• l’année dernière
- Grand témoin : Timothée Parrique, chercheur en économie écologique à l'université de Lund et auteur de « Ralentir ou périr - l'économie de la décroissance » (Seuil)

LE GRAND DÉBAT / La semaine de 4 jours pour tous ?

« Le chrono de Blako » par Stéphane Blakowski

En 1993, le patron de Danone, Antoine Riboud et Pierre Larrouturou lançaient en France l'idée d'une semaine de travail à 4 jours. Ce qui était à l'époque un pavé dans la mare a depuis fait son bout de chemin... De plus en plus d'entreprises réfléchissent à une répartition différente du temps de travail. La semaine de 4 jours a ainsi été testée dans plusieurs firmes telles que Fleury Michon, Pasquier ou Mamie Nova. Alors que le gouvernement se montrait hostile à cette mesure début 2022, Gabriel Attal a annoncé une expérimentation sur les agents de l'URSSAF en février 2023. Cette semaine ouvrée plus courte doit-elle nécessairement s'accompagner d'une réduction du temps de travail ?

Invités :
- Fanta Berete, députée Renaissance de Paris
- Danielle Simonnet, députée LFI de Paris
- Pierre Larrouturou, député européen Nouvelle Donne et rapporteur général du budget UE2021
- Jean-Yves Boulin, chercheur associé à l'IRISSO (Université Paris-Dauphine)

LE GRAND ENTRETIEN / Timothée Parrique : le chantre de la décroissance ?
Pour Timothée Parrique, économiste, la cause première des crises auxquelles nous faisons face est la croissance. Son essai « Ralentir ou périr - l'économie de la décroissance » explique le dilemme : entre produire plus et polluer moins, il faut choisir. Selon lui, un nouveau système doit être mis en place, celui de la post-croissance. Absence de publicité, remplacement de la TVA par une taxation progressive sur les hauts revenus, promotion des coopératives... Tel est l'aperçu du monde viable que conçoit Timothée Parrique : est-il utopique ?

- Grand témoin : Timothée Parrique, chercheur en économie écologique à l'université de Lund et auteur de « Ralentir ou périr - l'économie de la décroissance » (Seuil)

BOURBON EXPRESS :
- Marco Paumier, journaliste LCP

LES AFFRANCHIS :
- Mariette Darrigrand, sémiologue
- Nathan Devers, écrivain

Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
Un carrefour d'opinions où ministres, députés, élus locaux, experts et personnalités de la société civile font entendre leur voix.

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News
Transcription
00:00:00 (Générique)
00:00:06 Bonsoir à tous et bienvenue dans Savourgarde.
00:00:09 Au sommaire ce soir, un économiste qui décoiffe.
00:00:12 Timothée Parik, votre livre "Ralentir ou Périr" cartonne en librairie.
00:00:18 Alors vous êtes convaincu que la décroissance est la seule réponse possible
00:00:21 au dérèglement climatique, à la crise climatique.
00:00:24 Vous allez nous expliquer pourquoi dans la seconde partie de l'émission.
00:00:27 Dans notre grand débat ce soir, cette question est si on passait tous à la semaine de 4 jours.
00:00:32 L'essayer c'est l'adopter, c'est en tout cas ce que disent la plupart des entreprises
00:00:36 et des salariés qui l'ont expérimenté jusqu'à présent.
00:00:39 Mais peut-on vraiment la généraliser ? Cette utopie peut-elle devenir réalité ?
00:00:43 Ce sera le thème du débat avec nos invités.
00:00:46 On terminera par le parti pris de nos affranchis avec un nouveau venu ce soir.
00:00:50 Vous verrez, je vous laisse la surprise.
00:00:52 Et puis la chronique Bourbon Express qui sera consacrée à un rapport parlementaire
00:00:56 au goût amer pour le Rassemblement National.
00:00:59 Voilà pour le sommaire. Vous êtes prêts ?
00:01:01 Prêts.
00:01:02 C'est parti pour ça, vous regardez, suivez-moi.
00:01:04 Et si on passait tous à la semaine de 4 jours ?
00:01:17 Alors l'idée a longtemps été considérée au mieux comme farfelue,
00:01:21 au pire comme totalement irréaliste.
00:01:24 Mais les temps changent, semble-t-il, et les esprits évoluent.
00:01:27 Il faut dire que le Covid est passé par là.
00:01:29 Entre-temps, notre rapport au travail a changé.
00:01:32 Alors le moment est-il enfin venu pour en débattre avec nous ce soir ?
00:01:36 J'accueille Danielle Simonnet. Bonsoir.
00:01:38 -Bonsoir.
00:01:39 -Vous êtes députée de la France Insoumise de Paris.
00:01:41 Une autre députée de Paris à nos côtés ce soir, Fanta Berreté.
00:01:44 Bonsoir, députée Renaissance.
00:01:46 Vous avez travaillé dans le domaine des ressources humaines
00:01:49 avant cette vie de députée, si on peut dire.
00:01:51 Également à nos côtés, Pierre Larouturu,
00:01:54 député européen du parti Nouvelle Donne.
00:01:56 Alors vous, c'est un combat, la semaine de 4 jours,
00:01:59 que vous portez depuis plus de 30 ans, je crois.
00:02:01 -30 ans pile.
00:02:02 -30 ans pile.
00:02:03 Écoutez, on fête l'anniversaire actuellement.
00:02:05 Jean-Yves Boulin, vous êtes sociologue,
00:02:07 chercheur associé à l'IRISO à Paris-Dauphine.
00:02:10 Et vous menez actuellement une enquête, je crois,
00:02:12 auprès d'entreprises et de salariés
00:02:14 qui expérimentent la semaine de 4 jours.
00:02:16 -Oui.
00:02:17 -Enfin, notre grand témoin, je ne le présente plus,
00:02:19 mais on va le faire, c'est le débat de la semaine de 4 jours.
00:02:21 On va parler de la crise sanitaire,
00:02:23 de la crise sanitaire de Paris.
00:02:24 Sentez-vous libres, évidemment, d'intervenir
00:02:26 à n'importe quel moment dans notre débat.
00:02:28 Mais pour commencer, on accueille Stéphane Blakowski,
00:02:31 qui va nous aider à mieux cerner les enjeux
00:02:33 de ce débat sur la semaine de 4 jours.
00:02:35 [Musique]
00:02:42 -Bonsoir Clément, bonsoir à toutes et tous.
00:02:45 Alors, je ne sais pas si vous vous souvenez,
00:02:47 on a eu une réunion alors qu'on était en plein milieu
00:02:49 du conflit des retraites, donc je vous le rappelle l'article.
00:02:52 L'idée, c'est que puisqu'on va devoir travailler
00:02:54 deux ans de plus, peut-être qu'on pourrait
00:02:56 offrir de nouvelles qualités de confort au travail
00:02:59 en passant la semaine de 4 jours.
00:03:01 Alors attention, c'était bien sûr une expérimentation.
00:03:03 Ça a notamment été testé à l'Ursaf de Picardie.
00:03:07 Bon, voilà le résultat.
00:03:09 Sur les 200 personnes à qui on a proposé
00:03:11 de condenser leur temps de travail,
00:03:13 36 heures en 4 jours, il n'y en a que 3
00:03:15 qui ont accepté de travailler 9 heures par jour.
00:03:17 Donc on appelle ça un flop, mais c'est à peu près ça.
00:03:20 Donc évidemment, on est un peu en retard en France peut-être,
00:03:24 mais en Europe, ça se développe, cette réflexion
00:03:26 sur les 4 jours. Alors il y a plein de cas différents en fait.
00:03:29 En Belgique par exemple, la loi a été votée,
00:03:31 maintenant n'importe quel salarié peut travailler
00:03:33 4 jours par semaine, demander ça, mais
00:03:35 sans réduction du temps de travail, comme ce que proposait
00:03:37 Gabriel Attal. En Angleterre c'est pareil,
00:03:39 réduction sur 4 jours, condensation pardon sur 4 jours,
00:03:43 sans réduction du temps de travail.
00:03:45 Donc là c'est une expérimentation, 60 entreprises
00:03:47 ont testé ça et apparemment 90%
00:03:49 veulent continuer. Alors,
00:03:51 semaine de 4 jours aussi en Espagne,
00:03:53 mais attention, là c'est différent.
00:03:55 Là parce qu'il y a réduction du temps de travail,
00:03:57 donc en 4 jours, mais on passe
00:03:59 de 40 à 32 heures
00:04:01 à salaire égal. Donc il y a
00:04:03 200 entreprises qui participent à l'expérience,
00:04:05 mais elles sont soutenues par le gouvernement
00:04:07 qui peut les aider financièrement. L'idée c'est,
00:04:09 on va voir ça pendant 3 ans, quel effet ça peut avoir
00:04:11 sur la productivité.
00:04:13 On peut quand même revenir en France, parler un peu
00:04:15 de nos cas où ça a... - Le commissaire européen
00:04:17 à l'OMPLO a presque oublié. - Je voulais vous dire que vraiment,
00:04:19 ça marque l'idée qu'en Europe, ça se développe,
00:04:21 la commission ne veut forcer personne, mais elle pense
00:04:23 que vraiment c'est là qu'est l'avenir.
00:04:25 Et donc revenons en France,
00:04:27 puisque c'était ma préoccupation, avec quelques cas
00:04:29 où ça a été testé, où ça marche
00:04:31 plutôt bien. Si on réfléchit
00:04:33 sur ce dossier, on lit un article, il y a forcément
00:04:35 l'entreprise vionnaise LDLC qui a apparu,
00:04:37 une entreprise vionnaise qui vend du matériel informatique,
00:04:39 le patron, vous voyez, lui il est très content,
00:04:41 mais là il est passé la semaine de 4 jours,
00:04:43 avec réduction du temps de travail à 32h, et salaire
00:04:45 égal, et pourtant son entreprise
00:04:47 continue de faire
00:04:49 de bons résultats. C'est vrai que c'est une question qu'on se pose,
00:04:51 comment un patron accepterait
00:04:53 de garder le même salaire pour travailler moins ?
00:04:55 Quels sont les avantages ? Alors il y a une société qui s'appelle
00:04:57 Elmi, qui vend
00:04:59 de l'énergie verte, et qui a fait une enquête
00:05:01 qui chiffre un peu les réactions
00:05:03 sur ses salariés, qui sont passés donc à la semaine
00:05:05 de 39h sur 4 jours. Moins d'absence,
00:05:07 moins de démission, donc là c'est le patron
00:05:09 qui est content, meilleure image de l'entreprise,
00:05:11 ils étaient 23% à la recommander,
00:05:13 maintenant ils sont 48%, donc comme on est dans une période
00:05:15 où on a du mal à recruter, notamment
00:05:17 dans certains secteurs, ben voilà, le passage
00:05:19 à la semaine de 4 jours ça peut être
00:05:21 une manière d'attirer, de recruter des éléments
00:05:23 de talent. Donc finalement quand on cite des bons exemples,
00:05:25 on se dit "ben alors, c'est formidable, la semaine de 4 jours,
00:05:27 on n'a qu'à la généraliser".
00:05:29 Donc on pose la question au patron des patrons,
00:05:31 à Geoffroy Roux de Bézieux, donc déjà
00:05:33 qu'il avait du mal à digérer les 35h, donc la semaine
00:05:35 de 4 jours, moyen quoi.
00:05:37 La semaine de 4 jours, je pense que c'est
00:05:39 une illusion,
00:05:41 malheureusement,
00:05:43 seul étant dit, rien n'empêche
00:05:45 une entreprise aujourd'hui de faire la semaine de 4 jours.
00:05:47 Donc il n'y a pas de négociation à mettre,
00:05:49 la loi n'interdit pas
00:05:51 s'il y a un accord de le faire.
00:05:53 Alors, attention, on est parti pour le débat,
00:05:55 pour ou contre la semaine de 4 jours ?
00:05:57 Je vais vous laisser débattre juste avant,
00:05:59 on laisse parler Laurent Berger.
00:06:03 Je crois que ce sera une erreur
00:06:05 d'en faire un débat un peu idéologique,
00:06:07 comme on sait bien le faire dans notre pays, c'est-à-dire pour ou contre
00:06:09 la semaine de 4 jours, ça peut être très intéressant
00:06:11 dans certaines entreprises, il faut le pousser, il faut le négocier.
00:06:13 Dans d'autres, ce sera d'autres systèmes d'organisation du travail
00:06:15 qu'il faudra mettre en place.
00:06:17 Laurent Berger souhaite que le débat ne soit pas trop réducteur
00:06:19 sur la semaine de 4 jours, mais on est sur LCP,
00:06:21 est-ce qu'on a déjà vu des débats réducteurs sur LCP ?
00:06:23 Non, je ne crois pas.
00:06:25 Merci beaucoup, Stéphane Blakowski.
