La vieille Europe est-elle en train de mourir après avoir rempli sa mission d'ensemencer le monde du christianisme ? On peut s'interroger sur la nécessité d'un tel pessimisme. Pour tenter de répondre à la question, Guillaume Fiquet reçoit Jean-François Chemain auteur de "Ces idées chrétiennes qui ont bouleversé le monde" paru aux éditions Artège. Il démontre dans ce livre que dans un espace géographique occidental limité, le "catholicisme romain" a su participer au développement d'une civilisation originale : unité de l'Europe, primauté de la paix et limitation de la guerre, laïcité, droits de l'Homme, égalité femmes-hommes, condamnation de l'esclavage, souci de l'enseignement, possibilité de la science… À l'heure du doute, Jean-François Chemain nous livre une réflexion puissante et originale sur les apports civilisationnels du christianisme et la légitimité de leur devenir.
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00:36 Chers amis téléspectateurs de TVL, bienvenue dans "Passé-présent", votre émission historique présentée en partenariat avec la revue d'histoire européenne.
00:46 En 2016, le socialiste Pierre Moscovici, alors commissaire européen en charge de l'économie, avait déclaré qu'il ne croyait pas aux origines chrétiennes de l'Europe.
00:57 Le débat n'était pas nouveau. Il avait dominé les travaux de rédaction de la Constitution européenne en 2005.
01:04 A l'époque, la France et le président Jacques Chirac étaient en pointe du refus d'inscription de cette notion dans le texte, s'opposant à la Pologne, l'Italie et l'Allemagne.
01:13 Finalement, l'idée d'inscrire les racines chrétiennes dans la Constitution européenne avait été écartée.
01:19 Il est pourtant évident que d'un point de vue purement historique, la négation des racines chrétiennes de l'Europe est une contre-vérité.
01:26 Les identités françaises et européennes se sont construites par le christianisme et autour du christianisme.
01:32 Et c'est ce que nous démontre brillamment notre invité de ce jour, Jean-François Chemin, dans un livre paru chez Artege et intitulé "Ces idées chrétiennes qui ont bouleversé le monde".
01:43 [Générique]
01:53 Jean-François Chemin, bonjour. - Bonjour Guillaume.
01:56 Je rappelle à nos téléspectateurs que vous êtes docteur en histoire, agrégé.
02:01 Vous êtes l'auteur de nombreux ouvrages consacrés à la religion, notamment "La vocation chrétienne de l'Europe" chez Via Romana en 2010.
02:08 Une autre histoire de la laïcité, toujours chez Via Romana, en 2013.
02:13 L'imposture laïque aux éditions de Le Nouveau en 2019 et plus récemment "La guerre juste aux origines de la conception occidentale" du Bellum iustum aux éditions des CIM dont vous étiez venu nous parler il y a quelques temps.
02:29 Dans ce dernier ouvrage "Ces idées chrétiennes qui ont bouleversé le monde", vous abordez une quinzaine d'idées sans être exhaustif
02:37 qui ont marqué et imprègnent encore fortement notre civilisation et la première d'entre elles est la notion même d'Europe.
02:45 Alors pour vous, l'Europe c'est une idée ou un espace géographique ?
02:50 - Eh bien le terme "Europe" qui est un terme très ancien puisqu'on le retrouve effectivement dans la Grèce antique,
02:56 on ne connaît pas précisément son origine.
02:59 Certains disent qu'il aurait une origine hittite, d'autres une origine phénicienne.
03:03 Il désignait un espace géographique assez vague dont on pourrait dire qu'en gros c'est la rive occidentale de la mer Égée.
03:10 Et puis cet espace a évolué.
03:15 Le terme dans son sens récent est apparu autour de l'an 600 dans deux lettres d'un moine irlandais, Colomban, l'une de 590, l'autre de 614,
03:28 où il désignait ainsi "l'espace soumis à l'autorité spirituelle du pape".
03:32 Donc l'Europe dans son sens moderne désigne effectivement la chrétienté, mais la chrétienté d'Occident,
03:40 puisque cela excluait déjà la chrétienté orientale, donc Byzance,
03:45 qui elle n'obéissait pas au pape, mais à l'empereur byzantin en poursuivant la tradition césaro-papiste romaine.
03:53 - Et est-ce que l'arrivée de l'Islam aux frontières de l'Europe a également...
03:58 - Alors ça a tracé une deuxième frontière, l'Islam, effectivement,
04:01 puisque l'apparition de l'Islam est exactement concomitante de la deuxième lettre de Colomban,
04:06 puisque l'Islam est apparu...
04:11 La révélation de Mahomet aurait eu lieu entre 610 et 622, donc 614 est en plein milieu,
04:17 et donc immédiatement l'Islam est parti à la conquête de la chrétienté,
04:22 et une frontière sud est apparue, qui est allée jusqu'à l'Espagne,
04:28 ensuite une lente reconquista, voilà, donc ça a dessiné le paysage de l'Europe actuelle,
04:34 avec une frontière à l'Est avec le monde orthodoxe,
04:37 et une frontière au Sud avec le monde musulman,
04:39 cet espace donc, encore une fois, étant soumis à l'autorité spirituelle du pape.
04:43 - Alors qu'en Orient, c'était toujours...
04:45 - Alors qu'en Orient, c'était la tradition césaro-papiste byzantine,
04:48 qui a été reprise par la Russie, qui est, comme on le sait, l'héritier de Byzance,
04:53 et donc une tradition qui veut que le chef religieux soit l'empereur,
04:58 et qu'au-dessus, il y ait le patriarche,
05:01 mais le patriarche qui est placé en position subordonnée par rapport à l'empereur.
05:04 - Alors justement, par rapport au pouvoir politique,
05:07 tout le monde connaît la parole de Jésus, notamment c'est Luc qui la cite,
05:13 "Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu",
05:17 donc ce qui impliquerait la séparation des sphères politiques d'origine,
05:22 ce qu'on appelle aujourd'hui la laïcité.
05:24 Donc pour vous, c'est d'origine chrétienne ?
05:26 - Absolument, et c'est même d'origine chrétienne d'Occident,
05:29 puisque tout cela a été plus précisément théorisé au moment de la chute de Rome
05:33 par Saint-Augustin, qui répondait aux accusations de ceux qui lui disaient
05:38 "Mais enfin, quand Rome était païenne, elle était victorieuse,
05:41 et depuis quelques décennies qu'elle est chrétienne,
05:43 l'Empire craque de tous les côtés et il s'effondre."
05:46 Et Saint-Augustin répond à ce moment-là par la théorie des deux cités,
05:50 disant qu'il y a donc une cité terrestre, la cité des hommes, qui elle est mortelle,
05:55 mais que le chrétien doit aussi préparer la cité de Dieu,
05:59 qui est dans l'au-delà, mais à laquelle travaille l'Église, ici et maintenant,
06:03 et donc seule la cité de Dieu est immortelle, l'Église est immortelle,
06:09 et donc par cette théorie des deux cités,
06:12 Saint-Augustin pose les fondements de ce qui deviendra,
06:15 beaucoup plus tard, parce que les choses ont évolué lentement, la laïcité.
06:19 – Et pourtant l'Église a été très très longtemps associée au pouvoir politique.
06:24 – Absolument, Saint-Augustin… – Et était même le pouvoir politique.
