2001 - 2006 _ L'affaire d'Outreau

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00:00 Cette écœurante affaire de pédophilie à Boulogne-sur-Mer, où plusieurs enfants d'une même famille étaient prostitués par leurs parents.
00:08 Ce soir, six personnes ont été mises en examen et incarcérées, reporta Gilles Marinet, Dominique Masse et Patrick Verstorm.
00:15 C'est à bord de plusieurs voitures de police et cachées sous des couvertures que les six personnes soupçonnées de pédophilie ont été déférées ce matin devant le juge d'instruction.
00:23 Parmi elles, un couple d'huissiers, un prêtre, deux amateurs de vidéos pornographiques, un chauffeur de taxi.
00:28 C'est le deuxième volet d'une affaire qui remonte à février dernier.
00:31 Dans cet immeuble d'Outreau, ville voisine de Boulogne, vivaient quatre enfants violés par leurs pères et livrés à des pédophiles de son entourage.
00:38 Neuf personnes sont alors mises en examen et incarcérées.
00:41 Les six pédophiles déférés aujourd'hui auraient eux aussi abusé des enfants. Ils ont été mis en examen.
00:47 Bien sûr, ce sont des motifs de viols aggravés, d'agressions sexuelles aggravées, c'est-à-dire d'agressions et de viols qui ont été commis sur des mineurs âgés de moins de 15 ans.
00:56 Malgré une très longue confrontation, personne n'a reconnu les faits.
00:59 Tout s'affirme à l'instar de la seule femme appliquée être étrangée à l'affaire.
01:04 La position de ma cliente est très claire. Elle nie complètement les accusations portées à son encontre.
01:10 Elle estime que ces accusations sont sans fondement. Elle estime qu'elle fait l'objet d'une cabale ou d'un complot.
01:18 Depuis les premières interpellations au mois de février,
01:21 15 personnes auront donc été mises en examen et incarcérées pour des actes de pédophilie commis dans la région de Boulogne-sur-Mer.
01:27 Et les investigations continuent. Les enquêteurs auraient détecté en effet de nouvelles victimes.
01:33 On parlait au départ d'une affaire de pédophilie familiale,
01:36 mais l'enquête pourrait aller beaucoup plus loin, à Outreau, près de Boulogne-sur-Mer.
01:40 Six enfants ont été abusés et 12 adultes ont d'ores et déjà été interpellés.
01:45 En fait, le nombre de victimes pourrait s'élever à 30 et l'on s'attend à de nouvelles arrestations.
01:50 Sur place, l'enquête d'Antoine Marguet et Bernard Seitz.
01:53 Gérard Le Cygne, procureur de Boulogne-sur-Mer, sort de neuf mois d'une enquête sordide.
01:59 Je n'ai pas de commentaire à faire.
02:01 Dans ce dossier de pédophilie, la justice a entessé plus de 900 pages.
02:06 Viol, prostitution, pédophilie, le catalogue des accusations est insoutenable.
02:11 Depuis vendredi, c'est 12 adultes qui ont été interpellés, dont quatre femmes.
02:18 Quand on sait que dans le dossier il y a des actes qui confinent au sadisme,
02:22 on s'étonne effectivement de la présence de certaines femmes.
02:26 Encore une fois, c'est un dossier hors normes.
02:28 On débouche vraiment sur des choses qui ne se voyaient pas avant.
02:33 Et là, on est dans un dossier exceptionnel à tous égards.
02:37 Dans ce quartier difficile d'Outreau, tout commence par de la pédophilie familiale.
02:42 Puis le cercle s'agrandit.
02:44 Des voisins, des commerçants et des notables auraient eux aussi, selon l'instruction, abusé de jeunes enfants.
02:50 Aujourd'hui, alors que l'affaire éclate, les victimes se sont multipliées.
02:54 Plus de 25 enfants pourraient être concernés.
02:57 Je dirais que moins d'une quinzaine d'enfants seront sans doute concernés par l'affaire,
03:03 voire une vingtaine, voire peut-être davantage.
03:05 Mais l'enquête va le révéler.
03:06 Pour l'instant, nous avons un dossier concernant six mineurs,
03:09 avec des faits précis, caractérisés, avec des mises en cause évidentes.
03:13 Nous travaillons là-dessus.
03:14 L'enquête autour de ce réseau a même pris une dimension internationale,
03:18 car ces jeunes victimes étaient emmenées ici, au stand, en Belgique,
03:21 pour le tournage de films à caractère pédophile.
03:24 Une manière pour les parents d'arrondir des fins de mois difficiles.
03:27 Dans ce dossier complexe, d'autres arrestations pourraient encore intervenir dans les prochains jours.
03:32 Et puis peut-être cette fois une autre affaire de pédophilie dramatique,
03:35 sans doute liée au dossier d'Outreau, dans le Nord, Pas-de-Calais, en 1999.
03:39 Cette fois, dans la région de Lille, le fils d'un patron de sex shop a confirmé,
03:43 devant le juge d'instruction, qu'il aurait assisté à une soirée spéciale,
03:47 où une petite fille aurait été battue à mort.
03:49 Enquête, Hervé Ardouin, Paul Albert Druon, qui avait reçu une lettre du jeune homme.
03:53 C'est cet homme, d'une vingtaine d'années, qui a écrit à la rédaction de France 3,
03:58 un courrier qu'il faut prendre avec toutes les précautions.
04:01 Dans une orthographe déplorable, que nous avons intégralement reproduite,
04:04 Daniel L. reconnaît sa participation au fait, mais va encore plus loin.
04:08 Selon lui, fin 1999, une petite fille, soi-disant belge,
04:12 aurait été violée, puis frappée à mort par deux individus.
04:15 Témoin de la scène, il aurait reçu des menaces pour qu'il ne parle pas.
04:19 Aujourd'hui, il nous affirme son innocence, dans un meurtre,
04:23 qui selon lui, finira bien par être évoqué.
04:26 Daniel L. a été entendu toute la matinée par le juge Burgo,
04:30 un juge à qui le prévenu a longuement nié toute implication dans l'affaire.
04:34 Rebondissement en fin d'année. Daniel se met à parler, cite des noms,
04:38 mais en cause des notables, tout ce qu'il dit a été vérifié, authentifié.
04:42 Son courrier est-il pour autant crédible ? C'est ce qu'essaie de déterminer le juge.
04:46 De son côté, l'avocat de Daniel ne parle pas, le parquet ne fait pas mieux.
04:51 - Non, et surtout pas de commentaires. - Putain !
04:54 Daniel L. a été confronté à quatre autres prévenus cet après-midi.
04:57 Visiblement, le juge Burgo tente de déterminer le bien fondé des accusations.
05:02 Des vérifications sont en cours, et s'il faut rester extrêmement prudent ce soir,
05:06 ici, on admet que depuis le début, toute cette affaire a progressé
05:10 à partir de déclarations a priori invraisemblables.
05:13 Venons-en à cette affaire d'Outreau, l'affaire Sordid,
05:18 où le père vendait ses enfants pour assouvir les déviances sexuelles d'un réseau pédophile.
05:23 Il a été mis en examen pour homicide volontaire,
05:26 après les révélations de deux suspects qui dénonçaient le meurtre d'une enfant.
05:30 Mais les fouilles qui se sont poursuivies toute la journée n'ont rien donné.
05:34 Le corps de la fillette de 5 ans qui aurait été massacrée après avoir été violée
05:38 lors d'une séance pédophile n'a pas été retrouvé.
05:41 Pour autant, les enquêteurs ne remettent pas en cause les aveux de celui qui a évoqué le premier,
05:46 la mort de l'enfant. Reportage sur place, Anne Mourgue, Marie-Pierre Cassignard.
05:50 Ils n'ont rien trouvé.
05:53 Toute la journée, les enquêteurs du SRPJ de Lille ont fouillé ce petit jardin ouvrier
05:58 sans succès, pas trace du corps de l'enfant.
06:01 Une fillette d'origine flamande sans doute de 5 ou 6 ans, pas plus.
06:06 On n'a rien découvert. Cependant, les policiers pensent que les témoignages qu'ils ont reçus sont bons.
06:14 A 200 mètres de là, la tour du Renard.
06:17 C'est ici, au dernier étage, que la fillette aurait été violée par plusieurs personnes,
06:22 puis tabassée à mort.
06:24 Un meurtre dénoncé deux ans après par deux témoins de la Seine, aujourd'hui en prison.
06:29 Les habitants n'étaient pourtant guère convaincus.
06:32 Je me demande comment ils ont fait pour transporter la gamine, pour l'emmener enterrer ici.
06:39 Alors, où se trouve le corps de la fillette ? Les enquêteurs en sont persuadés,
06:43 elle serait la 25e enfant, victime du réseau pédophile.
