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Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements - historiques ou personnels - qui l'ont conduit à choisir la vie publique.
Car on ne naît pas politique, on le devient !

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Transcription
00:00 Elle fait partie des députés qui n'ont pas tardé à se faire un nom dans la nouvelle Assemblée.
00:04 Une ascension rapide mais pas si surprenante quand on sait que mon invité a fait ses armes
00:09 aux côtés d'une ancienne ministre, aujourd'hui maire d'une grande ville.
00:13 [Musique]
00:29 Bonjour Violette Spilbout.
00:31 Bonjour.
00:31 Alors vous avez pratiqué la danse classique avec l'espoir de devenir danseuse étoile.
00:37 De tout cela il reste une médaille du Conservatoire de Lille,
00:40 quelques photos et un témoignage vidéo assez inattendu.
00:43 On va en voir un extrait.
00:44 [Musique]
00:46 La tête gonflée de projet, elle jubilait.
00:51 Persuadée que ses ambitions se réaliseront dans sa région.
00:56 Ma région donne l'impulsion à mon ambition.
01:00 [Musique]
01:20 Alors on reconnaît bien le côté années 90 dans cette vidéo.
01:23 C'était un clip de promotion de la région Nord-Pas-de-Calais,
01:27 tourné quand vous aviez 17 ans je crois.
01:29 Oui 17 ans l'année du bac.
01:30 Oui et alors ce qui est drôle parce qu'au début dans cette vidéo
01:34 on a presque l'impression que la voix off qu'on entend parler là,
01:37 elle parle de vos propres ambitions, vos ambitions politiques pour la région,
01:41 pour la ville de Lille.
01:43 Oui c'est incroyable parce que quand on se replonge, il y a 30 ans,
01:46 parce que j'ai une cinquantaine d'années,
01:49 on voit cette ambition globale de notre région, des Hauts-de-France,
01:53 de Lille, capitale régionale,
01:55 et je me retrouve depuis quelques années
01:57 à porter un projet politique.
01:59 Donc j'imagine que c'est mon destin et ça me correspond bien aujourd'hui.
02:02 Sur la danse classique, vous l'avez pratiquée quand même à haut niveau,
02:05 on dit souvent que c'est une discipline,
02:07 c'est un enseignement très dur qui peut forger une personnalité
02:11 pour le reste de sa vie.
02:12 Est-ce que c'est votre cas ?
02:14 Je le crois profondément.
02:15 La danse classique c'est d'abord la discipline, la rigueur et l'effort.
02:19 Moi ça m'a beaucoup appris aussi pour le collectif
02:21 parce que la danse classique, moderne,
02:23 ça se pratique dans une équipe, dans une troupe,
02:26 et donc ce travail collectif, cette harmonie qui doit être trouvée,
02:29 je le retrouve finalement dans ma vie professionnelle,
02:31 puis politique aujourd'hui.
02:33 Alors vous avez fait vos débuts dans le milieu politique
02:35 un peu par hasard, si l'on peut dire.
02:36 Il y avait un poste à pourvoir au cabinet du maire de Lille
02:40 de l'époque, Pierre Moroy, c'était en 1997,
02:44 c'est à ses côtés que vous avez débuté.
02:47 Mais c'est surtout avec Martine Aubry
02:48 que vous avez fait votre apprentissage, si l'on peut dire,
02:50 pendant 13 ans, vous avez été chef de cabinet,
02:53 puis directrice de cabinet de la maire de Lille.
02:57 Qu'est-ce que vous avez appris aux côtés de Martine Aubry ?
02:59 J'ai beaucoup appris sur la conduite de la politique locale,
03:03 de la politique pour une grande ville,
03:04 ça veut dire à la fois la construction d'une vision
03:06 et puis tous les sujets opérationnels, les sujets de crise.
03:10 Quand on est maire d'une ville, on est à portée d'engueulade,
03:13 c'est-à-dire à disposition permanente des concitoyens.
03:17 J'ai graffi les échelons auprès de Martine Aubry
03:20 en commençant de mon concours d'ingénieur territorial
03:22 et en ayant occupé le poste de directrice de cabinet
03:26 pendant son mandat jusqu'en 2014.
03:29 Moi, ça m'a appris la gestion du quotidien d'une grande ville
03:34 et de ses relations avec son territoire, son environnement.
03:37 Donc c'est beaucoup de bons souvenirs professionnels pour moi.