06:27 – Oui, alors effectivement, la distinction posée par Saint-Augustin
06:30 n'a absolument pas empêché pendant des siècles, une rivalité,
06:34 une querelle de précéence entre l'Église et l'État,
06:37 notamment lorsque l'État était un empire, le Saint-Empire romain-germanique,
06:41 puis ça a même commencé avec l'Empire de Charlemagne,
06:44 en gros s'oppose une thèse césaro-papiste qui prolonge la théorie romaine,
06:49 qui voudrait faire de l'Empereur ou du Roi le chef de la religion nationale,
06:55 Charlemagne disait du Pape "il est mon chaplain privé",
06:58 et puis à l'inverse, il y a une théorie qu'on a appelée "théocratie pontificale",
07:02 qui voudrait faire du Pape le véritable chef politique de l'Occident,
07:08 de la chrétienté, avec des théories comme celle de Grégoire VII
07:13 dans son "Dictatus Papaei" en 1075,
07:16 qui affirme que l'Empereur tient son autorité du Pape,
07:20 et donc l'Empereur est en position subordonnée par rapport au Pape,
07:23 et ça va même encore plus loin à partir de l'Innocent III au XIIIe siècle,
07:27 où là on affirme carrément qu'on invente un pseudo-testament de Constantin,
07:33 disant que l'Empereur Constantin aurait fait de l'évêque de Rome son véritable successeur,
07:40 ce qui plaçait effectivement le Pape en chef politique,
07:44 et pas seulement religieux, de la chrétienté.
07:47 Alors cette théorie n'a pas duré très longtemps,
07:49 puisque à la fin du XIIIe siècle, elle était abandonnée,
07:54 et donc ce XIIIe siècle a marqué un peu l'apogée des prétentions pontificales,
07:58 ensuite l'autorité de la papauté s'est diluée,
08:03 notamment au moment du grand schisme d'Occident,
08:05 quand il y a eu deux papes, un Rome et un Avignon, voilà.
08:07 Mais effectivement, la distinction ne signifie pas
08:12 que tout ça ne soit pas allé sans conflit, parfois violent.
08:16 – Bien sûr, et enfin, dernier conflit violent, début du XXe siècle ?
08:21 – Bien sûr.
08:22 – Au moins en France, avec la séparation des pays de l'État.
08:24 – Bien, donc le conflit qui, au départ, était un conflit à l'échelle de l'Empire,
08:30 s'est transposé sur les nations lorsqu'elles ont émergé,
08:35 donc au XIIIe siècle et a fortiori au XIVe siècle.
08:38 Donc en France, le conflit a été particulièrement violent dès Philippe Le Bel,
08:43 qui n'oublions pas a envoyé en 1303 des hommes de main
08:46 à casser la figure du Pape Boniface VIII,
08:48 qui est mort quelques temps après des suites de cette agression.
08:52 Et puis Philippe Le Bel a installé la papauté en Avignon, etc.
08:56 Je ne vais pas citer tous les détails,
08:58 mais on a eu une montée en puissance en France de l'État par rapport à l'Église,
09:02 avec le gallicanisme, avec l'absolutisme,
09:04 avec ensuite la constitution civile du clergé et le concordat de 1801,
09:10 tout cela n'allant pas sans opposition, réticence de la papauté.
09:16 On se souvient que du temps de Napoléon, Piscis est mort en prison en France,
09:20 Piscis a fait 5 ans de résidence surveillée à Fontainebleau.
09:26 Les relations entre les États,
09:28 et notamment l'État français et la papauté, ont souvent été tumultueuses.
09:33 – Alors vous dites que pour la séparation de l'Église et l'État en 1905,
09:36 finalement c'est plutôt l'Église qui est demandeuse ?
09:38 – Alors effectivement, c'est tout à fait paradoxal et c'est complètement ignoré,
09:42 mais le concordat de 1801 fonctionnarisait l'Église,
09:46 c'est-à-dire qu'il la soumettait.
09:48 En gros, on avait confisqué les biens de l'Église en 1789,
09:51 on les avait vendus, donc ils n'étaient plus disponibles,
09:54 et en 1801, pour pacifier la situation, après les guerres révolutionnaires,
09:59 Napoléon a proposé au pape, donc Piscis, de rémunérer le clergé,
10:05 qui donc se trouvait fonctionnarisé, payé sur les fonds du ministère de l'Intérieur,
10:10 mais ça impliquait une soumission, ce qui veut dire par exemple
10:12 que les décisions pontificales n'étaient applicables en France,
10:15 qu'à partir du moment où elles étaient validées par le Conseil d'État.
10:18 Cela a entraîné un grand mouvement de déchristianisation,
10:20 qui a été constaté dès le début du 19ème siècle,
10:25 par des gens comme Lamenay, Lacordaire, Montalembert,
10:29 et qui ont très rapidement demandé, dès 1830,
10:32 la séparation de l'Église et de l'État.
10:33 Donc il y a eu tout un courant qui s'est développé à partir des années 1820-1830,
10:37 qu'on appelle les "ultra-montains",
10:39 qui demandaient la séparation de l'Église et de l'État.
10:41 Et donc quand en 1905 tout cela s'est fait,
10:43 ça passait pour une victoire de l'État contre l'Église,
10:46 mais c'était bien plus une victoire de l'Église sur l'État,
10:50 puisque l'Église ainsi pouvait retrouver une liberté qu'elle avait perdue.
10:54 – Et c'est une spécificité française ?
10:56 – Alors cette laïcité à la française est une spécificité française.
11:03 Beaucoup de pays en Europe ont résolu le problème en nationalisant l'Église,
11:06 c'est-à-dire en établissant, c'est le cas de l'Angleterre,
11:09 c'est le cas des pays luthériens,
11:11 en créant une Église d'État schismatique et soumise à l'autorité royale.
11:17 – Bien, alors parlons maintenant de droits de l'homme.
11:20 Vous avez plusieurs chapitres, donc consacrés aux droits de la personne,
11:23 consacrés à la démocratie, on va essayer de regrouper ça.
11:26 Donc ces droits de l'homme sont-ils d'inspiration chrétienne ?
11:30 La démocratie est-elle chrétienne ?
11:31 Moi je croyais que la démocratie, ça venait de la Grèce antique, ça venait d'Athènes ?
11:34 – Alors pour parler effectivement spécifiquement de la démocratie,
11:37 on a tendance effectivement à affirmer que le modèle a été pris à Athènes.
11:43 N'oublions pas que la démocratie à Athènes,
11:45 c'est un court espace de l'histoire athénienne, puisque c'est le Vème siècle.
11:51 Dès la fin du Vème siècle, après la victoire de Sparte,
11:55 à la suite de la guerre du Péloponnèse,
11:56 la démocratie à Athènes a eu du plomb dans l'aile.
12:00 On parle également de la République romaine,
12:02 mais la République romaine n'avait rien de démocratique,
12:04 c'était un régime qui mélangeait les trois systèmes politiques possibles,
12:08 la monarchie, l'aristocratie et la démocratie,
12:12 et c'est pour ça que ce système était durable et reconnu comme un bon système.
12:18 Ensuite, à partir de 27 avant Jésus-Christ, la République romaine a disparu,
12:24 s'est imposé à nouveau un modèle monarchique,
12:26 qui a été le modèle qui pendant des siècles a prévalu sans conteste en Europe.
12:33 La pratique démocratique, elle par contre,
12:37 était préservée dans un espace bien particulier qui est l'Église,
12:42 qui n'en a pas fait une règle morale, comme on le fait un peu aujourd'hui,
12:49 mais disons que très tôt, la pratique d'élire les évêques a été mise en œuvre.
