Marie-France Pisier, une femme sous influence - Un jour, un destin - Documentaire

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00:00:36 C'est vrai que Marie-France, elle a un début fracassant.
00:00:39 C'était pas la starlette habituelle.
00:00:41 Elle était très anticonformiste et très juste.
00:00:45 C'était une fille aussi très intelligente et qui ne pouvait que fasciner des truffeaux.
00:00:49 Ben mon vieux, ça fait cinq minutes que je tape, vous devenez complètement sourd.
00:00:52 Oh là, il fait drôle mensonge. Vous êtes malade ?
00:00:56 Faire la cover de lui, c'est quand même un scandale.
00:00:59 Elle était une femme libre et elle ne voulait pas surtout être étiquetée.
00:01:04 Nous occupons la Sorbonne.
00:01:07 Personne n'imagine à côté d'une belle femme comme Marie-France, un horrible révolutionnaire.
00:01:14 L'exfiltrée, il y a à côté Agent Secret, on est encore dans le jeu, on est dans un film d'espion.
00:01:18 Je veux vivre libre. Je me ferai aventurière. Ou bien actrice.
00:01:25 Tourner pour le cinéma d'auteur, c'est bien gentil.
00:01:28 Mais en réalité, il y a peut-être un film tous les deux ans.
00:01:32 Elle n'aimait pas s'arrêter du tout. Quand elle savait qu'elle avait par exemple trois mois devant elle, là elle s'angoissait.
00:01:37 Je me disais que si je n'avais pas eu le César, je ne serais pas passée inaperçue dans cette tenue. C'était déjà ça.
00:01:43 Cette fille très enjouée, grande vivante comme elle était, avait dans son tableau familial quelque chose de très sombre.
00:01:50 Elle a été très très très malheureuse et on pensait que tout allait bien.
00:01:54 Le suicide de sa mère a été quelque chose d'horrible pour elle.
00:01:59 C'est quand même aussi le choc épouvantable parce que malheureusement, ce genre de mort-là, on se dit qu'on en est un peu coupable.
00:02:06 Elle disait "J'ai rien compris à ma vie. Je n'ai jamais pu décider les choses moi-même."
00:02:14 Elle était passée tellement à travers le mental de sa mère et de sa sœur, qu'elle ne savait plus ce qu'elle pensait elle-même.
00:02:24 Elle n'était pas une star comme on l'entend parfois.
00:02:35 Elle était pourtant l'une de ces comédiennes dont on réalise au moment où elles disparaissent, à quel point elle faisait partie de l'histoire du cinéma et de nos vies.
00:02:43 Elle était d'abord une femme libre, féministe, engagée, intellectuelle qui aidera Danilo Rouge à quitter la France en 68.
00:02:49 Héroïne d'une époque, posant pour le magazine lui, pour affirmer sa différence, assumant le rôle qu'on lui faisait jouer.
00:02:55 Elle n'était jamais dupe. Elle avait cette allure et cette voix des beaux quartiers.
00:02:59 Mais elle aimait rompre avec cette bourgeoisie apparente, belle mais pas seulement, rieuse mais pas totalement heureuse.
00:03:06 Le tragique, elle l'a trop souvent côtoyée jusqu'à sa mort énigmatique en 2011.
00:03:12 Un voile qui a presque toujours troublé la photo, faisant d'elle un être sensible mais mystérieux, presque intouchable.
00:03:18 Qui était donc Marie-France Pizier ? Comment a-t-elle rencontré Truffaut et le cinéma ? Que voulait-elle vraiment ?
00:03:25 Où trouver les origines de ses blessures ? Et bien d'abord avec le personnage central de sa vie, sa mère.
00:03:31 Influente, présente comme un guide, en 1950, la famille Pizier vit en Nouvelle-Calédonie.
00:03:36 Le décor est paradisiaque. La jeune Marie-France n'a que 6 ans, mais elle va très vite être confrontée au tourment de l'âge adulte.
00:03:45 C'est aux côtés de sa grande sœur Evelyne et de leur jeune frère Gilles que Marie-France Pizier grandit dans une colonie française de l'océan Pacifique.
00:03:54 L'enfance de Marie-France en Nouvelle-Calédonie a été tout à fait heureuse, en fait. C'était même une période magique.
00:04:01 Pour elle, c'était les années de sauvagerie. C'était la plage, c'était pieds nus, c'était bronzés, c'était le soleil, c'était la liberté.
00:04:09 Très belle enfance, en fait. C'était les filles du... pas du gouverneur, mais presque.
00:04:16 D'un haut fonctionnaire avec tout ce qui s'ensuit, c'est-à-dire de service, de grande bourgeoisie, finalement.
00:04:25 Un statut de notable dont la jeune Marie-France a déjà conscience.
00:04:31 Et auquel son père est très attaché.
00:04:34 Un homme extrêmement distingué. Un haut fonctionnaire très français et plutôt de droite.
00:04:44 Qui vit dans la dignité, le respect du maréchal Pétain, de la France conservatrice.
00:04:50 Il avait de l'autorité, de la dignité, de la dignité.
00:04:54 Il était un peu une figure de l'idéal masculin avec cette réserve.
00:04:59 C'est que les filles le considéraient comme réactionnaire.
00:05:02 À l'opposé de ce père autoritaire, les enfants Pisier sont éduqués par une mère pleine de fantaisie.
00:05:09 La personne excessive, c'est Paula, leur mère.
00:05:13 C'est un personnage tout à fait attachant, extrêmement...
00:05:17 Cette mère éblouissante, très très présente dans la vie et tellement protectrice, c'est tellement vente.
00:05:25 C'était Marilyn Monroe avant l'heure.
00:05:30 Les gens se retournaient dans la rue pour la voir tellement elle était belle.
00:05:33 Une femme belle qui se sent à l'étroit dans cette vie bourgeoise et qui ne veut pas être la seule.
00:05:40 Elle a été la première femme à avoir un enfant.
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00:06:01 Elle a été la première femme à avoir un enfant.
00:06:04 Elle a été la première femme à avoir un enfant.
00:06:07 Elle a pris son autonomie et ça, il le supportait très mal.
00:06:10 Le père était absolument contre Simone de Beauvoir sur les femmes qu'il leur donnait ou leur proposait en tout cas plus de liberté.
00:06:18 Une liberté qui prendra la forme d'un adultère que son mari va découvrir.
00:06:24 Il y avait tout de même du combat dans l'air.
00:06:28 Ça, c'est sûr entre eux et que les enfants ont assisté à ça et qu'ils en ont souffert.
00:06:35 Le climat se dégrade encore dans le couple.
00:06:37 Jusqu'au jour où la mère de famille quitte le domicile avec ses trois enfants.
00:06:41 Il y a eu un premier divorce.
00:06:45 Et comme le petit garçon Gilles était petit et voulait revoir son papa, elle est revenue.
00:06:50 Malgré le remariage de leurs parents, les soeurs Pizier se rendent très vite compte que le regard porté sur elles a changé.
00:06:57 Marie-France m'a dit à ce moment-là, ça a été terrible pour nous parce que les gens ne nous recevaient plus.
00:07:02 On a été mis vraiment au banc de la société quelque part.
00:07:06 C'est les filles des divorcés.
00:07:08 Elles sont montrées du doigt par la bourgeoisie locale comme des pestiférées.
00:07:15 C'est comme si elles avaient les toiles jaunes sur leur corps sage.
00:07:20 Evelyne et Marie-France vont prendre le parti de leur mère lorsque leurs parents divorcent pour la deuxième fois.
00:07:29 Le père est responsable de tout.
00:07:31 Il devient la bête monstrueuse qui a cassé la famille et Marie-France lui en a voulu très longtemps.
00:07:39 Marie-France ne revoit plus son père. Rien. Plus rien.
00:07:43 C'était la coupure totale.
00:07:45 Au début de l'été 1956, Paula et ses enfants quittent définitivement la Nouvelle-Calédonie.
00:07:53 Et s'installent d'abord à Paris.
00:07:55 J'ai eu beaucoup de mal d'ailleurs à Paris au début.
00:07:59 C'était terrible parce qu'il faisait froid.
00:08:01 On a tenu deux mois et puis on est parti en courant.
00:08:05 On a décidé qu'on foutait le camp parce qu'on n'en pouvait plus.
00:08:08 La famille Pizier prend la direction de Nice où vivent les grands-parents maternels de Marie-France.
00:08:14 Un retour très vite pour les enfants.
00:08:19 Un retour très vite remarqué par les jeunes du quartier.
00:08:25 Nous sommes assis sur un banc et arrive une 4 chevaux avec des bagages sur le toit empilés, ficelés.
00:08:40 Et là-dedans une femme superbe et trois enfants.
00:08:46 Elle nous voit et elle nous dit "les garçons, vous ne voudriez pas nous aider à monter tout ce déménagement ?"
00:08:54 Ce jour-là, Marie-France comprend qu'un nouveau chapitre de sa vie s'ouvre pour elle et pour sa famille.
00:09:00 Ça a été la galère tout de même.
00:09:05 Mais sa mère était très positive, elle disait "je vais m'en sortir".
00:09:09 Comme c'est une femme combative, elle a cherché des petits jobs.
00:09:12 Et les premiers qu'elle ait trouvés, ça a été rédigé des enveloppes pour des pubs, les timbrer et les envoyer.
00:09:19 Là, Marie-France a eu beaucoup de peine de voir sa mère comme ça, sans argent, sans diplôme, sans rien.
00:09:29 Dès lors, Paula devient aux yeux de ses filles un modèle à suivre, une référence.
00:09:38 L'héroïne de la famille, c'était leur mère. Elle avait eu le courage de les élever au prix de sûrement de grandes difficultés matérielles.
00:09:46 Donc là, il y a eu une espèce de déification un petit peu de la mère et un clan pisier très fort.
00:09:51 Au sein de ce clan, la discussion est ouverte et les camarades de classe des filles sont très souvent témoins de propos et d'idées avant-gardistes.
00:10:04 Entendre parler Paula d'avortement ou de Simone de Beauvoir et du féminisme, moi personnellement, c'était presque un choc.
00:10:11 Paula partageait avec ses filles les idées du moment, exactement comme si elle avait été une de leurs sœurs.
00:10:19 Elles vont se construire manifestement en symbiose avec la mère et un peu en chevalière servante des camarades.
00:10:33 Et en même temps, elle est très présente des causes de la mère.
00:10:35 Si Evelyne, l'aînée, prend déjà part au débat féministe, Marie-France, elle, l'adolescente de 15 ans, se montre plus réservée.