06:47 Au départ, trois petits de cette école maternelle.
06:50 Ils racontent les viols, les agressions sexuelles subies à la maison.
06:54 Incarcérée, la mère passe aux aveux.
06:57 Elle a besoin de dénoncer les faits et également de faire en sorte qu'elle souhaiterait
07:04 que chacun puisse prendre ses responsabilités sur les faits qui ont été commis.
07:08 Les parents, comme d'autres de la cité, prostituaient également leurs enfants en échange de quelques billets.
07:14 Aujourd'hui, 15 personnes sont mises en examen, des commerçants, un huissier, même un prêtre ouvrier.
07:20 Et ce ne serait peut-être pas fini.
07:22 On va au-delà de la tragédie, on est vraiment dans un monde absolument impensable.
07:28 On a du mal à exprimer l'émotion qu'on ressent les uns et les autres par rapport à ce dossier.
07:33 Cette évolution nous terrorise.
07:36 En fin d'après-midi, plusieurs enfants victimes ont été entendus au palais de justice.
07:40 Leur témoignage pourrait venir encore alourdir le dossier.
07:44 Et l'affaire Dutroux pourrait prendre ses ramifications en Belgique.
07:48 En effet, dans ce pays déjà si traumatisé par l'affaire Dutroux, on retrouverait plusieurs personnes
07:53 appartenant au réseau pédophile qui agissait dans le nord de la France.
07:56 Gilles Marinet.
07:58 C'est dans ce sex-shop à Ostende que travaillait Daniel Legrand,
08:02 un français qui, face au juge d'instruction de Boulogne, a révélé qu'il avait assisté au viol
08:06 et au meurtre d'une enfant de nationalité belge âgée de 5 à 6 ans.
08:10 Cet homme est l'une des 15 personnes incarcérées depuis plusieurs mois
08:13 suite au démantèlement d'un réseau pédophile.
08:16 Parmi eux, un huissier et sa femme, un prêtre, l'autre tenancier du sex-shop ainsi qu'un chauffeur de taxi.
08:21 Ils sont présumés coupables d'avoir abusé d'une vingtaine d'enfants vivant dans ce quartier d'Outreau, près de Boulogne.
08:26 Parfois, les petits étaient livrés par leurs propres parents, eux-mêmes violeurs.
08:30 Cela se passait à domicile, mais aussi en Belgique,
08:33 près de la commune d'Ypres, dans une ferme louée par un des membres du réseau.
08:37 Ici, dans cet environnement discret, des films pornographiques auraient été tournés.
08:41 Ypres, Ostende, la Belgique qui avait manifesté en masse contre la pédophilie en 1996
08:47 lors de l'affaire Dutroux, est une fois de plus confrontée à l'horreur.
08:50 Immédiatement, l'association Child Focus, spécialisée dans la recherche des enfants disparus,
08:55 s'est mise au travail, mais sans succès.
08:57 Aucune trace de cette petite fille qu'on aurait en fait assassinée.
09:03 Nous avons en effet constaté qu'en 1998 et en 1999,
09:08 nous avons été confrontés chaque fois à la disparition d'une petite étrangère de 7 ans.
09:13 Donc il s'agissait de deux petites filles, une venant de Somalie et une venant du Sierra Leone.
09:18 Mais à première vue, ça ne correspond pas avec la petite dont il s'agit dans ce cas-ci,
09:26 qui parlerait le néerlandais et qui ne serait pas noire à première vue.
09:30 La police fédérale est aussi alertée, n'a pas signalé de disparition,
09:34 mais on continue à éplucher tous les dossiers.
09:37 Retour sur l'affaire du réseau pédophile Dutroux maintenant.
09:40 Information du journal Le Monde, deux des suspects sont revenus sur leur déclaration.
09:45 Ils auraient accusé à tort un chauffeur de taxi et un prêtre ouvrier
09:49 pour atténuer leur propre responsabilité.
09:52 Difficile d'y voir clair. Patrick Fendiau, Guillaume Faudra.
09:55 Il est chauffeur de taxi, accusé d'avoir abusé des enfants qu'il aurait conduits en Belgique
10:02 pour tourner des films pornographiques.
10:04 Mais jeudi dernier, deux de ces accusateurs reviennent sur leur déclaration.
10:08 Dans le bureau du juge, ils affirment ne pas le connaître.
10:11 Autre prévenu, le prêtre ouvrier. Là aussi, ces accusateurs ne se souviennent plus très bien
10:17 s'il a participé à leurs orgies pédophiles. Ils n'en sont plus si sûrs.
10:21 Mensonge, calomnies, dénonciations sans preuve, pour l'instant, l'enquête piétine.
10:26 Principale accusatrice, la mère de famille, celle qui aurait prostitué ses propres enfants
10:30 chez les voisins de palier. Aujourd'hui, c'est sa crédibilité qui est en cause.
10:33 Avec des actes qui sont quand même difficiles, douloureux,
10:38 il n'est pas facile d'être extrêmement précis à chaque déclaration.
10:43 Les enquêteurs n'ont toujours pas retrouvé la petite fille qui aurait été tuée.
10:47 Certains se demandent même si elle a jamais existé.
10:50 La justice, toujours avec le procès d'un réseau de pédophilie présumé
10:54 qui avait défrayé la chronique à outre-eau.
10:57 17 personnes qu'on paraitront à partir de demain devant la cour d'assises de Saint-Omer,
11:01 les accusés en cours des peines allant de 20 ans de prison à la réclusion criminelle à perpétuité.
11:06 Parmi eux, un huissier de justice qui se dit innocent et qui a accepté de nous rencontrer.
11:11 Nathalie Cause, Jean-Michel Mier.
11:13 Après trois mois de grève de la faim cet automne, Alain Maréco est très affaibli.
11:17 Il est accusé de viol aggravé sur mineur, mais il est remis en liberté pour raison de santé.
11:22 Aujourd'hui, avec son avocat, il veut convaincre la justice de son innocence.
11:26 Huissier, dans le Pas-de-Calais, il aurait participé à un réseau de pédophiles.
11:30 Il n'y a aucune preuve, mais trois enfants l'accusent, l'un d'eux est son fils.
11:35 Il y a erreur judiciaire.
11:38 J'ai été incarcéré pour rien.
11:41 J'ai été sali pour rien.
11:43 Parce que ce dont on m'accuse est un crime odieux.
11:47 Ma vie familiale a été cassée.
11:49 Mon contre-judiciaire m'a interdit de rentrer en contact avec mon épouse.
11:53 Mon contre-judiciaire m'a interdit d'entrer en contact avec mes enfants François et Céline.
11:58 On a cassé ma vie.
12:03 Les faits se seraient déroulés à Outreau, dans le Pas-de-Calais, de 1996 à 2000.
12:08 Les habitants de cet immeuble auraient organisé des soirées pédophiles.
12:12 Les 18 victimes, souvent leurs enfants, décrivent Violle et Sévisse.
12:16 Aujourd'hui, la plupart des 17 accusés nient les faits et dénoncent une manipulation.
12:20 Face à eux, les enfants vont témoigner devant la cour d'assises.
12:23 C'est leur procès, c'est leur souffrance, c'est ce qu'ils ont vécu.
12:27 C'est la façon dont ils ont vu le monde adulte agir vis-à-vis d'eux.
12:31 Ils ont besoin de s'exprimer pour dire exactement ce qui s'est passé.
12:35 L'ensemble des enfants entendus dans cette affaire est déclaré crédible par l'ensemble des experts.
12:41 Ce sont des éléments qui pèseront lourd lors de ce procès.
12:45 En 2002, un accusé affirme qu'une des petites victimes a même été tuée.
12:49 La police recherche alors un éventuel corps à Outreau en vain.
12:52 L'accusé avoue finalement avoir tout inventé.
12:55 Face aux mensonges et sans preuve, ce procès repose sur la parole des enfants.
12:59 Justice maintenant avec l'ouverture du procès d'Outreau.
13:02 17 adultes sur le banc des accusés.
13:04 Il est non seulement question de viols répétés sur de jeunes mineurs,
13:07 mais aussi d'actes de torture à un couple et même soupçonné d'avoir "loué" ses propres enfants.
13:13 Sur place, Agnès Gardet, Vincent Kellner.
13:15 Après 23 mois de détention provisoire, après une grève de la faim,
13:20 Alain Maréco, ancien huissier de justice, compare librement devant la cour d'assises.
13:25 Serein.
13:28 Et qu'est-ce que vous dites par rapport aux accusations qu'on porte contre lui ?
13:33 Qu'ils ne sont bonnes.
13:35 Sûr de son innocence, Alain Maréco nie les faits.