12:56 On peut voir par exemple, je cite dans mon livre,
12:59 le récit de l'élection populaire de l'évêque Saint-Martin,
13:03 bon ensuite il y a eu d'autres pratiques qui ont été adoptées,
13:06 notamment la domination par les empereurs, ce qui a suscité l'opposition des papes,
13:10 mais en 1122, le concordat de Worms prescrit l'élection des évêques
13:17 par les chanoines des cathédrales.
13:19 En 1059, la décision, la règle est adoptée d'élire le pape par le collège des cardinaux,
13:27 et puis la règle de Saint-Benoît, dès le VIème siècle,
13:31 prévoit l'élection des abbés dans les monastères bénédictins,
13:34 ensuite ce sera les monastères cisterciens, etc.
13:38 Alors au début, la règle qui est adoptée, c'est la règle de l'élection par la Sagnure Pars,
13:44 c'est-à-dire la partie la plus saine, c'est-à-dire par les anciens,
13:48 mais se développe ensuite la règle de la Major Pars,
13:53 c'est-à-dire un homme, une voix, ce qu'on voit notamment dans les couvents franciscains
13:59 ou dominicains, donc des ordres mendiants,
14:01 et donc la pratique démocratique a semblé tout à fait normale dans l'Église,
14:05 et j'ajoute encore un mot, si vous me permettez de développer ce point-là,
14:09 au moment de la querelle absolutiste, c'est-à-dire au XVIIème siècle,
14:15 quand s'est imposée, donc au départ à partir de l'Angleterre,
14:19 l'idée absolutiste, à savoir que le roi ne tiendrait pas son autorité de l'Église,
14:23 mais il la tiendrait de Dieu directement,
14:26 eh bien on a eu des théoriciens, notamment de l'école de Salaman,
14:29 qui je pense à un certain Suárez, qui a développé cette idée,
14:32 d'une part, pour rétorquer au roi d'Angleterre,
14:35 qui s'affirmait monarque absolu, de droit divin,
14:38 d'une part, tu ne tiens pas ton pouvoir et ton autorité de Dieu,
14:42 tu les tiens du peuple, le peuple t'a fait roi,
14:45 mais il peut te retirer de ce pouvoir et le donner à un autre roi,
14:49 et puis le peuple également peut choisir un autre système, la démocratie,
14:53 et Suárez affirme qu'à ses yeux, la démocratie apparaît
14:57 comme un système plus naturel que la monarchie,
15:00 parce que le peuple, dans le cadre du contrat social,
15:03 peut tout à fait décider d'exercer le pouvoir directement,
15:06 plutôt que de le conférer à quelqu'un d'autre.
15:09 – Alors on a aussi des contre-exemples,
15:11 par exemple la dictateur de Savonarole à Florence…
15:14 – Alors effectivement…
15:15 – On va dire que c'était une démocratie…
15:17 – Savonarole, oui, un exemple de théocratie,
15:23 mais Savonarole a été déclaré hérétique, a été destitué, pendu et brûlé,
15:29 donc ce n'est pas un bon exemple très représentatif
15:34 de la position de l'Église en matière de gouvernement.
15:37 – Bien, alors puisque nous parlons démocratie,
15:39 on va évoquer l'esclavage, qui on le sait a été répandu
15:44 dans l'Antiquité, dans le monde entier,
15:46 sans que ça pose de problèmes de conscience à qui que ce soit.
15:51 Alors est-ce que l'avènement de la société chrétienne
15:53 a contribué à sa disparition ?
15:57 Parce que les condamnations ne sont franchement pas très très claires,
16:00 quand on voit de pape en pape, on sent qu'il y a un moment
16:03 où ça coince un peu quand même.
16:05 – Effectivement, il est convenu aujourd'hui de porter sur la pratique
16:10 de l'esclavage chrétien, en gros à partir de la découverte des Amériques,
16:15 un regard évidemment critique, et c'est normal,
16:18 mais en l'imputant à l'Église catholique.
16:21 L'Église catholique ne l'aurait pas suffisamment condamnée
16:26 quand elle ne l'aurait pas carrément justifiée, voire même pratiquée.
16:30 Bon, si on regarde les choses avec objectivité,
16:34 on constate d'abord que lors de l'apparition du christianisme,
16:38 l'esclavage est une évidence pour tout le monde.
16:41 Les grecs le justifient philosophiquement, confère Aristote,
16:45 pour qui il y a des gens qui sont faits pour commander
16:47 et d'autres qui sont faits pour obéir,
16:49 et que c'est un service que rendent à ceux qui sont faits pour obéir,
16:52 ceux qui sont faits pour commander, que de les asservir
16:55 parce qu'ils ne s'en sortiraient pas tous seuls, en gros.
16:58 Pour les romains, et on le trouve notamment dans Cicéron,
17:01 l'esclavage fait partie du droit naturel.
17:03 Donc l'esclavage était une évidence,
17:05 ce qui ne veut pas dire d'ailleurs que les esclaves
17:07 étaient systématiquement maltraités.
17:09 L'esclavage à Rome ou ailleurs,
17:12 ce n'était pas forcément la classe de l'oncle Tom.
17:15 Que l'esclave soit considéré comme un objet,
17:18 je vais prendre une très mauvaise image,
17:20 mais quand on possède un chien,
17:21 ce n'est pas pour taper dessus du matin au soir.
17:23 Donc les esclaves étaient, la plupart du temps, bien traités,
17:26 simplement ils exerçaient un certain nombre de fonctions,
17:29 mais qui pouvaient être des fonctions tout à fait valorisantes,
17:32 d'intendant d'un domaine, de conseiller d'un empereur, etc.
17:36 Alors, dans ce contexte-là, et on cite toujours la parole de Saint Paul,
17:40 "esclaves, soyez soumis à vos maîtres" ou quelque chose comme ça.
17:43 Bon, l'Église n'est pas là pour faire la révolution,
17:46 elle n'a pas les moyens, elle n'en a pas les moyens d'ailleurs,
17:50 donc elle est toujours, peu ou prou,
17:53 prisonnière des mentalités de son temps.
17:55 Donc à l'époque de Saint Paul, à l'époque du Christ,
17:57 l'esclavage était une évidence.
17:59 Ce qu'on constate, c'est que l'esclavage a disparu d'Occident.
18:04 Alors, on ne sait pas quand,
18:05 on ne peut pas dire qu'il y a eu une date à laquelle il a disparu.
18:09 L'historiographie d'ailleurs est très, très contradictoire là-dessus.
18:14 Pour faire très simple, vous avez des historiens,
18:16 qu'on va qualifier de "catho de droite",
18:18 qui disent "l'esclavage a disparu très tôt, grâce au christianisme",
18:22 et des historiens, "pacatho de gauche",
18:25 qui disent "l'esclavage a disparu très tard,
18:27 et peut-être même qu'il s'est maintenu…
18:30 – Sur la forme du cervage.
18:31 – Oui, voilà, bon, donc il y a débat.
18:34 Néanmoins, ce qu'on peut quand même constater,
18:36 c'est que l'esclavage avait quasiment disparu à l'époque carolingienne,
18:41 encore une fois, sans qu'on puisse donner une date,
18:44 à tel point que le mot "servus", qui en latin désigne "esclave",
18:48 s'est mis à désigner autre chose, le "serf",
18:50 et qu'on a eu besoin, pour désigner cette notion précise d'esclavage,
18:54 d'un autre mot qui signifie "les slaves", "slave" en anglais,
18:58 "esclavons" en français, donc les esclaves, c'étaient des slaves,
19:02 vendus sur les marchés moyen-orientaux, etc.,
19:06 puisque par ailleurs, la pratique de l'esclavage
19:08 perdurait dans le monde islamique.