03:40 Alors fin 2013, vous êtes partie travailler à la SNCF,
03:43 mais il était prévu que vous vous présentiez l'année suivante
03:45 aux côtés de Martine Aubry au municipal,
03:47 elle voulait même faire de vous son adjointe à l'éducation.
03:50 Sauf qu'en janvier 2014, coup de théâtre, vous lui dites non.
03:54 C'est totalement inattendu, ça surprend tout le monde.
03:57 Ça ressemble presque à un refus d'obstacle au moment où
03:59 elle vous a proposé de basculer en tant que femme politique.
04:02 Qu'est-ce qui s'est passé ?
04:03 Pour moi, ce n'était pas un recul, c'était plutôt une avancée,
04:06 une décision courageuse dans ma vie.
04:08 J'avais 40 ans et vous savez, à 40 ans, souvent,
04:10 on fait le point sur ce qui est important en termes de valeur,
04:13 d'engagement et j'avais beaucoup de sujets qui me heurtaient
04:17 et qui, progressivement, dans la maturité de ma compréhension
04:22 de l'ensemble des enjeux politiques, locaux et nationaux,
04:24 me posaient problème.
04:25 Des désaccords politiques ?
04:26 Des désaccords politiques sur les rythmes éducatifs,
04:29 c'était la grande époque des relations avec les parents d'élèves
04:32 très tendues sur l'imposition du samedi matin pour faire l'école.
04:37 Il y avait les sujets culturels, bien sûr, qui m'ont beaucoup immobilisée.
04:41 Et puis, la relation au commerce, à l'entreprenariat,
04:44 on avait une défiance du maire de Lille de plus en plus prononcée
04:47 envers les commerçants, les artisans de la ville.
04:51 Et tous ces sujets-là ont fait que, vers 40 ans,
04:53 au moment de m'engager ou pas dans cette liste municipale,
04:57 j'ai choisi de rester à la SNCF et de me dissocier
05:01 avec des sujets aussi de valeur, d'injustice qui me posaient problème.
05:04 Alors, vous avez poursuivi votre carrière à la SNCF
05:06 comme directrice des relations publiques à l'époque.
05:09 Et puis, un jour, en 2016, en descendant les escaliers dans le métro,
05:11 je crois, vous êtes gravement blessée, au mollet.
05:16 Ça a été une épreuve longue, difficile, je crois,
05:18 pendant un peu plus d'un an et demi.
05:21 Vous êtes restée en fauteuil roulant ou avec des béquilles.
05:24 C'est une épreuve qui vous a changé, vous diriez ?
05:27 C'est une épreuve qui, heureusement, a été temporaire.
05:29 Je ne le savais pas à l'époque.
05:30 J'ai eu un moment où je me disais que je ne remarcherais jamais normalement,
05:34 mais qui m'a fait vivre ce que beaucoup de personnes en situation de handicap vivent,
05:38 ne pas pouvoir se déplacer librement, dépendre des autres,
05:41 devoir organiser sa vie physiquement et dans ses mobilités très différemment.
05:46 Vous dites que ça a même créé de la colère en vous.
05:48 Ah oui, j'étais en colère tout le temps parce qu'on se sent impuissant,
05:51 on ne peut pas décider soi-même, on a besoin de ses enfants, de son mari
05:53 pour faire les choses quotidiennes de la vie.
05:55 Ça renverse un peu les relations familiales, professionnelles.
06:00 À la SNCF aussi, ça a été un moment difficile,
06:02 même si j'avais des solidarités des collègues
06:03 et que c'est une entreprise qui est plutôt très bienveillante et accompagnante
06:07 quand on a une difficulté de santé.
06:09 Moi, ça m'a surtout beaucoup appris sur le rapport au temps, le rapport aux gens
06:14 et j'ai été beaucoup plus attentive aux autres.
06:15 J'essaye de conserver ça, même à la vitesse politique à laquelle on agit aujourd'hui.
06:20 Alors, vous avez fini, heureusement, par vous en remettre.
06:22 Et le 22 janvier 2018, vous êtes apparu au premier rang des vœux
06:26 de l'opposition municipale à la maire de Lille, donc les vœux de la droite.
06:31 Alors, le message est clair, vous entrez en politique.
06:32 Et alors là, vous le faites contre celle auprès de qui vous avez grandi.
06:36 C'est une décision que vous avez mûrie pendant votre convalescence.
06:39 C'est quelque chose qui vous trottait dans la tête ?
