L’Histoire de… Ségolène Royal : « J’ai dit ‘Je t’aime’ à ma mère pour la première fois »

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En 2018, la mère de Ségolène Royal entre en Ehpad. C’est l’heure pour les deux femmes d’échanger des mots qu’elles n’avaient jamais prononcés…
Transcript
00:00 On voit l'émotion dans ses yeux, dans son frémissement, dans les traits de son visage.
00:06 Les personnes très âgées, surtout quand c'est votre mère, deviennent tout d'un coup extrêmement fragiles
00:21 et vous êtes dans un état différent au fond de tout ce que vous avez connu durant votre vie.
00:27 Et ensuite, ce qui était extraordinaire, c'est qu'elle gardait sa curiosité sur la vie.
00:32 Elle ne pouvait pas beaucoup lire, elle ne pouvait plus beaucoup lire malheureusement,
00:35 mais elle gardait sa curiosité sur la vie, ses souvenirs.
00:38 Et puis au fur et à mesure où le temps passait, je me suis mise à dire des mots
00:44 que l'on ne dit pas au cours de sa vie, que l'on ne disait pas dans ma famille.
00:50 On était plutôt taiseux, plutôt réservés.
00:53 Il y avait d'autres façons de manifester son amour parental et son amour filial.
00:59 Et tout d'un coup, je me suis mise à lui dire que je l'aimais, elle a caressé.
01:04 Et donc c'était la première fois.
01:06 On a été des enfants aimés par elle, choyés, caressés, amusés.
01:13 Elle avait toujours été très fantaisiste, elle nous a appris à lire très tôt,
01:16 elle nous a appris à faire des herbiers, à admirer la nature, elle nous a transmis beaucoup de choses.
01:20 Mais il n'y avait pas dans les mots, il y avait une retenue dans les mots par rapport au sentiment.
01:24 C'était la culture familiale, beaucoup de familles, on ne dit pas "je t'aime",
01:28 "merci, je crois qu'il faut le dire", mais le montrer aussi.
01:31 C'est très, très émouvant en fait.
01:33 Et en plus, on voit l'émotion dans ses yeux, dans son frémissement, dans les traits de son visage.
01:40 Et ça donne en fait beaucoup de bonheur.
01:43 Quand elle avait fait une chute chez elle, elle avait demandé d'être en établissement,
01:48 elle a d'ailleurs été très bien traitée, très bien occupée d'elle.
01:52 Mais il y a eu des épisodes assez drôles aussi,
01:55 qui a gardé le sens de l'humour, c'est ça qui est extraordinaire.
01:58 Cet accompagnement de vie, il s'est fait en plusieurs étapes,
02:03 c'est-à-dire de la tristesse, ensuite de l'angoisse,
02:06 notamment lorsqu'elle a été déplacée à l'hôpital,
02:08 quand il y avait un problème respiratoire, elle a tout se désagrégé, elle a été perdue.
02:12 Et ensuite de douceur, parce qu'il y a eu aussi une accoutumance,
02:18 et puis un retour, c'est-à-dire que c'est moi aussi qui recueillais, au fond,
02:24 la densité de cette vie, petit à petit,
02:27 alors qu'au départ je pensais faire mon devoir, finalement.
02:30 Et ensuite je me suis rendue compte que c'est à moi que ça a porté autant,
02:33 peut-être même davantage, qu'à elle.
02:36 Parfois il y a des retenues de pudeur ou d'incertitude,
02:42 et en fait, quand on s'interroge tout simplement à ce qu'il faut faire ou pas faire,
02:47 il faut toujours faire, il faut toujours oser, finalement.
02:50 Parce que les choses que l'on regrette dans la vie, c'est celles que l'on n'a pas osées.
02:55 Donc il faut oser les faire, dès lors qu'elles font du bien, évidemment.
02:59 [Musique]

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