Ces idées qui gouvernent le monde - Ces idées qui gouvernent le monde
Présenté par Emile MALET
L'actualité dévoile chaque jour un monde qui s'agite, se déchire, s'attire, se confronte... Loin de l'enchevêtrement de ces images en continu, Emile Malet invite à regarder l'actualité autrement... avec le concours d´esprits éclectiques, sans ornières idéologiques pour mieux appréhender ces idées qui gouvernent le monde.
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NewsTranscript
00:00 Générique
00:01 ...
00:23 -Bienvenue dans "Ces idées qui gouvernent le monde".
00:26 Etats-Unis, Chine et Europe vers une écologie de guerre.
00:31 La décarbonation de l'économie
00:34 est au coeur des échanges commerciaux mondiaux
00:37 et des relations internationales.
00:39 C'est à juste titre que l'on parle d'écologie de guerre
00:42 au regard de la compétition effrénée que se livrent
00:46 les Etats-Unis et la Chine dans le domaine de l'industrie
00:49 et des technologies vertes.
00:51 Qu'on en juge ?
00:52 Le président Joe Biden a injecté, sous l'appellation "Sibyline",
00:56 l'IRA, ou "Inflation Reduction Act",
00:59 l'octroi de 369 milliards de dollars
01:04 pour booster l'économie et l'industrie américaine décarbonée.
01:08 A la vérité, du dumping écologique
01:11 pour relocaliser sur place les industries
01:15 liées aux énergies propres et à l'automobile.
01:18 La Chine n'est pas en reste pour la domination mondiale
01:22 en matière de transition écologique
01:24 avec des performances exceptionnelles,
01:26 sinon dominatrices, sur le marché des énergies renouvelables,
01:30 notamment les panneaux solaires, des terres et métaux rares,
01:35 et dans la fabrication des batteries au lithium,
01:39 composant essentiel de la voiture électrique.
01:42 Et l'Europe, me direz-vous ?
01:44 Elle possède aussi son sigle,
01:46 le NZIA, ou "Net Zero Industry Act".
01:50 Vous voyez, c'est aussi en anglais.
01:52 Des investissements importants
01:54 pour renforcer l'éventail de ces technologies vertes,
01:58 mais elle est toujours à la recherche d'une unité d'action,
02:02 parce qu'elle fait face à des dissensions,
02:05 essentiellement franco-allemandes,
02:07 et cela hypothèque l'efficacité d'un éventuel fonds européen
02:11 de souveraineté écologique qui tarde à se concrétiser.
02:15 Nous allons chercher à comprendre les tenants et les aboutissants,
02:20 les aboutissements, pardon, de cette écologie de conquête
02:24 à base de rivalités commerciales.
02:27 Et nous allons le faire avec mes invités que je vous présente.
02:31 Anne Lauvergeon, vous êtes dirigeante d'entreprise.
02:34 Je rappelle que vous avez dirigé l'entreprise Areva,
02:38 aujourd'hui Orano,
02:40 et que vous dirigez, vous êtes présidente de ALP.
02:44 Boris Ravignon, vous êtes maire de Charleville-Mézières
02:48 et président par intérim de l'ADEME.
02:51 Olivier Luanzi, associé PWC Stratégie.
02:56 Christian Saint-Etienne, vous êtes économiste
02:59 et professeur émérite au CNAM.
03:02 Musique rythmée
03:05 ...
03:10 Vous avez vu cette citation de Thierry Breton,
03:13 commissaire européen.
03:15 "Finie la naïveté, maintenant, c'est l'action."
03:19 Alors, nous allons en parler.
03:21 Nous allons d'abord aborder cette bataille commerciale
03:25 et écologique en termes stratégiques.
03:27 Nous aborderons dans un second plan la rivalité Chine-États-Unis
03:32 et, pour conclure, l'Europe et notamment la position de la France.
03:37 Est-ce que vous considérez que la décarbonation de l'économie
03:42 constitue aujourd'hui une urgence stratégique
03:46 au sein du concert des nations ?
03:48 Anne Lauvergeon.
03:50 -Je crois que, de fait, c'est effectivement
03:53 une préoccupation mondiale.
03:54 Elle est alimentée par les inquiétudes des citoyens.
03:59 Par exemple, on a longtemps dit que la machine européenne
04:02 était beaucoup trop lointaine,
04:05 pas assez proche des différents citoyens des pays.
04:09 Donc, je pense qu'effectivement,
04:11 la préoccupation sur le changement climatique
04:14 est une préoccupation tout à fait prioritaire,
04:16 mais ce n'est pas la seule.
04:18 Le danger, c'est de n'avoir plus de politique
04:21 que de politique sur le changement climatique.
04:23 C'est parfois l'impression qu'on peut en avoir.
04:26 Moi, ce qui me frappe beaucoup,
04:28 mais je pense qu'on aura l'occasion d'y revenir,
04:32 c'est autant la Chine ou les États-Unis
04:35 ont effectivement pris conscience,
04:38 après beaucoup de refus et de négations,
04:42 de l'importance du changement climatique,
04:44 mais ils en font effectivement une arme pratique
04:48 pour à la fois supporter leurs entreprises,
04:52 pour pouvoir les propulser mieux,
04:54 alors que nous, au niveau européen,
04:56 on a tendance à en faire quelque chose
04:58 qui est une sorte de punition parfois un peu collective,
05:03 d'interdiction, de mise en place
05:06 de mécanismes très compliqués,
05:08 la taxe carbone frontière,
05:11 de systèmes très, très lourds,
05:13 alors même que des deux autres côtés,
05:16 Chine et États-Unis,
05:17 ils ont tendance à développer des politiques
05:20 qui sont en faveur de leurs entreprises
05:23 au premier chef.
05:24 Je dirais que la façon d'interpréter
05:26 la priorité climatique est très différente
05:29 dans les trois ensembles que l'on voit.
05:32 -On va rentrer dans le détail.
05:34 -Ce qu'on constate aussi...
05:35 -On va aborder tous les aspects.
05:37 -Ce qu'on constate aussi, c'est que le multilatéralisme,
05:41 qui a été quand même une grande tendance
05:43 depuis les années 60 jusqu'aux années 2000,
05:47 avec la création de l'OMC,
05:49 avec l'idée qu'effectivement,
05:51 on trouverait des politiques communes,
05:53 on voit aujourd'hui un retour effectivement
05:56 aux politiques de bloc,
05:57 et où, effectivement, quel est ta puissance de feu
06:00 pour que tes idées passent ?
06:02 C'est vrai que cette tendance est très profonde
06:05 et on voit que l'OMC, après l'échec du cycle de Doha,
06:08 se retrouve un peu le bec dans l'eau
06:10 sur à peu près tous les sujets.
06:12 -Alors, vous êtes d'accord sur cette approche-là ?
06:15 Boris Ravignan ?
06:16 -Une petite nuance, peut-être.
06:18 Je crois qu'on a l'habitude, nous, européens, de se flageller.
06:21 Sur ce sujet-là, ceux qui sont cohérents,
06:24 ceux qui sont rationnels, avec l'objectif
06:26 d'arriver à décarboner l'ensemble de nos activités
06:29 pour éviter le drame climatique.
06:31 Ce qu'on commence à voir nous donne un avant-goût
06:34 de ce que le monde pourrait devenir
06:36 si nous n'avons pas des politiques climatiques sérieuses.
06:39 Les seules qui sont sérieuses,
06:41 avec des trajectoires calées sur l'objectif
06:43 de neutralité carbone à l'horizon 2050,
06:46 c'est l'Europe. C'est les seules.
06:48 Les autres, effectivement, comprennent
06:50 que le monde évolue dans ce sens-là
06:52 et y voient des opportunités,
06:54 ce que nous n'arrivons pas à faire.
06:56 Donc je crois qu'on est...
06:57 Il faut quand même...
06:59 Sur le fait qu'on ait, nous, avec l'accord de Paris,
07:02 une stratégie cohérente pour décarboner l'économie
07:05 et ce qui est indispensable à la survie
07:07 de l'espèce humaine sur la planète,
07:09 il ne faut pas s'en flageller.