13:38 Comme tous ceux qui incarnent dans cette affaire le cercle des notables.
13:41 Un prêtre, une boulangère, un chauffeur de taxi.
13:44 J'ai mon innocence qui va être démontrée et j'ai besoin de me reposer.
13:51 Excusez-moi monsieur.
13:52 Alain Maréco vient de passer deux ans et demi en prison.
13:55 On l'a tenu pendant deux ans et demi.
13:57 On devrait réussir à tenir encore un mois et demi dans la tente de l'acquittement.
14:03 Ce matin, l'appel des témoins a duré presque deux heures.
14:07 Il faut dire qu'ils sont 150.
14:09 Un procès hors norme qui devrait durer six semaines.
14:12 En point d'orgue, le témoignage des victimes, 18 enfants au total.
14:16 On va sans doute demander à ce qu'ils interviennent et qu'ils soient plus présents dans le procès.
14:20 C'est-à-dire pas seulement le jour de leur audition proprement dite.
14:23 Parce qu'il nous paraît important que les enfants voient un petit peu les personnes qu'ils ont fait souffrir.
14:29 Et surtout entendre les propos de ces personnes pour pouvoir éventuellement réagir.
14:32 Du côté de la défense, on dénonce déjà l'absence de preuves, les fausses allégations.
14:36 Parole d'enfant contre parole d'adulte.
14:39 La cour, cet après-midi, a procédé à la lecture de l'acte d'accusation.
14:42 Un moment pénible, notamment pour les jurés.
14:44 On a vu leur malaise grandir au fil des 150 pages, décrivant les attouchements, les viols, les sévices.
14:49 Un cauchemar qui a duré quatre ans, peut-être davantage.
14:52 Actualité judiciaire maintenant, avec d'abord ce rebondissement dans le procès de l'affaire de pédophilie d'Outreau.
14:58 Les deux mères de famille qui maintenaient jusque-là que l'ensemble des accusés avaient participé au viol,
15:03 viennent de se rétracter.
15:05 Elles ont avoué avoir menti.
15:07 C'est toute la physionomie de ce procès qui est en train de changer.
15:09 La thèse du réseau de notables est mise à mal.
15:11 Sur place, Agnès Gardet, Vincent Kellner.
15:13 Pierre Martel, le chauffeur de taxi.
15:16 Alain Maréco, l'huissier, sa femme.
15:18 La boulangère et son mari.
15:20 Tous viennent d'être innocentés.
15:22 C'est en fin d'audience, vers 19h, que Myriam Badaoui, principale accusée,
15:26 se lève et déclare "J'ai menti. Ces gens n'ont rien fait. Je suis malade. Je suis une menteuse."
15:32 avant de s'effondrer en larmes.
15:34 J'ai tout perdu de cette affaire.
15:37 Vous savez, on a volé mes enfants.
15:41 Ils ont tué ma mère.
15:44 J'ai dû vendre mon étude, vendre ma maison.
15:48 J'ai plus rien.
15:51 Comment voulez-vous ?
15:53 Comment voulez-vous ?
15:56 Comment ça, vous voulez apprendre ?
15:58 Ça vous soulage ?
16:00 Ma femme.
16:02 Bien sûr que ça me soulage.
16:04 Mais depuis le temps qu'on le disait, qu'on avait rien fait...
16:09 C'est fini.
16:12 C'est soulagement.
16:15 C'est la fin d'un cauchemar ?
16:17 Ça y est, c'est fini.
16:19 C'est un petit garçon. Ça fait trois ans qu'on me l'a pris.
16:23 Et j'ai rien fait. J'ai toujours dit que j'avais rien fait.
16:26 Extraordinaire rebondissement dans un procès où 13 accusées sur 17
16:31 clament leur innocence depuis le début.
16:34 Personne ne parle encore ce soir de scandale judiciaire,
16:37 et pourtant c'est dans toutes les têtes.
16:39 Même du côté de la partie civile, on accuse le coup.
16:42 Ce qui est terrible dans ce dossier, c'est de penser que des innocents,
16:45 puisqu'on peut employer le terme maintenant, ont été retenus dans les filets de la justice,
16:50 et qu'à la suite de cette affaire, on a l'impression que les enfants sont terriblement malheureux,
16:55 parce qu'ils sont victimes, ils ont souffert d'une façon épouvantable,
16:59 et que ce sera encore plus dur pour eux.
17:01 L'audience reprendra demain matin à 9h30.
17:03 Il planera sans doute au-dessus de la cour d'assise un effarant sentiment de gâchis.
17:08 Il faudra crever l'abcès. Ce sont les derniers mots du président ce soir.
17:12 Les suites du procès de l'affaire de pédophilie d'Outreau maintenant,
17:16 et cette onde de choc qui touche la justice.
17:18 Rappelons qu'hier, la plupart des accusés, les fameux notables,
17:21 ont été mis hors de cause après trois années de soupçons qui ont parfois ruiné leur vie.
17:26 On va y revenir, mais d'abord, retour à l'audience.
17:28 Elle a repris ce matin, principale information de cette journée,
17:31 à une exception près, la cour a refusé la libération de ceux qui sont encore détenus.
17:36 Une décision évidemment très mal ressentie.
17:38 Sur place, Agnès Gardet, Vincent Kellner.
17:41 La justice, là, la justice, là.
17:44 La cour d'assise vient de trancher. Il n'y aura qu'une seule remise en liberté, celle d'une jeune femme.
17:49 Les autres resteront en prison. Pour leurs proches, le scandale continue.
17:53 C'est honteux, j'ai jamais vu ça de ma vie.
17:55 Des innocents qui sont là, ça fait trois ans.
17:58 Eh ben, moi, je suis révoltée de la justice.
18:00 Parce qu'on craint un trouble à l'ordre public, ou elle, trouble à l'ordre public.
18:05 Franchement, le trouble à l'ordre public, c'est de voir l'institution judiciaire qui se comporte comme ça.
18:13 Colère et défiance.
18:15 La fille du chauffeur de taxi incarcérée depuis deux ans et demi quitte les lieux en larmes.
18:20 Tous croyaient que le coup de théâtre d'hier soir allait changer la physionomie de ce procès.
18:25 Il n'en est rien.
18:27 On les maintient en détention au mépris finalement d'un pan entier de l'accusation qui s'est effondrée hier.
18:34 Et ça, c'est intolérable.
18:36 Quel est le sens de laisser en prison des gens qui hurlent leur innocence
18:42 et dont on s'aperçoit jour après jour que celle-ci est très réellement,
18:47 pas simplement une présomption d'innocence, mais une belle innocence tout court.
18:51 Innocent ou coupable, menteur ou sincère, Aurélie Grenon, par exemple, l'une des principales accusées.
18:57 Elle est revenue cet après-midi sur ses aveux.
18:59 Je n'ai rien fait, j'ai avoué sous la pression des policiers, je n'ai jamais touché un enfant.
19:03 C'est ce qu'a expliqué Aurélie Grenon à la cour cet après-midi.
19:06 Les jurés l'auront-ils cru ?
19:08 Reprise du procès en tout cas lundi, 16 autres victimes seront entendues.
19:12 Une seule libération donc, on l'a dit, celle de Sandrine Lavier, 27 ans.
19:16 Elle a quitté la prison de Los Lely tout à l'heure après y avoir passé 3 ans.
19:21 Elle est mère de 4 enfants. Tous ont été entre-temps placés en institution.
19:25 Sandrine Lavier reste sous contrôle judiciaire avec obligation de rester chez ses parents.
19:30 L'affaire, comme pour beaucoup d'autres, a brisé sa vie.
19:33 Aurélie Aguilmin, Vincent Ferreira.
19:35 Contre toutes ses espérances, ce soir, Christine Martel ne rentrera pas avec son mari,
19:42 celui que l'affaire a surnommé le chauffeur de taxi, mais dont elle et ses enfants n'ont jamais douté.
19:49 Ça fait 2 ans et demi qu'il dort dans une cellule alors qu'il n'avait rien fait,
19:55 qu'il le dit depuis 2 ans et demi, qu'on le dit avec lui depuis 2 ans et demi.
19:59 Personne ne veut nous écouter.
20:00 Personne n'a jamais voulu nous écouter.
20:02 Pas entendu, pas cru, pire, accusée de ses vies sexuelles odieuses,
20:08 la boulangère d'Outreau a perdu jusqu'à la force de se révolter.
20:12 Je n'ai plus de colère. Ma colère, je l'ai passée dans mes larmes pendant 3 ans et demi.
20:19 Je n'ai plus de colère. Je suis anéantie. J'ai tout perdu dans cette affaire.
20:25 Je n'ai plus rien. Aujourd'hui, je suis SDF.