00:10:44 Elle était très sage. Elle ne participait pas réellement aux conversations des plus grands.
00:10:51 Il y a toujours cette espèce d'austérité chez elle, presque de froideur.
00:10:56 Elle est assez timide et en même temps, on a l'impression qu'elle se cherche.
00:11:02 Dans cette quête, la jeune fille se verra imposer par sa mère un principe tiré de son expérience.
00:11:08 Ne jamais dépendre d'un homme.
00:11:10 Sa mère voulait que les enfants aient des diplômes.
00:11:12 Il ne fallait pas décevoir la mère. Donc, les études, les études, les études. Apprendre et les études.
00:11:18 La réussite est quelque chose d'essentiel. Il y a une espèce d'orgueil et de fierté qu'on sentait très fort chez Paula, qu'elle a transmis à ses filles.
00:11:26 Leur mère a été extrêmement directive. La destinée de ses filles a été vraiment décidée par Paula.
00:11:33 Comme sa sœur, Marie-France Pizzi a totalement intégré l'exigence de réussite et de diplôme de sa mère.
00:11:44 Mais dans ce parcours tout tracé, une rencontre va venir contrarier le schéma de vie dessiné par Paula.
00:11:50 Le réalisateur François Truffaut prépare la suite des 400 coups.
00:11:53 Et il est à la recherche d'une jeune comédienne pour interpréter le rôle de Colette dans un court métrage.
00:11:59 Un jour de décembre 1961, un journaliste de Nice Matin tombe sur cette petite annonce.
00:12:06 Nous recherchons une jeune fille. Elle ne doit être ni mutine, ni piquante, ni pimpante, ni aguichante, ni sexy, mais plutôt simple, bien élevée, fraîche, jolie.
00:12:19 Le reporter se souvient alors d'un cliché qu'il a pris quelques mois plus tôt, attiré par le regard d'une jeune femme brune.
00:12:25 Marie-France a attiré l'œil.
00:12:35 Un visage d'une douceur extrême, un peu petite fille modèle.
00:12:38 Quand elle est jeune, comme ça, ce visage tout rond, tout poupin, ravissant, ses yeux coquins, il y a un truc.
00:12:46 Un truc qui ne va pas échapper au réalisateur de la nouvelle vague, François Truffaut, dès la réception de la photo prise par le journaliste.
00:12:53 La production entre immédiatement en contact avec la jeune fille de 17 ans pour organiser une audition.
00:13:03 Sur plus de 300 candidates, elles ne sont plus que 7 en lice et Marie-France est prise au jeu.
00:13:10 Marie-France était toute timide et angoissée en disant Est ce que je vais avoir ce rôle pour l'attester?
00:13:18 Le réalisateur lui demande de jouer les dialogues de l'un de ses films précédents.
00:13:21 Et une fois la scène terminée, en fait, François ne disait rien.
00:13:25 Il la regardait. Il avait le chic là pour rendre les gens très gênés.
00:13:30 Elle se dit Mais qu'est ce qu'il me veut?
00:13:39 Est ce qu'il me trouve bien ou est ce qu'il me trouve pas bien?
00:13:42 En réalité, François Truffaut est sous le charme de cette jeune étudiante qui n'a pas le profil classique des autres comédiennes.
00:13:52 C'était pas la starlette habituelle, bien qu'elle fût très jeune.
00:13:58 Elle avait la coquetterie de celle qui n'affiche pas leur coquetterie.
00:14:04 Elle a beaucoup de personnalité, beaucoup de présence et elle était très anticonformiste et très juste.
00:14:11 C'était une fille aussi très intelligente et qui ne pouvait que fasciner des Truffaut.
00:14:16 Le rôle lui est confié, mais en raison de son âge, il lui faut maintenant obtenir l'accord de sa mère.
00:14:22 Sa mère lui avait dit Tu pourras faire le film de Truffaut si tu continues tes études.
00:14:28 Elle avait des principes rigoureux qui étaient qu'il fallait que chaque femme ait les moyens de gagner sa vie.
00:14:34 Et comme le métier de comédienne était incertain, elle a tenu à ce qu'elle poursuive ses études.
00:14:39 C'est donc l'étudiante en droit qui va imposer au réalisateur son rythme de tournage.
00:14:45 Marie-France négociait avec Truffaut les jours de tournage et les jours où elle était à la fac.
00:14:51 Elle a fait les deux choses en même temps, mais elle avait plus envie d'être actrice que d'être avocate ou prof de droit.
00:14:58 Ça fait cinq minutes que je tape, vous devenez complètement sourde.
00:15:04 Il fait drôle, Manson. Vous êtes malade ?
00:15:07 Elle était très heureuse de pouvoir commencer sa vie comme ça.
00:15:12 Dans une tête d'enfant, être star, il y a plein de choses qui circulent.
00:15:17 Et puis surtout, de pouvoir aider avec l'argent qu'elle allait gagner, de pouvoir aider sa famille, sa mère.
00:15:25 Oh, la barbe ! En tout cas, mes parents vous invitent à dîner.
00:15:30 Non, je n'irai pas.
00:15:31 Mais enfin, ça n'a aucun rapport. Si on vous dit de venir dîner, venez dîner.
00:15:35 Non.
00:15:36 Si vous changez d'avis, on ne se met pas à table avant un quart d'heure.
00:15:43 Cette participation au court-métrage de François Truffaut, qui décrit un coup de foudre amoureux,
00:15:48 va faire l'unanimité de la critique et elle va entraîner la première interview télévisée de Marie-France Pizier.
00:15:55 Brigitte Bardot, pour vous, est-ce que c'est un exemple ? C'est rien du tout ? C'est déjà démodé ?
00:16:02 Non, Brigitte Bardot, c'est formidable. Moi, j'ai beaucoup d'admiration pour Brigitte Bardot.
00:16:06 Je trouve que vraiment, si on ne l'avait pas en France, ce serait très, très dommage.
00:16:09 Vous voudriez faire sa carrière ?
00:16:11 Non, pas sa carrière. Il y en a une, ça suffit.
00:16:14 Je pense qu'elle avait besoin d'exprimer. Je ne suis pas une poupée sans tête.
00:16:21 Je suis belle, je sais, je suis intelligente. Et ça, il faut que vous le sachiez.
00:16:27 Dans quoi votre carrière serait différente de la sienne ?
00:16:30 Je préférerais faire une carrière dans le genre de celle de Signoret ou de Jeanne Moreau.
00:16:38 Marie-France Pizier affirme sa différence. Et elle commence déjà à se faire un nom dans le métier.
00:16:44 C'est vrai que Marie-France, elle a un début fracassant. Elle est parmi les actrices et les femmes qui sont très, très, très en vue.
00:16:55 Il se trouve que les rencontres qu'elle a faites à partir de son premier accès au monde du cinéma
00:17:01 sont des rencontres avec des metteurs en scène, des réalisateurs, voire des acteurs qui étaient dans cet univers dit intellectuel.
00:17:11 Et être considérée à cette époque-là comme une intellectuelle qui fait du cinéma,
00:17:18 une comédienne disons plus intelligente que les autres, plus cultivée que les autres, ça vous pose autrement.
00:17:30 Au point que la comédienne va vouloir casser cette image trop lisse.
00:17:34 Marie-France Pizier, la jeune fille de bonne famille, va tout simplement accepter de poser pour un célèbre magazine de charme destiné aux hommes.
00:17:54 Poser pour lui, c'est vraiment pas rien. C'est presque comme les photos d'art court, mais dénudées. Et donc, ça statutifie.
00:18:02 Quand on est débutante dans cette carrière, tout ce qui vous médiatise est bienvenu.
00:18:15 On ne refuse pas d'être en couverture d'un journal comme ça.
00:18:20 Pour un certain milieu, faire la cover de lui, c'est quand même un scandale.
00:18:25 Elle était une femme libre, Marie-France, c'est clair. Et elle ne voulait pas surtout être étiquetée.
00:18:32 Ne pas se laisser étiqueter, apparaître comme une femme émancipée, cette séance est peut-être aussi pour Marie-France Pizier un hommage rendu à sa mère.
00:18:44 Sa mère était quelqu'un de très libre aussi, donc elle aussi revendiquait sa liberté.
00:18:49 Elle pouvait réaliser ce que sa mère n'avait pas pu réaliser pour de vrai. Donc elle était le prolongement du fantasme de sa mère.
00:18:56 Tout ce qui pouvait rapporter de la notoriété et faire parler d'elle, lui retombait dessus aussi à Paulin.
00:19:02 Donc c'était agréable d'être la mère de filles dont on parlait, qu'on voyait dans les journaux.
00:19:07 Ça flattait au fond une sorte de narcissisme familial. C'était un hommage rendu à la beauté de la jeune Marie-France.
00:19:15 Le 27 mars 1966, le magazine lui affiche en une le cliché osé de la jeune comédienne.
00:19:23 Tout ce qui pouvait être provoquant et tout ça, ça l'amusait énormément.
00:19:30 Bien souvent, elle a cédé à la provocation comme une espèce de challenge.
00:19:37 C'était comme une réponse à Simone de Beauvoir quelque part. Je fais ce que je veux.
00:19:45 Et si moi, jeune fille intellectuelle qui ai fait des études et tout ça, si je veux me montrer à poil, c'est mon droit et je le ferai.
00:19:53 Elle a fait partie de ces années où le féminisme s'est affirmé, même si c'est joué la femme objet, c'est assumé.
00:20:01 Évidemment que ce n'était pas Marie-France. Marie-France était très, très pudique, malgré ses provocations, malgré tout.
00:20:12 Vraiment très pudique, oui.
00:20:17 De film en succès, Marie-France Pizier s'impose comme une actrice très en vue des années 60.
00:20:25 Grâce à cette couverture de lui, elle tourne même en 1967 dans le premier film érotique français, Trans Europe Express, d'Alain Robrié.
00:20:34 Elle mène sa carrière d'actrice et sa vie d'étudiante avec une insouciante facilité.
00:20:38 Et les événements de mai 68 vont lui donner l'occasion, cette fois, de faire connaître son visage de militante.
00:20:44 Pourquoi il veut fermer la faculté ? Je crois que c'est la première fois que nous voyons cela. C'est-à-dire que de fait, ici, nous occupons la Sorbonne.
00:20:55 Lorsque la révolte étudiante éclate, Marie-France Pizier, étudiante en droit à la Sorbonne, se laisse entraîner dans le mouvement par sa sœur aînée.