07:11 Par contre, je partage tout à fait le fait
07:13 qu'aujourd'hui, nous ne sommes pas encore
07:16 du tout organisés pour en faire
07:19 une formidable opportunité
07:21 de réindustrialisation de nos territoires,
07:23 de l'Europe, de développement,
07:25 de la maîtrise de technologies que nous avons.
07:28 -Ecoutez, c'est juste un premier constat
07:31 que je vous demandais.
07:32 Est-ce que Christian Saint-Etienne,
07:34 Olivier Luanzi, vous considérez
07:36 que c'est une priorité ?
07:38 J'imagine que oui, mais je vais vous laisser répondre.
07:41 Et sur la distinction faite par Adnau-Vergon,
07:45 c'est plus abstrait de notre côté,
07:47 c'est plus commercial ailleurs.
07:50 Qu'en pensez-vous ?
07:51 Mais on rentrera dans le détail, si vous voulez.
07:55 Juste là, une première approche.
07:57 -J'ai obligé d'être d'accord avec Anne
07:59 sur le fait que la stratégie européenne écologique,
08:03 qui est souhaitable, mais elle est punitive d'abord,
08:06 est très réglementaire
08:08 et qu'elle ne promeut pas les entreprises européennes.
08:12 Et surtout, elle est...
08:15 Elle oublie ce qui se passe au niveau mondial.
08:18 Si on regarde à l'horizon 2025,
08:22 la Chine représentera 35 % des émissions de CO2 en 2025
08:26 et l'Europe, 7 %.
08:28 Quand on regarde les débats en Europe,
08:30 on a l'impression que c'est l'Europe
08:32 qui fait 70 % des émissions de gaz à effet de serre.
08:36 -Il faut rappeler qu'il y a 1,4 milliard d'habitants en Chine
08:40 et qu'en Europe, on est autour de 450 millions.
08:43 -On est d'accord, mais ceci étant,
08:45 si on considère la Terre comme un écosystème intégré,
08:48 il faut regarder les sources, quel que soit le nombre d'habitants.
08:53 L'Europe est un acteur...
08:56 On a l'impression que c'est le principal émetteur.
08:58 Il faut rappeler les chiffres.
09:00 La Chine, toute seule, c'est 7 fois, à l'horizon de 2 ou 3 ans,
09:04 les émissions de CO2 de l'Europe.
09:06 L'Inde suit.
09:07 À l'horizon 2030,
09:09 l'Asie, c'est les deux tiers des émissions de CO2
09:12 au plan mondial.
09:13 Je trouve qu'au niveau européen,
09:15 on est trop dans le punitif, l'auto-punitif,
09:18 et pas assez dans la promotion des acteurs stratégiques européens.
09:22 Il n'y a pas que sur l'écologie,
09:24 même sur le numérique et sur tous les sujets.
09:26 - Olivier Luorzy, sur cette distinction qui est faite ?
09:30 - Est-ce que c'est un sujet central ? Oui.
09:32 Et comme M. Ravignon vient de le dire,
09:35 on commence à en sentir, je dirais,
09:37 pas simplement les mesures par des scientifiques,
09:40 mais aussi des épisodes climatiques aigus
09:43 qui nous impactent et qui vont nous impacter de plus en plus.
09:46 Le règlement climatique et la question du carbone est critique.
09:49 Si on va sur le champ de l'environnement,
09:52 on n'est pas très loin,
09:53 il y a peut-être d'autres personnes autour de la table,
09:57 mais il n'y a pas que le dérèglement climatique,
09:59 il y a des problèmes d'eau, de sol,
10:01 qui, hélas, sont écrasés par le sujet des carbonations.
10:05 Ça ne veut pas dire qu'il n'est pas important,
10:07 mais qu'il y a d'autres sujets.
10:09 Si on en vient sur le plan économique,
10:11 qui va réussir à faire cette bataille ?
10:14 Qui va réussir à mettre sur le marché
10:16 les équipements nécessaires à trouver la part technologique
10:20 pour pouvoir consommer ?
10:21 On est dans une guerre, c'est pas la seule.
10:24 On l'a aussi sur les puces électroniques,
10:26 sur les produits pharmaceutiques,
10:28 sur la gestion de la donnée, etc.
10:31 Et dans cette bataille-là,
10:33 malgré l'affirmation du commissaire européen,
10:36 la naïveté ne semble pas avoir complètement disparu,
10:40 et on reste, quand on fait la liste de ces sujets-là,
10:43 qui sont des sujets de souveraineté environnementale,
10:47 je dirais, pharmaceutique, de données,
10:49 on reste quand même sur une approche
10:51 qui reste très, je dirais, modérée
10:54 en termes de volontarisme au niveau européen.
10:57 On pourra y revenir.
10:58 -Vous êtes dirigeant,
11:00 un des dirigeants de PwC,
11:03 et à ce titre, vous connaissez bien l'industrie.
11:07 La question qui se pose, c'est que l'année 2022
11:10 a enregistré un record des émissions mondiales de carbone,
11:14 mais en même temps,
11:16 une accélération des consommations d'énergie,
11:19 et notamment de l'électricité.
11:21 Peut-être que les deux choses sont liées,
11:24 mais en même temps, on observe des investissements
11:27 très importants dans les technologies
11:29 et l'industrie verte.
11:31 Que faut-il envisager de plus aujourd'hui
11:35 pour enrayer la hausse de la température
11:38 et faire diminuer ces émissions de carbone ?
11:42 -Alors, c'est une politique globale.
11:45 Moi, je suis sur l'industrie.
11:46 L'industrie, c'est 20 % des émissions, déjà.
11:49 Il ne faut pas oublier qu'à 80... -Prenez votre part.
11:53 -Je prends ma part.
11:54 La part, en plus, je vais déborder sur l'autre.
11:57 L'industrie, aujourd'hui, on a une approche...
12:00 Je vais prendre l'approche française.
12:02 De l'argent a été mis sur la table.
12:04 J'étais encore dans une conférence téléphonique
12:07 avec des investisseurs dans la pharmacie.
12:09 Ils veulent décarboner leur processus.
12:12 J'ai fait la comparaison des pays européens et des dispositifs.
12:15 Avec la partie décarbonation de France 2030,
12:18 on a au moins sur le papier le dispositif le plus puissant
12:21 pour accompagner les entreprises à la décarbonation.
12:24 En termes de chiffres, c'est indéniable.
12:26 C'est un processus qui va surtout s'appliquer
12:29 au processus industriel,
12:30 c'est-à-dire la partie du carbone qui est émise
12:33 pendant la fabrication.
12:35 Si vous me demandez ce qu'il faudrait faire de plus
12:38 pour l'industrie, il faudrait élargir ce champ-là.
12:41 La première chose, c'est accompagner les industriels
12:44 à la conception, l'éco-conception de produits
12:47 qui sont économes pendant leur fabrication,
12:49 en énergie et en émission de carbone,
12:52 mais qui le sont aussi pendant leur usage
12:54 et pendant leur fin de vie.
12:56 Tout ce volet d'éco-conception des produits...
12:58 On est dans un monde qui change.
13:00 Il y a plein de choses qui changent autour de nous.
13:03 Les rapports de force géopolitique vont nous amener
13:06 à réinventer nos objets du quotidien.
13:08 On en reparlera, mais ce n'est pas le seul.
13:11 Et là, aujourd'hui, dans notre façon de voir les choses,
13:14 on n'est pas encore remonté à la source,
13:16 c'est-à-dire comment on réinvente les produits
13:19 pour le monde de demain,
13:20 qui nous permet d'avoir moins de carbone
13:23 pendant leur utilisation, leur fin de vie,
13:25 mais qui utilise des matériaux qui nous rendent moins dépendants,
13:29 qui utilise des compétences disponibles en France
13:32 en étant compétitive, etc.
13:34 Cet exercice de réflexion profond sur la conception de nos produits
13:38 est-il le plus important ?
13:40 C'est-à-dire qu'il faut faire quoi ?
13:42 Il faut faire quoi ?
13:43 Il faut faire quoi ?
13:44 Il faut faire quoi ?
13:46 Il faut faire quoi ?
13:47 Il faut faire quoi ?
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13:50 Il faut faire quoi ?
13:51 Il faut faire quoi ?
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14:05 Il faut faire quoi ?
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14:21 Il faut faire quoi ?
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16:07 Il faut faire quoi ?
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16:25 Il faut faire quoi ?
