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- Grand témoin : Manuel Valls, ancien Premier ministre et auteur de « Le courage guidait leurs pas » (Tallandier)

LE GRAND DÉBAT / Faut-il changer de République ?

« Le chrono de Blako » par Stéphane Blakowski

49.3, article 40, manoeuvres avant le vote en commission : sur la réforme des retraites, le gouvernement a tout mis en place pour éviter le vote dans l'hémicycle. S'agit-il là pour autant de décisions anti-démocratiques ? Depuis sa création, la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon milite pour un passage à la 6ème République. L'extrême gauche a un avis tranché : il faut réformer les institutions pour mettre fin au présidentialisme. Le déroulement des débats sur les retraites n'a fait qu'accentuer ses velléités. Quels sont les contours de cette nouvelle République esquissée par de plus en plus d'opposants à la politique d'Emmanuel Macron ?

Invités :
- Christopher Weissberg, député Renaissance des Français établis hors de France
- Bastien François, professeur de science politique à l'université Paris 1
- Raquel Garrido, députée LFI de Seine-Saint-Denis
- Pascal Perrineau, politologue

LE GRAND ENTRETIEN / Manuel Valls : le courage en politique, une vertu bien partagée ?
Dans son livre « Le courage guidait leurs pas », Manuel Valls, Premier ministre sous François Hollande de 2014 à 2016, dresse le portrait de douze personnalités qui ont su faire preuve de courage. Face à elles, « on se sent minuscules, négligeables, presque dérisoires ». Manuel Valls ne souhaite pourtant pas que l'on imite ces personnages hors-normes, mais que l'on s'en inspire. De Charb à Clemenceau, en passant par Louise Michel, Churchill ou encore Camus, il met en avant la grandeur de ces hommes et de ces femmes, tout en insistant sur la part d'humanité et d'humilité qui les habite. Si cette vertu est l'apanage de tous, comment le courage peut-il nous traverser de manière durable ?

- Grand témoin : Manuel Valls, ancien Premier ministre et auteur de « Le courage guidait leurs pas » (Tallandier)

BOURBON EXPRESS :
- Elsa Mondin-Gava, journaliste LCP

LES AFFRANCHIS :
- Mariette Darrigrand, sémiologue
- Bertrand Périer, avocat

Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
Un carrefour d'opinions où ministres, députés, élus locaux, experts et personnalités de la société civile font entendre leur voix.

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News
Transcription
00:00 [Musique]
00:05 Bonsoir et bienvenue dans "Ça vous regarde ?"
00:08 Celui qui nous accompagne ce soir, vous le reconnaissez, c'est Emmanuel Valls.
00:11 Bonsoir.
00:12 Et merci d'être notre grand témoin, ancien Premier ministre.
00:14 On va évidemment revenir sur le drame d'Annecy.
00:17 Le Président de la République s'est rendu sur place.
00:19 Mais on va aussi parler de votre dernier livre chez Talendier.
00:23 "Le courage guidait leurs pas",
00:25 "12 destins face à l'histoire sur cette vertu mystérieuse du courage"
00:30 dont on a eu un exemple d'ailleurs à Annecy aujourd'hui
00:32 avec cet homme qui a permis de faire fuir l'assaillant.
00:35 On y reviendra longuement dans la deuxième partie.
00:37 Mais on commence ce soir avec cette question.
00:40 Nos institutions sont-elles à bout de souffle ?
00:43 Le débat électrique d'hier qui a mis fin au feuilleton parlementaire épique sur les retraites
00:49 relance la question de notre régime politique.
00:52 Article 40, 49.3, certains députés veulent les supprimer.
00:56 Certains ont même parlé d'actes de décès de la Ve République.
01:00 C'était hier dans l'hémicycle.
01:01 Alors notre constitution est-elle fatiguée ?
01:04 Faut-il la changer ?
01:05 Grand débat dans un instant sur ce plateau
01:07 avant de retrouver nos affranchis pour leur parti pris.
01:10 Et puis Bourbon Express, bien sûr.
01:11 L'histoire du jour à l'Assemblée.
01:13 Voilà pour le programme.
01:14 On y va, Manuel Valls ?
01:15 Je vous suis.
01:16 Ça vous regarde. C'est parti.
01:17 [Musique]
01:28 La crise des retraites s'est donc soldée hier dans un hémicycle surchauffé.
01:32 La réforme est donc promulguée, mais à quel prix ?
01:35 Il n'y aura pas eu de vote des 577 députés sur la mesure phare,
01:39 le report de l'âge légal de départ à 64 ans.
01:42 Alors crise démocratique pour les uns, crise institutionnelle pour les autres.
01:46 Certains opposants ont même parlé de crise de régime.
01:50 Alors ce débat parlementaire chaotique plaide-t-il en faveur d'une réforme de nos institutions ?
01:55 C'est la question qu'on se pose au lendemain de cette journée agitée dans l'hémicycle.
01:59 Christopher Weisberg, bonsoir.
02:01 Et merci d'être là.
02:02 Vous êtes député Renaissance des Français établi en Amérique du Nord.