00:21:03 Nous avons manifesté, on ne nous a pas écouté. Nous avons manifesté et on a...
00:21:08 C'est Evelyne qui prenait la direction des opérations. Evelyne était probablement plus engagée que Marie-France, plus réellement engagée.
00:21:17 ... parce que c'est militant justement pour la première fois...
00:21:20 Marie-France était en admiration devant l'intelligence de sa sœur et se considérait bête à côté d'elle.
00:21:29 Il y a toujours eu entre les deux sœurs une profonde solidarité et une profonde compétition.
00:21:39 Une compétition qui va amener l'étudiante de 24 ans à relever un défi. Un défi lancé par sa sœur et une manière de lui prouver son engagement.
00:21:50 Marie-France, politiquement, elle ne militait pas, mais elle avait une position de gauche bien installée.
00:21:56 Sur le plan politique, elle n'hésitait pas. C'est à la fois un acte militant et en même temps elle y va comme guest star.
00:22:05 Ça l'excite, ça l'inquiète un peu parce que bon, il y a une prise de risque, mais avant tout ça l'amuse.
00:22:12 Ce qui amuse Marie-France, c'est d'exfiltrer le leader de mai 68, interdit de séjour en France et caché dans un appartement parisien.
00:22:23 Je ne peux pas dire que je connaissais Marie-France Pizier avant qu'elle entre dans cet appartement pour dire "Allez mon petit, viens, on y va".
00:22:32 Évidemment que pour elle, j'étais ce personnage que le monde connaît avec cette photo défiant la police et avec ce verbe défiant l'ordre institué.
00:22:52 Pour éviter d'être reconnue, Daniel Cohn-Bendit a déjà fait teindre ses cheveux, mais Marie-France a remarqué un détail.
00:23:01 Les racines commençaient à repousser, donc il fallait vraiment me refaire en bonne espagnole.
00:23:09 Elle se lance dans l'application de la couleur tant bien que mal. En plus, elle s'en met plein les doigts. Elle a un côté très amateur.
00:23:20 C'est là où il avait été éclaboussé par la teinture sur toute la joue. Il y a eu des gros problèmes pour enlever cette tâche parce que ça avait bien pris.
00:23:32 Elle s'est acharnée pour lui enlever sa tâche de teinture sur la joue et puis ça a bien passé.
00:23:39 Elle m'a lavé les cheveux, le shampoing, et c'est là qu'elle m'a dit une fois que c'est fini "Mais qu'est-ce que t'es laid ?"
00:23:44 Elle se marrait, elle trouvait ça très très drôle et donc voilà, on est parti.
00:23:51 Marie-France Pizier, Daniel Kohn-Bendit et un autre militant d'extrême gauche prennent place dans la voiture de sport de la comédienne
00:24:05 qui se faufile à l'ordre dans Paris en évitant les barrages de police.
00:24:09 Direction le Luxembourg.
00:24:14 L'expiltrée, il y a un côté agent secret, on est encore dans le jeu, on est dans un film d'espion, on va lui teindre les cheveux, on va le mettre dans une voiture, on va l'aider à sortir de France.
00:24:21 C'est de l'adrénaline pure quoi.
00:24:23 Elle se sentait prise dans un truc comme dans un film où on se battait contre les riches, les capitalistes.
00:24:30 Elle était ravie et pleine de désir de vivre et d'être avec quelqu'un qui allait changer la société.
00:24:38 Personne n'imagine à côté d'une belle femme comme Marie-France un horrible révolutionnaire qui va mettre à sang la France.
00:24:48 Donc c'était une très bonne idée.
00:25:01 C'était comme ça, on échangeait, mais il y avait une complaisance, il y avait une sympathie qui augmentait au fil des kilomètres.
00:25:11 Elle est belle, elle est drôle, elle est sympa, elle connaît beaucoup de choses.
00:25:23 Moi j'étais fasciné par le fait d'une actrice et elle par le révolutionnaire.
00:25:31 A l'approche de la frontière luxembourgeoise, Marie-France dépose ses passagers et leur donne rendez-vous un peu plus loin.
00:25:37 Je descends à pied, on marche, on traverse le village et puis on rejoint la route un kilomètre derrière la frontière.
00:25:45 Et quand je remonte dans la voiture, elle dit "mais qu'est-ce que c'est drôle, est-ce que tu veux pas qu'on recommence ?"
00:25:51 Donc elle trouvait ça très marrant quoi.
00:25:55 Mais avant de prendre la route dans l'autre sens, la comédienne accepte de passer la nuit chez des militants, où le confort se révèle sommaire.
00:26:03 Et là on était à trois, pas dans un lit mais sur un lit.
00:26:09 Il ne s'est rien passé et en même temps on se rapprochait.
00:26:16 Et donc quand on se quitte le matin, eh bien on décide de se revoir.
00:26:24 L'aventure amoureuse avec Daniel Cohn-Bendit ne sera qu'une parenthèse de quelques semaines.
00:26:30 Le métier reprend très vite ses droits. Et pour l'heure, Marie-France Pisier s'interroge sur son avenir au cinéma.
00:26:39 Tourner pour le cinéma d'auteur c'est bien gentil, mais en réalité il y a peut-être un film tous les deux ans quand même. C'est très compliqué.
00:26:51 Elle n'aimait pas s'arrêter du tout. Quand elle savait qu'elle avait par exemple trois mois devant elle, là elle s'angoissait. Il fallait qu'elle fasse quelque chose.
00:26:57 C'est à ce moment-là qu'une proposition lui est faite pour le petit écran.
00:27:02 À l'époque, la télévision produisait des feuilletons de prestige comme on dit. Donc avec beaucoup de moyens. Ils aimaient bien avoir des "stars de cinéma".
00:27:17 On peut être toujours exigeant, puis il arrive un moment, une série télévisée qui va passer chaque semaine, ça ne se refuse pas comme ça.
00:27:25 Elle accepte pour travailler et pour redescendre un peu de sa hauteur intellectuelle. Ça allait dans le sens "je ne suis pas snob, je vais accepter "Légendes Mogador" même si c'est populaire.
00:27:41 En acceptant ce téléfilm, Marie-France Pizier espère décrocher enfin la reconnaissance du public avec ce rôle de Ludivine, une femme de la bourgeoisie du second empire qui refuse un mariage arrangé.
00:27:54 - Et mademoiselle Laure est tout à fait charmante. C'est elle qui joue, n'est-ce pas ? - En effet. - Quelle grâce ! Quelle sensibilité ! - Elle a toutes sortes de qualités. - Et elle est très jolie. - Très !
00:28:08 Tout le monde admire ses longs cheveux. Et puis aussi c'est la meilleure des compagnes. Elle est toujours amie de tout le monde. Elle adore les enfants, la vie d'intérieur. Elle serait une maîtresse de maison parfaite.
00:28:20 Ludivine était un personnage assez coquette et en même temps extrêmement féminine. Dans sa façon de l'interpréter, elle lui avait donné beaucoup d'elle-même.
00:28:33 Ludivine, dans "Légendes Mogador", a quelque chose de Marie-France. Tout simplement parce que c'est un personnage rebelle.
00:28:44 - Vous ne semblez pas apprécier comme elle le mérite ses qualités remarquables. - Vous vous trompez, je les apprécie. Mais je ne les possède pas. - Vraiment ?
00:28:53 Sur le tournage de la série, l'équipe s'est habituée à la présence discrète d'un homme qui partage désormais la vie de la comédienne. Il est l'avocat des cahiers du cinéma. Il s'appelle Georges Guegeman.
00:29:05 Dès qu'il avait un créneau, il prenait l'avion et il allait retrouver sa Marie-France. Elle était enchantée qu'il arrive. La veille, elle disait "George arrive, George arrive".
00:29:16 Georges Guegeman était très régulièrement sur le tournage et il était très attentif à la carrière de Marie-France. Il avait vraiment beaucoup d'admiration pour elle.
00:29:25 En rencontrant cet homme de 12 ans son aîné, Marie-France Pizzi a trouvé un guide, une épaule solide.
00:29:34 Marie-France a manqué de père. C'est évident qu'elle recherchait un homme qui la protège.
00:29:39 Pour quelqu'un qui était plus âgé qu'elle, qui avait un peu la vocation d'être Pygmalion, il y avait encore quand même beaucoup de choses à lui apprendre.
00:29:48 Quand notre relation est devenue plus étroite, je me lais de tout.
00:29:54 Avec le père qu'elle a et l'image de l'homme qu'elle a de la stature masculine, elle ne peut pas avoir près d'elle quelqu'un de transparent ou qui ne soit pas brillant ou qu'elle n'admire pas.
00:30:07 Marie-France avait besoin d'être protégée par quelqu'un qui, effectivement, relevait de l'imagerie du père, c'est-à-dire ne la mettait pas mal à l'aise comme aurait pu le faire un amant ordinaire.
00:30:23 Elle m'avait dit un jour au fond « tu es le premier homme avec lequel j'entre dans un endroit public sans me sentir gêné ».
00:30:30 Alors ça, ça correspondait peut-être effectivement au fait qu'elle voyait en moi l'image du père.
00:30:36 Et ce choix amoureux présente l'avantage d'avoir été approuvé par le clan Pisier, sa sœur Evelyne et sa mère Paula.
00:30:48 Paula a beaucoup d'admiration pour Keisman. C'est un grand intellectuel, partisan de la libération de la femme, de la libération de l'avortement.
00:30:57 C'était un homme qui allait protéger leur petit trésor qui était Marie-France.
00:31:02 Épanouie dans sa vie personnelle, la comédienne va également trouver, grâce à son rôle à la télé, ce que le cinéma d'auteur ne lui offrait pas.
00:31:13 « Les gens de Mogador », ça a été un succès extraordinaire, une très grande joie, mais on ne savait pas que ça aurait ce retentissement.
00:31:19 C'est la série qui l'a rendue célèbre et qui en a fait une star.
00:31:24 C'était une série magnifique et je comprends qu'elle soit devenue… qu'on l'ait connue à travers « Les gens de Mogador »
00:31:30 beaucoup plus qu'à travers les films même de Truffaut.
00:31:33 « Que ferez-vous plus tard ? »
00:31:36 Je veux vivre libre. Je me ferai aventurière. Ou bien actrice.
00:31:43 Si Marie-France Pizier est désormais une star du petit écran, elle aimerait également le devenir au cinéma.
00:31:52 Quelques années plus tard, elle va tourner dans des films d'un nouveau genre, notamment « Souvenirs d'enfrance » d'André Téchinet et « Cousin-cousine » de Jean-Charles Takella.