00:06:27 On l'a bien compris avec cette chronique
00:06:29 de Stéphane, toutes les semaines de 4 jours
00:06:31 ne se ressemblent pas.
00:06:33 De quoi est-ce qu'on parle exactement ?
00:06:35 On va faire un petit tour de table.
00:06:37 On commence par vous, Pierre Laroutourou.
00:06:39 Elle ressemble à quoi, la semaine de 4 jours que vous défendez
00:06:41 depuis 30 ans, maintenant ?
00:06:43 C'est la vraie semaine de 4 jours.
00:06:45 Il n'y en a qu'une pour vous ?
00:06:47 Non, au contraire, on voit que si c'est 4 jours, 36 heures,
00:06:49 ça fait un bide. On voit que quand on propose
00:06:51 dans l'Ursaf de Picardie aux gens d'aller vers 4 jours
00:06:53 mais 36 heures, il y en a 3 ou 4
00:06:55 qui ont dit oui, parce qu'ils n'ont pas envie
00:06:57 d'augmenter la durée quotidienne.
00:06:59 Par contre, on voit qu'en Angleterre, en Espagne,
00:07:01 en Allemagne, IG Metall, ils disent
00:07:03 qu'ils veulent les 32 heures sans baisse de salaire.
00:07:05 Ce qu'a dit le commissaire européen, Nicolas Schmitt,
00:07:07 c'est qu'il parle des 4 jours, 32 heures.
00:07:09 Il ne s'agit pas d'en faire une règle européenne,
00:07:11 mais il dit que si on veut faciliter les recrutements,
00:07:13 si on veut créer des emplois, un meilleur équilibre de vie,
00:07:15 un meilleur équilibre entre les hommes et les femmes,
00:07:17 il faut aller vers les 4 jours, 32 heures.
00:07:19 Et souvent, on dit que c'est moi qui ai lancé
00:07:21 le débat en France il y a 30 ans.
00:07:23 Juste avant nous, il y avait Antoine Riboud,
00:07:25 celui qui a vraiment lancé le débat.
00:07:27 -Le patron de Danone. -C'était sur 5 colonnes
00:07:29 dans le journal "Le Monde", un des plus grands patrons,
00:07:31 un vrai mec dynamique, qui avait créé
00:07:33 une entreprise magnifique et qui dit qu'il faut passer
00:07:35 à 32 heures sans étape intermédiaire.
00:07:37 Ca obligera toutes les entreprises à créer des emplois.
00:07:39 Et c'est possible.
00:07:41 Il y a déjà 400 entreprises en France qui l'ont mis en place.
00:07:43 Si vous mangez un yaourt Mamminova,
00:07:45 tous les salariés de Mamminova sont passés à 4 jours,
00:07:47 32 heures, sans baisse de salaire.
00:07:49 Et ils ont créé 125 emplois.
00:07:51 Et l'idée qu'on avait mise sur la table
00:07:53 avec Antoine Riboud, avec Michel Rocard,
00:07:55 c'est une idée très simple.
00:07:57 Si l'entreprise passe à 4 jours, 32 heures,
00:07:59 et qu'elle crée vraiment des emplois,
00:08:01 elle arrête de payer les cotisations chômage.
00:08:03 C'est comme ça que Mamminova, Fleury-Michon,
00:08:05 ou plein d'autres ont passé tout leur salaire à 32 heures.
00:08:07 -Ca permet de maintenir la productivité.
00:08:09 -Les salaires ne baissent pas, et le prix du yaourt
00:08:11 ou du jambon Fleury-Michon n'a pas augmenté.
00:08:13 On avait deux contraintes, ne pas baisser les salaires
00:08:15 pour ceux et celles qui sont là,
00:08:17 et ne pas augmenter la masse salariale,
00:08:19 sinon vous n'allez plus acheter les yaourts Mamminova,
00:08:21 vous prenez le concurrent.
00:08:23 On peut utiliser autrement, on met des dizaines de milliards
00:08:25 pour gérer les conséquences du chômage,
00:08:27 on peut utiliser une partie de cet argent
00:08:29 pour dire que si vous créez des emplois,
00:08:31 on vous met cet argent sur la table.
00:08:33 -Jean-Yves Boulin, dans la recherche que vous menez,
00:08:35 quel est le modèle de semaine de 4 jours
00:08:37 qui prédomine dans les entreprises qui ont fait ce choix ?
00:08:39 Est-ce que c'est réduction du temps de travail
00:08:41 et maintien du salaire,
00:08:43 ou est-ce que c'est maintien du temps de travail existant ?
00:08:45 -En France ou à l'international ?
00:08:47 -Je ne sais pas, décrivez-nous ce que vous avez vu.
00:08:49 -Non, alors, tout à l'heure,
00:08:51 on a dit qu'au Royaume-Uni,
00:08:53 c'était avec maintien de la même durée.
00:08:55 En fait, non, sur les 60 entreprises
00:08:57 qui ont été enquêtées,
00:08:59 c'était vraiment le principe
00:09:01 "180/100", c'est-à-dire
00:09:03 on maintient la production à 100%,
00:09:05 on baisse la durée du travail de 20%,
00:09:07 donc c'est-à-dire 80%,
00:09:09 et on maintient le salaire à 100%.
00:09:11 Alors en France,
00:09:13 la situation est assez différenciée.
00:09:15 Il y a des entreprises qui,
00:09:17 effectivement,
00:09:19 la semaine de quatre jours,
00:09:21 ça a existé, ça existe
00:09:23 depuis assez longtemps, ça a existé
00:09:25 avec Robien, effectivement,
00:09:27 ça a été un catalyseur, la loi Robien,
00:09:29 entre autres, avec des accords
00:09:31 défensifs et offensifs.
00:09:33 Aujourd'hui, on a des entreprises
00:09:35 qui sont... Alors il y a un effet de mode
00:09:37 un peu qui joue, mais dans les entreprises
00:09:39 qui passent, beaucoup sont
00:09:41 sur le modèle 32 heures,
00:09:43 c'est-à-dire de passer de 35 à 32,
00:09:45 parce que c'est le plus
00:09:47 attractif pour les salariés,
00:09:49 avec le cas d'Ursaf,
00:09:51 mais il y a des grandes entreprises
00:09:53 qui ont dit "si vous voulez travailler quatre jours,
00:09:55 Accenture, par exemple,
00:09:57 mais avec la même durée du travail."
00:09:59 Du côté du patronat, on vient de l'entendre,
00:10:01 c'est un patronat très innovant,
00:10:03 et du côté du gouvernement,
00:10:05 actuellement, aujourd'hui, c'est vraiment
00:10:07 non, c'est-à-dire...
00:10:09 -On va voir avec vous, justement, quand t'as...
00:10:11 -On a parlé d'une utopie, etc.
00:10:13 Donc c'est pas une utopie, parce que c'est
00:10:15 l'élection qui se déroule aujourd'hui.
00:10:17 -On a eu deux sons de cloche du côté du gouvernement.
00:10:19 Elisabeth Borne, il y a un an,
00:10:21 qui était vraiment pas favorable à l'idée
00:10:23 de généraliser cette mesure,
00:10:25 et qui disait que ça poserait des problèmes
00:10:27 de pouvoir d'achat, et Gabriel Attal,
00:10:29 qui s'est montré plus ouvert,
00:10:31 comme l'expliquait Stéphane Blakowski.
00:10:33 -Il augmente la durée du travail.
00:10:35 Il la maintient, même à 36 heures.
00:10:37 -Vous, député de la majorité,
00:10:39 vous y croyez, la semaine de quatre jours,
00:10:41 avec réduction du temps de travail ?
00:10:43 Ça vous paraît possible, réalisable, souhaitable ?
00:10:45 -Ecoutez, je pense qu'on est dans un moment
00:10:47 où on se pose beaucoup de questions
00:10:49 sur le travail.
00:10:51 On sort pas tout à fait, en plus,
00:10:53 du texte retraite, donc il y a,
00:10:55 je pense, tout un tas de sujets
00:10:57 sur lesquels il va falloir
00:10:59 discuter, attendre
00:11:01 des résultats d'enquête,
00:11:03 etc. Moi, personnellement,
00:11:05 parce que je suis plutôt là à titre,
00:11:07 finalement, personnel, aujourd'hui,
00:11:09 l'idée, c'est plutôt
00:11:11 de proposer
00:11:13 sur la base du volontariat.
00:11:15 C'est-à-dire que l'imposer,
00:11:17 en fait, au sein de l'ensemble
00:11:19 de nos entreprises, moi, je n'y crois pas,
00:11:21 parce qu'il y a des différences,
00:11:23 notamment avec le télétravail.
00:11:25 Tous les postes n'étaient pas télétravaillables
00:11:27 et je pense que toutes les activités
00:11:29 ne peuvent pas s'organiser, peut-être,
00:11:31 cette semaine-là, mais aussi rapidement.
00:11:33 -Liberté de choix aux entreprises,
00:11:35 pas de négociations en accord de branche,
00:11:37 pas de loi votée à l'Assemblée ?
00:11:39 -Les Français nous disent aussi
00:11:41 "J'ai envie de travailler, j'ai envie d'un peu plus de liberté,
00:11:43 j'ai envie de pouvoir m'organiser autrement",
00:11:45 et je pense que légiférer trop tôt,
00:11:47 c'est peut-être pas ce qu'il faut,
00:11:49 mais par contre, mener
00:11:51 des expérimentations, donc au sein de secteurs,
00:11:53 au sein d'entreprises, comme l'a fait
00:11:55 Gabriel Attal, je pense que c'est
00:11:57 peut-être le bon moyen de commencer.
00:11:59 -Danielle Simonnet, alors vous, vous êtes pour
00:12:01 la semaine de quatre jours aux 32 heures, si j'ai bien compris.
00:12:03 -En fait, la réduction du temps de travail,
00:12:05 c'est un progrès social,
00:12:07 et la réduction du temps de travail,
00:12:09 à la fois sur la vie, sur l'année,
00:12:11 sur la semaine, sur la journée,
00:12:13 c'est important, donc aller vers une semaine
00:12:15 de quatre jours sans perdre
00:12:17 de salaire, et où on fait
00:12:19 32 heures et pas 35,
00:12:21 pour nous, c'est un vrai progrès social,
00:12:23 et ça a aussi des vertus
00:12:25 pour le combat féministe,
00:12:27 et ça répond aussi à des enjeux
00:12:29 écologiques. D'ailleurs, dans l'exemple
00:12:31 de la Grande-Bretagne que vous donnez,
00:12:33 qui est sur une semaine de quatre jours,
00:12:35 on a vu que ça a eu des résultats
00:12:37 en termes d'émancipation
00:12:39 extrêmement importants,
00:12:41 puisque vous faites baisser aussi la souffrance
00:12:43 au travail, vous faites baisser
00:12:45 l'absentéisme pour maladie,
00:12:47 vous permettez finalement
00:12:49 aux travailleuses et aux travailleurs
00:12:51 de regagner la maîtrise d'une partie
00:12:53 de leur temps, c'est-à-dire la question
00:12:55 du temps libre. Et sur les conséquences
00:12:57 écologiques, il y a une étude qui est extrêmement intéressante
00:12:59 de l'association britannique
00:13:01 Plateformes, et qui indique
00:13:03 que le passage à une semaine de quatre jours
00:13:05 sans perte de salaire permettrait de diminuer
00:13:07 l'empreinte carbone du Royaume-Uni
00:13:09 de 127 millions
00:13:11 de tonnes par an d'ici 2025.
00:13:13 Ça veut dire une diminution
00:13:15 de 21,3 %.
00:13:17 - Vous y croyez, vous, Thibaut Théparek,
00:13:19 économiste de l'écologie,
00:13:21 à un impact positif
00:13:23 de la semaine de quatre jours sur
00:13:25 l'environnement ? - Oui, complètement, et même plus.
00:13:27 C'est-à-dire que la réduction du temps de travail,
00:13:29 si l'on doit s'engager dans une
00:13:31 transition de décroissance,
00:13:33 on va voir la production
00:13:35 se contracter, et donc
00:13:37 c'est normal qu'on devrait voir une réduction
00:13:39 du temps de travail. D'ailleurs, on pourrait faire le calcul inverse.
00:13:41 C'est-à-dire qu'aujourd'hui, on pourrait calculer
00:13:43 pour la France, en partant
00:13:45 d'une certaine intensité
00:13:47 carbone maximale qu'on ne
00:13:49 ne devrait pas dépasser, se poser la question
00:13:51 combien d'heures pouvons-nous nous permettre
00:13:53 de travailler sans
00:13:55 dépasser les limites planétaires ? - Le travail deviendrait donc un luxe.
00:13:57 - Et si l'on fait ce calcul
00:13:59 aujourd'hui dans les pays de l'OCDE,
00:14:01 la moyenne d'heures de travail
00:14:03 par semaine que l'on peut se permettre de travailler, c'est 5 heures.