06:41 En fait, l'engagement politique m'a titillée, on va dire,
06:44 au moment où Emmanuel Macron, en 2016, s'est engagé
06:47 et a proposé cette nouvelle offre qui faisait confiance à la société civile,
06:51 qui était dans le déplacement des clivages.
06:54 Et dans tout cet élan des présidentielles, puis des législatives,
06:57 moi, j'étais dans ma convalescence, donc effectivement, j'ai lu beaucoup.
07:01 Et tout ça m'a permis, effectivement, à un moment,
07:05 avec les rencontres des Lillois qui m'ont accompagnée,
07:09 d'oser proposer plutôt une offre politique nouvelle,
07:13 celle de la majorité présidentielle, à Lille,
07:16 pour les Lillois et pour la métropole lilloise.
07:18 C'était un moment, effectivement, un peu surprenant pour certains,
07:21 mais qui était déjà bien mûr chez moi depuis de nombreuses années.
07:24 Alors, avant de pouvoir vous présenter face à Martine Aubry au municipal,
07:28 vous avez quand même dû vous imposer dans votre propre camp,
07:30 parce qu'il y avait la députée LREM de l'époque, Valérie Petit,
07:33 qui voulait aussi se présenter.
07:35 Vous l'avez battue lors de l'investiture,
07:37 vous l'avez à nouveau battue quand il a fallu briguer l'investiture aux législatives.
07:42 La campagne, ces deux campagnes, se sont déroulées dans un climat très tendu.
07:47 Vous assumez une forme de dureté en politique ?
07:50 Non, je dirais plutôt que je subis une forme de dureté et de violence en politique.
07:55 Pendant la campagne municipale, notamment,
07:57 on a vu beaucoup de violence verbale, psychologique, physique.
08:01 À mon local de campagne, des menaces de mort,
08:04 beaucoup de diffamation sur les réseaux sociaux.
08:06 Comment vous expliquez autant de violence contre vous ?
08:08 Mais ça, c'est ce que beaucoup d'élus aujourd'hui rencontrent.
08:10 On le voit.
08:11 Moi, je pense qu'on est dans une ville, dans un territoire qui était très tenu par un système.
08:17 C'est les baronnies dans les grandes villes françaises.
08:20 Et nous, on apporte aujourd'hui, avec la majorité présidentielle,
08:23 une nouvelle offre politique.
08:25 Et tout ça, effectivement, ça dérange.
08:26 Donc, quand on dérange, on doit se battre un peu.
08:29 Moi, j'estime que je l'ai fait avec des bonnes armes.
08:31 Il y a quand même un côté dur chez vous.
08:32 Enfin, se présenter, parce que vous vous êtes présentée au municipal face à Martine Aubry.
08:36 Vous avez perdu.
08:38 Vous avez fait quand même plus de 20%, je crois, au second tour face à elle.
08:41 Mais c'est quand même dur de se présenter face à celle qui vous a fait grandir,
08:45 qui vous a introduit dans le milieu politique.
08:47 Vous comprenez qu'elle soit sentie trahie, Martine Aubry ?
08:49 Moi, je ne me suis jamais présentée pour être contre.
08:53 Je me suis présentée avec un vrai projet collectif.
08:55 Tout le projet municipal qu'on a construit, c'était avec l'ensemble des associations,
08:59 des acteurs de la société civile, des commerçants, des infirmiers, des profs,
09:04 qui étaient à mes côtés, des chefs d'entreprise,
09:06 et qui avaient envie de changer le visage de Lille et sa vision métropolitaine.
09:10 Il ne s'agit pas de tuer la mer. On dit souvent "tuer le père" en psychologie.
09:12 Non, c'est surtout porter ma ville.
09:13 Porter ma ville. Je suis lilloise.
09:15 Je suis lilloise depuis toute petite.
09:17 J'ai fait l'école à Lille. J'ai fait le conservatoire à Lille.
09:19 Je pense qu'on peut promouvoir aujourd'hui une candidature
09:23 pour avoir un maire de Lille qui porte une vision de la ville et de la métropole
09:28 très ambitieuse, avec une vraie vision municipale et nationale pour notre ville de Lille.
09:33 Alors, vous ne faites pas de cadeaux en politique, malgré tout.
09:36 Mais la politique, vous l'avez dit, vous ne faites pas de cadeaux non plus.
09:39 Il y a eu ces incidents pendant la campagne des municipales,
09:42 lors de vos réunions publiques. Il y a eu d'autres événements.