00:32:00 Deux films, deux rôles, qui lui permettent d'être doublement nommés au César dans la catégorie « Meilleur second rôle féminin ».
00:32:08 Le 3 avril 1976, pour cette première cérémonie des Césars, tous les grands noms du cinéma français sont là.
00:32:17 Comme il se doit, je déclare la cérémonie ouverte. Voilà.
00:32:28 Ça nous rappelle les Oscars. On se demande pourquoi on ne l'a pas fait avant. C'est l'Amérique à Paris, tout à coup, pour les acteurs français.
00:32:36 Dans la salle ce soir-là, Marie-France Pizier apparaît tendue, consciente d'être dans une situation inédite.
00:32:43 « Marie-France Pizier pour Cousin-cousine et Souvenirs d'enfance. »
00:32:47 C'est improbable de nomination au premier César pour une seule actrice. C'est énorme.
00:32:56 « Et maintenant, le suspens. Marie-France Pizier, Souvenirs d'enfance. Marie-France Pizier ! »
00:33:07 Elle y va, toute modeste avec sa robe, toute fragile, toute sainte.
00:33:19 Je suis bêtement très très émue. Je voulais vous dire que de toute façon, je me disais que si je n'avais pas eu le César, je ne serais pas passée inaperçue dans cette tenue. C'était déjà ça.
00:33:29 Marie-France est très brève. Elle n'a rien préparé, mais bon, elle réagit avec naturel.
00:33:38 Elle est absolument enchantée d'avoir ce César. Elle est vraiment très très épanouie parce que c'est une preuve d'amour.
00:33:47 C'est-à-dire que les gens qui l'ont choisi l'aiment.
00:33:49 Être reconnue par ses pairs, ce n'est pas rien. Et que oui, évidemment, ça a dû être réparateur.
00:33:56 Mais la satisfaction d'être reconnue par la profession est teintée d'amertume.
00:34:02 Le César de second rôle, c'est à la fois un succès et humiliant.
00:34:09 On est heureuse de cette popularité, du fait qu'on reconnaît ses mérites. En même temps, c'est le César du second rôle.
00:34:17 Sans aucun doute, le César du premier rôle dans un autre film lui aurait été plus agréable.
00:34:22 Ce César du second rôle, Marie-France Pizier vient de l'obtenir pour Souvenir dans France d'André Téchinet,
00:34:29 un réalisateur avec qui elle a déjà tourné trois films, sans obtenir de premier rôle.
00:34:35 Elle était persuadée qu'André était un des grands réalisateurs de demain.
00:34:40 On peut dire qu'elle a été vraiment une des premières personnes à reconnaître le génie d'André.
00:34:44 C'était son petit frère au départ et elle lui a donné un coup de pouce terrible dans le métier.
00:34:50 Elle a accompagné l'essor de sa carrière comme cinéaste, oui.
00:34:55 Actrice depuis près de 15 ans, Marie-France Pizier attend toujours le premier rôle qui la consacrera.
00:35:02 Et c'est justement André Téchinet qui va le lui proposer, mais il va falloir le partager.
00:35:08 On a une brochette fantastique, donc Marie-France Pizier, Isabelle Adjani et Isabelle Huppert.
00:35:22 Trois femmes, trois têtes d'affiches pour jouer, les sœurs Bronté et une question pour chacune, comment se faire remarquer ?
00:35:30 La seule idée de ce voyage me fait trembler de la tête aux pieds.
00:35:33 J'ai peur pour Branouel. Si tout cela vient à ses oreilles, cela l'achèvera.
00:35:38 Il n'y a aucune chance. Les oreilles de Branouel sont fermées depuis longtemps à ce qu'il vienne de l'extérieur.
00:35:45 Il dort toute la journée.
00:35:48 Peut-être fait-il semblant.
00:35:53 Physiquement, André Téchinet voulait que les filles ne soient pas spécialement de toute beauté, alors qu'elles étaient belles toutes les trois,
00:36:00 pour recréer l'atmosphère de ces femmes austères, filles de pasteur, très croyantes, qui ne se maquillaient pas.
00:36:07 Cela n'a pas dû être très facile pour Marie-France, disons, de consentir, en essence, à s'en lair dire.
00:36:15 Une actrice belle jouant un rôle où il faut ne pas être sur la séduction, c'est un défi.
00:36:22 Marie-France a fait ce défi, loyalement.
00:36:25 Alors c'est trop tard. Il sait déjà tout.
00:36:32 Simplement, je me demande si ce voyage à Londres est vraiment nécessaire.
00:36:36 André Téchinet avait demandé qu'elles ne se maquillent pas. Isabelle Adjani se maquillait en douce.
00:36:42 Il y avait une compétition entre les trois, qui n'avaient pas le même âge. Et puis, il y a les personnalités des trois.
00:36:50 C'est Isabelle Huppert et Isabelle Adjani qui ont pris le pouvoir. En tout cas, pas Marie-France.
00:36:54 Au fil des semaines, Marie-France Pizier se sent de plus en plus isolée.
00:37:01 Il se trouve qu'Isabelle Huppert, à l'époque, vivait avec le producteur du film. Isabelle Adjani vivait avec Bruno Luthen, le chef opérateur.
00:37:15 Tout ça fait qu'il y avait des liens entre ces deux actrices et la production.
00:37:19 Marie-France, du coup, s'est sentie un petit peu à part.
00:37:22 D'autant qu'André Téchinet, le réalisateur qui la suit depuis plusieurs années, se montre très occupé par la direction d'un jeune acteur.
00:37:32 Il s'est trouvé qu'il m'a choisi. Alors, j'étais totalement...
00:37:36 Je me suis dit, "C'est un acteur qui m'a choisi."
00:37:39 Et puis, il m'a dit, "C'est un acteur qui m'a choisi."
00:37:43 Et puis, il m'a dit, "C'est un acteur qui m'a choisi."
00:37:48 Téchinet a peut-être tendance à abandonner les filles pour ce jeune homme.
00:37:54 Donc, ça a dû créer des tensions, beaucoup de tensions.
00:37:58 Comme elle avait souvent travaillé avec lui, je pense qu'elle a dû se sentir désaimée.
00:38:10 Elle a souffert terriblement sur le tournage, Marie-France.
00:38:13 Sa mère, qui était là, qui la protégeait dans un sens, mais elle n'était pas protégée par sa mère comme les autres étaient protégées par leur homme.
00:38:20 Ça a été vraiment pour elle presque un calvaire, un calvaire de solitude.
00:38:25 Deux mois plus tard, les comédiennes se retrouvent à Paris pour une séance photo.
00:38:38 Le film qui s'annonce est un événement.
00:38:40 Un grand hebdomadaire veut y consacrer sa une.
00:38:43 À 10 heures tapante, ça sonne et c'est Marie-France Pizier qui arrive, la première, vraiment formidable.
00:38:52 Isabelle Huppert est arrivée, je crois, un quart d'heure après.
00:38:57 Elles se sont installées, elles ont bavardé dans la cabine de maquillage.
00:39:02 Et puis, Isabelle Adjani est arrivée avec une heure et demie de retard pour marquer la différence.
00:39:11 Et en plus, quand elle est arrivée, elle a voulu aller dans un autre coin pour ne pas être sur la même table que les deux autres filles.
00:39:20 Bonjour l'ambiance.
00:39:25 Je me suis dit, il va falloir que je compose, j'essaye de calmer tout ce petit monde.
00:39:32 Les trois comédiennes prennent alors la pause devant l'objectif.
00:39:36 Et la séance peut enfin commencer.
00:39:39 À chaque fois, Adjani sortait du cadre de mon appareil de photo.
00:39:46 À chaque fois, je lui disais, Isabelle, remets-toi avec les autres, autrement, j'y arrive pas.
00:39:54 C'était pas facile du tout, du tout.
00:39:58 Dans leur regard, on sent pas l'amour, on sent pas la camaraderie, on sent pas la générosité.
00:40:09 Et c'était une bataille de personnalités, d'égo, qui serait la plus vedette star que l'autre.
00:40:22 Une bataille de personnalités et d'égo, résumée dans le titre à la une du magazine.
00:40:27 Les Sœurs Rivales, pourquoi pas, parce qu'ils ne se dégageaient rien d'amical ou de fraternel.
00:40:41 C'est un titre rêvé parce que Les Sœurs Rivales, ça englobe évidemment le sujet du film, mais je pense sincèrement que les gens avaient envie que ça se passe mal.
00:40:51 Il y avait une sorte d'attente un peu malsaine, un peu voyeuse, je dirais, parce que c'était la confrontation de figures essentielles du cinéma à cette époque-là.
00:41:03 On prépare ce film comme le chef d'œuvre de l'année du cinéma français.
00:41:08 Divin Canne, c'est vraiment le film de l'année.
00:41:11 En mai 1979, ce film événement au casting de rêve est évidemment très attendu sur la croisette.
00:41:19 En projection de presse, le film avait été sifflé.
00:41:23 Les gens se sont mépris sur la qualité du film. On s'attendait à du flamboiement, à beaucoup de cris, de larmes, opéra, un peu style opéra, or pas du tout.
00:41:33 L'équipe doit maintenant défendre le film lors d'une conférence de presse qui s'annonce tendue.
00:41:43 Nous étions évidemment tous invités. Isabelle Adjani et Isabelle Huppert ne sont pas venus. Et donc qui s'est collé ? C'est André Téchiné, Marie-France et moi.
00:41:52 Marie-France dit, il va falloir serrer les rangs. Elle a été très comme un petit soldat à défendre le film sans aucun état d'âme.
00:42:01 Marie-France part à l'assaut effectivement et elle défend le film d'André, bec et rong.
00:42:07 André était en état de fragilité puisque le film était mal reçu et qu'elle se soit levée pour prendre sa défense, ça correspond complètement à Marie-France.
00:42:14 Elle a fait dans le fond le boulot que André ne sentait pas pouvoir faire. Donc c'est une grande preuve d'amitié ça.
00:42:22 Et puis à la fois c'était lourd sur ses épaules parce que c'est elle qui se prenait toutes les critiques en pleine gueule.
00:42:34 C'est probablement aussi une déclaration d'amour à André Téchiné. C'est lui dire que quoi qu'il se passe, je suis là.
00:42:39 Quoi qu'il se passe, j'ai le souvenir de ce qu'on a vécu et c'est quand tu veux.
00:42:43 Pourtant, après cet échec, le réalisateur va lui préférer une autre actrice.