00:14:05 A partir de la sixième heure...
00:14:07 - Vous êtes pour la journée de travail par semaine.
00:14:09 La demi-journée !
00:14:11 - Tout dépend de l'évolution de l'intensité. On peut regarder pour la Suède,
00:14:13 la Suède est à 12 heures.
00:14:15 Mais c'est vrai qu'il y a une véritable question
00:14:17 d'empreintes écologiques, et c'est-à-dire sur le très long terme
00:14:19 d'avoir cette grande discussion
00:14:21 sur la durée du temps de travail, toujours
00:14:23 en connexion avec la question des budgets
00:14:25 écologiques limités. - Bon, alors,
00:14:27 on est resté un peu dans la théorie en faisant ce petit tour
00:14:29 de table, j'aimerais qu'on rentre dans le concret avec un exemple
00:14:31 d'entreprise qui a fait ce choix de passer
00:14:33 aux 4 jours. Qu'en pensent les salariés ?
00:14:35 Quels bénéfices les employeurs peuvent-ils en tirer ?
00:14:37 Pierre-Mickaël Carniel
00:14:39 et Pierre Beretta se sont rendus
00:14:41 chez MJ Conditionnement dans l'Aisne.
00:14:43 C'est une petite entreprise qui s'est lancée
00:14:45 au mois d'octobre dernier dans la semaine de 4 jours
00:14:47 sans réduction du temps de travail.
00:14:55 Ici, vous êtes dans le dépôt où on stocke
00:14:57 tous nos aérosols vides, donc c'est des boîtiers métalliques.
00:14:59 Pour répondre à un contexte d'inflation,
00:15:01 cette société de conditionnement
00:15:03 d'aérosols a pris une décision
00:15:05 radicale en novembre 2022.
00:15:07 On s'est réunis avec les salariés, on a essayé
00:15:09 de réfléchir à une solution pour
00:15:11 faire des économies d'énergie au niveau de l'entreprise
00:15:13 et pour essayer d'améliorer la qualité de vie
00:15:15 et redonner du pouvoir d'achat aux salariés.
00:15:17 Et finalement, c'est la semaine de 4 jours
00:15:19 qui s'est imposée comme solution.
00:15:21 Donc en fait, on a décidé
00:15:23 de concentrer le temps de travail hebdomadaire
00:15:25 qui est de 37h30 dans l'entreprise
00:15:27 et donc on l'a concentré sur 4 jours au lieu de 5,
00:15:29 ce qui nous a permis de fermer
00:15:31 le site de production le vendredi.
00:15:33 Résultat,
00:15:35 5000 euros d'économies d'énergie
00:15:37 qui ont permis à l'entreprise de verser
00:15:39 une prime annuelle de 500 euros
00:15:41 aux 9 salariés de l'entreprise.
00:15:43 Désormais, ils travaillent 9 heures par jour,
00:15:45 une charge pas trop lourde pour eux.
00:15:47 Moi, je travaille 1h30 en plus par jour.
00:15:49 Franchement, quand vous êtes au travail,
00:15:51 faire 1h, 1h30 en plus,
00:15:53 c'est pas méchant.
00:15:55 Je me lève une fois de moins le matin,
00:15:57 enfin la semaine,
00:15:59 pour moi, donc les économies d'essence.
00:16:01 Alors j'ai eu au moins une journée de plus
00:16:03 pour me reposer, pour m'occuper
00:16:05 de chez moi.
00:16:07 Donc c'est qu'un avantage.
00:16:09 La semaine de 5 jours,
00:16:11 un souvenir déjà lointain.
00:16:13 Revenir comme avant, travailler le vendredi,
00:16:15 ça ne vous embêterait.
00:16:17 Savoir que jeudi soir, vous êtes en week-end,
00:16:19 c'est quand même pas rien.
00:16:21 La nouvelle organisation du travail
00:16:23 fait consensus chez les salariés.
00:16:25 L'entreprise l'a donc pérennisée.
00:16:27 On s'est laissé une période de 3 mois pour tester
00:16:29 cette organisation. Au bout de 3 mois,
00:16:31 on a fait un petit bilan avec les salariés.
00:16:33 100% des salariés étaient convaincus
00:16:35 par la nouvelle organisation.
00:16:37 Aujourd'hui, on l'a inscrit dans le fonctionnement
00:16:39 de l'entreprise. C'est quelque chose qui va perdurer
00:16:41 de nombreuses années.
00:16:43 Cette entreprise pourrait faire école,
00:16:45 car aujourd'hui en France, seulement 1% des entreprises
00:16:47 ont adopté la semaine de travail
00:16:49 de 4 jours.
00:16:51 -Jean-Yves Boulin, vous évoquiez tout à l'heure
00:16:53 l'exemple de l'Ursaf où ça n'a pas marché,
00:16:55 où très peu de salariés voulaient faire 9h par jour.
00:16:57 Là, c'est un peu le contre-exemple.
00:16:59 Tout le monde a l'air content de travailler
00:17:01 1h30 de plus par jour.
00:17:03 C'est pas méchant, dit un salarié.
00:17:05 -Moi, je connais pas l'entreprise.
00:17:07 Simplement, je voudrais savoir
00:17:09 si c'est des hommes, par exemple,
00:17:11 qui travaillent dans cette entreprise en majorité,
00:17:13 ce qui semble être le cas. On a 2 hommes
00:17:15 qui ont le droit de s'exprimer.
00:17:17 La question d'articulation,
00:17:19 vie au travail, vie hors travail,
00:17:21 qui est un des éléments qu'on met en avant
00:17:23 pour mettre en oeuvre
00:17:25 la semaine de 4 jours,
00:17:27 je veux dire, du côté des femmes,
00:17:29 et à l'Ursaf, ça a bien été le problème,
00:17:31 c'est non, ça marche pas.
00:17:33 On peut pas aller chercher les enfants à l'école,
00:17:35 on peut pas s'en occuper, rentrer le soir...
00:17:37 -Ce sont les explications qui ont été données
00:17:39 par les salariés qui n'ont pas voulu faire ce choix.
00:17:41 -Je pense que la réflexion à avoir,
00:17:43 c'est une réflexion sur le travail, d'abord.
00:17:45 Il faut avoir une réflexion sur le travail.
00:17:47 Par exemple, chez LDLC,
00:17:49 on a vu Laurent de la Clairgerie tout à l'heure,
00:17:51 chez LDLC,
00:17:53 il avait pensé au départ,
00:17:55 j'ai longuement discuté avec lui
00:17:57 quand je suis allé dans son entreprise,
00:17:59 il avait pensé au départ à rester à 35 heures.
00:18:01 Son idée, c'était de donner un jour de plus.
00:18:03 Il était sur l'idée de 35 heures.
00:18:05 Il a réfléchi, il a dit, chez moi,
00:18:07 la moyenne d'âge, c'est 37 ans,
00:18:09 ils ont tous des jeunes enfants, ça va pas marcher.
00:18:11 Il a pensé à 32 heures, il a proposé à 32 heures.
00:18:13 Mais derrière, parce que je fais un peu souvent l'image,
00:18:16 Laurent de la Clairgerie, c'est un peu
00:18:18 le reboot du 21e siècle, je dirais,
00:18:21 parce qu'il a une vraie politique sociale derrière.
00:18:23 Il a dit à ses équipes,
00:18:25 réfléchissez au travail,
00:18:27 comment on peut faire,
00:18:29 est-ce que c'est faisable ?
00:18:31 S'il y a des recrutements, vous me le dites.
00:18:33 Il avait vraiment proposé,
00:18:35 il a été très étonné,
00:18:37 parce que dans les entrepôts, dans la logistique,
00:18:39 il a dit qu'il allait mettre des paquets,
00:18:41 s'il y a de la fatigue physique, etc.,
00:18:43 il a été très étonné, parce qu'il n'y a pas remonté
00:18:45 de demande de recrutement.
00:18:47 Il a recruté un petit peu dans les boutiques,
00:18:49 parce que les gens se sont organisés en binôme
00:18:51 pour pouvoir assurer la continuité.
00:18:53 Ils ferment pas l'entreprise,
00:18:55 l'entreprise fonctionne six jours comme avant,
00:18:57 six jours par semaine,
00:18:59 elle distribue du matériel informatique.
00:19:01 Il faut voir aussi que LDLC,
00:19:03 c'est une entreprise qui a eu une explosion
00:19:05 de son chiffre d'affaires pendant le confinement.
00:19:07 -Oui, elle est sur un secteur porteur.
00:19:09 -Un secteur très porteur, etc.
00:19:11 C'est pour ça que je regarde...
00:19:13 La différence avec les expérimentations
00:19:15 qui sont faites au Royaume-Uni
00:19:17 ou aux USA, par ma collègue
00:19:19 Juliette Schorr de Boston College,
00:19:21 c'est qu'eux, ils suivent
00:19:23 une expérimentation sur six mois.
00:19:25 Or, c'est très connu en sociologie,
00:19:27 sur six mois, on adopte des comportements vertueux.
00:19:29 Là, on est sur des entreprises
00:19:31 qui... Ca fait déjà deux ans,
00:19:33 j'ai regardé... Je suis allé dans une autre entreprise,
00:19:35 dans la région lyonnaise aussi,
00:19:37 qui fait de l'infogérance.
00:19:39 Et là aussi, ils ne ferment pas du tout.
00:19:41 Ils restent sur 32 heures, etc.
00:19:43 Mais, effectivement,
00:19:45 il y a une réflexion sur le travail,
00:19:47 sur l'organisation du travail.
00:19:49 Il faut éviter le phénomène d'intensification
00:19:51 du travail, parce que là,
00:19:53 c'est un des gros problèmes qu'il y a eu en particulier.
00:19:55 -Un risque de burn-out, si on a des journées
00:19:57 trop chargées, si on demande aux salariés
00:19:59 de faire la même chose. -Les expérimentations
00:20:01 qui ont été menées montrent qu'il y a une baisse
00:20:03 de la burn-out, une baisse de l'intensité du travail.
00:20:05 Donc, ça veut dire que ça s'accompagne
00:20:07 de réorganisations du travail
00:20:09 qui permettent, justement,
00:20:11 d'éviter ces effets,
00:20:13 ces dysfonctionnements. -C'est-à-dire,
00:20:15 c'est généralisable, ce dispositif ?
00:20:17 Ca peut s'appliquer à tous les secteurs,
00:20:19 tous les métiers ? -Pas en trois semaines,
00:20:21 ça, c'est sûr, mais si on prend le temps,
00:20:23 même que les congés payés, au début,
00:20:25 on pensait que c'était de la folie, même Léon Blum
00:20:27 ne croyait pas aux congés payés, ou la semaine de six jours,
00:20:29 il y a beaucoup de gens qui pensaient que c'était pas possible.
00:20:31 En gros, tout le monde a des congés payés,
00:20:33 sauf peut-être les agriculteurs, mais dans tous les métiers.
00:20:35 Donc, après ça, quand Fanta a demandé
00:20:37 s'il faut faire une loi ou pas, je pense que personne
00:20:39 ne veut une loi qui rend obligatoire les 32h.
00:20:41 Par contre, si on veut éviter les burn-out,
00:20:43 si on veut qu'il y ait des créations d'emplois possibles,
00:20:45 on avait fait un livre pour expliquer ça avec Michel Rocard,
00:20:47 et le patron de Flammarion était complètement convaincu,
00:20:49 il voulait passer tout Flammarion à 32h.
00:20:51 Il lui dit "c'est pas possible, parce que tu vas devoir
00:20:53 créer des emplois, et tu veux pas baisser
00:20:55 les salaires." Donc, sans doute, ce qui est utile,
00:20:57 aujourd'hui, je parle aux députés, c'est la même chose
00:20:59 que ce qu'on avait obtenu en 1996,
00:21:01 c'est une loi qui n'oblige rien, mais qui donne
00:21:03 un outil en disant, la loi de Robien,
00:21:05 si vous, salariés et patrons, vous voulez
00:21:07 passer à 32h, et vraiment 32h,
00:21:09 non pas des journées plus longues, mais 32h,
00:21:11 avec des créations d'emplois, il reste quand même
00:21:13 plus de 4 millions d'inscrits à Pôle emploi,
00:21:15 donc c'est quand même bien si on crée aussi quelques emplois,
00:21:17 eh bien, on vous met sur la table une exonération
00:21:19 qui correspond au fait qu'il y aura moins de chômeurs
00:21:21 à payer. - Daniel Simonet, je vous vois sourire.
00:21:23 Une loi qui offre un cadre sans imposer
00:21:25 les choses. - En fait, le problème,
00:21:27 c'est toujours d'aborder la question
00:21:29 par les exonérations de cotisations patronales.
00:21:31 Moi, j'estime que...