20:27 Autant de vies que l'affaire d'Outreau a fait basculer.
20:31 Odile Maréco était infirmière scolaire quand elle a été accusée de pédophilie.
20:35 Depuis, elle a été privée de son travail, de ses enfants et surtout de sa dignité.
20:41 J'ai perdu mon honneur. J'ai perdu...
20:44 Je n'osais même pas aller dans les magasins parce que je me disais, c'est écrit sur ma tête
20:48 que j'ai été mise en cause d'une affaire de pédophilie.
20:51 Son mari, Alain Maréco, était un huissier de justice respecté avant d'être sali lui aussi.
20:58 Ce qui m'est arrivé à moi et m'a peut vous arriver à vous tous demain.
21:04 On peut venir vous chercher parce que des personnes ont déclaré quelque chose
21:08 et vous foutre en tol, vous foutre au trou, vous mettre en garde à vue.
21:12 Et les garde à vue, je me suis fait injurier.
21:16 Pour apaiser leur souffrance, aujourd'hui, ils n'attendent qu'une chose, l'affirmation de leur innocence.
21:22 Alors, chacun s'interroge ce soir, comment en est-on arrivé là ?
21:27 Au centre des questions, il y a la conduite de l'instruction presque exclusivement basée sur les témoignages des enfants violés.
21:33 Témoignages confirmés ensuite par leurs parents et validés entre guillemets par les experts psychiatres.
21:38 Mathias Silio.
21:39 Une affaire d'inceste dans un quartier populaire.
21:43 Ce que les services sociaux de Boulogne-sur-Mer signalent au parquet en décembre 2000.
21:47 Les épousdelés sont soupçonnés d'abuser de leurs quatre enfants.
21:51 Ceux-ci sont entendus, ils accusent non seulement leurs parents mais aussi des commerçants.
21:55 Un chauffeur de taxi, un huissier, un prêtre ouvrier, 13 personnes sont interpellées,
22:00 quatre autres le sont l'année suivante.
22:02 L'affaire d'inceste se transforme en affaire de réseau pédophile.
22:06 Mais tout le dossier réside dans les déclarations des enfants et des accusés.
22:10 L'un d'entre eux a même jusqu'à dénoncer le meurtre d'une fillette.
22:14 Les enquêteurs fouillent plusieurs jardins ouvriers.
22:16 En vain.
22:17 Là on n'a rien découvert.
22:21 Cependant les policiers sont tenses que les témoignages qu'ils ont reçus sont bons.
22:28 A l'époque tout le monde croit à une affaire du trou à la française.
22:31 Les experts jugent les enfants crédibles.
22:33 En trois années d'enquête, ces enfants ne sont jamais confrontés aux personnes qu'ils accusent.
22:38 Toutes les demandes formulées par la défense sont refusées par le juge d'instruction.
22:42 J'attends toujours le juge d'instruction.
22:44 Pour dire quoi ?
22:45 Pour savoir pourquoi il a mené des débats comme ça.
22:48 C'est tout ce que je veux savoir.
22:50 Qu'il s'explique au niveau de la cour.
22:52 Parce que je crois que la faute elle vient de lui.
22:53 Je vous rappelle quand même qu'il y a un homme qui s'appelle Mourmand,
22:56 qui est présumé innocent non plus à vie mais à mort,
22:59 et que cet homme s'est suicidé.
23:01 Et je pense qu'il y a des gens qui doivent un peu regarder vers le ciel.
23:04 Le juge d'instruction n'a pas souhaité répondre à nos questions.
23:07 Quant à la ville d'Outreau, elle sait que son nom est durablement associé à l'affaire.
23:11 Cette blessure-là non plus n'est pas prête de se refermer.
23:14 Les dernières heures du procès de l'affaire de pédophilie d'Outreau.
23:18 Le verdict, je vous le disais, est attendu d'un moment à l'autre.
23:21 Le jury est réuni depuis le milieu de la matinée.
23:23 Une tâche particulièrement difficile tant l'audience a été agitée.
23:27 Sur place, Dominique Verdaillant, Vincent Kellner.
23:29 Le jour le plus long pour 13 des 17 accusés qui clament leur innocence depuis le début.
23:34 Dans la salle des pas perdus, ils attendent depuis bientôt 10 heures.
23:37 Sourire nerveux alterne avec regard d'inquiétude.
23:41 À quelques mètres d'eux, derrière cette porte, 12 jurés délibèrent.
23:45 Ils ont à répondre à près de 900 questions.
23:47 Mais les 13 accusés n'attendent qu'une seule réponse, l'acquittement.
23:51 J'ai toujours dit que moi, sachant que je suis innocente, les 13 qui se disent innocents sont sûrement eux aussi.
23:58 Qu'est-ce que vous attendez du verdict ?
24:01 Une réponse.
24:04 Une réponse que j'espère sera bonne, très bonne.
24:09 Et que je puisse enfin prendre en sérieux construire quelque chose avec ma femme.
24:16 L'acquittement, moi et mon père.
24:18 Enfin, on l'espère parce qu'il n'y a pas de raison.
24:20 On verra.
24:21 Des mots simples qu'ils adressent aux jurés en fin d'audience.
24:24 "Rendez-moi ce qui m'a été pris", dit l'un.
24:26 "Rendez-moi mon fils au plus vite", conjure un autre.
24:29 "Je demande pardon aux enfants", confesse plusieurs d'entre eux.
24:32 Seul Myriam Badaoui préfère ne rien dire à elle qui a dit tout et son contraire.
24:37 Quant aux avocats, bien avant que le verdict ne tombe, ils pensent déjà aux leçons que la justice devra tirer du procès.
24:45 Il faut que le dossier soit un tremplin pour que l'on évoque ces éléments et qu'on les évoque sérieusement.
24:51 Ou alors ces gens auront été sacrifiés finalement à l'aune des dysfonctionnements
24:56 sans que ça n'émeuve qui que ce soit et ce serait insupportable.
24:59 Un verdict autant attendu par les accusés que par l'institution judiciaire.
25:03 Un acquittement massif sonnerait comme une condamnation de l'instruction.
25:07 Neuf semaines de débats aux assises de Saint-Omer dans le Pas-de-Calais.
25:11 Au départ, un réseau pédophile dénoncé par un couple d'outre-au.
25:14 Et la nuit dernière, après toute une série de rebondissements, de marches chaotiques de la justice,
25:20 eh bien un verdict qui ne met pas un terme loin de là à l'affaire.
25:24 En effet, si les principaux accusés, le couple Delay, étaient condamnés à 20 ans et 15 ans de prison,
25:29 parmi les 13 accusés qui avaient été, disons, apparemment innocentés par leur propre dénonciatrice,
25:35 eh bien 7 ont tout de même été condamnés à des peines de prison parfois très lourdes,
25:39 comme le prêtre ouvrier Dominique Vielle, 7 ans de prison ferme.
25:43 Agnès Gardet, Vincent Kellner, récit.
25:45 C'est le sourire éblouissant d'une femme libre et blanchie après 3 ans d'injurie.
25:52 Je souris, je pleure. Là, j'ai un énorme poids qui est parti. Je respire. C'est un soulagement énorme.
26:05 Là, les larmes d'une mère de famille brisée d'avoir été longtemps accusée du pire,
26:10 à cet instant, la cour vient de prononcer son acquittement.
26:13 Parce qu'on l'attend, ce moment, on l'attend. On l'attend sans cesse.
26:17 On se dit un jour ça va tomber, un jour ça va venir, un jour on va l'entendre.
26:20 Et puis quand on l'entend, on se dit c'est vrai, je l'ai entendu, c'est pas vrai.
26:23 Donc...
26:25 Son mari, Louisier, quitte le palais de justice, défait.
26:30 Il vient d'être condamné à 18 mois de prison avec sursis pour attouchement sur son fils.
26:34 Selon son avocat, il aurait tenté de se suicider ce matin.
26:37 Car c'est cela aussi la fin du procès d'Outreau, un verdict au goût étrange,
26:41 où l'on acquitte un père, mais pas son fils.
26:44 C'est un homme qui a travaillé toute sa vie.
26:47 Et puis enfin, on lui a rendu son honneur, toute sa dignité.
26:51 Maintenant, moi, ça n'a pas été fait, ben voilà quoi.
26:54 Résigné, amer, à l'aune de décisions en demi-teinte,
26:58 sept acquittements, dix condamnations, dont celle de l'abbé Vielle, ou encore Franck Lavier.
27:03 Condamné à six ans de prison pour le viol de sa belle-fille, il a toujours nié.
27:07 Injustice, crie sa mère.
27:09 Moi qui croyais à injustice, je vais vous dire que la justice, c'est une merde.