00:42:50 André a découvert Catherine Deneuve, elle est devenue son actrice fétiche et je pense que Marie-France en a été attristée mais que par orgueil, elle ne s'en est jamais pleine.
00:43:02 Je suis affreusement jalouse de Deneuve parce que Téchiné l'a abandonnée pour Deneuve.
00:43:06 Etre abandonnée pour quelqu'un d'autre, c'est insupportable.
00:43:11 Pendant des années, Marie-France Pizzi attendra un signe de son réalisateur fétiche mais elle ne tournera jamais plus sous sa direction.
00:43:21 Pourquoi il ne veut pas me prendre ? Mais qu'est-ce qu'il a ? Pourquoi il ne me prend pas dans ce film et puis ce film et puis ce film ?
00:43:31 Marie-France Pizzi aime énormément André.
00:43:34 Pour elle, c'était comme quelqu'un de sa famille.
00:43:37 Elle se sentait un peu abandonnée, trahie.
00:43:40 Les années où elle ne l'a pas vue et où elle n'a pas tourné avec lui ont été obligatoirement des années de tristesse.
00:43:47 Il y a eu symboliquement une rupture, comme si la famille s'est éclatée et partait.
00:44:00 Au moment de la sortie des Sœurs Bronté, Marie-France Pizzi est désormais séparée de l'avocat Georges Kegeman.
00:44:05 Quelques semaines après la projection du film au Festival de Cannes, la comédienne part tourner une série télévisée, Scrupule, aux États-Unis.
00:44:12 Et lorsqu'elle rentre en France, c'est sa vie personnelle qui va connaître cette fois un vrai bouleversement.
00:44:18 En 1980, Marie-France Pizzi adresse une invitation à un homme qu'elle n'a jamais rencontré.
00:44:27 Elle a reçu par la poste une petite lettre, avec un mot écrit de la main de Marie-France, qui disait ceci.
00:44:36 « Ni vous, ni moi n'aimons ces procédés, mais si ce n'était pas le cas, vous viendriez à mon invitation, tel jour, telle heure, chez moi, à Paris, pour une fête. »
00:44:48 Signé Marie-France Pizzi.
00:44:53 J'avais vu quelques films avec Marie-France, mais pas plus. C'était un peu étonnant, mais excitant par certains côtés.
00:45:00 C'est en fait Evelyne qui est à l'origine de cette rencontre, organisée entre sa sœur et cet homme d'affaires.
00:45:06 Il venait d'une famille de grands bourgeois, élégants, un peu de gauche, beau mec, donc c'était vraiment les deux beaux parties sympas à l'époque.
00:45:20 Thierry présentait plusieurs avantages pour Evelyne. Il était à l'abri du besoin, ce qui n'est pas négligeable. Il était intelligent, et tonique, dynamique, chef d'entreprise.
00:45:34 Je débarque dans une ambiance chaude, sympathique, beaucoup de monde.
00:45:42 Mais pendant la soirée, Marie-France Pizzi ne lui montre que peu d'intérêt.
00:45:49 Il commençait à faire tard, et sur le coup de 3h du matin, 3h30, tout d'un coup, surprise, Marie-France, très tranquillement, bisous bisous, s'en va, quitte son appartement, pour aller, évidemment, je suppose, tout de suite, et c'était le cas, rejoindre un amant.
00:46:14 C'était une situation que je n'avais jamais connue et singulière.
00:46:18 Marie-France était très provocatrice. Tu tiens à moi, alors si tu tiens à moi, tu vas aimer une femme libre, en fait. Donc, on va voir.
00:46:26 Elle se tire, au bout d'un moment, pour qu'il la cherche, quoi, qu'il la désire.
00:46:33 Elle a fait le choix de ne pas être une femme libre, et elle a fait le choix de ne pas être une femme libre.
00:46:41 Elle a fait le jeu qu'elle pensait devoir faire pour qu'il soit vraiment fou d'un d'elle.
00:46:47 Quand elle voulait un homme, elle était capable de tout pour l'avoir.
00:46:51 C'est un jeu, quelque part. En l'occurrence, il a fini par devenir tout à fait sérieux.
00:46:56 Car quelques semaines plus tard, Marie-France Pizzi demande à ce prétendant de s'installer chez elle.
00:47:04 Il est rassurant, il est protecteur, il est drôle. Elle a trouvé son refuge et elle a trouvé son socle.
00:47:11 Elle m'a raconté une chose très jolie. Elle m'a dit, il y a un truc qui ne devrait jamais marcher et qui a marché pour moi.
00:47:18 C'est-à-dire que ma sœur était persuadée que j'allais aimer quelqu'un et maintenant, je l'aime vraiment. Et voilà, ça va être l'homme de ma vie.
00:47:29 Un nouvel homme qui ne ressemble pas vraiment à ceux qui ont partagé la vie de la comédienne jusqu'alors.
00:47:34 Le gauche caviar, Marie-France aimait le luxe, elle aimait tout ce que l'argent peut donner dans la vie d'agréable.
00:47:46 Elle avait besoin d'un homme, un homme au quotidien, avoir un couple solide et avoir des enfants.
00:47:55 Mais avant de devenir mère de famille, la comédienne portée par ce nouvel équilibre personnel rêve de relancer sa carrière au cinéma.
00:48:03 Elle avait envie de faire un film qui très probablement aurait un succès populaire.
00:48:13 Quand elle reçoit la proposition d'un premier rôle féminin, elle va immédiatement saisir l'opportunité.
00:48:21 Quand on vous annonce "Voilà Marie-France, tu vas tourner sur un gros film, une grosse production de Gérard Houry", quand on vous annonce ça, c'est fantastique.
00:48:28 Parce que quand on travaille avec un Gérard Houry, on sait qu'on fait un carton.
00:48:32 Il y a le réalisateur Gérard Houry, un genre nouveau à explorer et également un partenaire prestigieux.
00:48:39 Elle a accepté le rôle parce que c'était Belmondo.
00:48:47 Elle a bondi sur quelque chose d'original où on ne l'attendait pas.
00:48:51 Ça l'a justement beaucoup amusé, comme très souvent les acteurs qui sont classés dans une catégorie particulière, ils adorent en sortir et ils adorent faire autre chose.
00:49:01 Quand vous tournez avec Jean-Paul, ça fait du bruit autour, que ce soit la presse, que ce soit les autres acteurs, les actrices.
00:49:10 Seulement, à l'approche du tournage, l'angoisse monte chez la comédienne.
00:49:16 Elle s'est dit "Mais après tout, est-ce que je suis capable de faire rire ? Est-ce que j'ai envie de voir si je peux faire ça ?"
00:49:23 Elle débarquait fraîchement dans un cinéma qu'elle ne connaissait pas forcément.
00:49:26 Jouer en face de Jean-Paul, jouer un personnage à la fois très léger avec des scènes carrément de gags, ce sont des choses qu'on ne lui avait jamais demandé de faire.
00:49:35 "Prenez un bus sur les cordes et hop tout le corps dehors !"
00:49:38 "Je suis désolé."
00:49:44 "Et vous ne l'avez même pas fait exprès."
00:49:46 "Oui, si, enfin non, je suis bien."
00:49:48 Sur le plateau, face à Jean-Paul Belmondo, Marie-France Pizier est mise à l'épreuve.
00:49:56 "Belmondo l'appelant la star de la cinémathèque ou Marie-France Pizier."
00:50:01 "Ca c'est l'humour de Jean-Paul et l'humour de Jean-Paul il est aussi très irrésistible."
00:50:07 "Je m'en fous, c'est un peu marrant, Jean-Paul est un homme à femme, il est bien quand il sent que la personne risque de perdre un peu l'équilibre."
00:50:16 "Je lève mon verre aux délégations étrangères qui ont refusé de se rendre aux Jeux Olympiques de Berlin."
00:50:34 "Jean-Paul, j'aimerais que nous buvions à ces athlètes courageux qui, eux, n'auront pas à défiler la semaine prochaine devant le chancelier Hitler en faisant le salut nazi."
00:50:46 "C'est pas bien entendu, c'est toi qui as parlé ?"
00:50:51 "Quoi ? Rien du tout, j'ai rien dit moi."
00:50:54 La comédienne trouvera finalement le ton juste tout en ayant conscience de n'être qu'un faire-valoir.
00:51:03 "Place des As", le titre du film veut bien dire ce qu'il veut dire, il est monté sur Belmondo.
00:51:09 "Elle était reléguée un petit peu au second plan dans ce film puisque de toute façon l'histoire n'était pas une histoire d'amour entre Jean-Paul Belmondo et Marie-France Pizier, et Marie-France Pizier n'est là que pour le rebondissement de l'histoire une fois de temps en temps."
00:51:20 Celui qui va devenir la vedette inattendue de ce long métrage, c'est un enfant de 10 ans que Jean-Paul Belmondo va prendre sous son aile.
00:51:30 "Elle a dû quelque part à un moment ressentir cette complicité entre Jean-Paul et moi et ça a dû être très difficile pour elle de s'immiscer au milieu de ça."
00:51:39 "Il y a eu une vraie protection de la part de Jean-Paul à mon égard. J'étais tout le temps derrière lui, j'étais tout le temps avec lui, puis j'avais 10 ans il m'a fait conduire sa voiture en pleine montagne, donc voilà, c'est sûr que j'étais son pote et puis il m'apprenait à boxer."
00:51:59 "Non seulement ça volait un petit peu la vedette et ça en devenait un peu flagrant pendant le tournage déjà, et puis surtout je volais un peu la complicité parce que j'étais devenu le pote de Jean-Paul."
00:52:12 Après la déception liée au tournage, Marie-France Pizier vivra mal la sortie du film en découvrant un détail qui a son importance.
00:52:22 "L'affiche de Las Desas est complètement explicite parce qu'on voit Belmondo avec une position de boxeur."
00:52:28 "Bébel étant énorme, elle étant tout petite, le choc était brutal et donc elle l'a mal vécu."
00:52:34 "Je peux comprendre qu'elle ait pu être déçue à un moment. Je vois encore aujourd'hui, 30 ans plus tard, on me dit toujours Las Desas avec Belmondo, mais on ne m'a jamais dit avec Marie-France Pizier."
00:52:49 "Elle a peut-être gardé un goût amer parce que le fait de décider sciemment de passer un cinéma populaire, elle s'attendait peut-être à d'autres retombées."
00:52:56 "Et je ne pense pas que les retombées qu'elle ait eues après ce film soient celles qu'elle aurait espérées."
00:53:04 Le film Las Desas sera l'un des plus gros succès de Jean-Paul Belmondo avec 5,5 millions d'entrées.