02:05 Vous débattez ce soir avec Raquel Garrido.
02:07 Bonsoir.
02:08 Merci à vous, député La France Insoumise de Seine-Saint-Denis.
02:10 Vous pilotez au sein de la NUPES un groupe de travail sur les institutions.
02:14 Bonsoir, Pascal Perrineau.
02:16 Ravi de vous retrouver.
02:17 Politologue au Cévi-Pof et professeur à Sciences Po Paris.
02:20 Enfin, bonsoir, Bastien François.
02:21 Bonsoir.
02:22 Ravi de vous accueillir dans cette émission.
02:23 Vous êtes professeur de sciences politiques à l'université Paris 1, Panthéon, Sorbonne.
02:28 Inutile de préciser que Mélvene Vall's vous pouvait intervenir quand vous le souhaitez.
02:31 Je suis sûre que vous avez une idée sur la question de ce débat.
02:34 J'ai en mémoire que vous vouliez supprimer le 49-3.
02:37 C'était lors d'une certaine primaire en 2017.
02:39 On en dira un mot.
02:40 Mais d'abord, on plante le décor avec Stéphane Blakowski.
02:43 200 secondes, le chrono de Blakowski. C'est parti.
02:45 Alors, on va se retourner pour vous accueillir.
02:50 Stéphane, bonsoir.
02:51 Bonsoir, Mériam.
02:52 Bonsoir à toutes et tous.
02:54 Alors, ce débat institutionnel.
02:55 Alors, il y a une expression qu'on a beaucoup entendue ces derniers mois.
02:59 C'est le déni de démocratie.
03:01 Ne serait-ce que hier, Bertrand Plancher, quand on lui a dit que sa PPL était irrecevable.
03:06 Déni de démocratie.
03:07 La CGT, quand les éboueurs ont été réquisitionnés.
03:10 Déni de démocratie.
03:12 Dominique Rousseau, grand constitutionnaliste, parlait de déni de démocratie pour la réforme des retraites.
03:17 Même Aurore Berger parle de déni de démocratie.
03:19 Sauf qu'elle, c'est pour dire que ça n'existe pas.
03:22 Et pourtant, quand on fait un sondage, on en a fait un cette semaine,
03:25 64% des Français pensent que la démocratie fonctionne mal dans notre pays.
03:29 Et c'est un chiffre qui est en hausse de 10 points depuis 2021.
03:32 Vous voyez, c'est cette accélération-là.
03:34 Et peut-être que la manière dont on a géré la réforme des retraites n'y est pas pour rien.
03:37 Cela dit, si on prend un peu de recul,
03:39 on voit que, dans cette période, je ne sais pas, quinquennat de François Hollande,
03:42 et je ne vise personne, on voit que le taux d'insatisfaction est encore plus élevé.
03:47 Mais c'est en même temps difficile de s'attacher à un seul chiffre,
03:50 parce que l'opinion des Français, elle est très différente sur le fonctionnement de la démocratie,
03:53 selon qu'ils sont dans l'opposition, ou plutôt du côté du pouvoir en place.
03:57 Regardez, vous voyez, pour les électeurs d'Emmanuel Macron,
04:00 il y en a seulement 25% qui trouvent que ça fonctionne mal,
04:02 alors que pour ceux qui ont voté Mélenchon ou Le Pen, on est plutôt autour de 80%.
04:06 Donc, ce n'est pas étonnant qu'à l'Assemblée, ce soient les députés insoumis
04:09 qui soient les plus véhéments pour dénoncer le mauvais fonctionnement de la démocratie.
04:13 On écoute Antoine Léaumont.
04:15 La Ve République permet d'agir sans le peuple, et contre lui, elle n'est plus légitime.
04:21 En bafouant ses principes républicains, vous accélérez sa chute, et la vôtre.
04:27 Alors oui, abat Macron et la mauvaise République.
04:30 Alors attention, on ne relance pas la polémique.
04:33 Bien sûr, quand les insoumis disent "abat la mauvaise République", ils parlent de la cinquième,
04:37 parce qu'il y en a une qui serait bien meilleure, c'est le Jean-Luc Mélenchon,
04:40 on parle depuis longtemps, ça serait une sixième République, un vrai recommencement.
04:44 Alors, cela dit, du côté de la majorité, on aimerait bien aussi améliorer le fonctionnement de notre démocratie.
04:49 D'ailleurs, le président Macron l'avait promis lors de son premier quinquennat,
04:53 il voulait notamment plus de proportionnels, moins de parlementaires,
04:56 faciliter l'accès au référendum, sauf que pour ça, il faut s'entendre avec le Sénat,
05:00 et comme Édouard Philippe avait dû le constater, c'était pas le bon moment.
05:04 En 2019, qu'à cela ne tienne, le président Macron est réélu,
05:08 et il relance donc son projet de réforme des institutions, il a rencontré ses prédécesseurs,
05:12 et il a confié notamment à Yael Broun-Pivet, moi aussi à Gérard Lachez,
05:16 le soin de faire des réunions transpartisanes dans les assemblées,
05:20 pour discuter de réforme des institutions, et Yael Broun-Pivet, elle est emballée en écoute.