19:12 Alors, oui, l'esclavage a réapparu,
19:15 au moment où on a découvert l'Amérique et l'Afrique subsaharienne,
19:19 au moment des grandes découvertes,
19:21 parce que, ben voilà, les occidentaux,
19:23 après avoir mis en esclavage les indiens,
19:25 ont mis en esclavage les africains,
19:29 on ne peut pas nier que ces gens étaient des chrétiens,
19:31 donc tout ça s'est fait dans un contexte chrétien,
19:34 maintenant on ne peut pas dire que les chrétiens
19:37 aient brandi les écritures, pour justifier l'esclavage,
19:43 avec le soutien de la Bible, alors certes, il y avait chez les…
19:45 – Et ils ne les ont pas brandis non plus, pour le faire interdire.
19:48 – Alors, il y avait quand même, pour être plus précis et parfaitement honnête,
19:52 chez les puritains américains, une théorie de la malédiction de Sham,
19:57 qui avait vu, comme vous le savez, son père Noé nu,
20:00 et donc Sham aurait été maudit,
20:02 et comme on prétendait que les africains descendaient de Sham,
20:05 ça pouvait justifier, pour certains extrémistes puritains américains,
20:09 le fait que les africains soient réduits en esclavage.
20:11 Mais jamais l'Église n'a soutenu, l'Église catholique n'a soutenu l'esclavage,
20:16 elle l'a condamné, alors, vous avez raison,
20:19 elle l'a condamné souvent de manière un peu imprécise,
20:22 sujette à interprétation, il a d'ailleurs fallu de nombreux textes
20:27 pour arriver à une position qui soit à peu près définitive,
20:33 n'empêche que, un, l'Église a bel et bien condamné l'esclavage,
20:37 deux, il a quand même fini par être abrogé en chrétienté,
20:43 alors même si ça a été par la République,
20:45 ce qui permet aujourd'hui aux républicains anticléricaux de dire
20:48 "c'est la République qui a aboli l'esclavage, c'est pas l'Église",
20:54 il n'empêche que le mouvement avait bel et bien été impulsé,
20:58 alors un mot encore sur la controverse de Vallée de Lille,
21:00 – Oui, je voulais vous en parler.
21:01 – qui est régulièrement citée pour dire "regardez l'Église soutenait l'esclavage",
21:04 mais si on regarde les partenaires, les acteurs de cette controverse de Vallée de Lille,
21:10 il y a d'un côté un théologien qui s'appelle Sepulveda
21:14 qui défend la thèse de l'esclavage, du fait que les Africains,
21:18 ou les Indiens plutôt, doivent être réduits en esclavage,
21:21 les Indiens, je rappelle que les thèses de cet auteur étaient mises à l'index,
21:25 alors que son adversaire Bartholomé de Las Casas,
21:30 lui était un religieux, un dominicain,
21:35 et je pense que sa thèse peut être considérée
21:39 comme la position officielle de l'Église.
21:41 – Oui, puisque l'autre a été mis à l'index.
21:43 – Et pourtant la rhétorique actuelle fait de la position de Sepulveda,
21:47 couramment, la position officielle de l'Église, ce qui est une controvertie.
21:51 – Ce qu'on oublie dans le mot Vallée de Lille, c'est le mot "controverse",
21:54 ça fait une controverse. – Voilà, en plus.
21:56 – D'ailleurs il y a eu le même débat sur, et on va y venir,
21:59 même s'il n'y a aucun rapport, je vous prie de le croire, entre les deux sujets,
22:02 sur la femme Ataluna, moi aussi il y a eu une controverse à un moment,
22:05 et on a gardé cette controverse comme exemple de ce que pouvait dire l'Église.
22:09 – Absolument, alors si on peut en dire un mot,
22:11 c'est complètement cousu de fil blanc,
22:13 elle est apparue effectivement sous la plume de protestants,
22:16 qui voulaient démontrer le caractère éminemment répressif, régressif de l'Église,
22:24 et on a retiré d'un concile, qui s'appelle le concile de Macon,
22:27 qui je crois est un concile du VIème siècle,
22:30 un débat qui portait sur le sens du mot "homme".
22:33 En latin, il y avait un mot pour désigner la femme, "femina",
22:37 et un mot pour désigner l'homme, "vir".
22:40 Et puis en bas latin, le mot "vir", qui a donné "virile",
22:43 tout ça a disparu, et on s'est mis à utiliser le mot "homme"
22:47 pour désigner le genre humain.
22:50 Et donc à ce concile de Macon, pour des questions de rédaction,
22:54 il y a eu le débat de savoir si la femme était un homme.
22:58 Puisque le mot "homo" désignait désormais l'homme "vir",
23:04 la question s'est posée, mais si le mot "homo" désigne désormais "vir",
23:10 est-ce que la femme "femina" est un homme ?
23:12 – C'est plutôt un débat linguistique.
23:14 – C'est un débat linguistique totalement marginal et anecdotique,
23:18 dont on a fait le principe pour dire "l'Église niait que la femme fut un être humain".
23:23 Bon, c'est totalement grotesque, sauf qu'on le retrouve encore aujourd'hui
23:26 dans des livres d'histoire.
23:28 – Oui, alors on va parler donc des femmes maintenant,
23:31 parce que le patriarcat et sa soi-disant dictature, c'est à la mode en ce moment,
23:36 vous le savez Jean-François et moi, nous sommes tous les deux des dictateurs
23:39 à plus de 50 ans, blancs, blancs, etc.
23:41 – Des oppresseurs, violeurs.
23:42 – Exactement.
23:43 Et la civilisation judéo-chrétienne dans son ensemble
23:47 en est tenue pour responsable de ce patriarcat.
23:50 Alors qu'en est-il exactement ?
23:52 – Alors là encore, même erreur de perspective par rapport,
23:56 donc la même que pour l'esclavage, on se retourne sur le passé,
24:01 on constate effectivement que pendant des siècles,
24:05 la règle a prévalu de la supériorité de l'homme sur la femme,
24:10 donc c'est forcément la faute du christianisme,
24:12 donc c'est forcément la faute de l'Église.
24:14 Alors là aussi, il faut en revenir à l'époque de l'apparition du christianisme,
24:20 qui apparaît donc là encore aussi dans l'Empire romain.
24:22 Dans l'Empire romain, je le disais il y a deux minutes,
24:24 l'esclavage est une évidence, mais la supériorité de l'homme aussi.
24:27 En droit romain, seul l'homme a une personnalité juridique,
24:32 la femme est considérée comme "loco filiae",
24:35 c'est-à-dire l'équivalent d'une fille,
24:37 elle fait partie de la familia, au même titre que les enfants et les esclaves.
24:42 Donc seul le pater familiae a des droits,
24:46 une capacité d'agir en justice, il a une personnalité juridique,
24:50 et voilà, c'était la tradition romaine qui s'est ensuite retrouvée
24:54 dans les codes de Justinien, etc. dont s'inspire notre code civil.
25:00 Alors le christianisme là aussi, n'est pas venu là pour faire la révolution
25:05 du jour au lendemain, et on ressort la phrase de Saint Paul,
25:08 qui était jadis citée dans les baptêmes, dans les mariages,
25:12 "Mais qui maintenant ne l'est plus ? Femmes, soyez soumises à vos maris."
