Le monde du travail est en plein bouleversement. Une étude du Forum économique mondial révèle que dès 2025, davantage de tâches seront exécutées par les robots et intelligences artificielles que par des êtres humains. Avec, à la clé, la suppression de millions d’emplois.
Distributeurs de billets, robots de nettoyage, machines à pain et caisses automatiques : l’aide fournie par les machines est utile pour les travaux pénibles comme pour les tâches répétitives ou fatigantes.
Les êtres humains sont-ils vraiment irremplaçables partout ? Les lignes d’écoute psychologiques pourront-elles un jour être assurées par des intelligences artificielles ? Et qui serait prêt à se faire couper les cheveux par un robot ?
La spécialiste du marché du travail Melanie Arntz est persuadée que sa coiffeuse ne sera jamais remplacée par une machine, alors que pour l’économiste Carl Benedict Frey, tous les travailleurs pourraient connaître ce sort. Il explique que cette mutation s’échelonnera sur plusieurs années, voire décennies et que par conséquent, la transition sera plus indolore qu’on ne peut le craindre.
La question est clivante et les experts divergent sur les réponses. Serons-nous tous chômeurs ou au contraire, la robotisation des tâches pénibles fera place à des emplois plus valorisants ?
Dans un monde toujours plus complexe, les évolutions scientifiques ouvrent des possibilités inédites. En tentant de se faire préparer un cocktail par un robot-barman, le psychologue Bertolt Meyer mène l’enquête, face à une communauté scientifique partagée.
Distributeurs de billets, robots de nettoyage, machines à pain et caisses automatiques : l’aide fournie par les machines est utile pour les travaux pénibles comme pour les tâches répétitives ou fatigantes.
Les êtres humains sont-ils vraiment irremplaçables partout ? Les lignes d’écoute psychologiques pourront-elles un jour être assurées par des intelligences artificielles ? Et qui serait prêt à se faire couper les cheveux par un robot ?
La spécialiste du marché du travail Melanie Arntz est persuadée que sa coiffeuse ne sera jamais remplacée par une machine, alors que pour l’économiste Carl Benedict Frey, tous les travailleurs pourraient connaître ce sort. Il explique que cette mutation s’échelonnera sur plusieurs années, voire décennies et que par conséquent, la transition sera plus indolore qu’on ne peut le craindre.
La question est clivante et les experts divergent sur les réponses. Serons-nous tous chômeurs ou au contraire, la robotisation des tâches pénibles fera place à des emplois plus valorisants ?
Dans un monde toujours plus complexe, les évolutions scientifiques ouvrent des possibilités inédites. En tentant de se faire préparer un cocktail par un robot-barman, le psychologue Bertolt Meyer mène l’enquête, face à une communauté scientifique partagée.
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00:00 Je m'appelle Berthold Meyer et je suis professeur de psychologie du travail.
00:12 Je suis d'un naturel plutôt confiant dans l'avenir.
00:16 Il faut dire que je profite personnellement de la technologie de pointe.
00:20 Aujourd'hui, je m'intéresse à la numérisation du monde du travail.
00:25 On dit que c'est la technologie qui vient à nous et qu'elle nous submerge.
00:30 Si tout ça se produit en l'espace de 5 ans, le monde du travail sera chamboulé.
00:36 La technologie ne se limite pas à remplacer des emplois ou des activités professionnelles, elle en crée aussi beaucoup.
00:44 Alors, la robotisation va-t-elle booster notre économie ou au contraire faire de nous des chômeurs ?
00:50 La technologie de la robotisation
00:55 La technologie de la robotisation
01:00 Cette question me conduit d'abord à Nuremberg, au Deutsches Museum.
01:14 La technologie de la robotisation
01:19 En tant que sociologue et commissaire de l'exposition Travail et vie quotidienne,
01:24 Mélanie Saveri-Moutou est une spécialiste du sujet.
01:28 Alors, quel est l'avenir du monde du travail ?
01:42 On est à l'aube d'une ère nouvelle.