05:25 Moi je suis très alente, extrêmement alente, sur la réforme institutionnelle,
05:32 ce que le président de la République a souhaité organiser.
05:35 Il nous a chargé avec le président du Sénat de mener ces consultations politiques
05:41 dans nos assemblées respectives, et c'est ce que nous allons faire très rapidement.
05:45 C'est beau cet enthousiasme, le problème c'est que ça risque d'être un peu plus compliqué que ça,
05:49 puisque en sortant l'article 40 de la Constitution contre la fameuse PPL Lyot,
05:54 elle s'est fâchée avec la NUPES qui décide de boycotter ces fameuses réunions transpartisanes,
05:59 et Olivier Faure n'est vraiment pas content, on l'écoute.
06:02 Vous n'irez plus aux réunions sur la réforme des institutions ?
06:04 Ah bah non, je n'irai plus aux réunions, je ne vais pas continuer à faire le guignol
06:08 avec des gens qui me prennent pour un con.
06:10 Ah oui, forcément, c'est peut-être pas le meilleur moment pour lancer en ce moment
06:15 une réforme des institutions, mais bon, rassurez-vous, c'est jamais le bon moment
06:19 pour lancer une réforme des institutions, mais c'est toujours le bon moment pour en débattre.
06:22 Merci, merci beaucoup Stéphane. Je vais commencer avec vous, Christopher Weisberg.
06:26 La charge des opposants à la réforme des retraites et aux 64 ans hier était extrêmement lourde.
06:31 Je reprends quelques verbatimes. André Chassaigne, la démocratie parlementaire, écrabouillé.
06:35 Charles de Courson, de cet abaissement ne peut ressortir que des intérêts, colère ou pire, violence.
06:41 Est-ce que vous vous dites "bon, c'est passé cette réforme, mais cette crise doit au moins être
06:47 l'occasion de relancer la réflexion sur les institutions".
06:51 Non mais bien sûr, de toute façon, c'est pour ça qu'on est tous les cinq en plateau
06:55 et on y croit tous avec chacun...
06:57 Donc il y a bien quelque chose qui ne va pas.
06:58 Bien sûr qu'il faut, je pense, changer nos institutions et puis se faire la méthode.
07:01 C'est là où je pense qu'il y a une grande différence entre les oppositions.
07:03 Cela dit, l'article 40, parce qu'il y a eu deux épisodes, il y a eu l'article 49-3,
07:08 et puis là, je pense qu'on aura aussi notre expérience, monsieur le Premier ministre,
07:11 sur ce qui s'est passé avant et pourquoi pas le réformer.
07:14 Ça a été déjà réformé il y a une dizaine d'années, pourquoi pas encore le réformer.
07:16 L'article 40 de la Constitution, c'est un article que toutes les démocraties parlementaires ont...
07:21 Moi, dans ma circonscription, il y a le Canada et les États-Unis.
07:25 Voilà, qui interdit aux députés de créer une charge financière supplémentaire.
07:28 Deux différents régimes. Au Canada, il y a un article 40.
07:31 Les parlementaires ne peuvent pas créer des charges de 16 milliards d'euros,
07:35 ils ne peuvent pas créer des charges en plus.
07:36 En Espagne, c'est pareil. Dans la plupart, et même dans la très grande majorité
07:39 des démocraties parlementaires, c'est le cas.
07:41 Alors, pensez aux institutions de manière générale, je suis d'accord...
07:44 On ne va pas refaire le débat, on l'a eu hier.
07:46 ...le déni de démocratie, alors que l'article 40 existe partout.
07:48 Vous savez ce que disent les opposants ? Ils disent qu'au fond, les macronistes n'ont pas pris conscience,
07:53 encore, un an après, qu'ils n'avaient plus la majorité absolue.
07:56 Qu'est-ce que vous leur répondez ?
07:58 Moi, je pense qu'en tout cas, c'est très clair qu'on n'a plus la majorité absolue,
08:01 que contrairement à il y a 25 ans ou il y a 30 ans, quand Michel Rocart était en majorité relative,
08:07 les Français, je pense, aujourd'hui, ont plus de mal avec l'article 49-3.
08:11 En tout cas, très clairement, quand je vais sur les plateaux, je vois bien,
08:14 de la part de vos collègues journalistes, mais d'une manière générale, dans la population,
08:17 la pratique du 49-3 est aujourd'hui moins bien vécue.
08:20 Alors, elle est déjà encadrée, mais j'entends que vous pourriez imaginer,
08:23 voire supprimer, en tout cas réfléchir à cette option.
08:26 Raquel Garrido, on va venir sur les propositions de fond,
08:29 mais qu'est-ce que ça révèle, ce qui s'est passé, cette séquence à l'Assemblée ?
08:33 Vous, vous avez carrément dit que la séparation des pouvoirs n'était pas respectée.
08:37 Oui, au fond, le conflit des retraites a pris une dimension nouvelle,
08:41 qui est la dimension démocratique, parce que la société française,
08:45 qui était très majoritairement hostile à la retraite à 64 ans,
08:49 a cherché des chemins pour essayer que la volonté générale émane d'elle.