25:15 – Mais ça, ce sont des gens qui n'ont pas lu le texte jusqu'au bout.
25:17 – Alors, sachant que le texte dit bien qu'en réciprocité,
25:20 le mari doit être respectueux de sa femme et l'aimer tendrement et la chérir.
25:24 Bon, alors, effectivement, on ne va pas dire que le christianisme
25:28 a changé la situation de la femme du jour au lendemain,
25:31 simplement ce qu'on peut constater, et ce n'est pas moi qui le constate,
25:34 il y a une historienne notamment qui a consacré une grande partie de son œuvre
25:38 à le montrer, c'est Régine Pernoud,
25:40 le Moyen-Âge a été l'âge d'or de la condition féminine,
25:44 et effectivement, alors avec l'amour courtois,
25:47 avec des femmes qui ont exercé des responsabilités,
25:53 Ildegarde de Bingen, Blanche de Castille,
25:58 l'histoire médiévale est truffée de femmes qui ont joué un grand rôle,
26:03 on parlait de l'esclavage tout à l'heure,
26:05 qui a aboli officiellement l'esclavage dans le royaume des Frances,
26:08 c'est la Reine Bathilde, Reine Méromingienne,
26:12 qui gouvernait après la mort de son mari et pendant la minorité de ses enfants,
26:16 alors le Moyen-Âge donc, on peut le dire, a assoupli la condition de la femme
26:21 qui s'est durcie à nouveau à la fin du Moyen-Âge et avec la Renaissance,
26:25 avec la redécouverte du droit romain,
26:27 de même que, je l'aurais pu le dire tout à l'heure,
26:30 la réintroduction de l'esclavage en Occident
26:33 correspond à la redécouverte de la philosophie grecque
26:36 et du droit romain avec la Renaissance,
26:39 donc petit à petit, on a resoumis la femme,
26:43 avec effectivement un point d'orgue à l'époque du code civil,
26:47 Napoléon, qui alors, le code civil se fonde très largement
26:51 sur le droit romain, le code de Justinien, Digeste, etc.
26:57 et resoumet juridiquement la femme jusqu'à une époque récente.
27:01 Alors on ne va pas dire là aussi que la femme a été le fer de lance,
27:05 la défense de la condition féminine a été le fer de lance du combat de l'Église,
27:10 mais je donne un texte assez long dans mon livre
27:14 qui est un échange de courrier, de lettres entre Abélard et Héloïse,
27:20 tout le monde connaît l'histoire d'Abélard et Héloïse,
27:22 ce n'est pas la peine de revenir dessus,
27:24 mais disons que donc ce moine et son élève
27:28 avaient connu un amour passionnel qui les a conduits à être exilés,
27:32 chacun comme abbé, abbesse de couvents différents,
27:36 et ils ont échangé des lettres.
27:38 Et dans toutes ces lettres, chacun, et notamment Abélard,
27:44 explique que certes la femme dans la Bible passe pour inférieure,
27:49 tirée de la côte d'Adam, mais elle a un rôle éminent,
27:53 elle a notamment un rôle éminent dans l'Évangile,
27:55 puisque Jésus est né d'une femme,
27:57 puisqu'au pied de la croix, il y avait des femmes,
28:00 parce que qui a découvert que le tombeau était vide
28:02 et tel a été annoncé à tout le monde ?
28:04 C'était des femmes, etc.
28:06 Et Abélard prend également nombre de citations dans l'Ancien Testament,
28:10 en montrant que les femmes ont un rôle permanent,
28:13 même si ce n'est pas le rôle le plus éminent
28:15 qui consiste à se mettre en avant,
28:17 mais sans elles rien ne serait possible.
28:19 Donc il ne s'agit effectivement pas pour la femme dans la chrétienté
28:22 de devenir pape ou archevêque,
28:25 mais de jouer effectivement un rôle certes plus effacé,
28:32 mais néanmoins essentiel.
28:34 Et on peut constater que la majorité des saints
28:36 du calendrier de l'Église catholique sont des saintes.
28:38 Il y a plus de saintes que de saints dans le calendrier de l'Église catholique.
28:41 – Je suis confiant. – C'est plus que la parité.
28:44 Donc effectivement, on ne peut pas dire que le christianisme…
28:47 – Et puis de nombreux docteurs de l'Église.
28:49 – De nombreux docteurs de l'Église,
28:50 Sainte Thérèse d'Avila, Sainte Thérèse d'Elysieux, etc.
28:53 – Alors un autre grand reproche qui est fait à la chrétienté,
28:56 ou plutôt à l'Église, c'est d'avoir été souvent opposé
28:59 à la science, à la recherche scientifique,
29:02 qu'ont fait Copernic, Galilée, Darwin, plus récemment.
29:07 Alors qu'en est-il exactement ?
29:09 – Alors là aussi, c'est un topos de dire,
29:13 et toujours en citant l'affaire Galilée,
29:15 – Oui, bien sûr.
29:16 – De dire que l'Église s'est toujours opposée à la science.
29:20 Alors je redirais que, c'est la troisième fois que je le dis,
29:23 mais que l'Église est prise dans les connaissances et les opinions de son temps.
29:30 Les hommes d'Église, les femmes d'Église,
29:33 sont des contemporains de leur époque, et ce sont des êtres humains,
29:37 ils peuvent avoir effectivement les préjugés de leur époque,
29:41 les connaissances de leur époque.
29:43 Il n'empêche que, premièrement,
29:45 le christianisme est né dans un contexte culturel
29:49 qui est l'Orient romain, marqué par la philosophie,
29:54 et donc par la rationalité, déjà.
29:57 Je suis frappé, alors je ne suis pas du tout un théologien,
29:59 mais je suis extrêmement frappé de voir que le concept, par exemple, de Trinité
30:03 est né dans un univers philosophique qui est le néo-platonisme,
30:08 où on réfléchit sur la relation entre le Trois et l'Un.
30:11 Alors je ne vais pas me lancer dans les détails,
30:13 parce que je ne suis pas un philosophe, mais c'est quand même très troublant.
30:16 Évidemment, le christianisme est une religion qui vient désacraliser la nature.
30:19 Je vais donner un exemple, pour les romains ou les grecs,
30:22 quand il y avait la foudre, c'est que Jupiter ou Zeus n'étaient pas contents,
30:25 ou avaient quelque chose à dire.
30:26 Pour les chrétiens, non.
30:28 Donc à partir du moment où on désacralise la nature,
30:31 on en fait un espace d'étude indépendant de la religion.
30:35 Et puis, il y a eu une époque, le XIIe siècle,
30:40 où la théologie s'est séparée, a acquis un espace qui lui était propre,
30:46 avec ce qu'on appelle la théologie spéculative,
30:49 qui est donc une réflexion sur Dieu dans le domaine de l'abstraction.
30:53 Donc à partir du moment où la réflexion théologique prend son autonomie
30:59 et se détache de toute considération concrète et empirique,
31:03 eh bien ça veut dire que le monde profane, lui, prend aussi de fait son autonomie.
31:08 Et c'est à ce moment-là qu'on voit apparaître des religieux,
31:12 qui sont aussi des scientifiques, par exemple Roger Bacon,
31:15 le père de la méthode expérimentale, Guillaume de Camme, etc.
31:19 Donc ce sont souvent des franciscains, des dominicains.