01:45 Tout sera encore plus rapide, plus efficace et surtout, miniaturisé.
01:49 Les tâches routinières pourront facilement être effectuées par des robots.
01:53 Ça avait déjà commencé avec les machines à vapeur, mais ça va s'accentuer.
01:57 Aujourd'hui, on utilise des machines quasiment dans tous les domaines, là où c'était inconcevable avant.
02:03 Que pensez-vous de l'impact du numérique sur le travail ?
02:07 À mon avis, il faut que l'ensemble de la société arrive à un consensus pour définir qui nous sommes et qui nous aspirons à devenir.
02:14 Ensuite, il s'agit de déterminer dans quel secteur et sous quelle forme on permet le développement du numérique
02:20 et quelles sont les possibilités dont on dispose pour l'utiliser à notre avantage.
02:24 Mais pour ça, il faudrait d'abord définir en quoi consiste cet avantage.
02:28 Pour l'instant, on n'en est pas encore là.
02:30 On dit que c'est la technologie qui vient à nous et qu'elle nous submerge.
02:35 Maintenant, je vais vous montrer une de nos créations phares qui est à la bougeotte.
02:40 Notre adorable petit chien robot.
02:43 Joli !
02:44 N'est-ce pas ?
02:45 Quand on pense à venir du travail, des scènes de science-fiction nous reviennent automatiquement.
02:52 Très mignon, vraiment !
02:58 En tout cas, c'est impressionnant.
03:03 Pour le coup, c'est adorable.
03:05 Et il sait faire quoi, au juste ?
03:23 Il arrive très bien à se déplacer sur des terrains difficiles et à transporter des objets là où les humains n'ont pas accès.
03:31 Ah oui, quand même !
03:33 Sexy !
03:37 Beaucoup de gens s'inquiètent à l'idée que leur travail puisse être remis en cause.
03:42 Et je ne fais pas exception à la règle.
03:44 Pourtant, notre histoire est ponctuée d'évolutions technologiques.
03:47 À la fin du XVIIIe siècle, le développement des machines à vapeur est à l'origine de la révolution industrielle,
03:53 qu'on pourrait qualifier d'industrie 1.0.
03:56 Un siècle plus tard, c'est l'époque de la production de masse, l'industrie 2.0.
04:01 Vers 1970, l'électronique et les technologies informatiques ouvrent la voie à la troisième révolution industrielle.
04:10 Aujourd'hui, nous vivons à l'ère de l'industrie 4.0, à savoir la numérisation de la chaîne de création de valeurs.
04:23 Comment réagissent les visiteurs de l'exposition face à cette représentation de l'avenir numérique ?
04:28 Certains ont peur de se faire remplacer par les machines, bien sûr.
04:33 On a déjà étudié la question.
04:37 En fait, cette peur est née avant les années 1980.
04:41 On entend dire depuis des lustres que les robots nous prennent notre travail.
04:47 Pourtant, on a encore tous largement de quoi faire.
04:50 À ce propos, l'Agence fédérale pour l'emploi a créé une plateforme très bien faite, appelée Jobfuturomat.
04:56 Elle permet aux amateurs de statistiques d'évaluer si tel métier ou telle tâche est automatisable ou pas.
05:04 Et si oui, selon quel pourcentage.
05:07 Tu as fait le test pour toi ?
05:11 Oui, pas de souci pour mon métier.
05:13 Vous vous en doutez, la situation n'est pas aussi zen pour tout le monde.
05:18 Dans certains secteurs, les salariés sont très inquiets pour leur poste, à juste titre.
05:22 Les nouvelles technologies et la numérisation bouleversent le monde du travail.
05:34 Mais entraînent-elles vraiment la disparition de certains métiers ?
05:37 Les pilotes, les banquiers et les conducteurs d'engins de chantier sont-ils menacés d'extinction ?
05:46 C'est en tout cas l'avis de certains économistes.
05:49 Parmi eux, Karl-Benedikt Frey.
05:52 Bonjour !