08:55 Alors, il y a eu le moyen syndical, la grève, la mobilisation, la présence, l'existence,
09:01 tout simplement l'unité monolithique des organisations syndicales, ça n'a pas marché.
09:05 La possibilité de voter dans l'hémicycle, ça n'a pas été possible à cause du 49-3,
09:10 et on l'a vu hier aussi à cause d'autres articles.
09:13 Donc, la difficulté, quand vous n'avez pas de chemin pacifique
09:17 comme société pour faire la loi, en quelque sorte,
09:21 vous rentrez dans des autres troubles.
09:23 Et donc, pour moi, le procès, en quelque sorte, de ce qu'on a appelé la monarchie présidentielle,
09:27 parce que le problème, au fond, le conflit des retraites,
09:30 c'est un conflit entre un homme, le président de la République, et un peuple.
09:33 Or, la Constitution de 58 ne prévoit pas une manière d'arbitrer ce conflit-là,
09:38 même il le nie, puisqu'il dit qu'il est élu au suffrage universel,
09:41 donc le peuple ne peut pas être contre le président.
09:43 -En tout cas, il doit attendre la fin de son mandat pour le réélire ou pas ?
09:47 -Voilà, donc, du coup, j'ai l'intime conviction que le problème, il faut le situer correctement.
09:52 Le problème, c'est le pouvoir du président de la République,
09:54 ce pouvoir qu'il a d'abuser de son pouvoir.
09:57 Et par conséquent, il va falloir changer la Constitution.
10:00 -Le problème, c'est la Constitution ou ceux qui la font fonctionner ?
10:02 -Bah, la Constitution.
10:04 Parce que je veux pas non plus qu'on se cache derrière notre petit doigt.
10:07 C'est pas seulement Emmanuel Macron.
10:09 Je sais qu'Emmanuel Macron provoque beaucoup l'irre et l'irritation des gens.
10:12 Mais attention, un autre individu doté d'autant de pouvoirs et d'une minorité politique,
10:18 parce que je rappelle que dans le cadre de la tripartition de la vie politique française,
10:21 en réalité, les autres forces politiques non plus, aujourd'hui, n'ont pas 50 %,
10:26 comme on l'avait à l'époque, d'une dualité.
10:28 Donc, la question de savoir comment on gouverne démocratiquement
10:32 dans cette configuration doit être posée.
10:34 Et ça ne peut pas être par une figure autoritaire,
10:37 le président de la République, sorte de sauveur tout le temps légitime,
10:41 qui aurait raison contre tous.
10:43 Et donc, il faut partir de là.
10:45 Et je pense que la VIe République, qui doit venir très rapidement,
10:47 parce que ça, c'est Albert Camus qui disait,
10:49 "Lorsque la démocratie est malade, le fascisme vient à son chevet,
10:53 "mais c'est pas pour prendre de ses nouvelles."
10:55 On laisse les choses en l'Etat, c'est chaotique, c'est belligène,
10:58 et donc, on sait pas ce qu'il en arrive.
11:00 Moi, je suis pour le chemin pacifique et l'assistance à mon public.
11:03 -Voilà, le problème, c'est le pouvoir présidentiel,
11:06 tel qu'il est inscrit dans la Ve République.
11:09 Bastien François, déjà, sur votre regard,
11:11 votre analyse sur cette séquence qui s'est finalement achevée hier,
11:15 ça va laisser des traces ?
11:17 -Ça va laisser des traces, comme tout laisse des traces
11:20 depuis les dernières législatives et ce qui s'est passé,
11:23 c'est-à-dire le fait qu'on n'ait pas de majorité absolue
11:26 et la façon dont le pouvoir essaie de gérer assez maladroitement,
11:30 je crois, la façon dont il pilote,
11:33 puisqu'il en a les instruments, le programme législatif.
11:36 Mais je crois, en réalité, qu'on est dans une crise
11:39 qui est de beaucoup plus longue durée,
11:42 qui vient de beaucoup plus loin,
11:44 et qui est liée, je pourrais dire, si je voulais le dire très simplement,
11:48 à des transformations considérables de la société française.
11:51 C'est-à-dire les formes d'exercice ou de légitimité de l'autorité
11:55 ont considérablement changé depuis 1958.
11:58 Les rapports entre les parents et leurs enfants,
12:01 les hommes et les femmes, les profs et les élèves, etc.
12:04 -C'est la société qui ne supporte plus les pouvoirs présidentiels
12:07 tels qu'ils ont été écrits en 1958 ?
12:09 -Ce que la société, à mon avis, ne supporte plus,
12:12 c'est une façon de décider,
12:14 une façon d'affirmer son autorité,
12:17 une distance entre les représentants et les représentés.
12:22 Il faut bien voir, en 1958, il y avait 180 000 étudiants.
12:26 Aujourd'hui, on en a presque 4 millions.
12:29 Les Français sont beaucoup plus informés,
12:31 ils ont accès à énormément d'informations.