00:21:33 - Pardon, si il y a 10 %
00:21:35 de création d'emplois en CDI, ce qu'on proposait
00:21:37 depuis le début, c'est de fixer des contreparties
00:21:39 aux exonérations, et créer 10 % d'emplois
00:21:41 en CDI, elle peut arrêter de payer
00:21:43 les cotisations chômage, et c'est équilibré pour
00:21:45 tout le monde, j'ai là la démonstration de Patrick Arthus
00:21:47 qui dit que le système est équilibré,
00:21:49 parce qu'il y aura effectivement moins de chômeurs à payer,
00:21:51 et plus de gens qui vont cotiser pour les caisses de retraite
00:21:53 ou les caisses de maladie. Quand Maminova
00:21:55 crée 125 emplois, ces 125 personnes
00:21:57 qui retrouvent un salaire, qui ont une vie normale,
00:21:59 qui vont payer de la TVA et qui vont cotiser pour les caisses de retraite
00:22:01 ou les caisses de maladie. - Yanis Simonnet,
00:22:03 la question de fond, c'est, il faut à la fois
00:22:05 réduire le temps de travail, pour pouvoir
00:22:07 libérer du temps, permettre à chacune et chacun
00:22:09 aussi de se construire
00:22:11 soi-même dans un temps
00:22:13 où c'est la personne elle-même qui choisit
00:22:15 ce qu'elle en fait. Donc ça, c'est d'abord
00:22:17 une orientation de société.
00:22:19 Deuxièmement, il faut aussi répartir
00:22:21 les richesses, parce que
00:22:23 c'est quand même inouï. Vous avez
00:22:25 dans la répartition
00:22:27 de la richesse produite,
00:22:29 le capital, on a pris plus de 10 points
00:22:31 sur ces 20 dernières années.
00:22:33 Donc il faut répartir la richesse
00:22:35 et il n'est pas acceptable qu'à chaque fois
00:22:37 qu'on parle réduction du temps de travail,
00:22:39 on se dise "ah ben il faudrait aussi réduire
00:22:41 les salaires". Non. Il faut mieux
00:22:43 répartir, parce qu'aujourd'hui on est volé de cela.
00:22:45 Et ensuite, comprendre que
00:22:47 repenser le travail, c'est aussi se dire
00:22:49 "mais en fait, à quel besoin
00:22:51 on doit satisfaire ?" Et repenser
00:22:53 l'utilité du travail. Et là, ça rejoindra
00:22:55 ce qu'on disait sur le fait qu'une
00:22:57 baisse du temps de travail peut permettre aussi
00:22:59 de réduire notre empreinte, si tentée
00:23:01 qu'on pense aussi "quel est le travail qui est utile ?"
00:23:03 Nous, on pense qu'il y a une bifurcation
00:23:05 écologique à engager pour
00:23:07 qu'on se dise "notre impératif
00:23:09 c'est de répondre à satisfaire
00:23:11 les besoins sociaux et à prendre
00:23:13 en compte les enjeux et les urgences climatiques
00:23:15 et que nos ressources se sont finies". Donc c'est pas
00:23:17 travailler plus pour produire tout
00:23:19 et n'importe quoi. D'ailleurs, prenez l'exemple,
00:23:21 on peut tout à fait mesurer que
00:23:23 la banalisation du travail du dimanche
00:23:25 a gravé un
00:23:27 impact écologique, une empreinte écologique
00:23:29 complètement aberrante, pour
00:23:31 par ailleurs plus d'aliénation
00:23:33 parce que même les gens qui ne travaillent pas le dimanche
00:23:35 se disent "maintenant que les magasins sont ouverts
00:23:37 on peut y aller", bon, c'est pas vraiment un temps
00:23:39 libéré. Et
00:23:41 sur l'égalité femmes-hommes, ça a été par ailleurs
00:23:43 aussi une grosse régression, parce que c'est généralement
00:23:45 les femmes qui travaillent le dimanche
00:23:47 sans pour autant qu'on les libère
00:23:49 des tâches ménagères.
00:23:51 Vraiment, je pense qu'il faut
00:23:53 se rappeler que les 35 heures
00:23:55 ont permis, par ailleurs,
00:23:57 de créer plus de 350 000 emplois
00:23:59 que oui, à un moment donné, il faut quand même de la contrainte,
00:24:01 voilà, que
00:24:03 là on peut, on doit pouvoir se fixer
00:24:05 un objectif, déjà de restaurer
00:24:07 les 35 heures, parce qu'en moyenne on travaille plutôt 37 heures
00:24:09 que 35 heures en ce moment en France.
00:24:11 Et il faut donc
00:24:13 s'étendre vers la semaine de 4 jours
00:24:15 sans perdre de salaire, mais en travaillant
00:24:17 32 heures pour du temps libéré.
00:24:19 -Fanta Béreté, cette réduction du temps de travail
00:24:21 que défend Daniel Simonnet,
00:24:23 c'est pas un objectif
00:24:25 politique pour vous, aujourd'hui ?
00:24:27 -Je pense que, pour nous,
00:24:29 et les Français
00:24:31 nous l'ont bien souvent répété,
00:24:33 c'est "quel sens au travail ?"
00:24:35 C'est pour moi la vraie question du moment.
00:24:37 -Est-ce que ça peut pas
00:24:39 redonner du sens au travail ?
00:24:41 -Ca fait partie d'un ensemble,
00:24:43 ça peut pas être la réponse là, immédiate,
00:24:45 en tout cas pour les mois
00:24:47 à venir, parce que de toute manière,
00:24:49 moi je ne pense pas qu'on puisse
00:24:51 le faire de partout, pour toutes les activités.
00:24:53 Mais par contre,
00:24:55 ce que disent les gens, c'est
00:24:57 "moi je suis malheureux". Il y a beaucoup de gens
00:24:59 qui nous ont dit ça, "je suis malheureux dans mon travail,
00:25:01 dans les missions qui me sont confiées".
00:25:03 Donc je pense que, pour moi, la priorité
00:25:05 elle est là. Comment on fait pour que
00:25:07 les gens n'aient pas la boule au ventre
00:25:09 le dimanche en se disant "demain matin,
00:25:11 je vais aller travailler".
00:25:13 C'est en s'asseyant aussi tous autour de la table
00:25:15 et avec les travaux qui sont menés
00:25:17 par les uns et les autres qu'on peut essayer
00:25:19 de proposer quelque chose. On arrive à un croisement
00:25:21 qui est assez
00:25:23 difficile.
00:25:25 Il y a une réflexion globale
00:25:27 qui doit être menée. Parce que moi,
00:25:29 quand je pense à la réduction de ton trajet,
00:25:31 je pense aussi, par exemple, aux gens,
00:25:33 j'aurais peut-être la réponse ici, qui sont au forfait jour.
00:25:35 Donc comment on réorganise ?
00:25:37 C'est des gens qui ne travaillent pas forcément
00:25:39 35 heures par semaine, nous le savons tous,
00:25:41 ici, qui travaillent bien plus.
00:25:43 Donc comment on fait ça ?
00:25:45 - C'est une question concrète, vous pouvez peut-être y répondre.
00:25:47 - C'est un des grands intérêts de la semaine de 4 jours,
00:25:49 c'est que ça parle à tout le monde, que vous soyez
00:25:51 caissière, ouvrier, commercial, ingénieur,
00:25:53 directeur financier. On voit bien dans une entreprise
00:25:55 que ça motive les gens, y compris pour régler les problèmes
00:25:57 d'organisation, parce que tout le monde va en profiter.
00:25:59 Tout le monde sait ce que ça veut dire. Il y a un jour par semaine
00:26:01 où je ne vais pas au boulot, il y a un jour par semaine où je peux faire
00:26:03 le "grass mat", il y a un jour par semaine où je ne mets pas mon costume,
00:26:05 mon bleu de travail, où je ne suis pas dans les transports en commun
00:26:08 ou dans les bouchons. Et ça, ça parle à tout le monde.
00:26:10 Moi, l'autre jour, j'ai fait un tweet qui a fait
00:26:12 3,8 millions de vues, j'ai été étonné par le nombre
00:26:14 et par la diversité des gens qui mettaient
00:26:16 des commentaires. C'était des jeunes et des vieux.
00:26:18 C'était des gens très qualifiés et puis des moins qualifiés.
00:26:20 C'était des gens des grandes villes et des gens des milieux ruraux.
00:26:22 Tout le monde, pour des raisons différentes.
00:26:24 Il y en a qui ont des enfants en bas âge,
00:26:26 il y en a qui ont mis du temps pour se former,
00:26:28 il y en a qui ont leur maman qui est à l'hôpital, ils veulent du temps,
00:26:30 il y en a qui en ont marre du boulot,
00:26:32 ils veulent réorienter leur vie, il y en a qui veulent s'occuper
00:26:34 de la vie associative. Il y a des motivations très, très différentes.
00:26:36 Et c'est l'intérêt des 4 jours, c'est que ça peut
00:26:38 quand même créer une dynamique dans l'entreprise.
00:26:41 Ce que je n'ai pas dit aussi, c'est que ça permet d'enrichir le travail.
00:26:43 Par exemple, chez Maminova, ils ont fait un plan
00:26:46 de co-investissement formation. Il y a un jour par semaine
00:26:48 où le chef n'est pas là. Le chef, ça peut être le contremestre,
00:26:50 ça peut être le directeur de l'usine ou la directrice.
00:26:52 Mais si le client appelle, on ne va pas dire "attendez, revenez dans 3 jours"
00:26:56 parce que le chef est en RTT. Donc on a amélioré, on a enrichi
00:26:59 le travail des ouvriers, donc les ouvriers et ouvrières travaillent
00:27:02 moins longtemps, mais leur travail est souvent plus riche.
00:27:04 C'est aussi pour ça que l'absentéisme recule.
00:27:06 - Alors l'absentéisme recule, l'image de l'entreprise s'améliore,
00:27:09 il y a une vraie attractivité. Quel est l'impact sur la productivité ?
00:27:12 Est-ce qu'il y a des études sérieuses qui ont été menées là-dessus ?
00:27:15 - Alors, pour l'instant, les rapports qui ont été faits
00:27:19 sur les expérimentations et les deux entreprises que j'ai observées
00:27:23 convergent de ce point de vue-là. C'est-à-dire que c'est d'ailleurs
00:27:27 un peu le problème par rapport à la question du partage du travail
00:27:30 dont on parlait avec les lois Robien ou les lois Oury.
00:27:36 C'est-à-dire qu'effectivement, il y a des gains de productivité
00:27:39 qui sont tout à fait considérables, ce qui fait que ce qui a amené,
00:27:43 d'ailleurs, on le voit bien, chez LDLC, il n'a pas embauché,
00:27:46 donc c'est à cause des gains de productivité.
00:27:48 Comment se produisent ces gains de productivité ?
00:27:50 C'est ça qui est intéressant.
00:27:52 Les gens, effectivement, se sentent plus reposés, etc.,
00:27:55 dans les entrepôts. Je n'ai pas encore interrogé les gens des entrepôts.
00:27:58 Je vais y aller bientôt, dans deux semaines,
00:28:01 mais il y a quand même cette... Bon, voilà, il semble qu'il y ait une énergie,
00:28:04 ils sont moins fatigués, surtout que... Comment est organisé le jour off ?
00:28:09 Il y a des gens qui choisissent, par exemple, de couper la semaine
00:28:12 avec le jour off. C'est pas toujours le vendredi ou le lundi,
00:28:15 ou de faire des week-ends de la fameuse société de la flemme, etc.
00:28:19 C'est pas du tout ça. Les gens réfléchissent tout à fait
00:28:23 à la façon dont ils veulent placer leur jour off.
00:28:27 Et donc, effectivement, les gains de productivité,
00:28:30 ils peuvent être obtenus par une intensification du travail.
00:28:33 Là, c'est autre chose. -Quel est votre regard à vous ?
00:28:36 -La baisse des pauses, la réduction de la pause déjeuner...
00:28:40 -Quel est votre regard à vous, Thibaut Théparic,
00:28:42 sur ces chiffres, cette analyse-là ?
00:28:45 -En tant qu'économiste écologique, je fais très attention,
00:28:48 dès qu'on parle de gains de productivité,
00:28:50 de comparer avec deux autres familles de gains,
00:28:52 les gains de convivialité, par exemple, au sens du travail,
00:28:55 à la qualité, à l'organisation du travail,
00:28:57 et les gains de soutenabilité.
00:28:59 Quand on parle de productivité, on ne regarde qu'une chose,
00:29:02 les choses qui sont produites, et surtout les choses
00:29:05 que l'on peut vendre dans cette économie monétaire,
00:29:07 que l'on mesure avec le PIB, qui ne prend pas en compte
00:29:10 la diversité de toutes les choses que l'on fait
00:29:12 quand on n'est pas au travail.