05:58 Ce grand spécialiste du marché du travail est arrivé à la conclusion suivante.
06:02 47% des métiers sont susceptibles d'être automatisés.
06:05 47% ? Ça paraît impressionnant.
06:10 Mais il faut tenir compte de la dimension temporelle.
06:13 Si tout ça se produit en l'espace de 5 ans, le monde du travail sera chamboulé.
06:18 Mais si on estime que cela se fera progressivement dans les 50 ou 100 ans à venir, c'est moins affolant.
06:25 Un exemple m'a étonné dans votre étude.
06:30 Pour le métier de coiffeur, il y a un risque de la mort.
06:36 Pour le métier de coiffeur, la probabilité de robotisation est de 11%.
06:41 Et elle grimpe à 94% pour le métier de boucher.
06:46 Comment expliquer une telle différence entre les deux ?
06:51 L'évaluation des professions a été réalisée par des experts en robotique
06:59 au moyen d'algorithmes d'apprentissage automatique
07:02 qui ont permis de calculer les prédispositions à être robotisées pour plus de 700 professions.
07:09 À titre personnel, je n'ai exercé aucun de ces métiers.
07:13 Mais disons que quand on va chez le coiffeur, on discute, on crée un lien social.
07:19 Quand on va chez le boucher, c'est autre chose, les échanges sont plus limités.
07:24 C'est aussi un métier qui demande, à mon avis, un peu moins de dextérité.
07:30 Votre étude n'est pas une dystopie apocalyptique prédisant qu'on va tous finir chômeurs.
07:35 Mais c'est comme ça que les médias l'ont présentée.
07:39 À votre avis, pourquoi elle a été perçue de manière aussi alarmiste ?
07:43 En réalité, nous avons examiné la portée potentielle de l'automatisation.
07:50 C'est vrai qu'au départ, elle a été instrumentalisée pour faire des choses plus simples.
07:58 Au départ, elle a été instrumentalisée pour donner la vision d'un avenir sans emploi.
08:03 Une idée qui a d'ailleurs séduit certains technologues.
08:07 Pourtant, nous n'y avons même pas abordé la question de savoir si la robotisation
08:13 entraînera la création ou la disparition de plus ou moins d'emplois.
08:25 J'ai pas eu du tout ce ressenti en lisant l'étude en question.
08:31 Selon moi, elle met en garde le grand public contre la robotisation annoncée.
08:40 Et cette robotisation risque d'entraîner une pression encore plus forte sur les personnes peu instruites
08:49 et qui ont un travail faiblement rémunéré.
08:54 Il s'agit donc aussi de voir comment faire face à cette problématique au niveau sociétal.
08:59 Il est indéniable qu'une menace pèse sur les emplois peu qualifiés et sous-payés.
09:09 À l'avenir, y aura-t-il assez de travail pour tous ?
09:21 Dans le passé, les scientifiques nous ont proposé toutes sortes d'inventions futuristes.
09:25 Les voitures autonomes, la visiophonie, les villes dans l'espace, les centres-villes ultramodernes.
09:30 Mais la plupart des projets ont tourné court.
09:33 Comme Electro, le robot parlant qui a fasciné les visiteurs de l'Exposition universelle de 1939.
09:48 Autre exemple, ce court métrage d'anticipation diffusé en 1972 sur une chaîne allemande.
09:53 Il met en scène Monsieur B qui vit en l'an 2000 et ne travaille plus que 25 heures par semaine.
09:58 Il possède un cœur artificiel et souffre d'une dépression qu'il tente de soigner avec Optimum 10, un médicament à action rapide.
10:05 Mais avec tout ça, il n'est pas heureux.
10:08 Monsieur B a beaucoup de temps pour réfléchir.
10:10 Mais cela ne se passe pas pour des millions de gens qualifiés,
10:13 qui ne sont pas encore en train de travailler,
10:15 pour surveiller des installations de production automatique.
10:18 Peut-être que la prochaine génération aura plus de temps.