27:12 Et jamais depuis de ma vie, je ne crois à rien à injustice. Jamais plus. Pardon.
27:16 C'est un petit verdict. C'est un petit verdict.
27:19 C'est un verdict qui est très décevant au regard de ce que l'on a vu, entendu et vécu depuis deux mois.
27:28 Il fallait quelque chose de fort, il fallait quelque chose de clair,
27:31 il fallait quelque chose qui vraiment tranche le procès d'Outreau.
27:35 Ce procès est totalement déséquilibré d'avoir un avocat général qui veut sauver les meubles
27:41 par rapport à cette procédure, parce qu'il serait inadmissible pour la justice
27:45 que l'on puisse considérer qu'il y a treize innocents dans ce dossier.
27:48 Treize des dix-sept accusés ont clamé leur innocence jusqu'au bout.
27:53 Six d'entre eux n'ont pas été entendus.
27:56 Les avocats de la défense feront appel pour la plupart, par conviction disent-ils,
28:02 en attendant que les leçons de ce procès hors normes soient tirées.
28:05 Du côté des avocats des victimes, on a une autre lecture de ce verdict.
28:08 Pour eux, la parole des enfants a été reconnue.
28:11 Un certain nombre d'accusés que l'on pouvait penser innocentés par leur dénonciatrice,
28:17 Myriam Baddawi, ont tout de même été condamnés à des peines de prison ferme, vous l'avez entendu parfois.
28:22 Le plus lourdement condamné, c'est Dominique Vielle.
28:25 C'est un prêtre ouvrier, voisin du couple Delay, au centre de toute l'affaire.
28:29 Oléa Guillemin, Vincent Ferrer.
28:31 Bon, allez.
28:33 Ce week-end, ils avaient prévu une grande fête.
28:36 Le changement de programme est rude.
28:38 L'urgence ce matin, apporter des vêtements à leurs frères, retourner en prison.
28:43 Il a le droit d'avoir du linge, mais pas de papier et de crayon.
28:47 Les règles de l'incarcération, les frères et soeurs de l'abbé Vielle les connaissent depuis trois ans.
28:52 Mais ils ne s'attendaient pas à les appliquer de nouveau.
28:55 C'est une horreur. Une horreur. Une horreur.
28:58 Hier soir, le prêtre ouvrier de l'affaire Doutreau a été reconnu coupable de trois viols et deux agressions sexuelles.
29:05 Pour lui, sept ans de prison.
29:07 Oh, mon amour.
29:09 La France entière doit se révolter. Elle n'a pas du sens.
29:14 Déception cruelle après l'espoir du 27 mai dernier.
29:18 Disculpée par sa principale accusatrice, Dominique Vielle avait été libérée.
29:24 Mais les jurés, eux, n'ont pas cru à l'innocence du voisin le plus proche du couple Badaoui-Delay,
29:30 celui aussi que certains enfants ont accusé jusqu'au bout du procès.
29:33 Il fallait aller jusqu'au bout. A partir du moment où l'on considérait que la parole des enfants n'était plus fiable pour certains,
29:39 il ne restait plus rien, pas plus pour Dominique Vielle que pour les autres.
29:43 La bagarre va continuer de toute façon.
29:46 Au lendemain du verdict, les 1 100 adhérents du comité de soutien de l'abbé Vielle continuent de se manifester en ombre.
29:53 Ils me disent tous qu'il faut continuer, qu'il faut se réorganiser, qu'on ne peut pas laisser faire ça.
29:58 C'est sans arrêt le téléphone.
30:01 Allo ?
30:03 Dominique Vielle, réincarcérée tôt ce matin à la prison de Longnesse, a d'ores et déjà décidé de faire appel.
30:09 Une seule libération, celle de Sandrine Lavier, 27 ans.
30:13 Elle a quitté la prison de Los Lemis tout à l'heure après y avoir passé 3 ans.
30:17 Elle est mère de 4 enfants. Tous ont été placés en institution.
30:21 Sandrine Lavier reste sous contrôle judiciaire, avec obligation de rester chez ses parents.
30:26 L'affaire, comme pour beaucoup d'autres, a brisé sa vie.
30:30 Aurélia Guillemin, Vincent Ferreira.
30:32 Contre toutes ses espérances, ce soir, Christine Martel ne rentrera pas avec son mari,
30:38 celui que l'affaire a surnommé le chauffeur de taxi, mais dont elle et ses enfants n'ont jamais douté.
30:45 Ça fait 2 ans et demi qu'il dort dans une cellule alors qu'il n'avait rien fait, qu'il le dit depuis 2 ans et demi,
30:53 qu'on le dit avec lui depuis 2 ans et demi, que personne n'a jamais voulu nous écouter.
30:58 Pas entendu, pas cru, pire, accusée de sévices sexuels odieux,
31:04 la boulangère d'Outreau a perdu jusqu'à la force de se révolter.
31:09 J'ai plus de colère, ma colère, je l'ai passée dans mes larmes pendant 3 ans et demi, j'ai plus de colère.
31:17 Je suis anéantie, anéantie, j'ai tout perdu dans cette affaire, j'ai plus rien. Aujourd'hui, je suis SDF.
31:23 Autant de vie que l'affaire d'Outreau a fait basculer.
31:27 Odile Maréco était infirmière scolaire quand elle a été accusée de pédophilie.
31:31 Depuis, elle a été privée de son travail, de ses enfants et surtout de sa dignité.
31:37 J'ai perdu mon honneur, j'ai perdu... J'osais même pas aller dans les magasins parce que je me disais, c'est écrit sur ma tête,
31:44 que j'ai été mise en cause d'une affaire de pédophilie.
31:47 Son mari, Alain Maréco, était un huissier de justice respecté avant d'être salie, lui aussi.
31:55 Ce qui m'est arrivé à moi, et m'a peut vous arriver à vous tous demain,
32:01 on peut venir vous chercher parce que des personnes ont déclaré quelque chose et vous foutre en tol,
32:05 vous foutre au trou, vous mettre en garde à vue.
32:08 Et les gardes à vue, je me suis fait injurier.
32:12 Pour apaiser leur souffrance, aujourd'hui, ils n'attendent qu'une chose, l'affirmation de leur innocence.
32:18 D'abord donc ce geste, un geste de réparation.
32:21 Il y a quelques mois, les sept acquittés du procès de pédophilie d'Outreau étaient en prison, calomniés, déshonorés.
32:28 Aujourd'hui, ils ont été reçus dans un palais de la République par le garde des Sceaux Dominique Perben.
32:33 Les mots ne suffisent pas, mais ils font du bien à déclarer à sa sortie l'avocat de l'un d'entre eux,
32:38 Dominique Verdahian, Édouard Perrin.
32:40 Une image impensable, il y a trois mois, à la veille du verdict de Saint-Omer,
32:45 Dominique Perben offre aux sept acquittés d'Outreau une réhabilitation nationale, officielle, publique.
32:51 Une audience un peu particulière, elle va durer une heure dans un des salons dorés de la chancellerie,
32:57 un décor bien éloigné de celui d'une cour d'assises.
33:00 Quelques minutes plus tôt, Place Vendôme, les retrouvailles entre Karine et Odile, deux des acquittés.
33:05 Tous ont attendu ce rendez-vous ministériel, innocentés.
33:08 Ils veulent dire aux gardes des Sceaux combien la machine judiciaire les a broyés.
33:12 Et visiblement, le message a été entendu.
33:15 Il nous a beaucoup touchés et je pense que tout va s'accélérer maintenant.
33:22 Je pense qu'on va pouvoir tourner la page bientôt.
33:26 On va nous avancer de l'argent sur les indemnités.
33:29 On va vraiment nous aider rapidement.
33:32 Moi j'avais une pensée pour les six personnes qui auraient dû être avec nous.
33:37 Nous étions très innocentes sur le banc des accusés.
33:40 Et pour moi c'était important de pouvoir évoquer.
33:42 Il m'a répondu que ce n'était pas de son ressort, mais ils étaient avec nous.
33:46 Face à ces souffrances, Dominique Perben parle de la nécessité d'un geste fort.
33:51 Il y a beaucoup de souffrance et donc il y a nécessairement une sorte de déséquilibre.
33:57 Et c'est la raison pour laquelle je souhaite participer à l'aide pour les aider à se reconstruire.
34:04 A faire en sorte qu'ils sortent le plus vite possible de cette situation de précarité personnelle.
34:09 Mercredi, seuls leurs avocats reviendront place Vendôme pour prolonger les négociations.
34:14 Afin qu'officiellement l'État reconnaisse qu'il y a eu faute lourde de la justice.
34:19 Les familles seront bien indemnisées.
34:21 Vous l'avez compris, c'est ce que prévoit la loi.