00:53:14 Mais Marie-France Pizier ne connaîtra pas le rebond qu'elle attendait en tournant cette comédie.
00:53:19 Elle a le sentiment de ne pas avoir réalisé le parcours prometteur qui s'annonçait à ses débuts et dans les années 70.
00:53:25 Isabelle Adjani, Isabelle Huppert ou encore Catherine Deneuve, elles sont devenues des stars, pas Marie-France.
00:53:31 Il est donc peut-être temps de s'accomplir autrement, dans un nouveau rôle. Nous sommes alors en 1983.
00:53:39 "C'est un film qui a été réalisé par une famille de jeunes femmes qui avait envie d'avoir des enfants."
00:53:45 "Elle avait envie d'avoir des enfants et il fallait qu'elle ait des enfants."
00:53:50 "Comme beaucoup d'enfants qui ont eu une enfance chaotique, difficile, qui ont vécu un divorce des parents, mal vécu, il y a un truc...
00:54:01 Moi je réussirai quoi, les miens ils souffriront pas."
00:54:04 "Ca a été vraiment le miracle de sa vie aussi, qui a vraiment comblé aussi le fait que sa carrière n'était pas ce qu'elle en attendait."
00:54:13 "Pour être une bonne mère, elle pense à juste titre qu'on doit se débarrasser de toutes les scories qu'on vous a collées sur le dos."
00:54:25 "C'est une chose qui me semble assez naturelle quand on crée une famille et tout ça, de faire la paix avec son passé."
00:54:33 Régler les comptes avec son passé, voilà la raison qui va pousser Marie-France Pizier à écrire un roman autobiographique, inspiré par ses premières années en Nouvelle-Calédonie.
00:54:44 "Elle va jeter sur le papier tout ce qu'elle en compte pour faire de la place à son enfant et à sa famille."
00:54:50 "Ce livre c'était une façon de mettre sa petite enfance loin, pour exorciser."
00:55:01 "Elle a gardé de cette enfance quelque chose d'enchanteur et de blessé."
00:55:06 "On ne guérit pas de son enfance, donc elle a envie de la reconstituer."
00:55:10 "Elle va aller jusqu'au bout, que rien n'existe, elle est sur ça, elle est vraiment, je m'enferme, j'écris."
00:55:15 "Elle est en couveuse, elle est dans son livre, elle ne fait que ça jusqu'à ce que ça sorte."
00:55:20 La comédienne dédiera son livre "Le bal du gouverneur" à son fils Mathieu, né prématurément le 22 mars 1984.
00:55:30 Et cette naissance va lui donner l'occasion de reprendre contact avec son père.
00:55:35 "Rendez-vous était pris pour venir voir son petit-fils."
00:55:40 "Et entre-temps, avant ce rendez-vous, Georges Pizier a lu "Le bal du gouverneur" et n'a pas apprécié."
00:55:51 "De ce que probablement il a considéré comme un étalage de sa vie privée par sa fille."
00:55:59 "Il n'aimera pas le portrait que Marie-France fait de lui et ça va entraîner des choses absolument violentes."
00:56:07 Furieux, Georges Pizier annulera les retrouvailles avec sa fille.
00:56:11 Et trois mois plus tard, il exprimera cette colère dans une lettre adressée à sa compagne.
00:56:17 "Chère Mé, le livre de Marie-France m'a beaucoup irrité. C'est très mauvais et méchant."
00:56:25 "Mais elle a en poupe toute l'intelligentsia de gauche qui porte au nu un livre minable."
00:56:31 "Je me suis brouillé avec elle définitivement. Tu vois, comme toi, je n'ai plus de fille."
00:56:37 "Marie-France aurait dû lui parler en disant j'ai écrit un livre, on va parler maintenant papa."
00:56:44 "Elle n'a pas pu le faire, elle avait son enfant, elle était occupée, je ne sais pas, elle ne l'a pas fait en tout cas."
00:56:50 "Et ça l'a poursuivi en fait jusqu'à la fin de ses vies après."
00:56:55 D'autant que le 13 mars 1986, à l'âge de 76 ans, son père se donne la mort avec une arme à feu.
00:57:06 "Ce geste du père qui se suicide a traumatisé évidemment Marie-France."
00:57:11 "Qui a compris à ce moment là que rien n'était résolu parce qu'elle avait raconté son enfance."
00:57:18 En fait, rien ne sera jamais résolu. Car deux ans plus tard, au retour d'un long week-end de Pentecôte,
00:57:26 Marie-France Pizier se rend au domicile de sa mère qui ne répond pas à ses appels.
00:57:31 "Elle a vu que le rideau bougeait à travers la fenêtre."
00:57:39 Inquiète, la comédienne demande alors à son frère et à sa soeur de la rejoindre.
00:57:45 "Ils ont ouvert la porte tous les trois."
00:57:47 "Ils ont découvert leur mère décédée en même temps."
00:57:52 "Elle s'est laissée, entre guillemets, retrouvée dans un état effroyable."
00:57:59 "Effroyable."
00:58:00 "Elle m'a appelée en hurlant."
00:58:06 "Et là c'était très émouvant parce que je me suis dit,
00:58:11 c'est pas possible, c'est pas possible."
00:58:15 À 64 ans, Paula Pizier, militante du droit à mourir dans la dignité,
00:58:22 a mis fin à ses jours en s'empoisonnant.
00:58:24 "Elle avait été opérée d'un cancer du sein."
00:58:29 "Cette mutilation, disons, a été très grave."
00:58:35 "Elle a été enceinte."
00:58:37 "C'est un cancer du sein. Cette mutilation, disons, a été terrible pour elle."
00:58:43 "Elle voulait rester la femme belle qu'elle avait été."
00:58:46 "Il savait qu'elle allait le faire, un jour ou l'autre,
00:58:52 mais pas avant une dizaine d'années au moins."
00:58:54 "Paula avait préparé sa mort et disait,
00:58:57 je me tuerai quand il sera temps, dans la dignité."
00:59:01 Les deux parents étant séparés, commettent le même acte.
00:59:05 C'est comme si on appuyait une deuxième fois sur la tête qui sort de l'eau.
00:59:10 Le suicide de son père, elle ne l'avait pas vu.
00:59:15 Donc ça restait quelque chose d'abstrait.
00:59:18 Tandis que là, sa mère, elle a été enceinte.
00:59:22 "C'est un cancer du sein."
00:59:24 "C'est un cancer du sein."
00:59:26 "C'est un cancer du sein."
00:59:28 Tandis que là, sa mère, elle l'a eu devant les yeux.
00:59:33 Et ça, ça a été vraiment... ça l'a tué, quoi.
00:59:36 "Ces deux suicides l'ont révolté et en même temps perturbé Advita Medernam."
00:59:42 Comme à son habitude, Marie-France Pizier garde le masque.
00:59:47 Mais ses cauchemars reviennent la honter
00:59:52 et seule une amie très proche va entendre sa douleur.
00:59:57 Chaque fois qu'il y avait un drame ou une chose difficile
01:00:00 qu'elle ne pouvait dire à personne, elle venait.
01:00:02 Elle lâchait son manteau, ses affaires,
01:00:05 et elle ouvrait la porte, paf, dans mon lit.
01:00:08 Et donc je venais, je disais, "Bon, qu'est-ce qu'il y a à raconter ?"
01:00:11 Et on en parlait.
01:00:12 On a parlé très, très souvent du suicide.
01:00:18 Elle était horrifiée
01:00:23 qu'un père ou une mère puisse se suicider
01:00:28 sans avoir donné plus d'explications.
01:00:31 Quand il y a le père et la mère, on se dit,
01:00:33 il y a tout de même un problème dans cette famille.
01:00:36 Est-ce que c'est moi la responsable ?
01:00:38 Elle disait, "J'ai rien compris à ma vie.
01:00:44 "J'ai jamais pu décider les choses moi-même.
01:00:46 "Je suis en retard."
01:00:48 Elle me disait, "Je suis en retard de tout.
01:00:50 "J'ai jamais réfléchi depuis.
01:00:52 "J'aurais dû revenir en arrière, réfléchir.
01:00:54 "Je suis pas en place, je suis pas dans ma place.
01:00:57 "J'y comprends rien, ça m'attaque la nuit."
01:01:00 Et quand elle parle de fantômes, elle avait ses fantômes.
01:01:05 Et moi, je lui parlais...
01:01:07 Enfin, je lui répondais comme je pouvais,
01:01:09 mais c'était aussi à elle de faire son travail.
01:01:12 C'est pour tenter d'exorciser les fantômes du passé
01:01:16 que Marie-France Pizier va adapter son livre autobiographique
01:01:19 "Le bal du gouverneur" au cinéma.
01:01:21 Pour la première fois,
01:01:25 elle retourne sur les lieux de son enfance, en Nouvelle-Calédonie.
01:01:28 On ne peut pas régler les problèmes en écrivant des livres
01:01:31 ou en faisant des films sur ce qui vous est arrivé.
01:01:34 C'est-à-dire qu'il faut avoir assez de recul
01:01:37 et avoir assez de travail sur soi pour pouvoir le faire
01:01:40 et mettre du coup une autre dimension.
01:01:42 Tout ça, c'était des armes qui se retournaient contre elle.
01:01:46 Ce voyage et ce tournage lui permettent toutefois
01:01:49 de porter un nouveau regard sur sa jeunesse et sur son père.
01:01:53 Elle me disait "mais j'en veux plus du tout à mon père.
01:01:59 Je n'en veux plus du tout à mon père
01:02:01 parce que, en fait, je n'ai rien su de lui et je le regrette."
01:02:05 Parce qu'il avait aussi certainement des choses à dire,
01:02:08 mais il y a eu une telle agressivité,
01:02:11 agression contre lui, qu'en fait, il ne s'est plus montré.
01:02:15 Elle était passée tellement à travers
01:02:18 le mental de sa mère et de sa sœur
01:02:22 qu'elle ne savait plus ce qu'elle pensait elle-même.
01:02:25 Les suicides de ses parents resteront à jamais
01:02:32 des énigmes pour la comédienne.
01:02:34 Il y a chez elle ses blessures vives, des remords, des regrets
01:02:38 et un fort sentiment de culpabilité
01:02:40 que la psychanalyse et l'écriture lui permettent de faire.
01:02:43 La psychanalyse et l'écriture ne peuvent suffire à apaiser.
01:02:47 Il faut aussi faire face au temps qui passe.
01:02:50 Marie-France Pizier entre dans la cinquantaine.