10:21 Monsieur B est en tout cas le produit d'une époque où l'on travaille pour le bien de la vie.
10:28 Bon, mais avouons qu'on n'est pas si loin de Monsieur B.
10:31 Moi-même, j'aurais considéré il n'y a pas si longtemps encore
10:34 que tenir ce smartphone avec cette prothèse relevait de la science-fiction.
10:38 L'évolution technologique ne suit pas toujours les prévisions des scientifiques.
10:46 Et la science-fiction n'est pas non plus toujours prémonitoire.
10:56 Direction Mannheim, pour avancer sur le sujet.
10:59 J'ai rendez-vous avec Mélanie Arnst, du Centre Leibniz pour la recherche économique européenne.
11:11 À l'instar de Karl Frey, elle étudie les effets de la numérisation sur le marché de l'emploi.
11:17 En règle générale, l'influence de la technologie sur le monde du travail
11:24 est bien plus complexe qu'on ne le pense.
11:26 La technologie ne se limite pas à remplacer des emplois ou des activités professionnelles.
11:31 Elle en crée aussi beaucoup.
11:34 En fin de compte, les études sur le sujet prévoient deux évolutions possibles.
11:38 Soit le nombre d'emplois restera stable si on considère l'ensemble de l'économie,
11:44 soit on observera la création de nouveaux emplois.
11:48 Comment ça se passe chez le coiffeur, par exemple ?
11:52 Il y a des tâches qu'on peut automatiser ?
11:54 En fait, presque aucune, parce qu'elles ont toute une dimension interactive.
11:59 Nicole, l'activité de conseil, par exemple, ça représente quelle part dans ton travail ?
12:05 Une chose est sûre, discuter avec le client et lui donner des conseils, aucune machine ne peut le faire.
12:13 D'accord, il y a des outils qui peuvent aider, comme les modèles de coiffure qu'on montre au client,
12:20 les explications sur la couleur et ainsi de suite.
12:22 Mais ce qui est propre à chaque personne, comme le type de cheveux, la forme de la tête,
12:28 les caractéristiques de la chevelure ou la chute des cheveux,
12:31 tout ça, il n'y a que le coiffeur qui peut l'évaluer. Il est irremplaçable.
12:35 Dans ce métier, le lien social est essentiel.
12:40 Même s'il existait une machine capable d'exécuter les tâches d'un coiffeur,
12:44 je pense que les gens préfèreraient le contact avec un être humain.
12:47 C'est sûr.
12:49 Il ne faut pas sous-estimer cet aspect.
12:51 J'ai discuté avec Karl Frey à ce sujet.
12:54 D'après l'étude qu'il a publiée, 47% des métiers qui existent aujourd'hui pourraient être automatisés.
13:02 Qu'en pensez-vous ?
13:05 Il ne faut pas confondre automatiser et supplanter.
13:09 Le potentiel d'automatisation, c'est d'abord la possibilité de remplacer tout ou partie d'un métier
13:15 par des moyens purement techniques.
13:17 Même si on s'en tient à cette perspective, qu'est-ce qui serait remplaçable par la technique, en théorie ?
13:22 Je ne suis pas convaincue par ce chiffre de 47%.
13:25 Et il y a de bonnes raisons de penser qu'il est surévalué.
13:27 Mais encore ?
13:29 On peut définir une profession, grosso modo, par les tâches qui la composent.
13:34 Maintenant, si on va sur un lieu de travail et qu'on demande à un employé
13:38 de décrire de manière concrète ce qu'il fait au quotidien,
13:42 on constate que beaucoup de tâches ne sont pas automatisables.
13:45 Ça veut dire que la définition d'un métier n'est pas aussi figée que le suppose le modèle décrit par Karl Frey ?
13:52 Si on interrogeait un millier de personnes qui exercent le même métier,
13:58 elles nous décriraient un éventail de tâches très variées.
14:01 Et comme on l'a dit, beaucoup ne peuvent pas être automatisées.
14:05 Partant de là, seuls 10% des salariés exercent des métiers qui sont largement automatisables.