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17:45 Il faut faire quoi ?
17:47 Il faut faire quoi ?
17:49 Il faut faire quoi ?
17:51 Il faut faire quoi ?
17:53 -C'est un peu comme si on avait le charbon et le pétrole.
17:57 Il n'y a pas de vie économique, sociale et politique sans énergie.
18:01 -Alain Auvergne, je voudrais qu'on avance un peu dans ce sujet.
18:05 La pandémie de Covid, tout comme la guerre en Ukraine,
18:09 ont montré la dépendance extérieure, notamment de notre pays,
18:13 mais de tous les pays, pour la production de biens,
18:17 de technologies, de ressources indispensables à la consommation.
18:22 On a vu les troubles économiques et sociaux que ça génère.
18:26 Est-ce que vous êtes favorable
18:29 à un protectionnisme économique et écologique ?
18:33 Autrement dit, la barrière carbone.
18:36 Ou faire quelque chose, parce qu'on ne peut pas rester...
18:40 La compétition est faussée, en quelque sorte,
18:44 si on se protège pas.
18:46 -Alors, c'est vrai qu'on est aujourd'hui
18:49 dans une ambiance générale qui a activé le Covid,
18:53 parce que ça a été le révélateur, pour beaucoup de pays,
18:57 de la dépendance sur les produits pharmaceutiques,
19:00 sur beaucoup d'autres choses, de la Chine.
19:03 Donc, il y a une sorte de...
19:06 On a longtemps été plus des consommateurs
19:09 que des citoyens, finalement, sur tous ces sujets.
19:12 Et on s'est réveillés avec deux choses
19:15 qui paraissaient, qui sont parfois un peu antagonistes.
19:18 D'une part, la nécessité, effectivement, de décarboner,
19:22 d'être beaucoup plus attentifs à l'environnement.
19:25 Et puis, de l'autre, une autre notion
19:27 que beaucoup avaient oubliée, c'est la sécurité.
19:30 Sécurité énergétique, sécurité alimentaire,
19:33 tout ce qui paraissait...
19:35 Sécurité pharmaceutique, tout ce qui paraissait évident.
19:39 De toute façon, quelque part, l'électricité,
19:42 ça sort du mur, enfin, il n'y a aucun problème.
19:45 On s'est réveillés un petit peu avec...
19:49 Oui, cette dimension-là, elle existe aussi.
19:51 Là, on en revient un petit peu à la naïveté européenne
19:54 qui considérait que, finalement,
19:56 on n'avait qu'à acheter sur étagère quelque part
19:59 et on trouverait tout ce qu'on veut.
20:01 Je pense qu'on se réveille dans un monde beaucoup plus complexe
20:04 où, effectivement, sécurité et environnement
20:07 sont deux choses qui ne vont pas forcément de pair ensemble.
20:11 Et les deux, on va devoir les mener.
20:13 Rappelez-vous, cet hiver, quand les Français ont entendu parler,
20:17 et les Allemands et le reste de l'Europe,
20:19 de coupure d'électricité.
20:21 Or, force est de constater qu'effectivement,
20:24 nous allons, depuis une bonne quinzaine d'années,
20:27 vers toujours plus d'électricité.
20:29 Et comme le disait Christian, c'est la façon de décarboner.
20:33 Si, effectivement, on produit cette électricité de manière propre,
20:36 c'est la façon de décarboner l'économie.
20:38 Mais cette électricité, comment la produire ?
20:41 -Alors, si vous suivez la Commission européenne...
20:44 -On va rentrer, vous allez voir.
20:46 -En 2030, on est 42,5 % de renouvelables.
20:49 42,5 % de renouvelables, ça sort d'où, ça ?
20:52 On sait pas.
20:53 Bon.
20:54 On a perdu énormément de temps en querelles théologiques,
20:58 en France, idéologiques et en Europe.
21:01 Lutte antinucléaire, les gens qui étaient anti-renouvelables,
21:05 tout ça est complètement dépassé.
21:07 Et ce qui m'inquiète, moi, personnellement,
21:10 c'est que si on continue, par exemple, la décision
21:13 qui a été prise à l'unanimité de cet amambre,
21:16 qu'en 2035, on n'aurait plus de moteurs thermiques,
21:19 donc on n'aurait plus que des moteurs électriques,
21:22 ben, désolé de le dire, il n'y a pas eu de vraie étude
21:26 pour savoir si on avait les capacités électriques.
21:29 Les capacités électriques, on pourrait les avoir,
21:32 mais on n'a pas la puissance électrique derrière.
21:35 C'est de la physique un peu avancée,
21:37 si vous voulez charger votre voiture rapidement,
21:40 il faut l'y avoir.
21:42 Nous n'avons pas la puissance électrique d'ici 2035
21:45 disponible pour remplacer l'ensemble des moteurs thermiques.
21:48 Donc c'est bien beau d'avoir des idées généreuses
21:51 et de dire "formidable, on renonce à cet horrible moteur thermique",
21:55 qui, au passage, a permis beaucoup de choses,
21:58 et le remplacer par des moteurs électriques,
22:01 alors qu'on n'en a pas les moyens physiques.
22:04 -Je voudrais que vous donniez l'explication
22:07 à nos spectateurs, cette chose-là.
22:09 La Chine envisage...
22:12 ...de développer
22:15 une très grosse usine de batteries en Europe.
22:20 On sait bien qu'elle domine déjà dans le domaine des batteries.
22:25 Est-ce que ça a le même effet si elle nous exporte ces batteries
22:30 qui sont indispensables pour le véhicule électrique
22:34 ou si elle les fabrique chez nous ?
22:37 Est-ce que... Autrement dit,
22:40 est-ce qu'il n'y a pas une politique protectionniste à avoir
22:44 à l'égard de la Chine dans un domaine aussi stratégique ?
22:49 Parce que c'est un vrai...
22:51 On est tous favorables à la décarbonation,
22:54 on sait que l'électrique va se développer,
22:57 et là, on se retrouve
23:00 devant quasiment un fait commercial accompli.
23:04 -Les méga-usines de batteries,
23:06 on en voit une quantité incroyable.
23:08 Toutes ne vont pas se réaliser.
23:10 Elles se réaliseront dans les pays où l'électricité est la moins chère.
23:14 L'électricité est la moins chère où ?
23:16 Aujourd'hui, c'est en Norvège, dans le nord de la Suède.
23:19 C'était en France.
23:21 Ça ne l'est plus.
23:22 C'est un vrai sujet de préoccupation.
23:25 Et puis, ces usines, ces méga-usines de batteries,
23:28 il va falloir les remplir avec un certain nombre
23:31 de matières premières transformées.
23:34 Là, le pipe à mot, on ne l'a pas.
23:38 C'est aussi un sujet.
23:40 Il n'y a pas de politique européenne sur les matières premières,
23:44 alors que la Chine est obsédée par le sujet.
23:47 La méga-usine de batteries chinoise, elle est très intelligente.
23:51 Ils ont raison de la promouvoir.
23:53 Pourquoi ? Il faut la faire en Europe aussi.
23:56 Parce que ça permettrait, s'il y avait un jour
23:59 une législation européenne comme il est en train de se mettre en place,
24:03 si on dit qu'il faut que les batteries soient fabriquées
24:06 en Europe pour qu'il y ait des subventions...
24:09 -On dépendra quand même de la Chine.
24:11 -Bien sûr. -Comme on a dépendé...
24:13 -Prenez Hyundai.
24:15 Hyundai avait zéro usine aux Etats-Unis.
24:17 Il y a l'Ira qui se met en place.
24:20 Il faut fabriquer aux Etats-Unis
24:24 pour que le consommateur, l'acheteur, ait 7 500 dollars,
24:28 et puis des avantages fiscaux, des carottes mises en place.
24:32 Hyundai vient de décider d'investir 11 milliards de dollars
24:36 aux Etats-Unis. Ils avaient pas d'usine.
24:38 Ils en font une pour faire des voitures aux Etats-Unis.
24:41 Les Chinois ne sont pas du tout idiots.
24:44 Ils se disent stratégiquement que c'est du jeu de go.
24:47 Les Européens vont mettre le temps,
24:49 mais peut-être qu'ils vont se dire qu'il faut mettre des carottes
24:52 en place pour pousser leurs industries nationales.