34:23 Encore faut-il se mettre d'accord sur le montant de ces compensations.
34:26 Les avocats demandent 300 000 euros par personne, environ 2 millions de francs.
34:30 Ils parlent de vie brisée.
34:32 Reportage Agnès Gardet, Vincent Ferreira.
34:34 Pierre Martel, celui que l'affaire Doutreau a étiqueté le chauffeur de taxi.
34:39 Un notable disait-on.
34:41 Un simple artisan qui vient de reprendre du service à 55 ans.
34:45 Je pensais prendre ma retraite avant, dans la mesure où j'ai commencé à travailler il y a 14 ans et demi.
34:53 Mais les trois années qu'on m'a volées vont faire que je vais être obligé de travailler jusqu'à 60 ans, sinon plus.
35:01 Donc voyez qu'on vous rend votre liberté, mais on ne vous rend pas les années qu'on vous a prises.
35:08 Il a passé 30 mois en prison parce qu'il était soupçonné du pire, le viol d'enfant.
35:13 Terrible accusation, les séquelles sont lourdes.
35:16 Ça va mieux ? Bonjour madame.
35:18 J'ai peur. J'ai une certaine peur en moi qui fait que la présence d'un enfant seul va me traumatiser, c'est certain.
35:28 Peur des enfants, peur des autres, peur de tout.
35:32 Odile Maréco a elle aussi bien du mal à retrouver confiance.
35:35 Comme elle a du mal à renouer avec le quotidien.
35:37 Ses enfants, les repas, les courses, elle avait oublié.
35:40 Du camembert.
35:43 Ouais.
35:45 Je me suis un peu perdue, même pour le repas de ce soir, je me suis dit, mon Dieu, je vais leur faire quoi à manger ?
35:51 Moi ça aurait été vite fait, quoi.
35:53 Et puis, pour eux, il faut quand même un minimum de...
35:57 Donc là, je suis un peu paumée.
35:59 Il est 9h15.
36:01 Sa petite fille rechigne à aller se coucher.
36:03 C'est comme ça depuis que la police est venue les arrêter un matin de novembre 2001,
36:07 depuis ce jour où son père et sa mère ont été jetés en prison.
36:10 Dans leur tête, maman est allée quand même sept mois en prison.
36:13 Même s'ils n'en parlent pas.
36:15 Mais il y a eu sept mois où j'ai été incarcérée, sept mois où j'avais perdu ma liberté.
36:19 Moi je leur écris, de là-bas les lettres, ils les lisent encore.
36:23 Donc je me dis, ça, ça nous restera.
36:26 Dans une nouvelle maison, dans une nouvelle ville en Bretagne, la vie reprend son cours.
36:31 Une autre vie. Plus jamais comme avant.
36:34 Un autre procès. Myriam Baddawi, avoue, aujourd'hui, qu'elle a menti,
36:38 après son ex-mari, la principale accusatrice dans l'affaire de pédophilie d'Outreau.
36:42 A en effet disculpé, cet après-midi, les six accusés,
36:45 actuellement rejugés par la Cour d'Assise de Paris.
36:48 Nathalie Causse, Guy Sabat.
36:50 "J'ai détruit la vie de Franck et Sandrine", affirme aujourd'hui Myriam Baddawi.
36:55 "Les six accusés ont tout perdu à cause de moi. Tous sont innocents."
36:59 "Le prêtre est un homme remarquable", dit-elle. "Lui-ci et je ne le connaissais pas."
37:04 En 2004, Myriam Baddawi est condamnée à 15 ans de réclusion.
37:08 Elle innocente les accusés, puis change de version.
37:11 Aujourd'hui à Paris, elle leur demande pardon.
37:14 "Le mal que je vous ai fait, mes mensonges", dit-elle. "Je regrette."
37:17 "Elle est allée jusqu'au bout, c'est très bien."
37:20 "Et c'est très bien, non seulement pour elle, mais aussi pour ses enfants."
37:23 "Je pense que ça va aider ses enfants à sortir, eux aussi, du mensonge dans lequel ils se sont enferrés."
37:32 "Quand elle se retourne vers moi et qu'elle me dit 'mais monsieur Maréco, je ne le connaissais pas',"
37:38 "c'est vrai que ça fait quelque chose."
37:42 "Vous savez, quand le petit Dimitri vient à l'audience et que Dimitri dit pour monsieur Maréco 'j'ai menti',"
37:52 "4 ans, j'ai attendu 4 ans."
37:55 "Quand elle vous a demandé pardon, vous avez réagi comment ?"
37:58 "Rien du tout."
37:59 Aujourd'hui, les accusés sont innocentés par 3 autres témoins.
38:03 Tous confirment les déclarations de Myriam Baddawi.
38:06 "On n'était que 4 à violer les enfants", explique son mari, condamné à 20 ans de réclusion.
38:11 "J'ai mal pour les accusés", dit-il. "Pardon pour mes mensonges."
38:16 "On est contaminés par le mensonge du haut en bas de l'édifice."
38:22 "Ne cherchons pas à trouver de la lumière dans cette espèce de pénombre."
38:26 "En conséquence de quoi ? Écartons, acquittons."
38:28 "Cet après-midi, Myriam Baddawi s'énerve."
38:31 "C'est trop facile de me mettre tout sur le dos."
38:33 "Mes mensonges, mes folies", dit-elle. "C'est parce que j'étais devant le juge Burgot qui m'écoutait."
38:38 "Lui aussi doit assumer."
38:39 Au procès, un appel de l'affaire de pédophilie d'Outreau.
38:42 Les témoins défilent à la barre, mettant un peu plus en lumière chaque jour les erreurs de l'instruction.
38:47 La cour a été bouleversée aujourd'hui par le récit de Janine Kouvelard,
38:51 la maman d'un handicapé mental injustement incriminé.
38:54 Nathalie Cause, Luc Edrich.
38:57 "Regardez mon fils", demande cette femme à la cour d'assises.
39:00 "Il est handicapé profond, incapable de se déplacer seul, incapable de violer un enfant."
39:06 Déclarée irresponsable, Jean-Marc n'a pas été jugé.
39:09 "J'ai toujours su que les enfants mentaient", raconte aujourd'hui sa mère.
39:13 "Mais le juge d'instruction a refusé de voir mon fils."
39:16 "Il a refusé de me rencontrer."
39:18 "Si moi je me traînais à mon pied, un tel boulet d'incompétence professionnelle,
39:23 il y a longtemps que j'aurais changé de métier."
39:25 "Mais ces gens-là ne le feront pas."
39:27 "Parce qu'à part détruire la vie des Français, ils sont tout juste bons à vendre des cacahuètes à la porte des terrains de football."
39:33 "Voilà ce que j'ai à dire de M. Burgo."
39:35 Cette femme est venue défendre l'honneur de son frère.
39:38 Accusée lui aussi par les enfants, il clamait son innocence.
39:41 François Mourmand est mort en prison suite à un abus de médicament.
39:45 "M. Burgo, c'est de sa faute que mon frère est mort."
39:48 "Parce qu'il ne l'aurait pas mis en prison, mon frère aujourd'hui serait là."
39:51 Après ses attaques contre le juge d'instruction, l'avocat général réagit.
39:56 Face aux six accusés, il assure qu'il n'est jamais trop tard pour rendre la justice.
40:01 "Aquité", un mot que les six accusés du procès en appel d'outre-eau attendaient depuis quatre ans déjà.
40:07 Hier, le procureur général de Paris parlait d'un millefeuille d'erreurs.
40:10 Aujourd'hui, sans surprise, les jurés ont donc mis un point final à ce fiasco judiciaire.
40:15 L'émotion était intense cet après-midi dans la salle d'audience.
40:19 Caroline Gauthier, Zidane Berkous.
40:22 Dominique Hiel, le prêtre oublié en premier, suivi de Daniel Legrand.
40:27 Les voici enfin, les six acquittés.
40:30 Sous les applaudissements, ils apparaissent.
40:33 Les yeux sont rougis par les larmes, mais le sourire l'emporte.
40:37 Franck Lavier, si peu prolixe jusque-là, devient porte-parole des innocents.
40:43 "Il y a eu des tentatives de suicide."
40:46 "Il y a eu des séjours en psychiatrie."
40:51 "Il y a eu des douleurs, des familles brisées, des enfants brisés."
40:54 "Il y a nous de brisés."
40:57 "Et tout ce que je peux dire à l'heure d'aujourd'hui, c'est qu'on a été réhabilité à la civilisation."
41:06 Dans la salle d'audience, quand le verdict est tombé, l'émotion les a submergés.
41:16 Ils se sont embrassés, ils ont pleuré, ils ont même applaudi les jurés qui venaient tout juste de les déclarer innocents.