14:12 Donc, vos travaux critiquent de manière implicite le modèle de Karl Frey et Michael Osborne ?
14:17 Oui, mais d'un autre côté, si on se base sur une description très sommaire des professions,
14:23 même avec notre modèle, on retombe sur les chiffres de Frey et Osborne.
14:27 Ah, ça prête à confusion, du coup !
14:30 En fait, nous ne sommes pas en contradiction.
14:32 C'est juste qu'ils incluent dans leur étude une hypothèse que nous, nous écartons.
14:36 Or, si on l'écarte, l'ensemble ne tient plus vraiment la route.
14:40 Vous avez déjà débattu avec Frey et Osborne à ce sujet ?
14:43 Moi, non, mais mes co-auteurs, oui.
14:46 Et alors ?
14:47 Je ne pense pas que nous puissions vraiment trouver un terrain d'entente.
14:52 D'une part, parce qu'ils refusent de remettre en question cette hypothèse de départ.
14:56 D'autre part, et c'est un point essentiel, le chiffre que vous avez cité, 47% d'automatisation,
15:03 a souvent été interprété comme la disparition de 47% des employés.
15:08 Ce lien de cause à effet est totalement erroné.
15:11 En fait, le chiffre a été sorti de son contexte, et ça pose problème.
15:17 Les divergences entre Melanie Ernst et Karl Frey montrent que même les scientifiques
15:24 ont du mal à évaluer la menace qui pèse sur nos emplois.
15:26 Mais ça n'a rien d'étonnant.
15:28 Après tout, la science n'est pas une machine à prédire l'avenir.
15:34 Quoi qu'il en soit, s'il y en a bien un qui peut nous faire peur, c'est lui.
15:37 Vous le connaissez ?
15:40 C'est ATLAS, le robot humanoïde conçu par la société américaine Boston Dynamics.
15:45 Il a de quoi susciter l'enthousiasme, vu ses performances extrêmement élevées.
15:51 Mais il est quand même un peu flippant, non ?
16:01 Mais au fond, est-ce qu'on a déjà remplacé des employés par des robots ?
16:04 Pas facile de le savoir, car beaucoup d'entreprises ont refusé de répondre à mes questions.
16:09 J'en ai finalement déniché une à Balingen, dans le sud-ouest de l'Allemagne.
16:13 Voici Matthias Gritschitz.
16:22 Il est chef d'équipe logistique chez Kern & Sohn,
16:24 la plus ancienne usine allemande de balance de précision.
16:28 Comme celle-ci.
16:29 On ne dirait pas comme ça, mais Matthias a bien été remplacé par un robot.
16:36 Du moins, en partie.
16:37 Voici l'engin en question.
16:44 90 mètres de long, 22 mètres de large et 25 de haut.
16:48 Ce système de rayonnage entièrement automatisé peut stocker environ 3 800 palettes
16:53 et 120 000 éléments de rayonnage.
16:56 Les chariots-élévateurs conduits par des humains ont cédé la place à ces équipements de manutention autonome.
17:01 Cette innovation permet une efficacité maximale des processus logistiques,
17:07 car elle garantit rapidité, précision et sécurité.
17:10 Est-ce que certains emplois ont disparu à cause de ces systèmes ?
17:17 Visiblement, ma question agace Matthias.
17:21 Je vais vous dire que je ne suis pas un expert en l'équipement.
17:25 Je vais être volontairement provocateur.
17:28 Qu'est-ce que ça fait d'être remplacé par un robot ?
17:31 Je ne vois pas très bien ce que vous voulez dire.
17:35 En fait, le robot travaille pour moi.
17:38 Il ne me remplace pas, c'est mon assistant.
17:41 On est passé à l'automatisation parce que l'entreprise se développe et qu'il faut gérer la croissance.
17:48 Maintenant, on économise des trajets d'un entrepôt à l'autre
17:51 et ça facilite la coordination de la chaîne logistique.
17:54 Tout se trouve dans un seul bâtiment.