24:56 Qu'est-ce qu'on fait ?
24:57 On met une usine de batteries chinoises,
25:00 et comme ça, on pourra vendre des voitures chinoises,
25:03 même s'il y a des embargos.
25:04 -Olivier Lurz. -Vous avez posé la question
25:07 de la dépendance ou de l'indépendance.
25:09 On peut lister une série de sujets stratégiques
25:12 qui sont déjà apparus autour de la table.
25:15 Il y a les équipements pour la transition écologique,
25:18 la mobilité, la pharmacie, les puces électroniques,
25:21 voire même du stockage de données.
25:23 Même si le monde va vers des tensions géopolitiques
25:27 beaucoup plus renforcées qu'avant,
25:29 il est illusoire de croire qu'on sera totalement indépendants,
25:32 même à l'échelle européenne.
25:34 La véritable bataille qui n'est pas faite,
25:37 c'est de choisir nos dépendances et nos points forts.
25:40 Aujourd'hui, la Chine transforme plus de 80 %
25:42 de tous les métaux stratégiques, fournit plus de 80 % des batteries,
25:46 et avec l'Inde, fournissent plus de 80 % des molécules actives
25:50 pour notre pharmacie.
25:52 Les Etats-Unis ont 80 % de la propriété sur le design des puces,
25:55 contrôlent la donnée et le stockage.
25:58 Ces deux ensembles-là sont capables de créer
26:00 une interdépendance qui leur permettra peut-être
26:03 d'aller trop loin.
26:05 Dans cet exéquilibre-là, l'Europe n'a rien
26:08 où on pourrait dire que 80 % de cet objet-là,
26:11 ce service-là stratégique, est détenu par l'Europe.
26:15 Fut un temps, le nucléaire était une spécialité européenne française.
26:19 -On va l'aborder. -Aujourd'hui,
26:21 on a perdu de la distance, on a perdu de l'innovation.
26:24 Quelles sont les interdépendances
26:26 que l'on veut créer ?
26:28 Encore une fois, une indépendance pure n'existe pas,
26:31 est illusoire.
26:32 On ne parle même pas d'autonomie ou d'autarcie,
26:35 même si de temps en temps...
26:37 Sur le protectionnisme,
26:39 je pose une question simple.
26:41 Quand nous subventionnons, avec le bonus automobile,
26:44 bonus voiture électrique,
26:46 des voitures d'origine de partout
26:48 et qu'on voit débarquer des voitures d'origine chinoise,
26:51 que les Etats-Unis ont décidé de limiter ce type de bonus
26:55 à des voitures produites aux Etats-Unis
26:57 avec des critères un peu stricts,
27:00 je pense que nos concitoyens ne vont pas tarder
27:02 à réagir et nos politiques derrière.
27:05 Je pense qu'on va avoir une tendance
27:07 à une certaine forme de protectionnisme
27:09 qu'il va falloir assumer, mais encore une fois,
27:12 dans quelles stratégies, avec quels objectifs,
27:15 quelles technologies nous voulons maîtriser,
27:18 quelles dépendances nous devons accepter.
27:20 -Vous, Riz Ravignon ?
27:21 -On se prépare, dans les années qui viennent,
27:24 vraiment, dans tous les équipements
27:26 de la transition énergétique.
27:28 La Commission européenne dit que sur les technologies
27:31 de la transition énergétique, c'est autour de 600 milliards d'euros
27:35 par an, c'est assez considérable.
27:37 Le chiffre de l'IA, l'IEA, l'Agence internationale de l'énergie
27:41 sont encore plus importants.
27:42 Rien que sur les technologies, 600 milliards dans le monde.
27:46 Et ça, il est crucial, absolument vital pour l'Europe
27:49 que l'essentiel de ces investissements-là
27:52 soit aussi des investissements qui l'aident
27:54 à conforter sa souveraineté.
27:56 On pourrait discuter longtemps de souveraineté.
27:59 D'ailleurs, décarboner complètement notre industrie,
28:02 sortir tous les fossiles de notre balance commerciale,
28:05 ça va nous mettre dans une souveraineté énergétique quasi totale.
28:09 A l'horizon 2050, il n'y a plus de gaz fossiles
28:12 et plus de pétrole, donc on est à 100 % de souveraineté énergétique.
28:16 Sauf qu'il ne faut pas qu'on troque une souveraineté
28:19 contre une autre. Et là, la dépendance,
28:21 elle est technologique. Le sujet, c'est de savoir
28:24 d'où viendront les panneaux solaires
28:26 qu'on va installer dans les années qui viennent.
28:29 Aujourd'hui, 90 % viennent effectivement de Chine.
28:32 90 %, le marché des cellules photovoltaïques,
28:35 c'est la Chine.
28:36 Et c'est pas arrivé tout seul.
28:38 C'est pour ça que le commissaire breton sur la naïveté...
28:42 Je crois pas qu'on s'en soit guéri.
28:44 Et surtout, elle dure depuis longtemps.
28:46 Il y a eu une industrie, notamment en Allemagne,
28:49 du panneau solaire extrêmement importante.
28:51 Elle a été tuée, assassinée par les Chinois,
28:54 qui, avec un dumping effréné,
28:56 faisait que les panneaux qui arrivaient en Europe...
28:59 -Il faut les laisser venir. -Bien sûr que non.
29:01 -C'est pas favorable. -C'est pour ça qu'à mon sens,
29:04 il y a deux évolutions au niveau européen
29:06 qui sont indispensables. L'une, sur les aides d'Etat.
29:09 Il faut qu'on puisse aider davantage nos industriels.
29:12 Et une autre, sur la protection aux frontières,
29:15 qui est embryonnaire.
29:16 -Christian Saint-Etienne, une question un peu idéologique.
29:20 D'un côté, il y a des économies libérales,
29:22 de l'autre, des économies, j'allais dire, illibérales,
29:25 en tout cas autoritaires.
29:27 Est-ce que le jeu n'est pas faussé de la concurrence, au final ?
29:31 -Bien sûr que le jeu est faussé.
29:33 Quand la Chine est entrée à l'OMC en 2001,
29:35 les Américains s'y étaient opposés
29:38 pendant les 15 années précédentes.
29:40 Ils ont été bernés par la réponse chinoise
29:44 au 11 septembre.
29:45 Ils ont cru que les Chinois allaient accompagner
29:48 la politique américaine de lutte
29:50 contre un certain nombre d'États considérés
29:53 comme terroristes par les Américains.
29:56 Mais la raison pour laquelle les Américains s'y opposaient,
29:59 c'est qu'il y avait deux volets de l'OMC
30:02 avec des protocoles que les Chinois ne voulaient pas signer.
30:05 D'abord, l'ouverture des marchés publics.
30:08 Il a fallu attendre Juncker, il y a cinq ou quatre ans,
30:12 pour qu'il dise que c'est gênant
30:15 que 90 % des marchés publics européens
30:19 soient ouverts aux Chinois,
30:21 alors que 2 % des marchés chinois sont ouverts aux Européens.
30:24 Là, il y a des règles qu'il faut mettre en place.
30:27 Beaucoup de spécialistes sur ces questions disent
30:30 qu'il faut avoir une politique commerciale ouverte,
30:33 mais basée sur la réciprocité.
30:35 Si le marché chinois de la commande publique est fermé,
30:39 il faut fermer le marché des commandes publiques européennes,
30:43 on sait pourquoi ça ne s'est pas fait.
30:45 C'est parce que le leadership, je ne sais pas si on va l'aborder,
30:48 le leadership politique en Europe a basculé en faveur de l'Allemagne
30:52 il y a une dizaine d'années, avec notre désindustrialisation.
30:56 La France a beaucoup de défauts,
30:58 mais pendant la longue période où elle a été très influente en Europe,
31:02 elle a largement mené une politique européenne pour l'Europe.
31:05 L'Allemagne mène une politique allemande en Europe,
31:08 elle est très mercantiliste.
31:10 Les Allemands ont accepté l'araquerie
31:12 de leur industrie de panneaux photovoltaïques
31:15 parce qu'en contrepartie, ils vendaient beaucoup de voitures
31:19 et de machines-outils en Chine.
31:20 Maintenant, ils voient que les Chinois vont les supplanter
31:24 sur l'automobile et qu'ils sont devenus très bons en machines-outils.
