Jérôme Fourquet, directeur du pôle "opinion et stratégies d'entreprise" de l'IFOP est l'invité de BFMTV ce lundi.
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00:00 quand vous dites d'abord que ça vient dès l'enfance et dès l'éducation.
00:04 Je voudrais vous interroger sur quelques concepts.
00:06 On a parlé d'un côté d'agressivité, d'insultes, de brutalité, d'agression et de conflits.
00:11 Est-ce à mettre au regard d'autres concepts qui jusqu'alors étaient valorisés,
00:16 comme la civilité, le respect ou la courtoisie ?
00:19 Est-ce que la décivilisation, c'est l'inverse de la courtoisie au fond ?
00:22 - En partie.
00:23 Norbert Elias, sur lequel on s'appuie énormément dans cette note,
00:26 avait expliqué justement que la politesse, la courtoisie, les arts de la table,
00:31 le fait d'utiliser une fourchette par exemple, c'était la cour du roi,
00:35 tout ça avait fait beaucoup d'effets sur la psychologie interne des individus
00:41 et avait proscrit une forme de grossièreté et également, au bout de la chaîne,
00:49 de recours à la violence.
00:51 On avait proscrit et banni les duels par exemple.
00:53 Et donc c'est tout ce processus au long cours qui aujourd'hui est moins intégré.
00:58 On a retrouvé une enquête qui date de 1973,
01:01 qui interrogeait les enseignants collège et lycée,
01:05 et 58% d'entre eux disaient qu'ils n'avaient aucun problème
01:09 à faire respecter un minimum de discipline dans leur classe.
01:13 On était en 73.
01:15 On a reposé la question en 2021, il n'y en a plus que 25% qui n'ont aucun problème.
01:19 Une part importante disent "j'ai quelques difficultés parfois".
01:23 Mais vous voyez que début des années 70,
01:25 plus de la moitié s'y sourdissent, ça coule de source.
01:30 Il suffit simplement d'élever la voix parfois
01:33 ou de regarder avec un peu d'insistance un élève pour que tout rentre dans l'ordre.
01:37 Ils avaient face à eux des élèves qui avaient été formatés,
01:41 éduqués dans leur famille dans les années 60,
01:44 puisqu'on est dans les années 70.
01:46 Et manifestement, ces formes d'éducation,
01:49 l'intériorisation d'un certain nombre de contraintes, de règles,
01:53 le respect de l'autorité, des formes élémentaires de courtoisie,
01:56 tout ça, plus aussi fortement, on ne va pas généraliser,
02:01 mais plus aussi fortement que par le passé.
02:03 Donc c'est ce qu'on a appelé le concept d'enfant roi,
02:05 avec l'enfant au centre de toute chose,
02:09 l'exacerbation de sa subjectivité, le fait de lui dire qu'il est unique,
02:13 qu'il a tous les droits, et donc on déséquilibre droits et devoirs,
02:16 la capacité à gérer la frustration,
02:19 qu'on apprend aussi dès le plus jeune âge dans différentes sphères,
02:23 n'est plus aussi automatique.
02:24 L'attente, simplement, de quelque chose qu'on désirerait.
02:27 Et le respect des règles, se conforter aussi à des formes d'autorité.
02:31 Et puis on passe de l'enfant roi au client roi,
02:34 avec une société de l'hyperconsommation,
02:36 où le marketing met le client au centre de tout.
02:40 Là vous parlez aussi de la question de la livraison,
02:43 de l'immédiateté, on veut quelque chose, on clique, on le veut immédiatement.
02:46 Et donc on avait fait une enquête pour la Fondation Jean Jaurès,
02:48 on demande aux gens, quand vous n'arrivez pas à acheter un produit qui vous fait envie,
02:53 ou vous devez différer l'achat,
02:55 ou vous devez vous rabattre sur un produit un peu moins valorisé,
02:58 quel est votre sentiment immédiat ?
03:02 Et on voit que dans les jeunes générations jusqu'à 50 ans,
03:05 le sentiment premier qui ressort, c'est la frustration,
03:08 alors que passer 50 ans et a fortiori à plus de 60 ans, c'est la résignation.
03:13 Et donc on voit bien que ces générations les plus âgées
03:17 avaient intégré tous ces mécanismes qui leur permettaient de gérer
03:21 ces formes de contrariété, de frustration,
03:23 et ces mécanismes qui sont tout à fait indispensables en société,
03:27 aujourd'hui ne sont plus aussi présents en commun.