12:33 Il y a un espace public qui est très différent,
12:36 qui est très éclaté, mais en même temps beaucoup plus riche.
12:39 Donc on est dans un espace public
12:41 où les individus, alors ils sont d'ailleurs peut-être
12:44 un petit peu plus individualistes aussi,
12:46 attendent du politique un autre rapport.
12:48 -Cette crise démocratique, elle est plus profonde et ancienne
12:51 que cet événement-là. -C'est extrêmement intéressant.
12:54 Ça fait 35 ans que j'enseigne le droit constitutionnel.
12:57 Ca n'a jamais posé problème, le 49-3.
12:59 Ca a commencé à poser problème avec Manuel Valls.
13:02 J'ai expliqué à mes étudiants qui disaient que c'était mal,
13:05 que c'était pas démocratique.
13:07 Je leur disais que le 49-3 a été créé
13:09 pour régler les problèmes que Manuel Valls avait à régler,
13:12 c'est-à-dire une fronde dans son propre camp.
13:14 Je leur disais que c'était la Ve République.
13:16 Et puis là, on est... -C'est très différent.
13:18 -C'est intéressant, mais qu'est-ce que ça veut dire ?
13:21 C'est des choses qui étaient acceptées avant,
13:23 par exemple, lorsque Michel Roca a été Premier ministre.
13:26 Il n'y avait pas du tout des discussions infinies sur le 49-3.
13:29 Bien sûr, c'est brutal, le 49-3.
13:31 Ca a toujours été pensé comme une arme brutale
13:33 et qu'on devait utiliser que dans certains cas.
13:35 Mais aujourd'hui, le 49-3 apparaît, à toi, on aura raison,
13:38 c'est la rue qui le dit, c'est mes étudiants, etc.,
13:41 comme une façon pas normale de fonctionner.
13:43 -On va vous montrer dans un reportage.
13:45 -Pour un constitutionniste, il va vous dire...
13:48 C'est mon cas, hein. Il va vous dire
13:50 "C'est dans la Constitution, on applique la Constitution."
13:53 Mais la politique, c'est pas "on applique la Constitution".
13:56 -C'est la première fois que j'entends un constitutionnaliste
13:59 me parler de la société. En général, c'est les sociologues.
14:02 Vous vous dites qu'il n'y a pas de crise démocratique.
14:05 Mais quand même, si la société doit évoluer,
14:08 c'est peut-être que la pratique des institutions...
14:11 -On n'est pas dans une crise de régime.
14:13 La démocratie, en effet, les Français s'interrogent
14:16 sur son fonctionnement, on avait les chiffres,
14:18 deux tiers des Français disent "ça fonctionne mal,
14:21 "il faut en tirer les conséquences".
14:23 Est-ce que ça doit passer par la énième
14:25 dans la tradition française ?
14:27 Nouvelle Constitution, la sixième République,
14:30 vous savez, on a une maladie franco-française.
14:33 Dès qu'il y a un problème, on dit "il faut changer de régime".
14:36 Le 19e, le 20e, en France,
14:39 contrairement à la plupart des démocraties,
14:42 c'est sans arrêt, on change de régime,
14:45 la Libération, la Quatrième République,
14:47 dans les années 70, la Troisième,
14:50 un changement même continu tout au début du 19e siècle
14:55 sur Empire, Monarchie...
14:57 -Le changement est un facteur d'incalibrité ?
14:59 -Deuxième République, oui, ce serait peut-être pas mal.
15:02 -La Convention ? -La démocratie américaine vit très bien
15:06 avec le même type de régime qu'ils ont fait évoluer.
15:09 Donc je ne crois pas que la réponse,
15:11 pour répondre à ce qui se disait dans l'Assemblée,
15:14 soit la sixième République.
15:16 Je crois que ça ne changera que très peu les choses
15:19 et qu'on en reviendra à de très vieilles lunes
15:21 qui ont fait la preuve que ça ne marche pas.
15:23 -Sur la séquence, le fait qu'il n'y ait pas eu de vote
15:26 des 577 députés, c'est pas un problème ?
15:28 -Je tiendrai ce raisonnement paradoxal.
15:30 Heureusement qu'on a la Constitution de la Ve République
15:33 pour gérer, avec ces armes du parlementarisme rationalisé,
15:37 pour gérer la situation extrêmement difficile,
15:40 tout à fait nouvelle, que l'on connaît
15:43 avec la majorité relative.
15:45 C'est eux qui ont la majorité.
15:47 Mais la majorité relative, faible qu'à la coalition...
15:50 -Ils ont été pensés pour ça.
15:52 -Heureusement. Et d'ailleurs, le général de Gaulle
15:55 a créé avec Michel Debray ces armes et d'autres,
15:58 il y avait des socialistes à l'époque,
16:00 dans le comité consultatif.
16:02 Ils ont créé ça pour ce type de situation.
16:05 -Le passage de la quatrième à la cinquième, vous allez ?
16:08 -Tout à fait. -Vous venez de dire
16:10 qu'il ne fallait pas changer de Constitution ?
