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Sur Arte, le documentaire de Sébastien Lifshitz retrace l’histoire de la Casa Susanna. Près de New York, dans les années 1950-1960, des hommes de la classe moyenne y vivaient librement leur besoin d’être femmes.

Dans l’Amérique puritaine de la fin des années 1950, cachée dans la campagne à 200 kilomètres au nord de la ville de New York, la Casa Susanna réunissait le temps d’un week-end ou de vacances, une communauté clandestine de travestis. Des hommes, maris et pères de famille, qui venaient vivre librement la différence de leurs désirs.

Le lumineux film de Sébastien Lifshitz raconte cet épisode méconnu et fascinant de la culture queer. Et rappelle, s’il le faut encore, que la question de genre n’est ni récente, ni une lubie des réseaux sociaux. Déjà disponible sur la plateforme d'Arte.
Transcription
00:00 J'adore ce photo.
00:02 - Un poulet de bain, un costume en gata. - J'adore ce photo.
00:05 - Des jambes magnifiques. - Des jambes magnifiques, bien sûr.
00:08 J'admets ça. L'honnêteté me force à admettre.
00:11 "Oh, regarde ce que j'ai vu aujourd'hui."
00:18 Je lui dis "Quoi?"
00:19 "J'ai vu ce gros garçon en perle dans la boutique
00:22 en vêtant un vêtement et un masque et en maquillage."
00:24 Je lui dis "Oh, vraiment?"
00:26 Et en même temps, le gentilhomme était resté chez nous.
00:29 Dans l'Amérique puritaine des années 50, cachée dans la campagne new-yorkaise,
00:33 la Casa Susana réunissait le temps d'un week-end
00:36 une communauté clandestine de travestis.
00:38 Ce documentaire lumineux raconte cet épisode méconnu et fascinant de la culture queer.
00:43 Pour moi, ce lieu, c'est une utopie.
00:46 C'est une utopie à la fois politique, sociale, personnelle aussi,
00:49 parce que c'était des lieux où, enfin, pour la première fois,
00:53 ces hommes travestis pouvaient évoluer au grand jour,
00:57 parler les uns avec les autres de ce qu'ils ressentaient,
01:00 de ce qu'ils commençaient à comprendre à peine d'eux-mêmes,
01:03 parce qu'il n'y avait strictement rien autour d'eux
01:06 pour les aider à comprendre ce qui se passait en eux.
01:09 Vous n'avez aucun livre, aucune personne à qui vous confier.
01:12 Et pour la première fois, tout d'un coup, vous avez ce lieu
01:15 où ils pouvaient rencontrer des personnes comme eux
01:18 et parler de leur parcours, des questions qu'ils se posent,
01:21 peut-être aller plus loin, par exemple,
01:24 parler des questions d'opérations, d'hormones, etc.
01:27 Donc je pense que ça a été un lieu de liberté, tout simplement.
01:30 Un des travestis, Gloria, m'a donné cette magnifique paire de chaussures
01:35 qui avaient ces hauts-coulisses qui étaient spectaculaires et qui se montaient,
01:39 et j'étais assez succès.
01:41 Donc ils se moquaient et m'en souhaitaient, et c'était un bon soutien.
01:46 Ça m'a fait sentir vraiment authentique,
01:49 ça m'a fait penser que je pouvais vraiment être comme ça.
01:53 Pour moi, c'est très important de montrer que la question de l'identité de genre
01:59 ne date pas d'aujourd'hui.
02:01 On a le sentiment, avec l'actualité, avec tout ce qui se passe sur les réseaux sociaux,
02:05 que tout d'un coup, la question du genre est partout,
02:08 et que c'est une question de maintenant, mais pas du tout.
02:11 Montrer que cette histoire a eu des pionnières,
02:13 des gens qui, à un moment, ont pris des risques absolument énormes
02:16 pour assumer ce qu'ils étaient.
02:18 Et la question, tout simplement, de ces identités,
02:21 elles ont existé depuis toujours.
02:23 Ce n'est pas un phénomène de société qui est lié à une époque,
02:26 comme certains voudraient le laisser croire aujourd'hui.
02:30 Maria voulait devenir le "pédale de l'atterrissage", si on peut dire.
02:34 Et elle a marché une très fine ligne,
02:37 parce que ces gens étaient des directeurs de films,
02:40 ils étaient des attorneys,
02:42 ils étaient des capitaines de bateaux,
02:45 ils étaient des pilotes d'avion,
02:47 il y avait toutes sortes de professions
02:50 dont les gens avaient atteint le pinnacle de leur carrière,
02:54 où ils faisaient de bons argents,
02:56 avaient de bons emplois.
02:58 Il y avait une très forte envie de faire ça,
03:02 parce qu'ils roulaient les pieds
03:05 à chaque fois qu'ils deviennent leur ego alter.
03:08 Elles n'avaient pas du tout le désir d'être des vampes,
03:11 d'être des drag queens ou ce genre de choses.
03:13 Ce n'était pas ça du tout.
03:15 L'idée, c'était, je pense, de véritablement
03:18 de prendre comme modèle les femmes bourgeoises
03:21 de cette époque-là,
03:23 probablement parce qu'il y a peut-être un désir de respectabilité.
03:27 Certains de ces travestis,
03:29 une des choses un peu ultimes
03:31 qui s'autorisait parfois à faire,
03:33 mais qui était un risque immense,
03:35 c'était de sortir dans la rue.
03:37 Il y avait le test de la rue.
03:39 Habiller en femme, se promener sur un trottoir
03:41 et voir si "elle passait"
03:44 et qu'elle n'était pas identifiée comme travestie, mais comme femme.
03:47 Elles avaient un désir véritablement de se fondre, en fait,
03:50 de devenir des femmes,
03:52 tout en étant aussi des maris, des pères.
03:55 Tout ça était complexe, quand même.
04:22 Je voudrais rendre hommage à toute cette communauté.
04:26 Pour moi, ce sont des précurseurs,
04:28 des gens qui ont un esprit rebelle,
04:30 qui, coûte que coûte, sont allés au bout d'eux-mêmes,
04:33 ont pris des risques insensés.
04:36 J'ai une part d'admiration pour eux.
04:39 Je trouve qu'on leur doit cet hommage, d'une certaine manière,
04:43 de les rendre visibles et de saluer leur courage,
04:46 de montrer aussi
04:49 la complexité de leur histoire,
04:52 qui vient percuter le contexte politique, social de l'époque,
04:58 et de voir que, malgré ce contexte si hostile,
05:02 on ne peut pas écraser les gens,
05:04 on ne peut pas écraser la liberté,
05:06 ce qui est fondamental à un individu.
05:08 C'est ça que je trouve fascinant,
05:10 c'est qu'on trouve toujours en soi les ressources nécessaires
05:13 pour arriver à affirmer ce que l'on est et aller au bout de soi.
05:16 Certains des vêtements de croix étaient excellents,
05:19 certains étaient très bien faits, bien fabriqués, bien vêtus,
05:23 de bon goût,
05:25 mais d'autre part, il y en avait qui ressemblaient
05:28 à Donald Duck dans un orgie bêlé, ou quelque chose comme ça.
05:31 Mais tout le monde voulait juste rejoindre
05:34 et être une autre femme entre les femmes.
05:37 Sous-titrage Société Radio-Canada
05:42 ♪ ♪ ♪

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