01:02:52 Un âge que l'on dit souvent "charnière" pour une actrice.
01:02:55 Et le mot "charnière" devient parfois un euphémisme
01:02:58 pour définir un vrai moment de doute.
01:03:00 L'âge venant, il y avait moins de rôle pour elle.
01:03:09 Elle a vécu la crise de l'actrice qui vieillit.
01:03:12 C'est un monde terrible.
01:03:14 C'est un monde de l'image, c'est un monde du paraître.
01:03:17 C'est un monde assez féroce.
01:03:19 Le cinéma n'était plus très présent dans sa vie.
01:03:25 Les enfants grandissent et les enfants vont partir.
01:03:30 C'était un moment un peu lourd, un peu fragile.
01:03:32 Elle prenait conscience du vieillissement
01:03:34 et là elle n'était plus heureuse.
01:03:38 En 1995, c'est le théâtre qui offre à Marie-France Pizier
01:03:43 un rôle que le cinéma ne lui donne plus.
01:03:45 Cher comte, cher Toussaint,
01:03:49 adieu lumière, courage !
01:03:51 En acceptant de monter sur les planches
01:03:53 pour la deuxième fois de sa vie,
01:03:55 la comédienne va peu à peu sortir d'une impasse professionnelle.
01:03:58 C'est une révélation pour elle, le théâtre.
01:04:01 Elle s'éclate.
01:04:03 Mais alors elle avait une présence en scène,
01:04:05 mais prodigieuse.
01:04:07 Elle avait cette intelligence d'être toujours en ébullition.
01:04:10 Elle avait tellement de talent et de corde à son arc.
01:04:13 Elle a écrit, elle a fait du théâtre.
01:04:15 Si le cinéma, on l'a demandé moins, elle a fait d'autres choses.
01:04:18 Alors qu'elle vit une renaissance à travers cette pièce,
01:04:21 Marie-France Pizier va être frappée par une nouvelle épreuve.
01:04:25 Elle m'a annoncé un jour dans sa loge qu'elle avait un cancer.
01:04:30 Mais elle me l'a annoncé avec une simplicité
01:04:33 et une légèreté qui m'avaient surprise.
01:04:38 Ça n'a jamais été vécu de façon dramatique.
01:04:40 "Foutaise, foutaise", comme elle disait très souvent.
01:04:43 Une broutille de santé, parce qu'elle n'aimait pas du tout
01:04:46 s'apesantir sur ses problèmes.
01:04:48 Marie-France va avoir un cancer du sein comme sa maman.
01:04:54 Et évidemment, ça fait des schémas de répétition.
01:04:58 Il y avait une espèce de malédiction,
01:05:00 comme si elle était sur un tapis roulant
01:05:02 et qu'on l'a menée sur le chemin de sa mère.
01:05:05 Elle est atteinte dans sa chair profondément
01:05:07 parce que c'est une maladie d'une violence inouïe.
01:05:10 Malgré la douleur, Marie-France Pizier
01:05:12 trouvera la force de jouer la piège chaque soir,
01:05:15 jusqu'au dernier jour de son contrat.
01:05:17 Elle souffrait, elle était très fatiguée.
01:05:21 Elle l'a effectivement tenue jusqu'à la dernière minute.
01:05:23 On a dû jouer le 31 décembre
01:05:25 et puis après, elle est partie pour se faire opérer.
01:05:28 Seuls quelques amis intimes sont autorisés
01:05:30 à lui rendre visite à l'hôpital.
01:05:32 C'était une toute petite chose fragile,
01:05:36 comme ça, dans le lit, ravissante et blessée.
01:05:40 J'ai eu très peur qu'elle meure.
01:05:49 Et je me disais, c'est pas possible,
01:05:51 elle ne l'a pas méritée.
01:05:53 Il faut qu'elle sorte de cette merde familiale,
01:05:56 absolument, pour se retrouver.
01:05:59 Marie-France est élégante avec sa maladie,
01:06:03 c'est-à-dire qu'elle n'en encombre pas les autres.
01:06:05 Et puis surtout, voilà quoi, on en veut.
01:06:09 D'abord, on a un cancer, on se bat, on va guérir.
01:06:11 Il n'est pas question d'en mourir.
01:06:13 Donc, pareil, c'est dans le combat, voilà.
01:06:16 C'est une épreuve de la vie,
01:06:19 mais bon, elle en a surmonté d'autres.
01:06:21 Et puis, elle a fait un travail,
01:06:23 elle a fait un travail de la vie.
01:06:25 C'est une épreuve de la vie, mais bon,
01:06:27 elle en a surmonté d'autres, elle va surmonter celle-là.
01:06:30 Elle surmontera cette épreuve personnelle,
01:06:33 sans toutefois parvenir à évacuer les souvenirs douloureux
01:06:37 liés au suicide de sa mère.
01:06:39 Il faut que tu essuies à l'endroit où tu vois l'objectif de la caméra.
01:06:42 Cinq ans plus tard,
01:06:44 elle va une nouvelle fois tenter d'apaiser ses souffrances
01:06:46 en réalisant un film.
01:06:48 Elle m'a soumis ce scénario
01:06:52 qui s'est appelé "Comme un avion",
01:06:55 sans me dire qu'il était autobiographique,
01:06:58 enfin, qu'il parlait de sa mère, quoi.
01:07:01 Et j'ai commis un impaire, comme ça m'arrive, enfin...
01:07:04 Je lui ai dit "Mais la femme que tu décris est monstrueuse."
01:07:07 Et des larmes se sont mises à couler immédiatement de ses yeux.
01:07:10 C'est l'histoire d'une femme qui est mère de famille,
01:07:16 qui a deux enfants, qui a un cancer
01:07:18 et qui va décider de se suicider.
01:07:20 Un rôle qu'elle a choisi d'interpréter elle-même,
01:07:23 le rôle de sa mère.
01:07:26 On ressent parfaitement la charge émotionnelle qu'il y a
01:07:33 à être devant la caméra, derrière, diriger les gens,
01:07:35 en parlant de sa vraie histoire et de ses blessures.
01:07:38 La pensée que la douleur s'atténuerait
01:07:41 si elle faisait de la réalité une œuvre de fiction
01:07:44 plus ou moins éloignée.
01:07:46 Non, mais on ne bouge pas,
01:07:48 je vais faire 2-3 trucs,
01:07:50 de la franchise dont je pourrai avoir besoin,
01:07:52 comme ça, et comme ça, un 3-20.
01:07:55 Aujourd'hui, la comédienne doit trouver la force
01:08:01 de jouer une scène particulièrement éprouvante,
01:08:04 le suicide de son personnage.
01:08:07 Il y a cette fameuse scène qui nous oppresse un peu tous,
01:08:11 la scène sous la douche.
01:08:13 Il y avait un calme, un silence dans cet appartement.
01:08:16 C'était assez pesant, parce que c'était une scène pesante et difficile.
01:08:19 Il s'est installé une espèce de tension encore plus impressionnante
01:08:23 qu'on pouvait l'imaginer.
01:08:25 Cette vide de douche est toute embuée,
01:08:35 on voit son visage, elle est tourmentée,
01:08:38 on sent qu'elle va pleurer ou qu'elle pleure.
01:08:40 Ce film, c'est une façon d'arriver à comprendre sa mère
01:08:43 et à ne plus lui en vouloir,
01:08:45 et donc à être sereine avec elle-même.
01:08:47 C'était pour elle comme l'aboutissement d'un deuil
01:08:51 qui se construit petit à petit.
01:08:53 À l'occasion de la promotion de ce film,
01:08:56 Marie-France Pizier va pour la première fois évoquer
01:08:59 ses tourments personnels sur un plateau de télévision.
01:09:02 La question, je pense, qui vous obsède,
01:09:07 et auquel vous essayez peut-être de répondre dans ce film,
01:09:10 c'est de savoir qu'est-ce qui fait qu'à un moment,
01:09:12 on décide ce genre de geste,
01:09:14 et en plus, vous dites, ils ont voulu mourir debout.
01:09:17 Ce n'était pas un renoncement à la vie, quelque part.
01:09:20 On a le droit, quand on aime terriblement la vie,
01:09:24 à un moment, de décider que si elle décline,
01:09:26 si elle est moins bien,
01:09:28 on a le droit soi-même de choisir d'arrêter.
01:09:30 Le film que je construis, il est vu par les enfants,
01:09:33 donc c'est la souffrance imposée aux enfants
01:09:35 de ces décisions-là,
01:09:37 surtout quand c'est dans une atmosphère d'exaltation,
01:09:39 de gaieté, même de comédie, comme vous le disiez tout à l'heure.
01:09:42 Mais c'est quand même aussi le choc épouvantable,
01:09:45 parce que malheureusement, ce genre de mort-là,
01:09:47 on se dit qu'on en est un peu coupable.
01:09:49 Ce film vous a libérée ?
01:09:51 Ce film m'a fait du bien,
01:09:53 et il a surtout contribué à faire renaître
01:09:55 des tas de souvenirs très très heureux qui existaient précédemment,
01:09:57 avec cette chose-là occultée, un petit peu, oui.
01:09:59 Quatre ans plus tard,
01:10:04 Marie-France Pizier va à nouveau être confrontée à la maladie.
01:10:07 Tout commence par un coup de téléphone.
01:10:12 Elle va répondre.
01:10:14 Bon, ben, le temps qu'elle discute,
01:10:16 nous, on s'éloigne, on la laisse discuter.
01:10:19 Au bout du fil,
01:10:21 son cancérologue vient de recevoir les derniers résultats.
01:10:24 Elle raccroche, elle doit repasser sur le billard,
01:10:28 parce qu'il y a un récidive.
01:10:30 Il va falloir que j'y retourne,
01:10:32 j'ai des métastases,
01:10:34 j'ai rechuté.
01:10:40 Là, quand même,
01:10:42 grosse tension, gros chagrin,
01:10:44 un sentiment d'injustice, quelque part, je dirais.
01:10:46 Vraiment, merde, quoi.
01:10:48 Pourquoi ça recommence ?
01:10:50 Pourquoi ça... à moi ?
01:10:52 C'était assez émouvant, parce que...
01:10:54 on s'est pris dans les bras,
01:10:57 et puis elle m'a regardé, elle m'a dit,
01:10:59 mais de toute manière, on va se battre.
01:11:01 Cette fois, comme sa mère,
01:11:05 Marie-France Pizier doit se résoudre à une ablation du sein.
01:11:08 Suivie d'une deuxième opération.