41:23 "Nous sommes acquittés."
41:25 "Il y a longtemps qu'on l'attendait."
41:29 "Maintenant on doit se reconstruire tous."
41:34 "Parce que plus de quatre ans à être dans la tente."
41:41 "C'est un cœur de joie que je goûte pleinement avec les autres."
41:47 "Elle n'aurait pas dû être..."
41:50 "Parce que tout ça, toutes ces quatre ans de souffrance, ça n'aurait pas dû arriver si on avait eu affaire à une justice raisonnable."
42:00 "C'est un soulagement total. On a tous été acquittés, c'est le bonheur total pour nous tous."
42:05 "On a été défendus bec et ongle par les avocats de la défense."
42:10 "On prouve notre innocence aux yeux de tout le monde."
42:13 Pour les avocats de la défense aussi, ce moment restera inoubliable.
42:18 "C'est le jour le plus long et c'est le jour le plus beau."
42:21 "Et c'est pour nous un immense soulagement, vous voyez."
42:24 "La Saint-Yves c'est la fête des avocats mais je crois que c'est aujourd'hui la Saint-Yves, voilà."
42:28 La joie retombée, Alain Maréco, huissier de justice, réalise enfin.
42:32 Ses enfants viennent le rejoindre ce soir.
42:35 C'est beaucoup pour cet homme que la prison a bien failli briser.
42:40 Les acquittés d'Outreau sont désormais 13, un chiffre chance.
42:43 Ce soir, tous, ils peuvent enfin savourer leur liberté.
42:46 "Rarement une commission d'enquête parlementaire aura connu une telle affluence et suscité une si forte émotion."
42:53 "Les acquittés du procès d'Outreau se sont donc présentés un par un devant les députés, des femmes, des hommes qui ont été, rappelons-le, injustement accusés."
43:01 "Certains ont fait jusqu'à trois ans de prison."
43:03 "Ils ont prêté serment et raconté leur calvaire."
43:05 "Caroline Gauthier, Sylvain Debas."
43:08 "On pensait tout connaître d'Outreau."
43:10 "L'audience devant la commission d'enquête parlementaire prouve le contraire ce soir."
43:14 "À tour de rôle, les acquittés ont livré un récit poignant, émouvant, décrivant leur vie brisée."
43:20 "Carine Duchochoy, la seule à n'avoir pas fait de prison."
43:24 "J'avais dit que je ne saurais pas pleurer."
43:28 "Excusez-moi."
43:30 "Mon fils, aujourd'hui, il ne veut pas vivre avec moi."
43:36 "Il m'en veut énormément, en fait."
43:38 "Parce que moi, je ne suis pas allée en prison et il ne comprend pas pourquoi je ne me suis pas occupée de lui."
43:43 "Entre temps, j'ai eu un deuxième petit garçon."
43:46 "Donc aujourd'hui, il ne veut pas vivre avec moi. Il m'en veut énormément."
43:50 "Il faut que vous sachiez que même un an et demi après avoir été acquittée, la vie n'est pas rose."
44:00 "Même si on essaye en apparence de faire voir que ça va."
44:06 David Brunet, 24 mois de prison.
44:09 "C'est sûr, je vis."
44:11 "Mais moi, je peux vous dire franchement que je me couche avec l'affaire dans la tête et je me réveille avec l'affaire dans la tête."
44:18 "J'évite de pas trop en parler à ma petite amie, même à mon fils parce que mon fils, je ne veux pas le perturber avec ça."
44:25 "S'il a des questions à me poser, il me les posera plus tard ou même comme il veut."
44:29 "Mais moi, je vis très mal."
44:34 "Je peux vous le garantir, messieurs, mesdames, moi je vis très mal."
44:36 "Je vis quotidiennement sur le stress, l'angoisse et la peur, toujours, tous les jours."
44:42 Daniel Legrand, 30 mois de détention.
44:46 C'est le seul à s'être accusé à tort pour tenter de sortir de prison.
44:50 "J'ai passé des aveux, j'ai décidé de passer des aveux pour être relâché de prison."
44:53 "Et de là, j'ai commencé à accuser des gens, à m'accuser de choses terribles."
44:57 "A raconter des choses terribles que j'ai pu lire dans les journaux, que j'ai pu entendre en garde à vue."
45:01 "J'ai joué avec tout ça en fait."
45:04 "Et de là, j'ai commencé à débarrasser n'importe quoi."
45:06 "Et moi honnêtement, quand j'ai vu les fouilles qui se faisaient, et quand je voyais le juge..."
45:11 "Qui était là, c'est lui qui donnait l'autorisation d'entreprendre ces fouilles."
45:16 "Dans ma tête, moi c'était 'vas-y cherche quoi, cherche, tu me fais galérer, tu me jettes en prison dans un trou à rocs quoi."
45:22 "Bah moi, vas-y cherche quoi, vas-y cherche, prends ton temps à chercher, cherche."
45:25 "Vas-y cherche après ça, cherche après le cadavre."
45:27 "Moi j'y allais de bon cœur aussi, à ce moment-là j'étais de bon cœur aussi quand même."
45:32 "Au deal marécaud, 8 mois derrière les barreaux, elle salue l'aide de ses surveillantes."
45:38 "Et j'écrivais des lettres à mes parents, à ma famille, à toutes les personnes auxquelles je pouvais me rapprocher."
45:47 "En disant que j'en avais marre, que j'avais la haine, qu'il était temps que ça s'arrête."
45:52 "Que je me vengerais de tout le mal qu'on a dit contre moi."
45:55 "Je me vengerais du juge pour ce qu'il faisait quand on allait aux entretiens et aux auditions."
46:01 "Et un jour elle m'a dit, arrêtez, arrêtez, tout va bien, la vie est belle."
46:04 "Vous êtes bien, arrêtez d'écrire que vous vous vengerez."
46:07 "Je les ai écoutés et je suis sortie deux mois plus tard."
46:11 "Et puis Lydia Mourmand, elle s'exprime au nom de son frère, décédé en prison."
46:17 "J'ai dit ton fils il est décédé, Yéma, et ma mère s'est laissée mourir."
46:21 "Et ma mère est morte le 23 juin 2003, avec la photo de mon frère."
46:26 "Tous les jours elle avait la photo de mon frère."
46:29 "Vous voyez le mal que ça nous a donné."
46:31 "Mais mettez-vous à ma place, comment j'ai souffert."
46:34 "C'est vrai que ces pauvres gens ils ont souffert, ils ont la vie devant eux."
46:37 "Mais nous c'est plus dur, ce que la justice nous a fait."
46:40 Parmi les nombreux temps forts de cette journée à l'Assemblée,
46:44 le récit de celui qu'on a longtemps appelé "l'huissier de justice", Alain Maréco, 41 ans, père de trois enfants.
46:50 Dans l'épreuve, il a perdu son étude et sa femme. Voici son témoignage.
46:55 "Le 14 novembre 2001, où j'ai été arrêté, ma mère a arrêté de s'alimenter."
47:00 "Ma mère a arrêté de parler, pleurant tous les jours, son fils en prison."
47:06 "Elle a denu deux mois, deux mois."
47:11 "Et ce 10 janvier 2002, qui j'ai devant moi, celui que je qualifierais du meurtrier de ma mère, le juge Burgo."
47:19 "C'est à cause de lui que maman est partie."
47:24 "Et qu'est-ce qu'il me reste maintenant ? Un boulot de salarié et trois enfants."
47:31 "Trois enfants détruits."
47:34 "Trois enfants cassés."
47:44 "Mon aîné, quand on vient nous arrêter, il a 13 ans et demi."
47:50 "On lui dit, tes parents sont des criminels, ce sont des pédophiles, ils vont en prendre pour 20 ans."
47:55 "Vous devrez le voir, ce fils aîné, il est pris délinquant."
48:00 "Que voulez-vous faire avec cet enfant ?"
48:03 "Que voulez-vous que je lui dise quand je dis, tu sais, si tu fais des bêtises, tu vas aller en prison ?"
48:08 "Et qu'il me répond, mais papa, t'as rien fait, t'as été en prison."
48:11 "Alors qu'est-ce qui va m'arriver à moi si je fais quelque chose ?"
48:15 Tout au long de la journée, les acquittés ont sévèrement mis en cause les méthodes du juge Burgot qui a mené l'enquête, vous l'avez entendu.
48:21 Le magistrat a justement choisi de sortir de son silence dans une interview au magazine L'Express.
48:26 Il estime avoir rempli sa mission honnêtement. Dominique Verdaillans, Stéphane Bretner, Virginie Travert.
48:32 Inspection, commission d'enquête et un même nom en point de mire, Fabrice Burgot.