16:13 -La quatrième était devant une incapacité à gérer...
16:17 -On ne va pas faire l'histoire des Constitutions
16:20 qui est un peu cohérente. -La cohérence est complète.
16:23 Je ne me passe pas sur le terrain purement constitutionnel.
16:26 Lorsqu'en 58, des règles sont créées,
16:29 qui vont faire la preuve de leur efficacité,
16:32 parce que c'est cette République qui aura duré le plus longtemps.
16:36 Je crois qu'une pérennité pour une Constitution,
16:39 c'est extrêmement important.
16:41 -Et le consentement d'un peuple ?
16:43 -Le consentement d'un peuple, ce n'est pas la première fois.
16:46 Sur la réforme des retraites, je vous ferai remarquer
16:49 que quand vous prenez les sondages,
16:51 jamais une majorité n'a été favorable
16:53 à une réforme de l'âge de la retraite.
16:55 -On va venir sur vos propositions.
16:57 -Le peuple pour le peuple, ça ne vous parle pas ?
17:00 -Ca ne se détermine pas dans les sondages.
17:02 -Manuel Valls, j'ai une question.
17:04 Vous allez nous donner votre regard.
17:06 -Les élections ont placé le président minoritaire
17:09 ici, à l'hémicycle.
17:11 Si vous respectez les urnes...
17:13 -C'est lui qui a la majorité relative.
17:15 -Les lois ne sont pas votées à la majorité relative.
17:18 -Le camp de l'ancien... -Les lois sont votées
17:21 à la majorité absolue. -Vous aurez l'occasion
17:23 de voter. -Je voudrais qu'on entende
17:25 l'ancien Premier ministre. -Vous en avez confiance ?
17:28 -Ils ont une majorité relative plus importante que la vôtre.
17:31 -Il y a plus de députés. -Les lois se votent
17:33 à la majorité absolue. -Si on avait pu voter
17:35 sur l'heure, ils auraient perdu. -Vous ne savez rien.
17:38 Il n'y a pas eu de vote. -Vous pensez quoi de ça ?
17:41 -Il y a une grande probabilité. -On vote ou pas ?
17:44 -L'article 49, néatroit, a été utilisé.
17:46 Je crois que je parle sous la roulette
17:48 de Bastien-François. -Votre avis sur le respect
17:50 des urnes ? -Allez, s'il vous plaît.
17:52 -Il fallait respecter les urnes. -Les urnes nous ont mis ici
17:55 dans une situation de majorité. -Si vous respectez les urnes,
17:58 le président a fait campagne... -Donc, les urnes,
18:01 les 65 ans. -Donc, les lits, s'il vous plaît.
18:04 -Madame Garrido, vous avez un ancien Premier ministre
18:07 qui aimerait bien s'exprimer et qui a une expérience politique.
18:11 Vous, Premier ministre, si vous l'aviez été,
18:14 vous l'auriez utilisé, ce 49-3 ?
18:16 -C'est une arme de la Constitution.
18:18 Nous pouvons être amenés à utiliser le 49-3.
18:21 J'ai dû l'utiliser sur deux textes,
18:23 et donc autant de lectures.
18:25 Une première fois, parce qu'au fond,
18:27 c'est la pratique qui intéresse, je ne suis pas en situation,
18:30 donc on peut toujours imaginer des scénarii.
18:33 La première fois, à la dernière minute,
18:35 sur un texte que présentait le ministre de l'Economie,
18:38 Emmanuel Macron, puisqu'à la dernière minute,
18:40 ce qu'on appelait l'effrondeur,
18:42 on annonçait qu'il votait contre
18:44 sur la question du travail du dimanche,
18:46 alors que tous les articles avaient été débattus et votés.
18:49 Et ensuite, sur la fameuse loi travail,
18:52 où, en effet, sans doute pour la première fois,
18:55 il y a eu un basculement dans l'opinion,
18:58 mais je l'ai utilisé,
19:00 c'est peut-être pour cela qu'il avait été aussi imaginé,
19:03 parce qu'il y avait une fronte,
19:05 une césure au sein de la majorité.
19:07 C'était une différence par rapport à ce qui s'est passé là,
19:10 car là, il n'y a qu'une majorité relative.
19:12 Alors que le front syndical n'était pas uni,
19:15 comme il l'est aujourd'hui,
19:17 la loi travail était soutenue par les syndicats réformistes.
19:20 - La CFDT. - Et au premier chef,
19:22 notamment la CFDT.
19:24 J'avais proposé, quelques mois après,
19:26 non pas la suppression du 49-3,
19:28 lors de la primaire socialiste,
19:30 mais en le limitant uniquement aux textes financiers.
19:33 J'avais dit très vite, et je l'ai écrit ensuite,
19:36 avec un peu de recul et d'expérience,
19:38 que parfois, il faut se méfier des propositions
19:41 qu'on essaie d'inventer dans le cadre d'un débat.
19:44 - Vous trouvez que le Parlement a été malmené ?
19:47 - Il y a toujours ce sentiment que le Parlement et l'opinion,
19:50 puisqu'elle est représentée par les députés, par les parlementaires,
19:54 peuvent être malmenées.