17:56 Quand on passe une commande le matin, elle part à midi.
17:59 Je n'y vois que des avantages.
18:01 Hors caméra, Matthias me dit aussi que sans cette installation, l'entreprise n'aurait plus été viable.
18:08 Les colis passent par là ?
18:12 Il aurait même fallu supprimer des emplois.
18:16 Mais grâce au nouveau système, les commandes sont expédiées le jour même et c'est ce que veulent les clients.
18:22 Ah, c'est ça !
18:24 D'après certaines études, ce sont souvent des emplois comme celui de Matthias qui sont concernés par l'automatisation.
18:30 Mais en l'absence de statistiques officielles, on ne sait pas combien sont réellement menacés.
18:35 Avec les rayonnages automatisés, vous avez besoin de moins de temps pour les réglages.
18:50 Vous avez besoin de moins de main-d'œuvre.
18:52 Oui, bien sûr.
18:54 Il y avait par exemple des employés qui conduisaient des camions pour assurer la logistique entre les sites.
18:59 Nous n'avons plus besoin d'eux à ces postes.
19:01 On peut savoir ce qu'ils sont devenus ?
19:04 Vous les avez rencontrés juste avant.
19:06 Ils travaillent toujours chez nous au service logistique.
19:09 En fait, le nouveau système est allé de pair avec la croissance de l'entreprise,
19:13 ce qui a permis de créer de nouveaux emplois.
19:16 Donc vous faites plus de bénéfices.
19:19 C'est une bonne question.
19:21 Quand on fait un investissement à cette échelle, il faut bien sûr évaluer en amont la rentabilité du projet.
19:28 Nous aurions pu envisager de produire dans un pays à bas salaire,
19:33 où nous aurions embauché des ouvriers à moindre coût.
19:36 Mais nous sommes une entreprise à caractère familial.
19:40 Et pour nous, il est important d'affirmer notre attachement au site de Balingen et à nos collaborateurs.
19:48 Le degré de robotisation dans votre entreprise est-il dans la moyenne de celui des PME allemandes ou un peu au-dessus ?
19:54 Sans fausse modestie, nous sommes plutôt bien situés.
20:00 Dans la région, nous sommes loin d'être les seuls à automatiser la chaîne logistique.
20:05 C'est l'avenir pour les entreprises.
20:08 En tout cas, nous avons un cœur de donner de l'activité à nos salariés
20:12 et de faire du bon travail dans un environnement agréable.
20:17 Ces valeurs-là, nous pouvons les mettre en œuvre en tant que PME.
20:20 J'ai appris aujourd'hui que grâce à l'automatisation,
20:28 une entreprise peut rester sur le même site,
20:31 qu'elle économise de la place
20:33 et qu'elle propose peut-être aussi des emplois plus intéressants.
20:36 Tout ça est en effet beaucoup plus complexe que je ne me l'étais imaginé.
20:41 La question reste posée.
20:46 À l'avenir, les robots joueront-ils un rôle encore plus important dans notre travail ?
20:50 J'ai envie d'en discuter avec ma collègue Ulrike Thomas, de l'Université technique de Chemnitz.
20:56 Elle y enseigne la robotique et mène des recherches sur l'interaction entre les hommes et la technologie.
21:01 Aujourd'hui, elle est en télétravail.
21:04 Sacha Kadden, son doctorant, me fait visiter le laboratoire de robotique
21:10 où je découvre toutes sortes de bras robotisés ultra-modernes.
21:15 Celui-ci permet de réaliser des tests de dépistage du Covid-19.
21:18 Il faut vraiment se concentrer.
21:22 Ça y est, j'y suis !
21:27 Je suis allé trop profond !
21:31 On voit plein de vidéos sur le net avec des robots humanoïdes
21:43 qui se baladent partout et font des trucs incroyables.
21:45 Mais j'en ai pas vu dans ton laboratoire.
21:50 Pourquoi ? C'est pas réaliste ?
21:53 Il existe quelques robots humanoïdes à l'heure actuelle.
