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La docteure en sciences politiques, Véra Nikolsi, était invitée dans Les Visiteurs du Soir, ce dimanche 28 mai, sur CNEWS. Il a présenté son livre «Féminicène» : «La technologisation du quotidien a libéré du temps pour les femmes».

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Transcription
00:00 En fait, la révolution industrielle apporte,
00:02 je parle dans mon livre, de la richesse inouïe des Kidams.
00:04 Chacun d'entre nous vit dans un monde où il est,
00:07 d'une certaine façon, plus riche que Louis XIV.
00:09 Louis XIV ne pouvait pas prendre un petit cachet
00:12 et ne plus avoir mal à la tête.
00:13 Il ne pouvait pas aller à Bordeaux en deux heures de TGV.
00:15 Il ne pouvait pas.
00:16 Nous, on peut faire tout ça.
00:19 La plupart d'entre nous, en tout cas,
00:20 on a accès à l'eau chaude, à l'eau froide,
00:22 à toute heure du jour et de la nuit.
00:23 On peut allumer la lumière par une pression de bouton,
00:25 ce qu'il ne pouvait pas faire.
00:27 Donc, c'est tout un ensemble de biens qu'on naturalise complètement
00:29 et qu'on ne pense plus, on ne considère plus ça comme la richesse.
00:31 Mais effectivement, pour les femmes,
00:33 c'est particulièrement important parce que, comme vous dites,
00:36 c'est elles qui supportaient une grande charge des travaux domestiques.
00:39 Et cette technologisation du quotidien va leur libérer énormément de temps
00:42 pour qu'elles peuvent employer dans ce cas-là à autre chose,
00:45 aux études, au travail, à la réflexion aussi sur leurs conditions.
00:50 Mais ce n'est pas la seule chose que produit le progrès technologique.
00:53 Cette technologisation du quotidien,
00:56 on caricature parfois, je l'ai vu sur les réseaux,
00:58 cette position en disant "Moulinex libère la femme".
01:00 Je ne suis pas du tout en train de dire que Moulinex libère la femme.
01:03 Si la femme est toujours préposée au Moulinex,
01:05 elle reste relativement dominée.
01:07 Mais cela dit, avoir déjà beaucoup, beaucoup de Moulinex
01:10 et tout le reste qui l'entoure,
01:11 c'est déjà un petit peu mieux que d'abord porter l'eau du puits
01:13 sur ses épaules et porter les bandes à terre.
01:15 Ce que vous dites qui est plus important encore, évidemment,
01:18 Véronique Holski, c'est le progrès médical qui découle
01:22 de la révolution industrielle.
01:24 En réduisant la mortalité infantile,
01:26 tout à coup, la femme ne va plus être obligée
01:28 de faire 7 ou 8 enfants,
01:30 ce qui lui prenait quand même 6, 7 ans,
01:34 de temps où elle était enceinte.
01:35 Elle ne va plus avoir besoin de faire 7 ou 8 enfants
01:38 pour qu'il y en ait deux qui puissent survivre.
01:40 Et ça, ça va libérer considérablement du temps.
01:42 Ça, c'est un autre facteur qu'il me semble
01:44 qu'on a complètement oublié.
01:45 On l'a évacué de notre conscience
01:47 parce que c'est quelque chose de très douloureux.
01:49 Imaginez la mort des enfants, ce n'est pas une chose agréable.
01:52 Et j'ai l'impression que dans notre société,
01:54 c'est vraiment une question dont on ne parle jamais,
01:57 qui est complètement oubliée.
01:58 Le fait que jusqu'à la fin du 19e siècle,
02:01 les enfants mourraient très souvent.
02:03 Un enfant sur deux quasiment n'atteignait pas l'âge adulte
02:05 dans le monde avec des variations selon les époques, etc.
02:08 les endroits, mais globalement, c'était à peu près ces chiffres-là.
02:11 Dans un monde où un enfant sur deux ne survit pas,
02:14 effectivement, je le dis un peu sous la forme d'une boutade,
02:17 est-ce que la pilule, dont on parle beaucoup
02:20 comme l'un des outils qui ont permis aux femmes
02:22 d'avoir la maîtrise de leur corps,
02:26 est-ce que la pilule aurait été utile à nos aïeuls du Moyen-Âge ?
02:30 On le voit bien en Afrique, d'ailleurs,
02:31 dans les pays où il y a une grande mortélité infantile,
02:33 même s'il y a un planning familial, les femmes n'y vont pas.
02:36 Oui, c'est-à-dire, est-ce que ça aurait été utile ?
02:39 Peut-être dans certaines situations personnelles, oui,
02:40 mais globalement, en tant que groupe, en tant que moitié de l'humanité,
02:45 pas vraiment, ou en tout cas beaucoup moins qu'aujourd'hui,
02:48 parce que de toute façon, il fallait produire ces enfants.
02:50 Il les fallait à l'échelle du groupe
02:52 parce qu'un groupe doit se reproduire,
02:53 mais il les fallait aussi pour les parents eux-mêmes
02:55 parce qu'il n'y avait pas non plus de système de sécurité sociale,
02:57 les personnes allaient s'occuper d'eux dans leurs vieux jours.
02:59 Donc, si on n'avait pas d'enfants valides, en bonne santé,
03:01 qui survivaient lorsque vous étiez vieux,
03:03 eh bien, voilà, vous ne pouviez plus continuer à vivre
03:07 si vous n'étiez plus productifs.
03:09 Donc, faire des enfants était une nécessité
03:10 à la fois collective et individuelle.
03:13 Et donc, les femmes les faisaient
03:14 parce que les hommes ne savent pas faire.
03:16 [Musique]
03:19 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]

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