31:28 Donc, il se peut que les Allemands bougent,
31:30 mais avec 20 ans de retard.
31:32 Effectivement, ça n'a pas de sens.
31:34 Je me bats exactement comme Boris sur le fait
31:37 que la production d'électricité
31:39 avec des panneaux photovoltaïques importés de Chine,
31:42 c'est complètement con.
31:44 Donc, il y a un moment, il faut avoir un minimum de cohérence
31:47 sur le plan stratégique.
31:49 Et ce qui est encore plus irritant, c'est que, je termine par là,
31:52 le CEA a développé des technologies de panneaux photovoltaïques.
31:56 C'est Enel qui construit une usine géante de panneaux photovoltaïques
32:01 sur la base de la technologie du CEA en Sicile.
32:03 Qu'est-ce qu'on fout ?
32:05 Pourquoi il n'y a pas une politique stratégique française
32:08 sur ces sujets-là ?
32:09 -Vous venez de voir la citation de Geoffroy Roud-Bézieux,
32:21 patron du MEDEF,
32:25 mais aujourd'hui, un mandat a renouvelé.
32:29 "Nous n'avons pas le choix.
32:31 "L'Europe doit s'aligner sur le niveau des subventions
32:35 "américaines."
32:36 Les Etats-Unis disposent, on l'a dit,
32:39 de près de 400 milliards de dollars avec l'IRA.
32:42 L'Europe dit, avec son sigle NZIA, Net Zero Industry Act,
32:48 qu'elle va mettre beaucoup d'argent.
32:51 On parle d'un fonds de souveraineté.
32:54 On est très loin, très loin
32:57 d'une parité en termes d'investissement.
33:01 Qu'est-ce que vous en pensez, Olivier Le Mansy ?
33:04 -Il y a plusieurs éléments.
33:06 Il y a des chiffres qui se confrontent.
33:08 L'Europe dit qu'elle a 400 milliards à mettre sur la table.
33:11 C'est sans doute vrai, mais c'est en amont du cycle,
33:14 sur l'innovation et la recherche.
33:16 Ce n'est pas pour aider la production.
33:19 Or, l'une des spécificités de l'IRA,
33:22 c'est pour cibler la production elle-même.
33:25 -Vous voulez dire qu'il y a beaucoup plus d'argent ?
33:28 -On compare des choses qui ne sont pas comparables.
33:32 C'est la première chose.
33:33 Finalement, l'Europe, dans sa grande générosité d'aide,
33:36 n'aide pas la production industrielle.
33:40 Elle le renvoie aux Etats avec des mécanismes
33:43 soit directs d'aide d'Etat, soit plus complexes,
33:46 des pièques qui permettent d'aller plus loin.
33:48 Donc, en fait, la réponse pour l'IRA,
33:51 aujourd'hui, l'Europe dit, à peu près,
33:54 tant que je n'ai pas mon fonds prévu pour l'été,
33:56 mais les choses commencent à glisser,
33:59 on ne sait pas quand elles s'arrêtent,
34:01 si on prend l'IRA américain
34:03 et qu'on le ramène à la taille française,
34:05 il faudrait mettre sur la table 39 milliards d'euros.
34:10 C'est une simple règle de trois.
34:12 39 milliards d'euros pour aider nos industries
34:14 à développer des capacités.
34:16 Dans ces cas, la réponse est, on a déjà France 2030.
34:20 Oui, mais dans France 2030,
34:21 il y a seulement 17 milliards d'euros pour aider l'industrie,
34:25 les autres, pour aider la recherche.
34:27 Donc, 17 milliards versus 39.
34:29 Sur ces 17 milliards, il n'y en a que la moitié,
34:32 ce qui est énorme.
34:33 On est extrêmement bien dotés sur le sujet
34:35 pour les sujets de décarbonation.
34:37 Si je rajoute encore une couche,
34:39 je dirais que ça passe par des concours,
34:41 des appels à projets, ce ne sont pas des aides automatiques.
34:45 Ce que les industriels apprécient avec l'IRA américain,
34:48 c'est que c'est un guichet.
34:50 Vous déposez, vous avez le papier d'engagement,
34:52 c'est un calcul automatique. -Beaucoup de crédits d'impôts.
34:56 -Et beaucoup de crédits d'impôts.
34:58 Si on met tout ça bout à bout,
34:59 on voit qu'il y a quelque chose
35:01 d'extrêmement disproportionné, aujourd'hui,
35:04 entre ce qui est proposé par les Etats-Unis
35:07 et ce qui est actuellement en place en Europe,
35:10 et notamment en France.
35:11 -Alors, Adnaud Verjon,
35:13 pourquoi on n'a pas autant de moyens que les Américains ?
35:17 Olivier Luanzi vient de nous montrer
35:20 que ce que met l'Europe,
35:21 c'est des budgets qui sont biaisés
35:23 puisqu'ils concernent à la fois la recherche,
35:26 le développement, la production.
35:28 Pourquoi il y a ce manque ?
35:30 -C'est difficile.
35:32 Je n'ai pas la réponse universelle sur le sujet,
35:34 mais je dirais que l'approche de l'Europe
35:37 est essentiellement une approche réglementaire,
35:41 une approche limitative.
35:43 Ce qui vient d'être voté,
35:45 c'est effectivement un nouveau marché carbone,
35:47 un système, effectivement, très complexe
35:50 qui va se mettre en place à partir de 2025, 2026,
35:54 pour que tous les produits importés en Europe
35:57 venant de manière extra-européenne
35:59 puissent compter le carbone
36:02 qui a été utilisé pour le produire,
36:04 et qu'en rentrant en Europe,
36:06 ces produits qui peuvent être très composites, très complexes,
36:09 puissent être, effectivement...
36:12 avoir une taxe.
36:14 Donc notre approche est à la fois réglementaire
36:17 et taxatrice vis-à-vis de l'extérieur.
36:20 L'approche américaine,
36:22 je dirais que notre approche est un peu bâton.
36:25 L'approche américaine est carotte.
36:27 Elle est carotte pour le consommateur.
36:29 Si vous prenez un bon produit américain
36:31 avec les bonnes caractéristiques,
36:33 la voiture électrique avec la batterie
36:36 et le système de vitesse américain,
36:38 paf, 7 500 dollars.
36:39 C'est très concret pour le consommateur.
36:41 -On a ça en Europe.
36:43 -Ah non. -Il n'y a pas d'origine.
36:45 -Il n'y a absolument pas d'origine.
36:47 Donc le consommateur américain,
36:49 il est poussé à acheter américain.
36:51 Et les entreprises qui, effectivement,
36:53 aujourd'hui s'installent ou sont déjà installées aux Etats-Unis,
36:57 ont des crédits d'impôt.
36:58 C'est une politique carotte.
37:00 -Ca s'appelle pas la préférence nationale, ça ?
37:03 -On peut l'appeler comme on le veut.
37:05 La préférence nationale,
37:06 ça a une connotation politique particulière.
37:09 -La référence communautaire a fonctionné
37:11 dans le domaine agricole pendant des décennies.
37:14 -Qui a été mise à part, d'ailleurs.
37:16 Le domaine agricole...
37:18 -Pourquoi on dirait... -On pourrait dire,
37:20 que seules les voitures produites en Europe à 60 %
37:24 seront éligibles aux primes
37:26 pour acquérir une voiture électrique.
37:29 -Pourquoi on le fait pas ?
37:30 -Parce qu'on le fait pas.
37:32 -C'est l'idéologie qui a dominé l'Europe.
37:34 -C'est peut-être même pas contre le droit européen,
37:37 mais par pratique, on pourrait le faire,
37:40 parce que c'est des aides aux consommateurs.
37:42 C'est une préférence communautaire.
37:44 -Comme le disait Christian,
37:46 c'est vrai que la politique allemande,
37:48 qui est devenue très forte,
37:50 d'ailleurs, on a une présidente de la Commission européenne allemande,
37:54 la politique allemande vis-à-vis de la Chine
37:57 a toujours été de faire très attention à la Chine,
38:00 puisque c'était une voie de sortie très importante
38:03 pour leur voiture, pour l'industrie automobile,
38:06 qui compte beaucoup, mais aussi pour des tas de PME, PMI.