09:44 Pendant la réforme des retraites, une fois élue députée,
09:46 il y a des manifestants qui se sont présentés devant votre domicile
09:49 avec des drapeaux, des banderoles, mais aussi avec des parpaings et du ciment.
09:54 Ouvrez tout, le monde déteste les spielbooths.
10:03 Alors, ces manifestants qu'on voit, ils ont mûré la porte d'entrée de votre domicile.
10:09 Et puis, il y a ces chants qu'on vient d'entendre.
10:10 Tout le monde déteste les spielbooths.
10:12 Comment est-ce que vous avez vécu ce moment ?
10:14 Alors, je vais juste rectifier le chant.
10:16 Bien écouté, on l'a réécouté plusieurs fois, y compris avec la police.
10:18 Tout le monde déteste Violette Spielbooth.
10:20 Pour moi, c'est très important.
10:21 Violette, d'accord.
10:22 C'est très important pour ma famille.
10:24 C'est très important pour ma famille, pour mes filles,
10:26 parce que c'est assez émouvant d'entendre le chant plus que le mur.
10:32 C'est ça qui a tourné sur les réseaux sociaux.
10:34 C'est ça qui a heurté beaucoup ma famille,
10:37 qui rentre dans l'intime, qui rentre dans le jugement personnel,
10:41 alors que l'engagement politique, c'est le mien,
10:43 c'est celui de la femme Violette Spielbooth.
10:45 Parce que l'une de vos filles était présente dans la maison.
10:47 Elle n'a rien demandé. Celle qui était présente, non plus.
10:49 Elle avait un examen du bac l'après-midi.
10:51 Ce genre d'action qui se veut symbolique
10:54 est en réalité une vraie violence psychologique.
10:56 Et ce que moi, j'ai vécu, on n'est pas dans la violence physique là,
11:00 ce que j'ai vécu, c'était extrêmement fort.
11:02 C'est extrêmement fort pour ma famille.
11:03 Et je crois que là, c'est vraiment ce genre d'actes
11:05 qui sont en plus revendiqués ou non dénoncés par des syndicats,
11:10 comme la CGT à Lille.
11:11 Moi, j'ai écrit à Sophie Binet et elle ne m'a pas répondu
11:14 pour dénoncer cet acte à mon domicile.
11:17 C'est le symbole qu'on a dépassé une borne,
11:20 celle du domicile et de la sphère privée des élus.
11:22 Et moi, je porte beaucoup de propositions
11:24 avec mes collègues députés pour apporter des solutions
11:27 à la protection et à la sécurité des élus et de leur famille.
11:31 On va passer au quiz, après un moment un peu plus léger.
11:33 Il s'agit de compléter des phrases que je vais commencer.
11:38 On y va.
11:40 Le plus dur quand on est porte-parole ?
11:41 C'est d'être convaincue tout le temps, partout.
11:46 D'être convaincue de la parole que vous devez porter.
11:49 Oui, parce que parfois on a des doutes,
11:50 parfois on n'est pas d'accord et on doit être loyal.
11:52 Donc, c'est un exercice que j'espère faire
11:56 avec beaucoup de sincérité et d'authenticité.
11:58 Vous êtes porte-parole du groupe Renaissance ici à l'Assemblée.
12:01 Pour les prochaines municipales à Lille, je...
12:05 Je serai, si tout va bien, candidate à la mairie de Lille.
12:10 Ce n'est pas une annonce officielle,
12:11 mais c'est en tout cas un projet que je porte
12:13 et que je continue de porter avec le collectif
12:16 "Faire respirer Lille autour de moi".
12:17 Enfin, quand les gens me comparent à Bri Van De Kamp.
12:20 Est-ce que vous connaissez Bri Van De Kamp ?
12:22 Oui, je connais.
12:23 Le personnage de Desperate Housewives.
12:25 Quand on me raconte ça, c'est souvent un qualificatif physique.
12:28 Donc, je le prends plutôt comme un compliment.
12:29 Je sais qu'elle a mauvais caractère.
12:30 Mais pas sur sa personnalité, alors.
12:32 Après, voilà, je pense que le sujet, c'est l'engagement politique
12:34 et ce n'est pas être acteur de cinéma.
12:37 Merci beaucoup, Violette Spielbutt,
12:38 d'être venue dans La Politique et moi.
12:40 Merci.
12:41 (Générique)

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