48:39 Depuis son audition au procès de Saint-Omer, le juge n'avait pas répondu à la mise en cause de son instruction.
48:44 Un an et demi plus tard, Fabrice Burgot reste sur la même ligne de défense.
48:48 "Je suis mis en position d'accusé alors que j'estime avoir rempli ma mission honnêtement, loyalement et conformément à la loi."
48:57 "Je mesure les conséquences d'une détention et j'ai conscience de leurs souffrances et celles de leurs proches. J'estime avoir agi en conscience."
49:06 Acquittés, les 13 victimes du dossier Outreau ont obtenu les excuses publiques des plus hautes autorités de l'État.
49:13 Le juge, lui, s'y refuse. "Ce serait une solution de facilité pour moi", dit-il.
49:19 C'est quelqu'un qui admet tout à fait qu'il puisse y avoir une erreur ou des erreurs d'appréciation.
49:28 Ce qu'il refuse, c'est qu'il n'accepte pas, c'est que l'on puisse dire aujourd'hui, faute professionnelle lourde, mauvaises intentions, comportement inadmissible, erreur grossière, tout ça, il ne l'accepte pas.
49:41 Il peut être critique sur lui-même, mais en ce qui concerne les accusations sans fondement, ça il ne les accepte pas et il ne les acceptera jamais.
49:46 Devant les députés, les innocentés concentrent leur critique sur le juge, son instruction à charge, sa raideur, sa froideur.
49:54 "Il avait le droit de vie et de mort sur moi", dit l'un d'entre eux.
49:58 "Les excuses du juge, j'en veux pas. Moi je voudrais bien qu'il regarde le matin quand il va se lever, parce que moi j'ai pas de mort sur ma conscience.
50:04 Le 14e, c'est pas moi qui l'ai fait mourir, c'est lui qui l'a fait mourir."
50:09 Il est égal à lui-même, il ne veut pas reconnaître son erreur et on s'y attendait de toute manière.
50:15 Ce qu'il n'a pas l'intention de s'excuser, ça ne m'étonne pas. Monsieur Burgo a toujours été quelqu'un de suffisant, donc je crois qu'il a beaucoup trop d'estime pour lui, pour un jour pouvoir exprimer des excuses.
50:27 Les parlementaires eux-mêmes semblent s'être déjà fait une opinion sur le travail du juge Burgo.
50:34 "Moi qui réponds à un certain nombre de questions, parce qu'il est mis en cause de manière particulièrement précise, et en qualité de rapporteur, moi qui ai vu le dossier, ce qu'on dit ce matin,
50:44 les victimes acquittées correspondent aussi à une partie aux conclusions que j'ai tirées de l'examen du dossier."
50:50 "Peu d'humilité quand même, devant un tel ratage, de tout le monde d'ailleurs. Maintenant, je redis, ne nous focalisons pas sur une seule personne."
51:01 À la fin du mois, Fabrice Burgo sera devant les parlementaires, en présence des 13 acquittés d'outre-Haut.
51:07 Hier, l'intervention du juge Burgo s'est achevée peu avant minuit, après 7 heures d'audition. Le juge est apparu comme un homme seul et inexpérimenté, et jusqu'au bout, ses explications sont restées très confuses.
51:19 Stéphanie Déjar et Luc Edrich.
51:22 "Je m'aperçois que j'aurais dû, sans aucun doute, le faire."
51:26 Intimidé, hésitant, le juge Burgo plie face à l'interrogatoire des parlementaires. Des heures d'explications sur sa procédure et ses choix, mais au fil de la soirée, les questions se font plus précises.
51:38 Plus agressives même, quand Philippe Houillon, le rapporteur de la commission, évoque les détentions malgré les doutes persistants, les mises en examen sans fondement, comme celle de Jean-Marc Couvlard, fortement handicapé.
51:51 "Il a posé des questions, oui."
51:53 "Comment ?"
51:55 "On avait des interrogations, des interrogations sur l'ensemble des éléments."
52:01 "Bon, c'est tout ce que vous avez à répondre sur ce sujet ?"
52:07 "Oui, qu'il aurait dû..."
52:09 "Monsieur Couvlard, c'est quand même... c'est monumental, quoi. On vient dire qu'il participe, c'est physiquement, mentalement pas possible."
52:20 "Il aurait dû bénéficier d'un non-lieu."
52:22 "Nous sommes la représentation nationale, c'est notre liberté qui est entre vos mains. Les réponses sont un peu courtes, quand même."
52:28 Pas un regard du juge pour les acquittés présents dans la salle. Mais les députés de presse, sur le terrain émotionnel, pensent-ils aux acquittés, aux vies brisées de leurs enfants ?
52:40 "C'est une situation qui est, bien sûr, tout à fait dramatique."
52:46 "Je ne sais pas... je ne sais pas quoi dire de plus..."
52:51 "On a pu voir que, contrairement à ce que l'on avait dit, déclaré, que ce magistrat n'est pas certainement pas déshumanisé, il n'est pas absent de son esprit, la souffrance des uns et des autres, il a aussi une rigueur professionnelle, même si, encore une fois, il a répété qu'il a bien évidemment pu commettre des erreurs d'appréciation."
53:12 Mais après 7 heures d'audition, les acquittés livreront aux médias leur frustration et leur amertume.
53:17 "Il était recroquevillé dans son truc, quoi, voilà. Même le truc qu'il m'a fait, il n'a rien reconnu, il n'a rien voulu reconnaître, il n'a pas fait de chantage, c'est un gros menteur."
53:27 "Il ne répond pas aux questions correctement, il a besoin de son avocat qui lui souffre, c'est tout, pour moi, il restera un petit juge."
53:36 Hier, les acquittés d'Outreau ont quitté l'Assemblée sans avoir obtenu d'excuses, ni même de réponses précises à toutes leurs questions.
53:43 Quelle leçon va-t-on tirer du fiasco du procès d'Outreau ?
53:47 Une responsabilité collective, dit le rapport de l'Inspection Générale des Services Judiciaires, mais aucune faute commise, toujours selon ce même rapport.
53:55 Le juge Burgot, en particulier, n'est coupable que d'inexpériences ou de maladresse, en tout cas, rien qui puisse faire l'objet de sanctions.
54:02 Ces conclusions s'ajoutent à celles de la commission d'enquête parlementaire, qui présentait en milieu de semaine ses propositions pour réformer la justice.
54:09 C'est maintenant au garde des Sceaux de tranchée, Dominique Verdahien.
54:13 Ni responsable, ni coupable. Longtemps la cible des attaques, le juge Burgot se voit aujourd'hui épargné par ses pairs.
54:21 Un rapport de 150 pages, écrit par 6 inspecteurs, 6 magistrats.
54:26 Il apparaît en réalité que, quels qu'aient pu en être les conséquences, ces choix ou ces omissions ont procédé avant tout de son inexpérience et d'une certaine maladresse.
54:34 Autrement dit, Fabrice Burgot a commis des fautes, mais pas d'erreurs graves justifiant une sanction.
54:40 Je pense que l'inexpérience, je pense que la maladresse, je pense que le fait de faire des choix inappropriés, ça participe d'un comportement professionnel qui peut être critiquable,
54:51 parce qu'on peut critiquer un juge qui se trompe, mais ce n'est pas pour autant qu'il doit être sanctionné disciplinairement.
54:59 Pas de sanctions, les Aquitais se disent choqués. Leurs avocats dénoncent une justice qui cherche à s'auto-blanchir.
55:05 Je pense aux Aquitais, à leurs 25 années de détention provisoire, et on vient leur dire, vous savez, finalement la justice, dans sa globalité, a bien travaillé.
55:15 Il y a eu quelques petits dysfonctionnements, quelques petites choses qu'on changera et qui n'ont pas été, mais croyez-nous, ça ira mieux demain.
55:21 Et je ne suis pas persuadé que ça ira mieux demain.
55:23 L'État a indemnisé sur la base d'une faute lourde. Et cette faute lourde, elle disparaît dans le rapport de l'Inspection Générale des Services.
55:30 Mais alors à quoi sert l'inspection ?
55:32 Épinglé par le rapport de la Commission parlementaire, Fabrice Burgot échappe au foudre de l'Inspection Générale.
55:37 Juste retour des choses, selon son avocat.
55:41 En tout cas, selon la confiance que nous avons toujours dit, rien n'est parfait dans une instruction, mais en tous les cas, M. Burgot n'a pas commis de faute et n'avait pas à s'excuser.
55:48 Le dernier mot revient aux gardes des sceaux. Il peut passer outre l'avis de l'inspection et saisir le Conseil supérieur de la magistrature. La décision pourrait être prise ce week-end.
55:57 [Générique]
56:06 [SILENCE]