19:56 Je crois très juste à la remarque de Bastien-François,
19:59 même si je n'en tire pas forcément les mêmes conclusions,
20:02 sur le fait qu'évidemment, les sociétés ont évolué.
20:04 Il y a même peut-être une interrogation,
20:06 qui parfois m'inquiète, sur la démocratie,
20:08 mais pas seulement en France.
20:10 Un peu partout, aux Etats-Unis, dans beaucoup de pays d'Europe,
20:13 on a un système politique totalement différent.
20:16 Il n'y a pratiquement qu'en France,
20:18 je rejoins Pascal Perrineau,
20:20 qu'à ce moment-là, on tire la conclusion
20:22 qu'il faut changer les institutions,
20:24 d'ailleurs créant dans l'opinion et en permanence
20:27 le sentiment que ces institutions ne fonctionnent pas,
20:30 en tout cas, on les affaiblit ainsi.
20:32 Moi, je crois vraiment beaucoup,
20:34 mais c'est là où il y a des désaccords,
20:36 au fond, c'est un débat de bonne qualité,
20:38 que la question qui est posée, qui me paraît majeure,
20:41 c'est la pratique des institutions.
20:43 -Oui. -Quand on a une majorité relative...
20:46 -L'esprit, la pratique, puisque la lettre.
20:48 -On va chercher des majorités dans l'Assemblée.
20:51 Je l'ai connue, j'étais très jeune,
20:53 je travaillais avec Guy Carcassonne
20:55 au cabinet du Premier ministre, Michel Rocard,
20:58 et nous cherchions des majorités alternatives,
21:01 soit avec les communistes à l'époque, sur le budget,
21:04 soit avec les centristes sur d'autres sujets.
21:08 Là, le problème, c'est la pratique même
21:11 du président de la République depuis un an,
21:13 qui n'a pas tiré de mon point de vue
21:15 toutes les conséquences sur le fait
21:17 qu'il avait une majorité relative,
21:19 et à ce moment-là, il faut chercher des coalitions,
21:22 et même à gouverner en coalition,
21:24 ce qui pose d'autres problèmes politiques.
21:26 C'est un défi de pratique politique,
21:28 de rapport à la société, bien évidemment,
21:30 et donc il faut faire très attention,
21:32 parce qu'aujourd'hui, en effet, l'opinion observe, regarde...
21:35 -Justement, les Français. -Examine,
21:37 donc il faut faire attention. -On va les écouter.
21:39 -Nous sommes dans des situations plus tendues
21:41 que celles que nous avons pu connaître.
21:43 -Yael Brun-Pivet a été chargée par Emmanuel Macron
21:45 de réfléchir aux institutions, pour l'Assemblée,
21:47 le président du Sénat de son côté.
21:49 Elle s'est lancée dans un tour de France des citoyens.
21:51 Quelles sont leurs attentes ?
21:53 Caméra embarquée avec Elsa Mondingava
21:55 au Mureau, dans les Yvelines.
21:57 Regardez.
21:58 ...
22:04 -Bonjour à tous.
22:05 Déjà, je voudrais vous remercier
22:07 de vous être rendus disponibles
22:09 pour ce temps d'échange.
22:11 On peut parler du mode d'élection
22:13 du président de la République,
22:15 des députés, de la durée d'un mandat.
22:17 Est-ce qu'il faut revenir à 7 ans ?
22:19 Est-ce qu'on reste à 5 ans ?
22:21 Est-ce que, par exemple, on doit supprimer le 49-3 ?
22:23 Voilà. Moi, tous les sujets sont ouverts.
22:25 Donc voilà, à vous.
22:27 Monsieur.
22:29 -Je pense que le 49-3, c'est à peu près
22:31 l'équivalent de l'édit royal
22:33 de... de...
22:35 de il y a 300 ans.
22:37 Et ça, c'est inadmissible.
22:39 Ne vous étonnez pas que les gens n'aillent plus voter,
22:41 qu'ils n'aient plus confiance,
22:43 parce que nos politiques ont pris l'habitude de nous trahir.
22:45 -Pour moi, la base, c'est de supprimer le 49-3.
22:47 Parce que, à part montrer
22:49 à la population que, peu importe
22:51 si elle se bat, si elle sort dans les rues,
22:53 si elle montre son mécontentement,
22:55 eh ben, ce que le président a décidé,
22:57 c'est ce qu'il se fera.
22:59 Donc, pour moi, la base, c'est de supprimer le 49-3.
23:01 -Moi, je fais pas le lien
23:03 entre la confiance et le 49-3.
23:05 Mais peut-être que c'est une erreur de ma part.
23:07 Pourquoi on dit 49-3 ? C'est un article
23:09 de la Constitution.
23:11 C'est un outil.
23:13 Cet outil, hein, pendant, le Parlement
23:15 peut mettre en jeu la responsabilité
23:17 du gouvernement en votant
23:19 une motion de censure.
23:21 Le gouvernement, lorsqu'il enclenche le 49-3,
23:23 il...
23:25 il joue sa vie.