00:29:14 Donc, une baisse de la productivité, si ça se solde,
00:29:17 par exemple, si on parle agriculture,
00:29:19 on sort d'un modèle d'agriculture industrielle,
00:29:21 et on va perdre en productivité horaire,
00:29:23 mais on va gagner en convivialité, en soutenabilité,
00:29:26 parce qu'on va passer vers un modèle agroécologique permaculturel,
00:29:29 ou là, qui aura un moindre impact sur les écosystèmes,
00:29:32 on peut voir ça comme un progrès, même si la productivité horaire baisse.
00:29:36 Et d'ailleurs, aujourd'hui, si on veut sortir des énergies fossiles,
00:29:39 de faire des modes, ce qu'on appelle les low-tech,
00:29:42 on va voir la productivité horaire baisser.
00:29:45 Et derrière ça, il y a une véritable question,
00:29:47 c'est-à-dire que si on revient dans les années 60,
00:29:50 c'était le dernier moment où l'empreinte écologique de la France
00:29:54 était à peu près égale à sa biocapacité.
00:29:57 Depuis, on est en déficit.
00:29:59 Depuis 1960, la productivité horaire macroéconomique
00:30:03 a été multipliée par 2,7.
00:30:05 On a choisi de traduire ces gains de productivité
00:30:08 par plus de production.
00:30:10 Si on avait choisi, au lieu de plus produire,
00:30:13 de maintenir la production, mais de traduire ces gains
00:30:16 par une réduction de temps de travail,
00:30:18 aujourd'hui, on serait à la semaine de 16 heures.
00:30:21 Donc là aussi, derrière cette question du travail,
00:30:23 il y a une véritable question de quoi avons-nous vraiment besoin ?
00:30:26 Est-ce qu'il n'y a pas certaines formes de travail
00:30:28 qu'on peut tout simplement simplifier et juste...
00:30:32 -C'est-à-dire que la production à tout prix ne répond pas
00:30:35 forcément à des besoins, à vos yeux.
00:30:37 C'est ça, l'idée ?
00:30:39 L'économie telle qu'elle est aujourd'hui
00:30:41 a perdu de vue les besoins ?
00:30:43 -Complètement. Surtout quand on vient définir le travail
00:30:46 dans une catégorie assez abstraite de l'emploi salarié.
00:30:49 Tout emploi salarié ne se vaut pas,
00:30:51 et le travail n'existe pas juste pour que des personnes
00:30:54 puissent avoir un revenu et un pouvoir d'achat.
00:30:56 Le travail, c'est l'activité humaine.
00:30:58 Donc là, il va falloir l'ouvrir et insérer cette activité humaine
00:31:01 dans les écosystèmes.
00:31:02 -Pierre Leroutereau, on parlait souvent de la fracture
00:31:05 qui existe entre ceux qui peuvent télétravailler
00:31:07 et ceux qui ne peuvent pas.
00:31:09 Est-ce que la semaine de quatre jours peut aussi être une réponse
00:31:12 pour résorber un peu cette fracture ?
00:31:14 Parce qu'elle peut s'appliquer aux ouvriers,
00:31:17 aux personnels soignants, à tous ces métiers
00:31:19 qui impliquent d'être présents ?
00:31:21 -Oui, et je crois qu'elle s'applique.
00:31:23 Avec la loi de Romian, on a 400 entreprises,
00:31:25 on a de toutes les tailles, de tous les métiers.
00:31:27 Je vais parler des grandes entreprises
00:31:29 qui sont en train de se faire un travail.
00:31:31 Dans mon coin des Pyrénées, vous achetez une chocolatine,
00:31:34 ceux qui font le contrôle bactériologique,
00:31:36 c'est une PME qui est aussi passée à quatre jours.
00:31:39 Ceux qui font l'insémination porcine pour le jambon de Bayonne,
00:31:42 c'est moins appétissant, mais sont aussi passés à quatre jours.
00:31:45 A Bordeaux, c'est une entreprise de charpente métallique,
00:31:48 dans les Alpes, c'est une entreprise de logiciel.
00:31:51 Ailleurs, c'est une agence de publicité.
00:31:53 Au début, c'était un peu compliqué,
00:31:55 parce que c'était un peu le bazar.
00:31:57 On a des entreprises dans tous les secteurs d'activité,
00:32:00 dans un cabinet d'avocats, toutes les tailles.
00:32:03 Je crois que c'est possible, ça n'est pas possible.
00:32:05 On fait des groupements d'employeurs.
00:32:07 Dans mon coin des Pyrénées, il y a deux entreprises
00:32:09 qui avaient des saisonnalités différentes.
00:32:11 Au lieu d'avoir des petits boulots pendant trois mois,
00:32:13 on s'est dit qu'on se met ensemble et on fait des CDI
00:32:15 pour que les gens aient un vrai boulot.
00:32:17 Ils vont travailler plus ici pendant six mois.
00:32:19 C'est tout à fait possible.
00:32:21 Les 35 heures avaient tué le débat, parlons clairement.
00:32:23 En même temps, les 35 heures avaient créé 350 000 emplois,
00:32:26 mais c'était un vrai bazar pour être poli.
00:32:28 Les 35 heures à l'hôpital, parce que le ministère
00:32:30 n'avait pas voulu ouvrir les écoles d'infirmières.
00:32:32 C'était scandaleux.
00:32:34 Les 35 heures ont tué le débat.
00:32:36 Maintenant, on voit comment le débat revient dans tous les pays d'Europe.
00:32:38 Il faut qu'on ait un vrai débat.
00:32:40 Je continue à penser, puisqu'on a deux députés nationaux ici,
00:32:42 qu'une loi qui permet aux entreprises de le faire
00:32:44 dans de bonnes conditions, avec une exonération,
00:32:46 on a tous les calculs pour dire que c'est efficace
00:32:48 pour les finances publiques, ce serait tout à fait utile
00:32:50 de donner cet outil pour la négociation.
00:32:52 - Daniel Simonet.
00:32:54 - Je voudrais aussi vraiment se réapproprier ce débat
00:32:56 sur ce que nous faisons du temps libre.
00:32:58 On a essayé de le porter dans la bataille
00:33:00 contre la retraite à 64 ans,
00:33:02 parce que nous faire travailler deux ans de plus
00:33:04 et nous faire perdre les deux meilleures années de retraite
00:33:06 où on est en bonne santé,
00:33:08 ça a un impact sur le temps libre.
00:33:10 Ça veut dire plein d'élus locaux en moins,
00:33:12 de maires en moins,
00:33:14 parce que c'est souvent,
00:33:16 à un moment donné, dans plein de petits villages,
00:33:18 des retraités qui, sur leur temps libre,
00:33:20 du coup, se réalisent autrement
00:33:22 dans l'intérêt général.
00:33:24 C'est aussi beaucoup de militants associatifs bénévoles en moins.
00:33:28 C'est aussi tout le travail qu'on fait
00:33:30 de s'occuper des enfants
00:33:32 ou de s'occuper de ses aînés.
00:33:34 Et ça, ça chappe à tout le débat
00:33:36 sur la productivité, évidemment,
00:33:38 parce que ça n'est pas du temps
00:33:40 exploité par la logique capitaliste.
00:33:42 Or, c'est du temps librement choisi,
00:33:44 très utile
00:33:46 en termes d'émancipation collective.
00:33:48 - Très vite, Fanta Béreté.
00:33:50 - C'est cette richesse-là.
00:33:52 - Adane Simonnet, sur ce point.
00:33:54 Et la mise en perspective avec la réforme des retraites.
00:33:56 - Non.
00:33:58 Simplement, il y a toute une discussion
00:34:00 au travers de l'IA et de l'impact sur nos métiers
00:34:02 et sur le fait que, sur certains métiers,
00:34:04 en fait, l'IA va libérer du temps.
00:34:06 Et là où je pense que nous devons discuter,
00:34:08 aussi, là, bien entendu,
00:34:10 avec les branches,
00:34:12 c'est ce temps libéré, en fait,
00:34:14 sur certaines tâches. Qu'est-ce qu'on en fait ?
00:34:16 Donc oui, effectivement, il y a des réflexions,
00:34:18 que nous devons mener sur comment ne pas
00:34:20 rajouter dessus, faire en sorte
00:34:22 de garder les gens en entreprise, pour faire quoi ?
00:34:24 Donc voilà, c'est toutes ces questions-là.
00:34:26 Je pense que ça dépasse un petit peu
00:34:28 la semaine de 4 jours. Je pense qu'il y a
00:34:30 vraiment une réflexion à mener.
00:34:32 - Plus globale sur le rapport au travail.
00:34:34 - Exactement, tout à fait. En prenant en compte
00:34:36 ce que Timothée disait tout à l'heure, bien entendu.
00:34:38 - Merci beaucoup. C'est terminé. Je suis désolé.
00:34:40 Pour ceux qui veulent qu'il y ait une loi qui leur permette
00:34:42 de passer à 32h, vous allez sur le site
00:34:44 semaine-4jour.fr
00:34:46 - Il y a plein de gens qui se posent des questions.
00:34:48 L'émission est intéressante, mais elle répond pas à tout.
00:34:50 semaine-4jour.fr, y compris pour demander
00:34:52 aux députés qu'il y ait une loi qui permette de passer
00:34:54 à 32h sans baisse de salaire.
00:34:56 - Le message est passé. Merci à vous,
00:34:58 à vous quatre, d'être venus débattre sur ce plateau.
00:35:00 Dans quelques instants,
00:35:02 ce sera au tour de nos affranchis.
00:35:04 Ce soir, on est très heureux d'accueillir
00:35:06 un nouveau membre dans l'équipe, Nathan Devers,
00:35:08 écrivain,
00:35:10 philosophe, qui se penchera ce soir
00:35:12 sur le concept de guerre étendue qui est proposé
00:35:14 par la revue "Le Grand Continent",
00:35:16 concept pour mieux comprendre le monde d'aujourd'hui.
00:35:18 Le mot de la semaine, Mariette Darigan
00:35:20 a choisi de nous parler
00:35:22 d'un mot dont le gouvernement s'est saisi en début de semaine,
00:35:24 le mot "fraude". Enfin, la chronique
00:35:26 "Bourbon Express" de Marco Ponnemier nous racontera
00:35:28 la douche froide prise par l'ERN hier
00:35:30 à l'Assemblée, une histoire d'arroseur
00:35:32 arrosé, vous verrez.
00:35:34 Allez, on va passer à notre grand témoin
00:35:36 à présent, Timothée
00:35:38 Parik, vous êtes donc
00:35:40 économiste, plus précisément chercheur en
00:35:42 économie écologique, lauréat
00:35:44 du prix Ecolo-Ops pour
00:35:46 ce livre "Ralentir ou Périr"
00:35:48 qui est présent ici.
00:35:50 Vous y dessinez les contours d'une société décroissante
00:35:52 et même post-croissance.
00:35:54 Vous allez nous expliquer tout cela,
00:35:56 mais d'abord, qui êtes-vous et que proposez-vous
00:35:58 exactement votre portrait
00:36:00 signé Hélène Bonduelle ?
00:36:02 Si on vous invite, Timothée Parik,
00:36:08 c'est parce que vous nous demandez de
00:36:10 choisir entre ralentir
00:36:12 ou périr, rien
00:36:14 de moins, entre une décroissance
00:36:16 choisie aujourd'hui ou un effondrement
00:36:18 subi demain.
00:36:20 Et visiblement, le sujet passionne.
00:36:22 Tout est parti de votre
00:36:24 thèse sur la décroissance publiée
00:36:26 il y a 4 ans et dont les téléchargements
00:36:28 ont subitement explosé
00:36:30 en 2021.
00:36:32 Plus de 40 000, 43 000
00:36:34 aujourd'hui.
00:36:36 Timothée Parik, à 33 ans, vous êtes
00:36:38 chercheur en économie écologique
00:36:40 à l'université de Lund, en Suède.
00:36:42 Et vous venez de remporter
00:36:44 le prix Ecolo-Ops pour votre
00:36:46 ouvrage "Ralentir ou périr"
00:36:48 issu de votre thèse, déjà vendu
00:36:50 à plus de 30 000 exemplaires.
00:36:52 La décroissance, c'est un choix
00:36:54 politique. Il va falloir faire une sélection
00:36:56 dans tout ce que l'économie produit, par secteur,
00:36:58 par classe de consommateurs
00:37:00 et se dire "ça, on va produire moins,
00:37:02 ça, on va produire plus".
00:37:04 Et vous parcourez les amphithéâtres
00:37:06 qui chantent de la croissance pour défendre
00:37:08 votre idée, les grandes entreprises,
00:37:10 les écoles d'ingénieurs et de commerce.
00:37:12 Vous êtes là où on ne vous attend pas
00:37:14 et vous enjouez.
