ÉDITO - Un rapport parlementaire, commandé par le Rassemblement National, définit le parti comme "une courroie de transmission efficace de la propagande russe"

  • l’année dernière
Un rapport parlementaire a étudié, à la demande du Rassemblement National, les liens entre la Russie et les députés du parti. Voté à 11 voix contre 5, ce rapport définit le RN comme "une courroie de transmission efficace de la propagande russe". Les explications de l'éditorialiste politique, Matthieu Croissandeau. 
Transcript
00:00 La politique Mathieu Croissando, on s'intéresse ce matin à ce rapport parlementaire qui pointe les liens du Rassemblement National avec la Russie et qui provoque la colère de Marine Le Pen.
00:11 Oui et le plus cocasse dans cette affaire c'est que c'est le RN lui-même qui l'a commandé ce rapport.
00:15 Alors je vous explique, à l'automne dernier, au moment où les groupes parlementaires font valoir ce qu'on appelle leur droit de tirage,
00:20 c'est-à-dire la possibilité pour un groupe d'opposition de créer une commission d'enquête,
00:24 le groupe RN propose à la surprise générale une commission d'enquête sur les ingérences étrangères dans la politique française.
00:31 Alors quand on connaît les soupçons de collusion qui pèsent sur le parti de Marine Le Pen, qui vous savez a bénéficié d'un prêt russe en 2014,
00:38 tout le monde se dit "pourquoi ?" Mais le RN pense avoir fait un joli coup double à l'époque, d'abord pour reprendre la main sur ce sujet,
00:45 mettre un point final en fait à ces accusations qui ont pollué la campagne présidentielle de sa candidate,
00:49 et puis ensuite élargir le sujet puisque ce n'est pas seulement les ingérences russes, et du coup noyer le poisson en investiguant sur la Chine,
00:58 sur le Maroc, sur le Qatar, bref, sur toutes les puissances étrangères.
01:01 Et pour verrouiller le tout, c'est le député RN Jean-Philippe Tanguy qui prend la présidence de cette commission,
01:06 laissant le poste stratégique de rapporteur, c'est-à-dire de celui qui tient la plume pour faire le rapport, à la députée Renaissance Constance Le Grip.
01:13 Et là, c'est une grave erreur stratégique parce que patatra, après cinq mois d'audition, rien ne se passe comme prévu.
01:18 Il y a quoi dans ce fameux rapport ?
01:20 Alors selon nos confrères de RMC et de Mediapart qui ont pu consulter ce document, qui ne sera publié que le 8 juin prochain,
01:25 le rapport qui a été adopté hier par 11 voix contre 5 décrit le RN comme
01:30 "une courroie de transmission efficace de la propagande russe en France avec un alignement total", dit ce rapport,
01:36 "sur les positions du Kremlin, notamment lors de l'annexion de la Crimée en 2014".
01:40 Marine Le Pen nia alors le caractère illégal de secou de force, reprenant, dit le rapport,
01:45 "mot pour mot les éléments de langage officiels du régime de Poutine".
01:48 La commission d'enquête qui a auditionné Marine Le Pen le 24 mai dernier n'a trouvé en revanche aucune preuve d'échange de services
01:55 entre l'ERN et le pouvoir russe, il faut le dire, mais la commission d'enquête relève que le FN, à l'époque,
02:00 parce que ça s'appelait le FN et pas l'ERN, a bénéficié de conditions incroyablement avantageuses de la part de ses prêteurs
02:06 qui ne lui ont demandé par exemple aucune garantie contre le prêt dont il a bénéficié,
02:10 et qui lui ont même offert un rééchelonnement qualifié, alors là pour le coup, davantage certain et conséquent,
02:16 puisque les remboursements ont été décalés de 2019 à 2028.
02:19 Donc tout cela figure désormais noir sur blanc dans un rapport parlementaire officiel aux Grandes Dames du RN.
02:25 La charge est lourde, comment réagit justement le parti de Marine Le Pen ?
02:29 Mal, très mal évidemment, le rapport a provoqué la colère de Marine Le Pen, sectaire, malhonnête, tout à fait politisée,
02:35 a dit l'ancienne candidate à la présidentielle, elle est d'autant plus furieuse du coup,
02:40 puisque donc c'est son parti qui s'est tiré une balle dans le pied.
02:43 Et je laisse le mot de la fin à Jean-Philippe Tanguy, le président RN, qui a livré cette confidence assez savoureuse hier au Monde.
02:50 « J'ai présidé cette commission sans incident, on est consensuel, on accepte tout, et à la fin, boum, je m'en veux.
02:56 C'est mon côté un peu neuneu, naïf, que je concède. »
03:00 Parole d'expert.

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