01:11:10 Elle a une chirurgie de reconstruction.
01:11:16 C'était très important pour elle qu'on l'opère esthétiquement.
01:11:19 Et elle l'a supportée aussi, alors que c'était quand même une boucherie.
01:11:22 Sans faire peser sur qui que ce soit
01:11:24 le poids de sa souffrance ou de sa douleur.
01:11:26 Une épreuve qui laissera toutefois des séquelles psychologiques
01:11:31 chez la comédienne.
01:11:36 Elle était détachée sur la vie,
01:11:38 sur les hôtes, sur les événements.
01:11:41 Foncièrement, il y avait quelque chose de cassé en elle.
01:11:45 Elle avait une vraie dépression,
01:11:52 qui était quelque chose qui était là, latent,
01:11:55 depuis très très longtemps,
01:11:57 et dont elle n'arrivait pas à sortir.
01:11:59 Son mari décide alors de trouver un nouveau refuge.
01:12:03 Au bord de la Méditerranée,
01:12:05 à Saint-Cyr-sur-Mer.
01:12:07 Thierry investit ce lieu formidablement
01:12:15 sur un plan sentimental, affectif.
01:12:19 Il en fait un endroit magnifique.
01:12:21 Marie-France était assez émerveillée par la beauté de cette maison,
01:12:27 mais en même temps, ce n'aurait pas été son choix.
01:12:29 C'était trop grand, il fallait qu'elle s'investisse trop,
01:12:32 elle n'en avait pas très envie.
01:12:34 C'était assez loin, trop éloigné de la ville.
01:12:37 Elle ne pouvait pas sortir, acheter son paquet de cigarettes,
01:12:39 prendre un café.
01:12:40 Il lui faudrait du monde tout le temps,
01:12:42 et Marie-France s'y ennuie.
01:12:44 Le 13 juin 2009,
01:12:47 le compagnon de Marie-France Bizier, depuis 29 ans,
01:12:50 devient officiellement son mari,
01:12:52 avec leurs deux enfants pour témoin.
01:12:54 On décide, oui, on va le faire,
01:13:01 mais on va le faire très, très dans l'intimité.
01:13:04 On ne va même peut-être pas le dire à grand monde.
01:13:09 Voilà, c'est notre truc.
01:13:12 Non, elle ne voulait pas faire une fête de mariage.
01:13:16 Elle voulait que c'était quelque chose qui les concernait tous les quatre.
01:13:19 Il n'empêche qu'au moment où le maire a dit
01:13:23 "Mademoiselle, voulez-vous épouser ?"
01:13:25 Elle a dit oui.
01:13:27 Et Thierry a dit "Oh, oui !"
01:13:29 Et elle l'a regardée, très étonnée,
01:13:31 avec un regard absolument ébloui,
01:13:33 parce que ce n'était pas "oui", mais "oh, oui".
01:13:35 Un moment heureux,
01:13:39 qui n'est en fait qu'une brève parenthèse
01:13:41 dans la dépression que les années n'arrivent pas à effacer.
01:13:44 Le 23 avril 2011,
01:13:47 Marie-France Bizier est en week-end dans le Sud.
01:13:50 Nous sommes tous les deux à Saint-Cyr, chez nous.
01:13:53 Il fait froid, il fait gris.
01:13:55 Elle m'a appelée, là elle disait
01:13:57 "Je ne suis pas où je devrais être,
01:13:59 j'ai froid, je suis en bottes,
01:14:01 je ne suis pas heureuse."
01:14:03 Alors j'ai dit "Venez tous les deux, vous n'avez qu'à venir."
01:14:06 Elle a dit "Mais je crois que ce n'est pas possible,
01:14:08 de toute façon, je suis à Paris dans deux ou trois jours,
01:14:11 donc on se voit."
01:14:13 Finalement, ça me fait plus penser à une atmosphère de soirée d'automne
01:14:22 que d'avril.
01:14:24 Mais on était tous les deux,
01:14:26 la maison était chauffée, enfin bref.
01:14:28 Et on s'est fait à dîner.
01:14:31 Thierry a dû aller se coucher
01:14:33 parce qu'il était fatigué.
01:14:35 Marie-France a regardé une émission à la télé.
01:14:38 Elle a dû boire un petit peu trop,
01:14:47 comme ça lui est arrivé.
01:14:50 "J'ai pris conscience au milieu de la nuit
01:14:53 du fait que j'étais tout seul.
01:14:56 Et je finis par me faire la seule supposition rationnelle,
01:15:01 c'est-à-dire qu'en réalité, elle s'était endormie
01:15:04 sur le canapé, au rez-de-chaussée, devant la télé."
01:15:07 Marie-France Pizier n'est pas devant la télévision.
01:15:10 Son mari se met alors à sa recherche.
01:15:13 "Je suis en train de me faire un petit déjeuner,
01:15:16 je suis en train de me faire un petit déjeuner."
01:15:19 Il est environ 4h du matin,
01:15:21 lorsqu'il découvre le corps de sa femme
01:15:23 coincée dans une chaise, dans leur piscine.
01:15:26 La police et les pompiers arrivent très vite sur place.
01:15:30 "Ils l'ont emmenée à l'hôpital
01:15:32 pour essayer tout ce qui pouvait être essayé.
01:15:35 Et à 7h du matin, j'ai eu un appel du médecin
01:15:38 à la maison, à la maison de Thierry,
01:15:41 à la maison de Thierry,
01:15:43 à 7h du matin, j'ai eu un appel du médecin chef de l'hôpital
01:15:47 me disant que malgré tous leurs efforts,
01:15:50 c'était clairement trop tard."
01:15:53 Désormais, les enquêteurs s'interrogent
01:16:00 sur les circonstances de la mort de la comédienne.
01:16:03 "Il y a évidemment beaucoup de vraisemblances,
01:16:09 mais moi je sais qu'elle ne s'est pas suicidée.
01:16:12 Je sais que, relativement,
01:16:14 Marie-France me l'a tellement répétée dans nos séances
01:16:18 qu'elle trouvait que le suicide était la chose qui l'avait tuée.
01:16:22 Elle disait que pour elle, c'est la chose la plus horrible
01:16:25 que peuvent faire des parents à leurs enfants."
01:16:28 "Elle a trop souffert de celui de sa mère
01:16:31 pour avoir infligé ça à ses enfants,
01:16:33 sans en avoir parlé, sans avoir laissé une lettre.
01:16:36 En plus, elle avait le sens du glamour.
01:16:38 Si elle avait eu envie de se suicider,
01:16:40 elle aurait dû le faire."
01:16:42 "Rien, rien, rien ne me laissait prévoir
01:16:48 quoi que ce soit de cet ordre-là.
01:16:51 Je pense que c'est un accident,
01:16:53 même si on peut mettre d'autres mots là-dessus.
01:16:56 Mais profondément, c'est ce que je crois."
01:16:59 La famille et les amis de l'actrice
01:17:04 attendent beaucoup de l'autopsie
01:17:06 et des examens toxicologiques
01:17:08 qui seront pratiqués deux jours plus tard.
01:17:10 "Il peut penser à un arrêt cardiaque
01:17:16 comme on peut penser à un suicide.
01:17:18 Ils ont retrouvé des antidépresseurs,
01:17:22 un peu d'alcool,
01:17:24 mais ils n'ont pas retrouvé d'eau dans ses poumons."
01:17:26 "Ce qui m'est le plus pénible,
01:17:29 c'est peut-être de penser qu'elle ne l'a pas voulu
01:17:32 et qu'elle a été prise à son propre piège."
01:17:34 "Je pense qu'elle a joué avec la mort,
01:17:38 elle a joué avec l'idée de suicide
01:17:41 et que la réalité a dépassé le jeu."
01:17:45 "Personne ne saura jamais
01:17:51 et sa mort reflète sa vie,
01:17:53 cette ambiguïté,
01:17:55 cette voix si gaie
01:17:57 avec cette âme si lourde.
01:17:59 C'est le mystère de Marie-France, en fait.
01:18:01 Elle a une mort qui lui ressemble,
01:18:04 qui est ambiguë,
01:18:06 comme elle,
01:18:08 et romanesque, comme elle."
01:18:10 Une mise en scène,
01:18:18 un dernier appel au secours,
01:18:20 et puis un mystère de plus.
01:18:22 À 66 ans, Marie-France Pizier s'en est allée.
01:18:24 Il nous reste le souvenir d'une femme insoumise,
01:18:26 blessée,
01:18:27 une comédienne qui rêvait de plus
01:18:29 et qui méritait plus.
01:18:30 Ce sourire, au coin des lèvres,
01:18:32 parfois franc,
01:18:33 mais qui avait aussi du mal à cacher son inquiétude.
01:18:36 Et puis sa beauté,
01:18:37 moderne,
01:18:38 juste, sensuelle.
01:18:39 Revoyez ses films,
01:18:41 imaginez ce qu'elle aurait pu faire.
01:18:43 À l'occasion d'un entretien soumis au questionnaire de Proust,
01:18:46 elle avait eu ces réponses.
01:18:47 "Qu'avez-vous réussi de mieux dans votre vie ?
01:18:50 À aimer et à être aimé.
01:18:52 Quel sera votre plus grand malheur ?
01:18:55 Que les gens que j'aime meurent avant moi.
01:18:57 Votre plus grand regret ?
01:19:00 Ne pas arriver à me débarrasser du sentiment de culpabilité."
01:19:04 Voilà pour ce numéro consacré à Marie-France Pizier.
01:19:07 Merci à vous de nous avoir suivis
01:19:09 et à très bientôt.
01:19:10 Sous-titrage ST' 501
01:19:12 *Musique*
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01:19:22 4. Dévissez les boulons de la roue. Servez-vous d'une douille n°21. Utilisez une clé à cliquet.
01:19:30 5. Retirez les boulons de la roue. Servez-vous de pinces à bout rond.
01:19:38 6. Retirez les boulons de la roue. Servez-vous d'une douille n°21. Utilisez une clé à cliquet.
01:19:54 7. Retirez les boulons de la roue. Servez-vous d'une douille n°21. Utilisez une clé à cliquet.
01:19:59 Sous-titrage Société Radio-Canada
01:20:01 1. Le boulon de la roue est en place.
01:20:05 2. Le boulon de la roue est en place.
01:20:09 3. Le boulon de la roue est en place.
01:20:13 4. Retirez le boulon de la roue.
01:20:17 5. Retirez le boulon de la roue.
01:20:21 6. Retirez le boulon de la roue.
01:20:25 7. Retirez le boulon de la roue.

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