31:24 – Je ne sais pas ce qui faisait partie aussi d'une population éduquée.
31:27 – Voilà, tout à fait.
31:29 Alors, on va citer Galilée.
31:31 Bon, Galilée reprend, et développe, et illustre,
31:34 des théories qui avaient été développées un peu avant lui par Copernic.
31:40 Qu'est-ce que Copernic faisait dans la vie ?
31:42 Il était chanoine de la cathédrale de Cracovie, je crois,
31:45 donc c'était un religieux dont les théories, à l'époque, avaient été acceptées.
31:50 Bon, pour ce qui est de Galilée, la raison de sa condamnation,
31:55 et d'ailleurs il n'a pas été condamné au bûcher,
31:57 il a été condamné à être en résidence surveillée, je crois,
32:00 la raison de sa condamnation n'a pas tant été le contenu de ses découvertes
32:06 que la présentation qu'il en a faite,
32:08 puisque comme à l'époque, la théorie officielle de l'Église,
32:13 c'était le géocentrisme, donc le fait que la Terre était au centre de l'univers,
32:19 eh bien, on lui a dit "ok, peut-être que tu as raison,
32:23 mais il s'agirait dans ton ouvrage de présentation
32:26 de ménager ceux qui pensent différemment,
32:29 parce que peut-être on n'en est pas encore là, il faut laisser les..."
32:32 Bon, et par contre, il paraît qu'il l'a fait de manière extrêmement brutale
32:36 et en se moquant d'eux, bon, et c'est pour ça que tout cela est mal passé,
32:40 alors ça n'a pas empêché, bien sûr, que ses œuvres ont été mises à l'index,
32:43 et puis on a mis celle de Copernic aussi à l'index pendant qu'on y était, très bien.
32:47 Donc ce que je veux dire, c'est que l'Église n'a pas été forcément
32:52 toujours d'accord avec les découvertes de la science,
32:55 mais elle a apporté un contexte intellectuel qui a...
33:01 – Elle n'a jamais été contre la recherche.
33:03 – Elle a même créé intellectuellement la possibilité de la science.
33:06 – C'est ça, oui.
33:07 – Voilà, c'est ce que montre Jean XXIII dans son encyclique "Fides et Tratio",
33:11 qui montre que pour le christianisme, et notamment pour le catholicisme,
33:15 la foi n'est jamais allée, indépendamment de la raison,
33:19 et c'est également l'objet de la controverse de Ratisbonne
33:23 où le pape Benoît XVI a eu mal à partir avec les musulmans,
33:28 parce que justement il développait que le christianisme
33:31 était une religion fondée sur la raison,
33:34 ce qui n'était pas le cas de toutes les religions.
33:36 – Et concernant la théorie de l'évolution de Darwin,
33:38 ça s'est passé un petit peu mieux ?
33:41 – Non, c'est une théorie, je ne vais pas la lire,
33:44 mais elle a dû être condamnée, et puis bon, c'est comme...
33:48 – Et aujourd'hui, plus ou moins acceptée.
33:50 – Aujourd'hui c'est accepté, finalement l'Église finit par se rallier à l'évidence.
33:56 – Alors on va aborder un dernier point qui est nom des moindres,
33:59 puisqu'il fait l'actualité régulièrement, c'est celui des migrations humaines.
34:05 Alors c'est vrai que les déclarations du pape François héritent,
34:07 il faut bien avouer, bon nombre de catholiques européens,
34:11 est-ce que l'Église défend le droit à l'immigré ?
34:15 – Alors je dirais oui, l'Église le défend, je dirais même inconditionnellement,
34:22 et alors certes c'est un peu un dada du pape François,
34:27 mais avant lui, le pape Jean-Paul II a beaucoup écrit sur l'immigration,
34:34 enfin sur les migrations, et pas seulement lui,
34:38 beaucoup d'auteurs en affirmant que la terre appartient à tous
34:43 et que c'est le droit de tout un chacun,
34:46 alors effectivement en respectant, vous disait Jean-Paul II,
34:49 les règles et les modes de vie du pays d'accueil,
34:53 ce que ne dit plus forcément le pape François,
34:56 qui dit au contraire que le migrant a un droit à migrer,
35:00 mais que sa sécurité, sa sûreté à lui, prime celle du pays d'accueil.
35:07 Alors effectivement, on va citer beaucoup de textes à l'appui de cette position,
35:14 et on a eu récemment, je crois que c'est fin 2018,
35:17 le pacte de Marrakech, qui est un pacte qui pose un droit de migré,
35:25 et le Vatican a applaudi ce texte des deux mains,
35:29 et on est même certain que ce texte qui a été rédigé sous l'égide de l'ONU,
35:33 eh bien le Vatican a eu un rôle important dans sa rédaction
35:36 puisqu'il reprend très largement des propositions
35:39 qui avaient été faites un an et demi auparavant par le pape François.
35:43 Alors, je crois que ça pose néanmoins,
35:46 et je me dis peut-être que vous aviez le projet de me poser la question,
35:50 mais j'y réponds d'abord, un peu comme Georges Marchais,
35:53 vous avez vos questions, moi j'ai mes réponses.
35:56 Je pense effectivement que cette position est éminemment respectable,
36:01 et ce n'est pas le croyant catholique que je suis,
36:05 je dis simplement que le pape sur ce thème,
36:09 éminemment respectable bien sûr, n'engage pas son infaillibilité,
36:13 et je crois que ça remet en question,
36:19 et au centre du débat, la question de la relation entre l'Église et l'État.
36:24 Puisque ce que je trouve assez paradoxal, c'est que, certes,
36:28 il n'est pas paradoxal que l'Église ait une position assez radicale sur le sujet,
36:33 comme disait saint Paul, ce qui est "sagesse aux yeux de Dieu"
36:37 est folie aux yeux des hommes,
36:39 donc le droit à la migration généralisée,
36:42 c'est certainement une sagesse aux yeux de Dieu,
36:45 mais c'est une folie aux yeux des hommes,
36:48 et la question que je pose, c'est que,
36:50 dans un régime de distinction entre politique et religieux,
36:53 est-ce qu'il est véritablement de l'ordre du politique,
36:56 de la mission du politique, de faire une application littérale
37:00 de la morale évangélique et des exhortations pontificales dans sa politique ?
37:06 Je ne suis pas certain qu'il faille véritablement une surenchère
37:11 entre le politique et le religieux sur ce qui est la folie de Dieu dans ce domaine.
37:15 – Oui, puis ça dépend des sujets,
37:17 il y a des sujets où ça arrange le politique de suivre éventuellement les évangiles.
37:20 – Il y a bien d'autres sujets effectivement où la position de l'Église ne passe pas,
37:23 mais là on a le sentiment véritablement que tout le monde est d'accord,
37:26 alors que ce n'est pas forcément à mon avis la position de l'État,
37:29 la mission de l'État de reprendre à la lettre les exhortations pontificales.
37:34 – Alors nous allons revenir aux déclarations de Moscovici,
37:37 finalement on a fermé la boucle.
37:40 D'après vous, comment ces gens peuvent venir les racines chrétiennes de l'Europe ?
37:45 Pourquoi ? Qu'est-ce qu'ils ont à proposer en échange ?
37:47 Comme si finalement tous ces bouleversements,
37:49 tous les points que nous vous avons évoqués,
37:51 étaient arrivés comme un cheveu sur la soupe,
37:53 miraculeusement soit en 1789, soit en 1945.