00:37:16 - Quand je vous vois ici, moi, ça me rappelle la première fois
00:37:18 que j'ai entendu parler de décroissance,
00:37:20 c'était dans un amphi, et je me souviens
00:37:22 avoir été ici,
00:37:24 dans la salle, et en fait,
00:37:26 nous nous sommes moqués
00:37:28 de cette personne
00:37:30 qui était venue parler de décroissance.
00:37:32 Et je me souviens, donc, de l'arrogance
00:37:34 d'un deuxième année d'économie,
00:37:36 avoir pensé "mais qui c'est,
00:37:38 ce plouc ?
00:37:40 Ce guignol ?"
00:37:42 - Mais injectée dans les veines des politiques,
00:37:44 la décroissance n'est pas si simple.
00:37:46 Bruno Le Maire l'affustige,
00:37:48 le dernier rapport Pisani-Ferry
00:37:50 n'y croit pas.
00:37:52 - Ce n'est pas par la décroissance qu'on atteindra la neutralité
00:37:54 climatique.
00:37:56 - Pas plus qu'Emmanuel Macron.
00:37:58 - Si nous produisons moins et nous travaillons moins,
00:38:00 nous ne pourrons plus financer le modèle social qui est le nôtre.
00:38:02 Un modèle de décroissance,
00:38:04 c'est un modèle de décroissance aussi
00:38:06 de notre modèle social.
00:38:08 - Finalement, c'est une révolution
00:38:10 économique, sociale et démocratique
00:38:12 que vous prenez.
00:38:14 Mais alors, Thimothée Paric,
00:38:16 nous avons une question.
00:38:18 Comment convaincre au renoncement ?
00:38:20 Comment convaincre l'opinion publique
00:38:22 que moins, c'est mieux ?
00:38:24 - Alors, je reprends la question, Thimothée Paric.
00:38:28 On a tous en tête la formule employée
00:38:30 par Emmanuel Macron quand il a voulu un peu se moquer
00:38:32 des décroissants, où il comparait ça
00:38:34 au modèle à miche, au retour à la lampe à huile.
00:38:36 Comment convaincre que moins,
00:38:38 c'est mieux ?
00:38:40 - Déjà, il faut recentrer le débat sur
00:38:42 la question du plus. Quand on parle de croissance économique,
00:38:44 ce n'est pas plus de bien-être,
00:38:46 ce n'est pas plus de qualité de vie,
00:38:48 de temps libre ou de choses comme ça. On l'a bien vu.
00:38:50 C'est plus de PIB, de Produits Intérieurs Bruts.
00:38:52 Quand on regarde et qu'on décortique
00:38:54 un petit peu comment le PIB est calculé,
00:38:56 on se rend compte que c'est un indicateur qui est complètement aveugle,
00:38:58 non seulement à l'état de la nature, ça c'est un problème,
00:39:00 mais aussi à l'objectif final d'une économie
00:39:02 qui est de satisfaire des besoins,
00:39:04 de contenter, d'augmenter la qualité de vie.
00:39:06 Donc, qu'on arrive
00:39:08 à faire baisser le PIB, c'est-à-dire
00:39:10 cette espèce d'agitation monétaire, si justement
00:39:12 ça va libérer du temps libre
00:39:14 pour qu'on puisse faire des activités qui,
00:39:16 elles, vont augmenter la qualité de vie,
00:39:18 si surtout ça nous permet de revenir dans
00:39:20 les clous des limites planétaires et donc d'éviter
00:39:22 les canicules, les crises
00:39:24 de l'eau et tout ce qui va
00:39:26 avec l'effondrement climatique,
00:39:28 il faut voir ça comme un enrichissement.
00:39:30 - Donc en fait, il faut déconstruire
00:39:32 le mythe de la croissance, selon vous,
00:39:34 mais ce mythe, en fait, on est
00:39:36 biberonné au PIB depuis tout petit,
00:39:38 à l'école, dans les médias, dans les discours politiques,
00:39:40 tout le monde associe la croissance au progrès,
00:39:42 progrès économique, progrès social aussi,
00:39:44 réduction des inégalités,
00:39:46 donc comment s'attaquer à ça ?
00:39:48 Parce qu'il faut changer de paradigme, changer de mentalité
00:39:50 totalement.
00:39:52 - Alors, moi en tant qu'économiste, j'essaie d'être
00:39:54 assez pédagogue, quand je débats avec des économistes,
00:39:56 par exemple, je leur donne le défi, écoutez, on va débattre de ce sujet,
00:39:58 mais on n'a pas le droit d'utiliser
00:40:00 le terme croissance économique, PIB, revenu national.
00:40:02 Et là, on voit tout de suite qu'on est
00:40:04 un petit peu embêté, parce qu'on a cette espèce de prêt-à-penser,
00:40:06 croissance,
00:40:08 prospérité, bien-être,
00:40:10 et on amalgame tout cela
00:40:12 alors qu'en fait, non, on a des activités
00:40:14 qui peuvent être en croissance dans un
00:40:16 PIB lui-même croissant, alors
00:40:18 qu'on a une espérance de vie qui peut baisser,
00:40:20 on a un taux de pauvreté qui peut augmenter,
00:40:22 et on a surtout une santé des écosystèmes
00:40:24 qui est en chute libre complète.
00:40:26 Donc là, aujourd'hui, on a besoin d'un
00:40:28 meilleur indicateur, mais il ne faut pas oublier, le PIB,
00:40:30 il est né en 1930, c'était il y a 100 ans.
00:40:32 Donc aujourd'hui, on a besoin d'un tableau
00:40:34 de bord beaucoup plus sophistiqué, et on a
00:40:36 besoin surtout de se poser des questions fondamentales
00:40:38 sur, et je sais que c'est vraiment
00:40:40 ontologique presque, mais à quoi ça sert
00:40:42 d'avoir une économie ?
00:40:44 Et sortir un petit peu des catégories de
00:40:46 l'économie doit maximiser
00:40:48 le PIB,
00:40:50 les entreprises doivent maximiser les profits,
00:40:52 nous devons maximiser notre pouvoir d'achat,
00:40:54 nous devons maintenir l'emploi et l'inflation,
00:40:56 ces grandes catégories derrière, et se poser
00:40:58 des vraies questions d'écologie politique
00:41:00 autour des besoins et de la manière de les satisfaire.
00:41:02 - Oui, alors il y a, si le mot
00:41:04 de décroissance est encore tabou dans la bouche
00:41:06 de la plupart de nos dirigeants, celui de sobriété
00:41:08 commence à se faire une place, sauf que pour vous,
00:41:10 la sobriété n'a aucun sens
00:41:12 si on ne renonce pas à la croissance.
00:41:14 Vous parlez même de "fake news".
00:41:16 - Exactement,
00:41:18 si on veut faire une stratégie de sobriété,
00:41:20 c'est-à-dire essayer de consommer moins,
00:41:22 mais tout en incitant à produire plus,
00:41:24 c'est un petit peu freiner
00:41:26 et accélérer en même temps.
00:41:28 Si on veut justement, aujourd'hui,
00:41:30 faire baisser l'empreinte écologique totale, parce que c'est ça l'objectif,
00:41:32 on le connaît bien pour les émissions
00:41:34 de gaz à effet de serre, ce qu'on connaît moins,
00:41:36 c'est qu'il faut faire baisser énormément d'eau de pression
00:41:38 sur l'environnement, liée à l'eau, liée à la biodiversité,
00:41:40 liée à l'artificialisation des sols,
00:41:42 liée à l'empreinte matière,
00:41:44 liée à tous les matériaux, les métaux et la biomasse
00:41:46 que notre économie utilise.
00:41:48 - Ça ne se résume pas à réduire nos émissions de CO2 ?
00:41:50 - Non, on a besoin de faire un grand régime.
00:41:52 Moi, j'ai beaucoup étudié ce qui se passe
00:41:54 dans ces pays qui ont tout essayé
00:41:56 de faire baisser l'empreinte écologique totale
00:41:58 et nous n'arrivons pas à la baisser
00:42:00 tout en produisant plus
00:42:02 et même tout en maintenant les niveaux de production
00:42:04 qu'on a aujourd'hui. Le seul moyen
00:42:06 de faire baisser l'empreinte écologique totale,
00:42:08 si c'est notre objectif, c'est d'avoir
00:42:10 à la fois une sobriété de consommation,
00:42:12 consommer moins, mais que cette sobriété
00:42:14 de consommation soit connectée à un
00:42:16 renoncement de production. C'est simple, par exemple,
00:42:18 on décide de moins prendre l'avion au niveau de la consommation
00:42:20 et au lieu d'avoir des compagnies
00:42:22 aériennes qui vont faire des soldes
00:42:24 et là on va avoir un effet rebond,
00:42:26 consommation, sobriété, on prend moins l'avion
00:42:28 ce qui nous permet de fermer des lignes aériennes,
00:42:30 ce qui permet encore une fois de moins prendre l'avion
00:42:32 et ce qui nous permet de faire évoluer notre économie
00:42:34 vers une taille plus petite
00:42:36 biophysiquement mais qui pourrait être plus à même
00:42:38 de satisfaire des besoins.
00:42:40 - Vous vous assumez de vouloir remettre
00:42:42 en cause le système capitaliste,
00:42:44 c'est une forme de révolution
00:42:46 que vous proposez, c'est ce qu'expliquait
00:42:48 Hélène Banduel dans le portrait qu'elle vous a consacré,
00:42:50 mais quelle forme d'organisation
00:42:52 économique est-ce que vous proposez
00:42:54 pour remplacer ce système
00:42:56 capitaliste ? - C'est ça le problème,
00:42:58 le capitalisme, c'est
00:43:00 un système dont l'objectif principal
00:43:02 est déjà l'accumulation du capital,
00:43:04 donc la croissance économique est une forme,
00:43:06 donc c'est un système où on a
00:43:08 un logiciel économique qui est
00:43:10 concentré sur la
00:43:12 maximisation d'indicateurs financiers,
00:43:14 donc le PIB pour les gouvernements, les profits pour les entreprises
00:43:16 et les revenus pour les individus.
00:43:18 Ce logiciel, il peut faire
00:43:20 énormément de choses, la seule chose
00:43:22 qu'il ne peut pas faire, c'est produire
00:43:24 moins, c'est normal,
00:43:26 on voit bien une entreprise, si elle veut faire des produits, elle ne peut pas
00:43:28 produire moins, donc là en fait il faut modifier
00:43:30 les grandes institutions de notre économie pour pouvoir lui
00:43:32 ajouter une nouvelle fonction, qui est cette fonction de
00:43:34 quand on est dans une situation de stress écologique,
00:43:36 d'avoir l'agilité de pouvoir
00:43:38 abattir la tension, la crise de l'eau,
00:43:40 on produit un petit peu moins, peut-être
00:43:42 progrès technologiques qui nous permettent de produire
00:43:44 encore un peu plus. Si on veut être concret,
00:43:46 dans un modèle décroissant, est-ce que
00:43:48 des entreprises comme Google, LVMH
00:43:50 ou Total, existeraient encore, est-ce qu'elles
00:43:52 auraient encore un sens à exister ?
00:43:54 Et bien dans un modèle... Et que deviendraient
00:43:56 leurs salariés, accessoirement ?
00:43:58 Et post-croissant, déjà, il n'y aurait plus d'entreprises
00:44:00 à but lucratif.
00:44:02 C'est-à-dire que des coopératives ?
00:44:04 Oui, il y a eu des coopératives à lucrativité
00:44:06 limitée, ou à but non lucratif,
00:44:08 comme il en existe déjà beaucoup dans l'économie
00:44:10 sociale et solidaire. Google se transforme en coopérative
00:44:12 comme ça, en claquant des doigts ?
00:44:14 Patagonia l'a fait.
00:44:16 D'autres entreprises pourraient le faire aussi, ça ne change rien.
00:44:18 Patagonia était entre les mains de son fondateur,
00:44:20 Google entre les mains des actionnaires.
00:44:22 Il y a une véritable question
00:44:24 sur la propriété
00:44:26 des entreprises. Aujourd'hui, on a une forme
00:44:28 de planification plutocratique de l'économie,
00:44:30 donc c'est une propriété actionnariale extrêmement
00:44:32 concentrée, et surtout, la relation
00:44:34 que les actionnaires ont avec une entreprise est une relation
00:44:36 principalement financière. C'est-à-dire que moi, je mets mon
00:44:38 argent chez Google
00:44:40 et j'attends un retour positif sur l'investissement.
00:44:42 Si je n'ai pas ce retour positif sur l'investissement
00:44:44 ou s'il n'est pas assez grand, je vais mettre mon argent ailleurs.
00:44:46 En fait, ce logiciel de maximisation,
00:44:48 il fera toujours obstacle à la transition
00:44:50 écologique parce que toutes les choses dont on doit
00:44:52 investir aujourd'hui, ce sont des choses qui ne vont
00:44:54 pas rapporter d'argent. Est-ce que cette bascule,
00:44:56 elle peut se faire démocratiquement ?
