sais pas si c'est sur l'île de Sein
55:48 ou sur l'île d'Ouessant, je crois que c'est sur l'île de Sein,
55:51 est merveilleux. -Merci de nous avoir offert,
55:54 en tout cas, ce moment, d'avoir partagé ce déjeuner
55:57 avec nous, Olivier Rollinger. -Merci à vous.
55:59 -On s'est bien reçus. Merci à vous tous de nous avoir suivis.
56:03 On se retrouve la semaine prochaine
56:05 pour un nouveau numéro de "Politique à table".
56:08 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
56:10 ...
56:19 [SILENCE]

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