37:59 – Alors je dirais, je prendrai une image qui vaut ce qu'elle vaut,
38:03 mais qui serait l'image d'une voiture.
38:05 J'ai le sentiment que l'Église, si je prenais cette image d'une automobile,
38:12 a plusieurs fonctions, elle a d'abord le GPS,
38:15 elle a montré pendant 2000 ans une direction,
38:18 alors elle n'a pas montré la direction finale,
38:20 elle a montré où est-ce qu'il fallait aller,
38:23 parfois elle a tâtonné, parfois elle a hésité,
38:25 mais voilà, elle a montré un peu la direction,
38:27 et la voiture a suivi cette direction.
38:29 Et puis l'Église, ça a été le moteur,
38:31 elle a donné l'impulsion par ses exhortations,
38:35 éventuellement par les sacrements qu'elle confère,
38:38 et qui donne une force qui permet d'aller de l'avant.
38:41 Parfois elle a été le frein, parce qu'elle est prudente par nature,
38:46 et puis l'État, lui, c'est le chauffeur, il a conduit,
38:51 parfois il s'est fait un peu pousser,
38:53 parfois il s'est un peu fait ralentir,
38:55 mais il a globalement suivi la direction.
38:57 Et puis aujourd'hui, au bout de 2000 ans,
38:59 on est arrivé quelque part, et les gens de l'État
39:01 se retournent en arrière et disent "mais on a fait ça tout seul,
39:05 et où était l'Église ? On ne la voit pas,
39:07 éventuellement elle a donné des coups de frein,
39:09 mais il ne voit ni le GPS ni le moteur.
39:11 Je pense effectivement que cette image permet,
39:14 je terminerai peut-être là-dessus,
39:16 cette phrase de Saint Augustin, qui posant cette distinction
39:19 entre la cité des hommes et la cité de Dieu,
39:22 disait, constatait, il y avait un regard rétrospectif,
39:25 mais également prophétique,
39:27 disant "la cité des hommes et la cité de Dieu ont mission de collaborer,
39:30 mais le propre de la cité des hommes, c'est de haïr la cité de Dieu,
39:33 de la même haine du méchant contre le gentil,
39:36 de la même haine qui a poussé Cain à tuer Abel.
39:39 C'est donc une tentation récurrente des gens de l'État,
39:43 que tout en pouvant avoir besoin de la religion,
39:47 de la jalousie, et quelque part, d'avoir envie de l'effacer.
39:51 – Jean-François Chemin, merci.
39:53 Je rappelle votre livre "Ces idées chrétiennes qui ont bouleversé le monde",
39:58 c'est vraiment un ouvrage très intéressant,
40:00 moi ce qui m'a beaucoup plu, c'est que c'est très documenté, très sourcé.
40:03 Il y a beaucoup de citations sur lesquelles on peut s'appuyer,
40:07 c'est je crois vraiment un livre indispensable.
40:10 Vous allez retrouver maintenant la petite histoire de Christopher Lanne,
40:14 mais avant n'oubliez pas de cliquer sur le pouce levé sous la vidéo
40:18 et de vous abonner à notre chaîne YouTube.
40:20 A bientôt !
40:21 [Générique]
40:33 – La dernière fois on a parlé, enfin j'ai parlé surtout,
40:36 de l'alliance entre la France et l'Écosse,
40:38 dans le même ordre d'idées, bientôt je vais faire un épisode sur les liens
40:41 qui unissent la France et l'Irlande,
40:43 car là aussi il y a des choses intéressantes à dire.
40:45 En attendant, je vous propose de découvrir aujourd'hui
40:47 un épisode marquant de l'histoire de l'Irlande,
40:50 un épisode fondateur, non pas pour sa réussite,
40:53 mais pour la valeur symbolique qu'ils représentent, les Pâques sanglantes.
40:57 C'est une insurrection lancée par les catholiques irlandais en 1916,
41:00 en pleine première guerre mondiale,
41:03 et malgré son insuccès, parce que je l'ai dit, c'est un échec,
41:06 ça va véritablement lancer l'Irlande dans la lutte pour son indépendance.
41:10 En même temps, j'ai envie de dire, à la base,
41:12 quelle idée de signer un acte d'union avec l'Angleterre ?
41:15 Franchement, les Irlandais, je vous aime bien, pour tout un tas de raisons,
41:19 mais parfois vous allez un peu trop loin.
41:21 [Générique]
41:35 Historiquement, l'Irlande appartenait au Royaume-Uni
41:38 depuis la signature de l'acte d'union de 1800.
41:41 Mais rapidement, les tensions vont réapparaître,
41:44 enfin plutôt réapparaître, puisque ça dure depuis le XIIe siècle,
41:47 suite notamment à des famines terribles.
41:50 Les Irlandais vont commencer à penser
41:52 "Tiens, on n'était pas si mal sans eux, finalement."
41:55 Les rébellions contre l'Anglais commencent dès 1803
41:58 avec l'attaque du château de Dublin,
42:00 ensuite en 1848 avec le mouvement Jeune Irlande,
42:04 et en 1858, c'est la création de l'Irish Republican Brotherhood, IRB,
42:10 qui se prépare dans l'ombre à un grand soulèvement.
42:12 Et ce grand soulèvement va intervenir en 1916, le lundi de Pâques,
42:17 c'est le thème de cet épisode.
42:19 Mais avant cela, je dois vous parler d'une chose importante,
42:22 la Home Rule League, qui a été créée en 1873,
42:26 dont le but était d'obtenir pour l'Irlande
42:28 une certaine autonomie au sein du Royaume-Uni.
42:31 Pour l'instant, on parle uniquement d'autonomie,
42:33 on ne parle même pas d'indépendance à ce moment-là.
42:35 Bref, après moult débats et oppositions,
42:38 le Parliament Act de 1911 valide le projet de la Home Rule League,
42:44 donc l'autonomie de l'Irlande.
42:45 Le roi George V va le ratifier en septembre 1914,
42:49 mais septembre 1914, c'est le début de la Première Guerre mondiale,
42:53 alors son entrée en vigueur est repoussée à la fin de la guerre.
42:56 Mais malgré tout ça, l'IRB ne compte pas attendre patiemment
43:00 que les maîtres anglais daignent à leur jeter quelques miettes,
43:04 et ils entendent bien donner corps à cette célèbre formule
43:07 "England's difficulty is Ireland's opportunity".
43:11 Je pense que je n'ai pas besoin de traduire.
43:12 En collaboration avec l'Irish Citizen Army,
43:15 qui a été fondée en 1913 pour protéger les grévistes,
43:18 et aussi de l'Irish Volunteers Force,
43:21 ils préparent donc un grand coup.
43:23 Les leaders de la révolte, à ce moment,
43:25 je vais en citer quelques-uns,
43:26 Patrick Pearse, qui est un jeune poète catholique de 36 ans,
43:30 James Connolly, qui est un syndicaliste marxiste,
43:33 et qui est sans doute le plus énervé,
43:34 et puis Thomas James Clark,
43:36 qui dirige le comité militaire de l'IRB.
43:39 Il y en a bien d'autres.
43:40 Les préparatifs commencent en 1916,
43:43 et par l'intermédiaire d'un lord protestant
43:45 qui était sympathisant de la cause irlandaise,
43:48 les nationalistes vont négocier une importante livraison d'armes
43:52 avec l'Allemagne, qui est alors en guerre contre l'Angleterre,
43:55 et puis contre la France, bien entendu.