21:57 Notre objectif est d'en fabriquer, mais ils seront de la prochaine génération.
22:02 Les robots actuels ont des articulations rigides et ils sont stupides.
22:12 Aujourd'hui, ce qu'on voit, ce sont des robots aux mouvements préprogrammés
22:15 qui sautent par-dessus des obstacles et marchent dans la neige.
22:19 Mais dès qu'on leur demande quelque chose d'un peu différent, ils sont dépassés.
22:25 Ça signifie que pour l'instant, ces systèmes ont une intelligence artificielle
22:30 et une capacité d'adaptation assez limitée.
22:33 Regardez par exemple ce robot préparateur de cocktails.
22:38 Oui, vous avez bien entendu.
22:40 Il a été mis au point par des étudiants en robotique
22:42 pour automatiser la tâche répétitive qui consiste à mélanger les ingrédients des cocktails.
22:46 Ça marche plutôt bien.
22:51 Voilà.
22:54 Jusqu'à ce qu'un imprévu se produise.
22:57 Et là, il n'y a plus personne.
22:59 Tu as bien remis les glaçons ?
23:01 Tout est bien installé ?
23:03 C'est bon.
23:05 Après plusieurs tentatives et 15 minutes d'attente,
23:09 j'obtiens un cocktail tout à fait correct.
23:11 Super.
23:19 Merci beaucoup.
23:21 Je trouve ça super, mais bon, il faut quand même reconnaître que ce n'est pas parfaitement au point.
23:28 C'est vrai.
23:36 Si des chercheurs professionnels étaient intervenus,
23:38 ils auraient pu largement améliorer les capacités du robot.
23:41 Mais ça aurait dépassé le cadre d'un simple projet d'étudiant.
23:44 J'ai l'impression que la majorité des gens surestiment largement les performances des robots.
23:53 Je suis d'accord.
23:58 Cette idée est nourrie en partie par les films de science-fiction
24:05 et aussi par la peur que les robots ne remplacent les hommes.
24:07 On l'a vu, ils sont capables d'effectuer des tâches simples et répétitives.
24:15 Mais pour les activités intellectuelles, qui demandent de la créativité et un haut niveau de formation,
24:23 ils sont loin du compte.
24:25 A mon avis, c'est parce que la population leur prête des capacités qu'ils n'ont pas
24:30 qu'elle pense qu'à l'avenir, les robots prendront notre travail.
24:34 En réalité, ce n'est pas du tout le cas.
24:36 Et tu sais de quoi tu parles ?
24:39 Oui, le jour où les robots seront vraiment répandus est encore loin.
24:43 Cela changera un peu la donne tout en facilitant le travail.
24:47 A t'entendre, on dirait qu'on est encore très loin des super robots autonomes et doués d'intelligence.
24:56 Oui. En fin de compte, la robotique n'en est qu'à ses débuts.
25:03 Il faudra encore des années pour que nous arrivions à concevoir des systèmes capables de s'adapter.
25:09 Les robots humanoïdes ne seront pas à l'œuvre avant 10, 20 ou 30 ans dans les situations du quotidien.
25:17 Bon, c'est pas demain la veille qu'on vivra parmi les robots.
25:26 Et les chercheurs ne sont pas tous d'accord sur les conséquences de ces changements.
25:32 Ils ne sont pas tous d'accord sur les conséquences exactes de la robotisation.
25:35 Une chose est sûre, la technologie fait de plus en plus partie de notre quotidien.
25:41 Aussi, l'idéal serait de parvenir à une coexistence harmonieuse entre l'homme et la machine.
25:48 Un peu comme moi et ma prothèse.
25:51 Il suffit que je la branche sur mon synthé pour que mes pensées se transforment en musique.
25:55 Magique, non ?
25:57 En soi, la technologie n'est ni bonne ni mauvaise.
26:01 Alors, la numérisation va-t-elle détruire nos emplois ?
26:03 Honnêtement, ça ne me paraît pas d'actualité.
26:06 [Musique]