38:09 La priorité, c'était de pas embêter les Chinois.
38:12 Quand les Chinois, effectivement, sont arrivés,
38:15 alors, aujourd'hui,
38:16 pour ressusciter une industrie photovoltaïque en Europe,
38:20 c'est vraiment très difficile,
38:22 ça prend du temps et ça demanderait un effort colossal.
38:25 Prenez, par exemple, ce qui se passe aujourd'hui,
38:28 c'est de la dynamique, c'est maintenant,
38:30 dans l'éolien.
38:31 Nous avons des constructeurs éoliens européens
38:34 qui ne vont pas très bien.
38:36 C'est paradoxal, ils ont des carnets de commande significatifs,
38:39 mais la hausse des taux d'intérêt,
38:41 les problématiques de...
38:43 Ca devient de plus en plus compliqué de les installer.
38:46 Ils ont dû se restructurer, se consolider.
38:50 Vous avez aujourd'hui un peu un marasme.
38:52 D'ailleurs, quand vous regardez les chiffres,
38:55 on était à 41 milliards d'investissements
38:57 dans l'éolien en Europe en 2021,
38:59 on est à 17 en 2022.
39:01 Vous voyez, il y a une chute très significative.
39:03 Jusqu'à présent, les joueurs européens
39:06 étaient les plus importants avec Chiyi aux Etats-Unis.
39:09 Eh bien, aujourd'hui,
39:11 celui qui fait égal-égal avec Vestas,
39:13 c'est Goldwyn, en Chine.
39:16 C'est un Chinois qui commence à exporter de plus en plus.
39:19 Et les industriels de l'éolien aujourd'hui disent,
39:23 "Attention, en Europe, attention,
39:25 il va nous arriver ce qui est arrivé au photovoltaïque."
39:29 Jusqu'à présent, réaction, rien.
39:32 Donc, la vitesse aussi de nos actions,
39:35 de nos réactions, est un énorme problème.
39:37 Parce que quand vous partez sur du dumping sauvage,
39:41 la mort de... Moi, je dis la mort,
39:43 mais quand on dit 90 % de photovoltaïque en Europe,
39:45 européens, non.
39:47 C'est beaucoup... Chinois, c'est beaucoup plus.
39:50 Il y a quelques Européens qui font du montage des Chinois
39:53 et qui comptent pour Européens,
39:55 mais la vérité, c'est qu'on est à 97-98 % de Chinois.
39:58 Il risque de nous arriver la même chose dans l'éolien,
40:01 et notre Commission européenne dit toujours,
40:04 la seule chose qu'elle dit, c'est 42,5 % de rénovelables
40:07 en 2030. C'est tout.
40:10 -Oui, Boris Ravideau...
40:11 -Je ne suis pas économiste, mais je suis praticien de l'économie.
40:15 Je vois bien ce qui se passe dans le Grand Est.
40:17 On avait, sur le site où s'était implanté Smart,
40:20 Smart est parti, la possibilité de faire venir
40:23 un producteur indien,
40:24 il ressemble avec d'autres capitaux,
40:26 mais il s'appelait Rex Solar,
40:28 pour implanter une très grande usine
40:30 de production de panneaux photovoltaïques.
40:32 Il a fini par renoncer à son projet,
40:35 pour une raison toute simple.
40:37 C'est qu'il ne suffit pas d'avoir des aides
40:39 pour avoir une politique industrielle,
40:41 et des industries qui se développent.
40:43 Il faut aussi que le marché sur lequel on s'implante,
40:46 quand on y est installé, on bénéficie d'une protection.
40:49 Rex Solar a dit, "Vous êtes l'Union européenne,
40:52 "un marché ouvert tellement aux quatre vents,
40:55 "à toutes les importations venant de n'importe où,
40:57 "que je n'ai aucun intérêt à venir me localiser ici.
41:00 "Je serais bien à produire mes panneaux solaires en Inde,
41:03 "et à vous les envoyer, puisque vous n'avez aucune politique
41:07 "de frontière et surtout pas de protectionnisme."
41:10 Donc, si on veut avoir un développement industriel
41:13 dans toutes ces technologies qui sont aussi importantes,
41:16 il y a nécessairement à aider un certain nombre d'industries
41:19 à se développer, mais aussi à assurer
41:21 une protection minimale du marché, avec un ajustement aux frontières.
41:25 Celui qui a été dévoté, c'est un premier pas.
41:28 Il ne faut jamais mésestimer la difficulté
41:30 qui a progressé dans le cadre européen,
41:33 mais on est sur des produits bruts, de l'aluminium, du ciment,
41:36 de l'acier, et tout ça se va monter en charge
41:39 de manière très progressive, c'est pas à la hauteur des enjeux.
41:42 -Dans le concert des nations, tout le monde sait
41:45 que les nations sont égoïstes et que chacun cherche
41:48 à défendre son intérêt national.
41:50 Mais à votre avis, Christian Saint-Etienne,
41:53 est-ce que l'Union européenne
41:55 est tributaire bien souvent des choix de l'Allemagne
41:59 qui dictent le tempo économique et écologique,
42:03 et c'est ça qui accroît la vulnérabilité de l'Europe
42:08 dans ce domaine par rapport à la Chine et aux Etats-Unis ?
42:11 Essayez de répondre directement
42:13 à ce que le téléspectateur se pose la question.
42:16 -Je pense qu'il y a une responsabilité allemande
42:19 considérable, pour les raisons que j'évoquais,
42:22 une politique mercantiliste
42:24 qui favorise uniquement les entreprises allemandes,
42:27 et je pense qu'il y a une responsabilité française.
42:30 C'est pas les Allemands qui nous ont conduits
42:33 ces 15 dernières années à oublier
42:34 la politique stratégique énergétique
42:37 qu'on avait menée dans les 40 années qui précèdent.
42:40 Si on avait mené une politique cohérente,
42:42 on serait pas à genoux aujourd'hui.
42:44 C'est la même chose dans d'autres domaines.
42:47 Je prends la production de microprocesseurs.
42:49 L'Europe produisait 20 % des microprocesseurs
42:54 dans le monde il y a 30 ans,
42:57 et on est tombé à 9 %, et on veut revenir à 20.
43:00 Sachant encore plus qu'on va produire
43:02 des microprocesseurs de moyenne qualité,
43:05 en termes de finesse
43:10 de la gravure des microprocesseurs,
43:12 on va pas produire les microprocesseurs
43:14 dernière génération.
43:16 Sur ces sujets-là, les Allemands,
43:18 qui ont beaucoup fauté, comme nous,
43:21 ont lancé quatre usines géantes
43:24 de fabrication de microprocesseurs.
43:26 Nous, nous sommes sur un projet d'une demi-usine
43:29 sur Grenoble, avec une opposition écologiste locale
43:32 considérable, qui retarde les investissements.
43:36 Sur l'intelligence artificielle,
43:38 on vient d'avoir les chiffres en 2022.
43:40 Les Américains, c'est plus de 40 milliards.
43:43 Les Chinois, c'est 13 milliards.
43:45 Les Allemands sont à 2,5 milliards,
43:48 et la France à 1,5.
43:50 On voit que sur tous les sujets stratégiques,
43:52 on n'investit pas à la hauteur des enjeux.
43:56 Mais je reviens sur la question
43:59 qu'ont évoquées les panneaux photovoltaïques
44:01 ou les voitures électriques.
44:02 Rien ne nous interdit, dans le droit européen ni à l'OMC,
44:06 de faire comme les Américains,
44:08 c'est-à-dire de dire que les aides aux consommateurs
44:11 sont données en contrepartie d'une production
44:13 au moins à 60 % sur le territoire européen.
44:16 Donc, si on ne le fait pas, c'est parce qu'on n'a pas
44:19 de vision de souveraineté européenne réelle.
44:22 Les questions de souveraineté,
44:24 les premières mesures significatives
44:26 ont été prises au printemps 2022.
44:28 Après 40 ans de débats, on n'a rien fait.
44:31 Alors que les Américains et les Chinois
44:33 mènent des politiques de souveraineté,
44:35 comme les Indiens, les Russes, les Brésiliens.
44:38 La question, c'est ce qui fait basculer l'Europe
44:41 vers une politique de souveraineté.
44:43 Pas de fermeture.
44:45 Un dernier point sur ce sujet.