43:57 Ainsi, un cargo allemand rempli d'armes
44:00 va arriver le 20 avril 1916 au large des côtes irlandaises,
44:04 mais il est arraisonné par un patrouilleur britannique.
44:07 Le capitaine du bateau décide alors
44:09 de s'aborder son navire avant de se rendre,
44:12 et c'est ainsi que 20 000 fusils se retrouvent gisant au fond de l'eau.
44:16 C'est manqué, mais les Irlandais vont quand même parvenir
44:18 à se procurer des armes,
44:19 notamment en les volant aux Anglais,
44:21 et la date de l'insurrection va être fixée
44:23 au jour de Pâques, le dimanche 23 avril 1916.
44:27 Mais suite à des ordres contradictoires,
44:29 la date va être finalement reportée au lendemain.
44:32 Le lundi 24 avril, lundi de Pâques donc,
44:35 alors que près de 1000 membres de l'ICA et de l'IVF
44:39 défilent dans les rues de Dublin,
44:41 des insurgés s'emparent de la grande poste centrale à Dublin,
44:45 qui est un point stratégique de la ville,
44:47 puis d'autres bâtiments comme le Mandy City Institute,
44:50 le palais de justice ou encore la gare.
44:52 Le drapeau irlandais est hissé sur le fronton de la grande poste
44:56 et Patrick Peirce lit cette déclaration à la foule.
45:19 Les premiers jours de combat, malgré la faible mobilisation des Irlandais,
45:23 il faut le dire, les insurgés vont bénéficier de l'effet de surprise
45:27 et vont repousser partout les assauts des Britanniques.
45:30 Les combats à ce moment-là sont violents,
45:32 il y a des barricades partout, ils utilisent les rues,
45:34 et il y a même des casernes qui sont attaquées.
45:36 Je dis "faible mobilisation" parce que c'est vrai,
45:39 et aussi la majorité de la population irlandaise
45:42 va désapprouver cette action à ce moment-là,
45:44 puisque je le rappelle, on est en pleine première guerre mondiale
45:47 et 200 000 Irlandais se battent contre l'Allemagne aux côtés des Anglais.
45:51 Alors pour certains, évidemment, les nationalistes qui tentent ce coup de force
45:55 sont des traîtres au service du Kaiser.
45:57 De plus, dans les provinces, le soulèvement n'est pas à la hauteur des attentes,
46:01 il y a juste quelques petites actions par-ci par-là,
46:04 mais le gros de l'action se déroule essentiellement à Dublin.
46:08 Le 25 avril, donc le lendemain,
46:10 Patrick Peirce va, depuis la grande poste,
46:12 proclamer la République d'Irlande
46:15 et diffuser son message à la radio.
46:17 Mais ce succès apparent ne va pas durer très longtemps,
46:20 d'autant que les insurgés ont commis une erreur majeure,
46:23 ils n'ont pas pris possession du château de Dublin.
46:27 Pourquoi c'est une erreur ?
46:29 Premièrement, le château était très peu défendu,
46:31 il y avait seulement 25 pélos au lieu des 300 soldats britanniques habituels
46:36 qui étaient à ce moment-là en congé,
46:38 en train de regarder les courses ou de jouer au golf.
46:41 Et aussi, surtout, le castel était le centre des communications britanniques à Dublin,
46:46 ce qui a laissé aux Britanniques la maîtrise du téléphone
46:49 et leur a donc permis d'alerter toutes les unités stationnées aux alentours sur l'île.
46:55 Et donc, la contre-attaque anglaise ne va pas tarder.
46:58 Les Anglais réagissent, Dublin est rapidement encerclée,
47:01 les points stratégiques et les bâtiments occupés par les Irlandais
47:05 sont pilonnés par l'artillerie anglaise,
47:07 on a fait venir de l'artillerie en masse,
47:09 les soldats anglais sont plus nombreux, mieux équipés
47:12 et ils vont petit à petit reprendre le dessus.
47:14 Là encore, les combats sont extrêmement violents,
47:17 le centre de Dublin est littéralement en feu,
47:19 et il y a 16 000 soldats anglais qui sont déployés.
47:23 Le 28 avril, l'île est déclarée en état de siège
47:27 et le 29, après des combats qui ont duré 6 jours au total,
47:31 Patrick Pearse va comprendre que tout est perdu et signer la reddition.
47:36 En 1000 ans, 400 morts, dont plus de 300 civils quand même,
47:39 et des milliers de blessés.
47:41 L'Irlande a clairement perdu une bataille, mais pas la guerre.
47:44 Parce que dans les jours qui suivent cette insurrection de Pax,
47:47 ces Pax sanglantes,
47:49 la répression des autorités britanniques va être si violente,
47:52 si féroce, et même parfois et souvent aveugle,
47:55 que la population irlandaise va finir par se ranger du côté des insurgés,
47:59 alors qu'elle l'est désapprouvée jusque-là.
48:01 3500 hommes et femmes vont être arrêtés à Dublin,
48:05 plus de 1000 en Angleterre, il y en a aussi en Hollande.
48:08 Les cours martiaux anglais vont prononcer jusqu'à 90 condamnations à mort,
48:12 souvent lors de procès expéditifs.
48:15 Les leaders du mouvement, 9 au total, vont être exécutés.
48:19 Patrick Pearse, bien sûr, exécuté.
48:22 James Conley, qui avait été blessé à de multiples reprises pendant l'insurrection,
48:26 du coup il tenait même pas debout,
48:28 il a fallu l'attacher sur une chaise pour qu'il soit fusillé.
48:31 Et parmi les 9 chefs, il y avait aussi un certain,
48:34 Imonde de Valera, qui lui a échappé à la peine capitale
48:38 du fait de sa nationalité américaine,
48:41 sans savoir que 43 ans plus tard,
48:43 il deviendra le premier président de la République d'Irlande.
48:46 En résumé, l'insurrection est un échec, on l'a dit,
48:49 mais elle va beaucoup marquer la mémoire collective irlandaise
48:52 et retourner l'opinion contre les Anglais,
48:55 qui sont désormais vus comme des colonisateurs sanguinaires
48:58 et des buveurs de sang.
49:00 "Buveur de sang", c'est moi qui ai ajouté.
49:02 D'ailleurs, l'alliance entre les différents mouvements
49:04 qui ont participé à cette insurrection
49:06 vont former ce qu'on appellera plus tard l'Iran.
49:09 Et ça, c'est une autre histoire,
49:11 et je l'aborderai aussi dans un futur épisode.
49:14 Elle va aussi et surtout montrer la détermination des catholiques,
49:17 ainsi que leur capacité à s'organiser et à frapper fort,
49:20 puisque c'est la première fois que les catholiques dirigeaient une révolte.
49:24 Avant, ça a été mené par des protestants.
49:26 Aujourd'hui encore, les Irlandais commémorent chaque année cet épisode,
49:29 qui va devenir un symbole fondateur de la lutte pour l'indépendance.
49:34 Mais il faudra encore de nombreuses actions, de nombreuses batailles
49:38 pour mener l'Irlande à la partition, le 6 décembre 1921,
49:43 puis à la proclamation de la République, le 18 avril 1949.
49:48 Petite anecdote sympathique pour terminer.
49:51 En 1966, à l'occasion du cinquantenaire de l'insurrection,
49:55 la statue de l'amiral Nelson à Dublin a été détruite par une bombe.
50:01 Et ça, ça ne peut que me faire plaisir.
50:04 (Générique)
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