00:44:58 Est-ce qu'on peut mener une révolution
00:45:00 pareille sans aucune forme de violence
00:45:02 politique, économique, sociale ?
00:45:04 - Je pense que oui.
00:45:06 Aujourd'hui, justement, la démocratie,
00:45:08 ça va être le seul système qui nous
00:45:10 permet de réencastrer
00:45:12 l'économie sur cette finalité
00:45:14 qu'est celle du bien-être parce que personne ne sait
00:45:16 vraiment quels sont les besoins.
00:45:18 - Oui, c'est ma question
00:45:20 suivante. Comment définit-on le bien-être ?
00:45:22 Sur quels critères ? Qui définit
00:45:24 ça ? - Aujourd'hui, on a un système
00:45:26 où une minorité possédante,
00:45:28 on l'a vu, qui prend des décisions
00:45:30 dans ces grandes entreprises, qui donc
00:45:32 prennent des décisions sur quel sera le bien-être
00:45:34 et les choses que l'on devrait produire pour l'intégralité
00:45:36 de la population française et même au-delà.
00:45:38 C'est un système qui ne marche pas
00:45:40 très très bien. Si justement, on venait
00:45:42 démocratiser cette prise de décision,
00:45:44 avec par exemple des conseils
00:45:46 multiparty prenantes comme on voit dans certaines
00:45:48 coopératives, eh bien là, déjà, on peut se poser
00:45:50 la question de quoi avons-nous besoin ?
00:45:52 On a des représentants des usagers, on a des représentants
00:45:54 de la municipalité, on a des représentants des travailleurs
00:45:56 et on peut avoir une discussion beaucoup plus informée
00:45:58 sur cette question d'écologie politique, de quoi avons-nous
00:46:00 vraiment besoin ? Et surtout, il faut que cette discussion
00:46:02 elle soit basée sur des besoins
00:46:04 concrets et pas à chaque fois
00:46:06 avec une barrière qui est celle de la lucrativité
00:46:08 de dire "oui, ça, on en a besoin,
00:46:10 ça, écologiquement, il faudrait le faire, mais on ne va pas le faire parce que ça
00:46:12 ne va pas nous rapporter l'argent". - Alors, si on
00:46:14 renonce à la lucrativité, comment est-ce qu'on
00:46:16 finance par exemple un système de
00:46:18 protection sociale équivalent à celui qu'on a aujourd'hui en France ?
00:46:20 - Déjà, il faut comprendre que la
00:46:22 croissance économique, c'est une
00:46:24 augmentation de la taille du PIB. Le PIB lui-même
00:46:26 déjà est un indicateur de flux.
00:46:28 Donc, quand on parle de la croissance, on ne finance
00:46:30 pas le système social, c'est
00:46:32 l'activité économique qui finance
00:46:34 le système social et sa croissance
00:46:36 permet de financer l'augmentation
00:46:38 des coûts de certains
00:46:40 services. Et là,
00:46:42 quand on se pose cette question, on se dit "mais
00:46:44 aujourd'hui, le problème du dépassement écologique,
00:46:46 c'est que ça va venir exacerber
00:46:48 certains des coûts, par exemple les coûts de santé
00:46:50 liés à la pollution de l'air". Donc, aujourd'hui,
00:46:52 c'est un petit peu une pyramide de Ponzi
00:46:54 de se dire "il faut
00:46:56 essayer de produire de plus en plus de 4x4,
00:46:58 par exemple, et on va récupérer un petit peu d'argent
00:47:00 avec la TVA sur ces 4x4 pour ensuite
00:47:02 payer les soins
00:47:04 des personnes touchées par
00:47:06 la pollution de l'air", sachant qu'aujourd'hui, déjà,
00:47:08 les recettes liées
00:47:10 aux activités polluantes ne sont
00:47:12 pas suffisantes pour
00:47:14 payer l'intégralité des coûts. Donc, la décroissance, c'est un petit peu
00:47:16 une approche par la prévention, de se dire "est-ce qu'on
00:47:18 ne pourrait pas, à la source, justement simplifier
00:47:20 les besoins, réorganiser ces entreprises
00:47:22 pour éviter de créer le problème qu'il faudra
00:47:24 ensuite résoudre". - Merci beaucoup,
00:47:26 Thimothée Paré, qu'on n'a pas eu le temps d'aller au bout
00:47:28 de votre raisonnement, jusqu'à l'étape
00:47:30 de la post-croissance, mais ça, ce sera pour ceux qui achèteront
00:47:32 votre livre "Ralentir ou périr,
00:47:34 l'économie de la décroissance", je rappelle son titre,
00:47:36 30 000 exemplaires écoulés. Vous restez
00:47:38 avec nous, parce que nous accueillons
00:47:40 à présent nos affranchis.
00:47:42 [Musique]
00:47:44 Allez, installez-vous,
00:47:46 nous accueillons donc Mariette
00:47:48 Darigrand, Nathan Devers
00:47:50 et Marco Pommier.
00:47:52 On va commencer par vous, Marco. Bonsoir.
00:47:54 - Bonsoir Clément. - "Chronique Bourbon Express", consacré
00:47:56 à un rapport parlementaire, aujourd'hui. - Oui,
00:47:58 exactement. Ce soir, je vous raconte l'histoire de l'arroseur
00:48:00 arrosé. Alors, qu'est-ce que c'est que cette histoire ?
00:48:02 Eh bien, en fait, dans un rapport parlementaire
00:48:04 qui a fuité dans la presse, le Rassemblement
00:48:06 national est accusé d'être
00:48:08 une courroie de transmission
00:48:10 efficace du discours russe.
00:48:12 C'est l'une des conclusions embarrassantes
00:48:14 de la commission d'enquête sur les ingérences
00:48:16 étrangères. Ironie de l'histoire, c'est pourtant
00:48:18 à l'initiative du groupe de Marine Le Pen
00:48:20 que cette commission avait été créée.
00:48:22 C'est même Jean-Philippe Tanguy, député du Rassemblement
00:48:24 national, qui présidait cette instance.
00:48:26 Alors hier, qu'est-ce qu'il a fait, Jean-Philippe
00:48:28 Tanguy ? Eh bien, il a convoqué une conférence
00:48:30 de presse. Opération déminage.
00:48:32 Écoutez.
00:48:34 - Je suis vraiment consterné, je pense que c'est
00:48:36 le mot, aucun élément
00:48:38 à charge nouveau sur le Rassemblement national.
00:48:40 Sont évoqués en permanence
00:48:42 les mêmes revues de presse, les mêmes rumeurs,
00:48:44 les mêmes allégations, mais qui sont toutes
00:48:46 démenties par les auditions que nous avons
00:48:48 fait des services de renseignement,
00:48:50 des institutions,
00:48:52 des auditions sous serment des personnalités
00:48:54 du Rassemblement national.
00:48:56 Nous étions accusés de vouloir faire de cette commission d'enquête
00:48:58 un instrument politique. C'est bien Renaissance
00:49:00 qui a fait de cette commission d'enquête
00:49:02 un instrument politique pour essayer vainement
00:49:04 de nous discréditer.
00:49:06 - Voilà. Amertume de Jean-Philippe Tanguy.
00:49:08 Et pourtant, Clément, le Rassemblement national
00:49:10 comptait beaucoup sur cette commission
00:49:12 pour laver l'honneur du parti,
00:49:14 pour couper court aux soupçons de collusion
00:49:16 avec la Russie. C'est raté.
00:49:18 Le rapport a été adopté. On se voit pour 5 contres.
00:49:20 Colère de Marine Le Pen.
00:49:22 Hier, elle a qualifié le rapport de sectaire
00:49:24 et de malhonnête. Elle dénonce
00:49:26 un procès politique. - Et le Rassemblement national
00:49:28 cible une députée en particulier,
00:49:30 Constance Legrippe, la rapporteuse
00:49:32 de cette commission. - Oui, en fait, Constance Legrippe,
00:49:34 elle était aux côtés de Jean-Philippe Tanguy
00:49:36 pendant les auditions de cette commission.
00:49:38 En tant que rapporteuse, c'est elle qui a rédigé
00:49:40 le rapport parlementaire. Et dans ce rapport,
00:49:42 justement, elle parle du Rassemblement national
00:49:44 comme un véritable relais des positions
00:49:46 russes. Elle souligne des invitations
00:49:48 fréquentes de membres du RN en Russie.
00:49:50 La députée Renaissance
00:49:52 insiste aussi sur l'alignement du parti,
00:49:54 sur le discours du Kremlin
00:49:56 au moment de l'annexion illégale de la Crimée.
00:49:58 Je cite, "c'était en 2014".
00:50:00 Alors, coïncidence ou pas,
00:50:02 cette année-là, Marine Le Pen
00:50:04 contractait un prêt auprès
00:50:06 d'une banque tchéco-russe face au refus
00:50:08 des banques françaises. Constance Legrippe
00:50:10 qui se défend de toute partialité vis-à-vis du RN.
00:50:12 - Je laisse
00:50:14 le président de la commission d'enquête
00:50:16 faire l'analyse
00:50:18 qu'il entend faire
00:50:20 de ce rapport.
00:50:22 Nous avons fait,
00:50:24 nous, les parlementaires
00:50:26 de la majorité, les parlementaires
00:50:28 d'autres groupes politiques, qui ont souhaité
00:50:30 s'investir beaucoup dans ce travail,
00:50:32 un travail sérieux,
00:50:34 documenté, honnête.
00:50:36 - Est-ce que le RN
00:50:38 a des regrets sur ce rapport ?
00:50:40 - Officiellement, non. Même si on coulisse,
00:50:42 on avoue que le bilan de cette commission
00:50:44 est loin d'être parfait. On reconnaît même
00:50:46 une forme de naïveté vis-à-vis de la majorité.
00:50:48 On ne s'attendait pas à autant
00:50:50 de malhonnêteté. "Ils veulent juste nous salir",
00:50:52 me disait un député RN ce matin.
00:50:54 Vous l'avez compris, Clément, le torchon brûle
00:50:56 entre Renaissance et le RN.
00:50:58 Et c'est peut-être pas terminé.
00:51:00 Ce rapport de 213 pages, il doit être
00:51:02 publié officiellement jeudi prochain.
00:51:04 - Merci beaucoup, Marco Pommier.
00:51:06 Thimothée Parry, je ne veux pas vous interroger sur ce rapport parlementaire.
00:51:08 Vous ne vous en faites pas.
00:51:10 Vous jetez un oeil au débat de l'Assemblée ?
00:51:12 Quel regard vous portez, économiste,
00:51:14 sur ce qui se passe dans l'hémicycle ?
00:51:16 - Déjà, je ne vais pas pouvoir
00:51:18 commenter. Moi, ça fait 10 ans que je suis en Suède.
00:51:20 - Ah oui, vous êtes un petit peu loin
00:51:22 du déconnecté de la vie politique française.
00:51:24 Et en plus, en tant qu'universitaire,
00:51:26 vraiment, qui fait de la macroéconomie théorique,
00:51:28 j'ai une double déconnexion
00:51:30 avec la réalité politique du moment.
00:51:32 - Je rattrape mon retard.
00:51:34 - Bon, je vais revenir vers vous.
00:51:36 On passe à vous, Nathan Devers.
00:51:38 Vous rejoignez l'équipe des Affranchis.
00:51:40 Bienvenue sur le plateau de Savourgarde.
00:51:42 Vous êtes écrivain.
00:51:44 Ce soir, vous avez tenu à féliciter la revue
00:51:46 "Le Grand Continent".
00:51:48 - Oui, "Le Grand Continent", qui est une revue très originale
00:51:50 parce qu'elle repose sur deux partis pris.
00:51:52 Premièrement, essayer de ramener les problèmes géopolitiques
00:51:54 et politiques à leur échelle pertinente,
00:51:56 c'est-à-dire l'échelle d'un monde mondialisé
00:51:58 et l'échelle s'agissant de la France, d'une France
00:52:00 européanisée en quelque sorte.
00:52:02 Et deuxièmement, essayer d'avoir un débat, disent-ils,
00:52:04 structurant et non pas structuré,
00:52:06 c'est-à-dire non pas de reprendre des concepts galvaudés
00:52:08 et flous, mais d'imposer des nouveaux concepts
00:52:10 et des nouvelles questions.
00:52:12 Et c'est dans ce contexte qu'ils publient leur deuxième numéro
00:52:14 de leur revue papier aux éditions Galimar,
00:52:16 "Fractures de la guerre étendue
00:52:18 de l'Ukraine au métavers".
00:52:20 - Et alors, comment est-ce qu'ils abordent la thématique de la guerre ?
00:52:22 - Alors, le point de départ, en effet, c'est la guerre en Ukraine.