44:47 La question de la souveraineté,
44:49 elle est étudiée et conduite en termes de politique
44:52 aux Etats-Unis depuis plus de 60 ans.
44:54 Tous les présidents américains,
44:56 quand ils arrivent au pouvoir,
44:57 ils produisent un document de stratégie.
45:00 Et ça fait une quarantaine d'années
45:03 que les Américains ont dit que la souveraineté,
45:06 c'est pas la fermeture et c'est pas l'autarcie,
45:10 c'est d'être autonome sur six sujets clés,
45:12 qui sont basiques.
45:14 Pour être souverain, il faut pouvoir nourrir son peuple.
45:18 Donc, l'agroalimentaire doit provenir de son territoire.
45:22 Il faut pouvoir soigner son peuple.
45:24 La pharmacie est clé.
45:26 Nous avions la première industrie pharmaceutique d'Europe.
45:29 On est tombés au 4e ou 5e rang.
45:31 On est en dessous de l'Italie
45:33 parce que toute la politique de santé française
45:35 depuis une trentaine d'années,
45:37 c'est de taxer les médicaments
45:39 de telle sorte que les industries pharmaceutiques
45:42 sont allées produire ailleurs.
45:43 Donc, il faut nourrir son peuple, il faut le soigner.
45:46 Il faut une politique sur la défense.
45:48 Il faut une politique sur l'énergie.
45:51 On avait une très belle politique de l'énergie
45:54 pendant 40 ans, on a laissé tomber.
45:55 Il faut une autonomie sur le numérique.
45:58 On voit pas de politique intégrée au plan européen
46:01 sur toutes ces filières.
46:02 Il y a des petits débuts de choses depuis 18 mois,
46:05 mais après 40 ans...
46:06 -Alors, écoutez, en écoutant Christian Saint-Etienne,
46:09 il vient de nous dire que tout ne vient pas,
46:12 tous nos mots ne viennent pas de l'Allemagne.
46:14 Mais il y a un sujet qui fait dissension
46:17 entre la France et l'Allemagne, c'est le nucléaire,
46:21 et notamment l'impossibilité
46:24 de déployer des investissements verts
46:28 sur l'hydrogène qui viendrait du nucléaire.
46:32 Est-ce que vous pensez, à votre avis,
46:35 que devant cette difficulté,
46:39 il faudrait élargir le tandem franco-allemand à l'Italie,
46:45 ne pas rester, j'allais dire, à coquiner,
46:48 si je puis dire, à cette relation privilégiée ?
46:52 Puisqu'elle nous empêche, en quelque sorte,
46:55 la réindustrialisation.
46:58 -Non, enfin, je pense que...
47:00 Je pense comme Christian, c'est-à-dire,
47:02 il faut pas expliquer tous nos problèmes par les autres.
47:05 Une grosse partie de nos problèmes viennent de nous-mêmes.
47:09 Moi, ce qui m'a toujours tout à fait étonnée,
47:13 c'est de voir à quel point,
47:15 quand on prend les dirigeants chinois,
47:17 les dirigeants américains,
47:19 l'obsession qu'ils peuvent avoir de deux grands sujets,
47:22 l'énergie et les matières premières.
47:24 Vous regardez un nouveau président chinois
47:27 faire la tournée de tous les producteurs de pétrole,
47:31 de gaz, en Afrique, par exemple.
47:34 Ils sont, sur l'énergie et les matières premières,
47:37 des sujets primordiaux pour eux.
47:39 Or, force est de constater que nous avons eu
47:42 des politiques historiques en France là-dessus
47:45 qui ont été fortes sur le nucléaire,
47:47 sur l'énergie en général.
47:48 Voilà, le fait d'être indépendant au maximum,
47:51 même s'il y avait une dépendance au pétrole,
47:54 bien évidemment, et beaucoup aussi au gaz,
47:56 il y avait l'idée, effectivement,
47:58 de construire une indépendance nationale.
48:01 Cette indépendance nationale,
48:02 c'était pas seulement en termes de moyens de production,
48:06 mais c'était l'industrie derrière qui était capable de fournir
48:09 matières premières, pareil, BRGM, inventaire général,
48:13 ouverture de mine, bon, tout ça, terminé.
48:16 On est rentrés dans une idée, moi, ça fait 20, 25 ans,
48:20 que je constate qu'effectivement, pour l'énergie,
48:23 oui, c'est facile, tout le monde peut en faire.
48:25 -Ça sort du mur. -Ça sort du mur.
48:28 Les matières premières, on ne s'est toujours pas réveillés.
48:31 Les matières premières, ça va être un axe essentiel.
48:34 On le voit, parce que tout le monde parle de batteries,
48:37 mais c'est plein de matières premières
48:39 qui sont effectivement, non seulement détenues beaucoup
48:43 par la Chine en Chine, mais vous regardez toute l'Afrique,
48:46 il y a des mines un peu partout de ces métaux rares
48:49 détenues par des Chinois,
48:51 ou avec lesquels la Chine a des intérêts commerciaux.
48:55 Donc, nous sommes dans ces domaines...
48:58 Alors, on a dit, il faut faire des renouvelables.
49:01 Je suis tout à fait pour.
49:02 Je me suis beaucoup battue pour développer
49:05 des renouvelables dans Areva.
49:06 J'ai deux ministres des Finances successifs
49:09 qui m'ont dit que je les décevais beaucoup.
49:11 Les renouvelables, c'est pas sérieux.
49:13 Vous croyez pas que les moulins à vent ont un avenir ?
49:16 Donc, ce qui est extraordinaire,
49:18 c'est qu'on a développé des politiques
49:21 et on ne s'est pas préoccupés
49:22 de l'industrialisation qu'il y avait derrière.
49:25 Et ça, c'est extrêmement choquant.
49:27 C'est-à-dire qu'il y a une sorte de dichotomie
49:30 de dire "oui, on va prôner des nouveaux équipements,
49:33 "mais on se préoccupe absolument pas
49:35 "de savoir qui va les produire."
49:37 Je crois que la France, et ça,
49:39 est là.
49:40 C'est vrai que l'Allemagne,
49:41 dans sa politique anti-nucléaire,
49:44 a été, comment dirais-je,
49:45 l'inspiration de beaucoup d'intellectuels en France,
49:49 de beaucoup de journalistes.
49:52 C'était une idée reçue que le nucléaire,
49:54 c'était complètement ringard
49:56 et que l'avenir était renouvelable.
49:58 Aujourd'hui, on se rend compte que le nucléaire est bien utile
50:02 et a un vrai avenir.
50:03 J'ai toujours dit que le nucléaire,
50:05 c'est pas la solution, mais il n'y a pas de solution.
50:08 Mais on s'aperçoit qu'effectivement,
50:10 on a réussi en dix ans à casser le jouet.
50:13 Mais à casser le jouet de manière presque systématique.
50:18 Il y a une commission d'enquête parlementaire
50:21 qui a été excellemment conduite,
50:23 qui a entendu beaucoup de gens, dont moi,
50:25 mais qui a conclu que c'est 25 ans d'erreurs politiques.
50:29 Et ces 25 ans d'erreurs politiques
50:31 ont été vraiment, mais absolument dramatiques.
50:35 Areva, par exemple, coupé en deux Areva,
50:37 allait donner la construction de réacteurs à EDF,
50:41 qui a bien des difficultés et qui n'en a pas vendu un seul,
50:45 enlever les moyens de fonctionnement,
50:48 alors que tout le reste des pays aidaient leur Westinghouse.
50:52 Prenez Westinghouse, c'est très intéressant,
50:54 c'est dirigé par des Français.
50:56 Parce que tous les gens du système énergétique français
50:59 qui n'avaient plus de boulot sont partis aux Etats-Unis bosser.
51:03 Il faut quelque part qu'on retrouve le sens...
51:05 Il faut arrêter d'accuser les autres
51:07 et il faut dire que nous-mêmes,
51:09 il faut qu'on retrouve le sens des réalités
51:11 et sortir des idéologies.
51:13 Il y en a assez.
51:14 Vous présidez l'ADEME,
51:16 l'ADEME a toujours été antinucléaire,
51:18 c'est insupportable.
51:19 -Elle l'est peut-être pas aujourd'hui,
51:21 mais je vais vous laisser...
51:23 Écoutez, on va terminer, puisqu'il nous reste très peu de temps.
51:29 Le débat est venu sur la réindustrialisation.
51:33 Sans réindustrialisation, pas de salut.
51:37 Olivier Vanzy...
51:39 -La réponse est non.
51:40 L'industrie, qu'est-ce que ça apporte ?
51:42 On en parle longtemps, de la souveraineté.
51:45 Vous avez cité un certain nombre de champs.
51:47 Si vous n'avez pas une industrie agroalimentaire,
51:50 de la pharmacie, vous n'avez pas de souveraineté.
51:53 Ca apporte quelque chose qu'on sous-estime,
51:55 de la sécurité d'approvisionnement.
51:58 On met de l'oxylyne dans les pharmacies.
52:00 -C'est un antibiotique. -Un antibiotique de base.
52:03 Ca va pas mettre la France à genoux, mais...
52:05 -Il y a des gens qui vont mourir.
52:07 -Non, mais vous allez soigner moins bien vos enfants.
52:10 Vous instillez un doute de la part de la population
52:13 sur la capacité de votre outil économique
52:15 à délivrer des biens de base.
52:17 Et ce doute-là, à mon avis,
52:19 il a un effet politique, citoyen, beaucoup plus puissant.
52:22 On a parlé d'environnement.
52:24 Il y aura la partie des comportements
52:26 qui seront réparés. Il y a la partie des solutions technologiques.
52:29 Sans industrie, on ne déploiera pas les solutions technologiques.
52:33 Et le dernier point, qui est pour moi le premier,
52:36 c'est la cohésion territoriale.
52:38 L'OCDE a sorti un chiffre qui peut être un peu contesté,
52:41 mais la France est le premier pays, sur la décennie 2006-2016,
52:44 à avoir concentré la création de richesses dans ses métropoles.
52:48 80 % de notre création de richesses aurait été faite
52:51 dans les métropoles. Les deux pays européens suivants
52:54 sont des pays monométropoles, donc à un effet capital.
52:57 Celui qui vient après à moins de 60 %,
52:59 c'est le Royaume-Uni, qui nous ressemble un peu.
53:02 Donc on a une politique de service,
53:04 de post-industriel, des industrialisations,
53:07 et de concentration de la richesse dans les métropoles.
53:10 Il ne faut pas s'étonner d'avoir des mouvements
53:13 dans les territoires. L'industrie permet de remettre
53:16 des emplois, qualifier des carrières,
53:18 faire le lien avec la transition environnementale.
53:21 -Merci. Boris Ravignon, là-dessus ?
53:23 -Je suis d'accord avec ce qu'a dit Olivier Louensis.
53:26 L'industrie est importante. On aime l'industrie,
53:29 et il y en a encore beaucoup dans notre pays
53:31 où il y a une vraie culture et une passion pour l'industrie.
53:35 Comment faire pour que cette transition énergétique
53:38 qu'on doit réaliser pour les raisons climatiques
53:41 qu'on a, je crois, tous indiquées,
53:43 profite à nos territoires ? C'est vraiment ça, le sujet.
53:46 On a dit qu'il y a des conditions au niveau européen.
53:49 Le fait d'avoir, par exemple,
53:51 un cadre qui permette de conduire une politique industrielle
53:55 et de protéger le marché européen.
53:57 Et puis, il faut pas l'oublier,
53:59 et Lové-Argent vient de le démontrer en creux
54:01 sur l'industrie nucléaire,
54:03 finalement, il faut une politique de filière.
54:06 Il faut qu'on arrive à renouer avec des politiques
54:09 et des stratégies de filière, avec de la cohérence
54:12 et d'agir dans le temps.
54:14 Il y a encore plein de sujets qui ne sont pas réglés.
54:17 Parce que 2050, c'est proche,
54:19 mais en même temps, c'est relativement loin.
54:21 La capture et le stockage de carbone,
54:23 ce sont des sujets qui, technologiquement,
54:26 ne sont pas réglés.
54:27 Il faut combattre le paquet pour être capable
54:30 de profiter de cette option.
54:32 Sur l'hydrogène, je crois, là encore,
54:34 qu'il y a plein de choses qui ne sont pas arrêtées.
54:37 C'est en investissant maintenant
54:39 qu'on a une chance de peser sur les choix qui seront faits.
54:42 Ça va être la même chose sur l'éolien.
54:45 On parlait de l'éolien terrestre,
54:47 mais l'éolien marin, et notamment l'éolien flottant,
54:50 c'est une filière dans laquelle la France a des positions intéressantes.
54:54 Poussons-la pour que, demain, en Méditerranée,
54:57 où il y a un plateau continental,
54:59 on développe des éoliennes flottantes.
55:01 Il y a encore plein d'options.
55:03 -Question annexe, mais comme vous êtes un élu de l'Est,
55:06 petite question.
55:07 Qu'est-ce qu'on a fait au niveau de la reconversion de Fessenheim,
55:11 qui était une centrale nucléaire, qui a été arrêtée ?
55:14 Je vous mettrai...
55:16 -Je crois que les collectivités locales
55:18 ont créé un certain nombre d'outils.
55:22 On a défini des espaces qui étaient promis à la réindustrialisation.
55:26 Beaucoup de contraintes réglementaires
55:28 se sont abattues.
55:29 Là où on avait des dizaines d'hectares à réutiliser,
55:32 on s'en est retrouvé avec beaucoup moins.
55:35 Je crois qu'il y a un vrai sujet.
55:37 On rejoint...
55:38 Si on aime l'industrie, si on veut qu'elle se redéploie,
55:41 il faut qu'elle trouve des espaces.
55:43 La reconversion des friches,
55:45 quelqu'un qui vient de l'Est,
55:46 c'est un boulevard pour redéployer nos industries.
55:50 -Merci, Boris Ravignon.
55:51 Écoutez, le temps est coulé, est passé.
55:54 C'est un sujet passionnant. On en reparlera.
55:57 Je voudrais vous rappeler une bibliographie
56:00 qui a servi à préparer cette émission.
56:02 Thomas Gomart,
56:04 "Les ambitions inavouées", chez Talendier.
56:07 Anne Lauvergeon,
56:08 "Dans le temps", vous avez publié "La femme qui résiste",
56:12 ce qui vous correspond.
56:13 Est-ce que vous préparez... -Modestement.
56:16 -Modestement, vous préparez un ouvrage ?
56:18 -Oui, je prépare quelque chose pour l'an prochain,
56:21 une promesse que j'ai faite à François Mitterrand.
56:24 -Christian Saint-Etienne,
56:26 je rappelle que votre dernier livre
56:28 était sur le conflit sino-américain
56:31 pour la domination mondiale, chez Alfa.
56:34 -Il y a une double guerre mondiale.
56:36 Il y a une guerre géostratégique entre la Chine et les Etats-Unis,
56:40 mais il y a une guerre géoéconomique
56:42 pour la domination du monde numérique.
56:44 L'Américain domine 100 % des grandes plateformes mondiales,
56:48 mais on parle souvent des licornes.
56:50 Il domine aussi 80 % des licornes mondiales en capitalisation.
56:53 Ces deux pays, qui font 43 % du PIB mondial,
56:57 assurent 60 % des dépenses militaires.
56:59 C'est deux géants.
57:00 Quand on voit une Europe ouverte à tous les vents,
57:03 on a des sujets d'inquiétude. -Merci pour ces chiffres édifiants.
57:07 Olivier Luanzi, vous avez publié
57:09 "Les néo-industriels" aux éditions "Déviation".
57:13 En deux mots, c'est quoi, ces néo-industriels ?
57:15 -On vient de le dire et on le voit,
57:18 en change de paradigme, environnemental et géopolitique.
57:21 On doit reconstruire une nouvelle industrie.
57:23 Projetons-nous en 2040 et posons-nous la question
57:26 de quels auront été les acteurs, les chefs d'entreprise,
57:29 la motivation d'où ils viennent,
57:31 qui nous auront permis de faire cette renaissance industrielle.
57:35 -Merci à vous, merci à l'équipe de LCP.
57:37 Avant de nous quitter, je voudrais vous laisser
57:40 avec cette citation.
57:42 C'est une pensée de Thomas Gomart, qui est le président de l'IFRI.
58:02 ...