00:52:24 Et la question de savoir comment cette guerre
00:52:26 va avoir un impact profond sur l'avenir
00:52:28 et va redéfinir l'avenir de l'Europe.
00:52:30 Et puis, surtout, comment nommer ce qui est en train de se passer.
00:52:32 Alors, face à cela, la grande hypothèse
00:52:34 consisterait à dire que
00:52:36 nous assistons à un retour de la guerre froide
00:52:38 ou voire à un choc des civilisations.
00:52:40 Et ce sont des hypothèses qui sont,
00:52:42 entre guillemets, accréditées par le discours du Kremlin.
00:52:44 Discours consistant à avoir
00:52:46 la nostalgie de l'URSS, à parler
00:52:48 d'un Occident décadent, etc.
00:52:50 Mais le parti pris de cette
00:52:52 revue, donc, c'est de refuser de voir les choses ainsi.
00:52:54 L'histoire ne se répète pas,
00:52:56 ni en tragédie, ni en farce,
00:52:58 écrivent Gilles Gressani et Matteo Malic
00:53:00 dans leur article introductif.
00:53:02 Et beaucoup d'articles, notamment un de
00:53:04 Jean-Marie Guéhenno, réfléchissent sur le fait
00:53:06 qu'il y a un paradoxe presque dans la
00:53:08 difficulté à nommer ce qui se passe.
00:53:10 C'est-à-dire que du côté russe, on a une volonté
00:53:12 de dépolitiser les sociétés civiles,
00:53:14 en interdisant de dire qu'il s'agit d'une guerre,
00:53:16 on parle d'opération spéciale, mais en disant
00:53:18 que l'Occident mène une guerre économique
00:53:20 contre la Russie. Donc, si vous voulez, on parle
00:53:22 de guerre à l'envers. Du côté européen,
00:53:24 disent les auteurs, on a une réaction
00:53:26 dans les sociétés civiles, qui est essentiellement
00:53:28 d'ordre empathique, qui passe
00:53:30 par des images qui nous terrifient, qui nous émeuvent
00:53:32 sur les réseaux sociaux, qui le compare
00:53:34 un petit peu aux applaudissements qu'il y avait vis-à-vis
00:53:36 des soignants pendant la crise
00:53:38 sanitaire. C'est-à-dire que les européens
00:53:40 disent que l'Ukraine est en guerre, mais
00:53:42 le grand tabou de la parole européenne, c'est de dire que nous aussi,
00:53:44 nous sommes en guerre pour des raisons évidentes,
00:53:46 ce tabou. Donc, de partout,
00:53:48 sauf en Ukraine, il y a,
00:53:50 si vous voulez, une facilité, une évidence
00:53:52 à employer le mot
00:53:54 "guerre". Et ça, selon les auteurs de ce numéro,
00:53:56 c'est une des très grandes différences avec la guerre froide,
00:53:58 où du côté des sociétés civiles,
00:54:00 par exemple pendant le blocus de Berlin, c'était pas
00:54:02 seulement une émotion, une empathie,
00:54:04 un choc, mais c'était vraiment une réaction
00:54:06 de politisation directe
00:54:08 et d'inquiétude personnelle, entre guillemets,
00:54:10 des pays impliqués. - Alors, si c'est pas un retour
00:54:12 de la guerre froide, qu'est-ce que c'est ?
00:54:14 - Alors, leur grille de lecture, c'est
00:54:16 le concept de ce qu'ils appellent l'inter-règne,
00:54:18 c'est-à-dire la fin d'un monde tel que
00:54:20 nous l'avons connu, structuré autour
00:54:22 de certains rêves, qu'il s'agisse de la nation, de la
00:54:24 mondialisation modernisée, de la croissance, peut-être,
00:54:26 le monde libre, le concept de monde libre,
00:54:28 le primat des États-Unis,
00:54:30 et le fait que nous allons vers un monde
00:54:32 totalement inconnu, on ne sait pas trop
00:54:34 à quoi il va ressembler, et entre les deux,
00:54:36 peuvent naître des monstres ou des événements absolument
00:54:38 "apocalyptiques". Et dans
00:54:40 cette perspective, le numéro du Grand Continent
00:54:42 contient le texte d'une conférence très
00:54:44 intéressante donnée par Bruno Latour
00:54:46 en 2022, donc peu avant sa mort,
00:54:48 une conférence où il propose une analyse comparative
00:54:50 de ce qu'il nomme vraiment deux conflits, au même titre
00:54:52 des conflits, la guerre en Ukraine, naturellement,
00:54:54 et le conflit climatique,
00:54:56 le fait qu'il y a des territoires où les conditions
00:54:58 de vie deviennent de plus en plus impossibles.
00:55:00 Et dans ce contexte-là, il propose
00:55:02 de relire, vous savez, le fameux texte d'Ernest Renan,
00:55:04 "Qu'est-ce qu'une nation ?", qui était prononcé dans un temps
00:55:06 de crise aussi, la crise alsacienne, et
00:55:08 où Renan disait que ce qui définit
00:55:10 une nation, ce n'est pas la langue, ce n'est pas
00:55:12 "l'ethnie", ce n'est pas
00:55:14 les origines, donc, ce n'est pas
00:55:16 l'architecture, ce n'est pas le style, etc., mais c'est le
00:55:18 plébiscite de tous les jours, autrement dit, ce n'est pas
00:55:20 le sol, le territoire, mais c'est
00:55:22 l'âme d'une nation. Et face,
00:55:24 et donc, évidemment, le rejet du sol
00:55:26 pour Renan, c'était le rejet de la
00:55:28 détermination identitaire.
00:55:30 Or, ce que dit Latour, et qui est très intéressant,
00:55:32 c'est que,
00:55:34 oui, il faut rejeter un concept
00:55:36 purement géographique, purement identitaire
00:55:38 du sol, mais qu'on peut aujourd'hui
00:55:40 définir les nations, nations françaises ou nations
00:55:42 européennes, à travers un concept
00:55:44 écologique du sol, c'est-à-dire le sol en tant que
00:55:46 le sol habité, le sol abîmé,
00:55:48 le sol périssable, le sol qui contient des ressources
00:55:50 et qui présente des conditions de vie.
00:55:52 Ce sol-là, ce sol écologique, c'est
00:55:54 évidemment celui qui est, je dirais, vécu
00:55:56 pendant la crise climatique, mais aussi
00:55:58 pendant la guerre en Ukraine, avec la question du gaz
00:56:00 et du pétrole. - Très bien, merci beaucoup
00:56:02 Nathan Devers. On passe à vous, Mariette
00:56:04 Darrigrand. Vous avez retenu cette
00:56:06 semaine un mot qui était un peu au centre
00:56:08 du plan du ministre délégué
00:56:10 au compte public, Gabriel Attal, c'est le mot
00:56:12 "fraude". - Oui, parce que ce mot a
00:56:14 suscité un débat, comme si on voulait
00:56:16 refaire le vieux match politique classique,
00:56:18 le thème de gauche
00:56:20 serait plutôt la lutte contre la fraude
00:56:22 fiscale, alors que le thème de droite serait
00:56:24 censé être la lutte contre la faute sociale.
00:56:26 Mais quand on regarde dans le détail, j'ai lu beaucoup de choses
00:56:28 sur les effets, et non pas le mot, mais la chose,
00:56:30 et c'est complètement trans-partisan,
00:56:32 trans-classe sociale, etc.
00:56:34 Mettons, je vais prendre un exemple,
00:56:36 un patron qui ne déclare pas tous ses salariés
00:56:38 et une famille qui déclare pas
00:56:40 tous ses morts, on peut avoir
00:56:42 un pic de centenaire en Algérie, par exemple,
00:56:44 et une baisse des cotisations sociales
00:56:46 dans une région de France. C'est très différent,
00:56:48 c'est pas dans le même endroit de la société,
00:56:50 mais c'est exactement la même chose de mon point de vue,
00:56:52 c'est-à-dire un désir de déjouer
00:56:54 l'Etat pour piquer
00:56:56 de l'argent, finalement, c'est ça. Même chose
00:56:58 avec les APL, avec les
00:57:00 médecins complaisants en termes d'arrêt maladie, si vous voulez.
00:57:02 Donc, tout ça,
00:57:04 c'est beaucoup de choses,
00:57:06 beaucoup de manifestations,
00:57:08 une seule fraude.
00:57:10 -Tout ça, c'est un peu pareil, au fond.
00:57:12 -C'est pareil, mais on a un seul mot pour dire tout ça.
00:57:14 Ce mot est ancien, il est médiéval,
00:57:16 la fraude, on l'a pas inventée au
00:57:18 21e siècle, puis je dirais
00:57:20 qu'il est presque innocent
00:57:22 de facto, définitivement,
00:57:24 quelqu'un qui, dans le métro, saute
00:57:26 au-dessus de la barrière et voyage sans payer,
00:57:28 ou quelqu'un qui détourne des millions,
00:57:30 nous n'avons qu'un mot pour dire tout ça, c'est fraudeur,
00:57:32 et puis c'est vaguement sympathique.
00:57:34 Aux Etats-Unis, vous dites "fraude",
00:57:36 mais la prison est en vue.
00:57:38 -Vous voulez dire qu'il y a une forme de complaisance en France
00:57:40 autour de ce mot ?
00:57:42 -Je dirais même qu'il y a un sport national.
00:57:44 Il y a vraiment quelque chose qui se fait
00:57:46 et qui est étayé sur nos mythologies
00:57:48 au sens littéraire du terme.
00:57:50 Le roman de Renard,
00:57:52 c'est quand même un héros formidable du Moyen-Âge,
00:57:54 là, le vocabulaire est prolixe,
00:57:56 parce que c'est les fraudeux,
00:57:58 fraudulateurs, il y a plein de mots.
00:58:00 Ensuite, bien sûr, nous avons le chevalier Mandrin,
00:58:02 après on a Arsène Lupin,
00:58:04 qui voulait une espèce de...
00:58:06 D'ailleurs, je me disais un peu dans un mauvais esprit,
00:58:08 voilà la bonne assimilation, en quelque sorte,
00:58:10 les Français les plus récents,
00:58:12 ils ont tout à fait intégré cette ruse
00:58:14 avec le système,
00:58:16 beaucoup plus peut-être que les Lumières de Voltaire
00:58:18 ou la raison cartésienne.
00:58:20 Pour finir, je voudrais quand même
00:58:22 pointer quelque chose qui est plus embêtant,
00:58:24 c'est que cette fraude est médiévale,
00:58:26 elle est ancienne, elle est archaïque.
00:58:28 Nous sommes en risque de régresser
00:58:30 à ce moment où il n'y a pas encore d'État, aujourd'hui.
00:58:32 Donc ma question, franchement,
00:58:34 je me suis posée cette question en regardant tous les effets
00:58:36 de ce mot, est-ce que nous sommes
00:58:38 vraiment dans notre doux pays,
00:58:40 avec un État assez moderne,
00:58:42 pour fixer de manière extrêmement claire
00:58:44 la frontière entre le licite
00:58:46 et l'illicite ?
00:58:48 - Merci beaucoup, Mariette Darrigueran.
00:58:50 Thibaut Thépard, vous avez suivi le débat sur la fraude sociale.
00:58:52 - Là, dans ma tête,
00:58:54 j'avais plein d'idées qui fusaient,
00:58:56 et moi, bien sûr, je pense à ce concept
00:58:58 de fraude écologique, qui n'existe pas,
00:59:00 mais qui pourrait exister, tout à fait.
00:59:02 - Le greenwashing.
00:59:04 - Le greenwashing, et même avant de parler
00:59:06 de fraude, de se dire que macroéconomiquement,
00:59:08 aujourd'hui, quand nous ne respectons
00:59:10 pas les limites planétaires, c'est-à-dire
00:59:12 quand nous dépassons ouvertement et légalement
00:59:14 la biocapacité des écosystèmes,
00:59:16 ce qui va venir faire pression
00:59:18 et peut-être les dégrader à terme,
00:59:20 nous sommes en fraude
00:59:22 vis-à-vis d'une nature que nous ne respectons pas,
00:59:24 et donc là aussi, il va falloir
00:59:26 commencer à considérer la nature
00:59:28 comme un service avec lequel on ne peut
00:59:30 qu'interagir.
00:59:32 - Et pour cela, il y a des pistes, évidemment,
00:59:34 très riches dans votre livre, je rappelle le titre,
00:59:36 "Ralentir ou périr". Merci beaucoup,
00:59:38 Thimothée Parik, et merci à vous,
00:59:40 nous affranchis de "Ça vous regarde".
00:59:42 Chers téléspectateurs, on vous souhaite, évidemment,
00:59:44 une bonne soirée, un bon week-end,
00:59:46 et rendez-vous mardi avec Myriam Ankawa.
00:59:48 (générique)

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