23:29 -Allez-y, monsieur.
23:31 -Donc, j'ai jamais compris
23:33 pourquoi le vote électronique
23:35 n'a pas été mis en place.
23:37 -Pour que les gens aillent voter,
23:39 il faut qu'ils se sentent représentés
23:41 une fois à la fin de l'élection.
23:43 Et pour cela, il faut absolument qu'il y ait
23:45 une dose proportionnelle. -Sur la proportionnelle,
23:47 qu'est-ce que vous en pensez
23:49 dans la salle ?
23:51 La proportionnelle est quelque chose dont on parle beaucoup.
23:53 Si je vous demande de lever la main,
23:55 qui serait pour, sans parler
23:57 de dose, pas dose, nationale, départementale ?
23:59 Mais juste sur le principe de la proportionnelle,
24:01 qui est pour.
24:03 -Intégrale, si vous voulez. -Peu importe.
24:05 Intégrale, dose ou pas.
24:07 Qui est contre ?
24:09 Ah oui.
24:11 Vous êtes... Un certain nombre,
24:13 vous êtes abstenus.
24:15 On n'a pas rédigé ce soir une nouvelle Constitution.
24:21 -Non. -C'était pas l'objectif.
24:23 En revanche, on s'est dit des choses
24:25 et ces choses, pour moi
24:27 qui suis chargée,
24:29 non pas de rédiger une nouvelle Constitution,
24:31 mais de travailler sur une évolution
24:33 de nos institutions,
24:35 pour y travailler, j'ai besoin de savoir
24:37 ce que veulent les gens.
24:39 Ça ne veut pas dire que
24:41 les citoyens sont décisionnaires
24:43 de tout tout le temps, mais ils alimentent
24:45 nos réflexions. Donc c'est à ça que ça sert.
24:47 -Bassian-François,
24:49 sur la méthode, dans l'hypothèse
24:51 où, voilà, j'ai entendu Christopher Weisberg,
24:53 il veut ouvrir le chantier des institutions.
24:55 On n'est pas dans la Constituante
24:57 de Jean-Luc Mélenchon,
24:59 ce ne sont pas les citoyens qui l'écrivent.
25:01 -C'est pas la Constituante de Jean-Luc Mélenchon.
25:03 -De la France Insoumise, pardon.
25:05 -Non, mais même, l'Assemblée Constituante,
25:07 c'est une idée historique,
25:09 la République française a inventé ce format.
25:11 -Absolument. Je m'adresse à Bassin-François,
25:13 je termine ma question. Cette démarche
25:15 d'aller voir les Français, puisque vous nous parliez
25:17 de la société, c'est celle qu'il faut
25:19 mettre en avant, aujourd'hui ?
25:21 -Petite observation avant de commencer.
25:23 La Constitution de la Ve République,
25:25 c'est la plus longue de l'histoire,
25:27 c'est aussi la plus révisée. Il y a 27 révisions,
25:29 des révisions extrêmement importantes.
25:31 La dernière, en 2008, plus d'un tiers
25:33 de la Constitution était révisée,
25:35 donc il ne faut peut-être pas avoir peur, en réalité,
25:37 de toucher. -Changement.
25:39 -La difficulté à laquelle
25:41 on fait face, là, c'est qu'il y a
25:43 la Constitution, il y a la pratique
25:45 de la Constitution, et la pratique de la Constitution
25:47 peut être extrêmement loin du texte
25:49 de la Constitution. L'article 20 de la Constitution
25:51 dit "le gouvernement détermine et conduit
25:53 la politique de la nation". Tout le monde sait
25:55 que ce n'est pas le cas. -C'est le président.
25:57 -C'est un truc un peu bizarre.
25:59 On vit dans un monde parallèle, dans la politique
26:01 par rapport à la Constitution. Et puis,
26:03 il y a les représentations, et ça, c'est très important.
26:05 C'est le 49-3.
26:07 Là, on a toute une série
26:09 de gens qu'on vient d'écouter qui nous disent
26:11 "c'est mal, c'est l'ancien
26:13 régime", etc. Oui, mais
26:15 on ne peut pas faire comme si ça n'existait pas.
26:17 Donc, si on veut
26:19 réformer les institutions,
26:21 on doit réformer quelque chose d'assez
26:23 compliqué à saisir, c'est-à-dire
26:25 pas simplement le texte
26:27 lui-même juridiquement, mais aussi les représentations
26:29 qui vont avec, et en fait, en réalité,
26:31 une culture politique. -Mais quelle
26:33 méthode, alors, s'il faut tenir compte des représentations ?
26:35 -Aujourd'hui, au XXIe siècle,
26:37 si on veut faire une méthode
26:39 de révision constitutionnelle adaptée
26:41 au temps dans lequel nous sommes, c'est une méthode
26:43 qui est la plus
26:45 ouverte, la plus inclusive possible,
26:47 la plus délibérative, participative,
26:49 et qui doit prendre
26:51 du temps, parce que la discussion
26:53 sur ces sujets-là est compliquée. -Combien de temps ?
26:55 -Rappelez-vous... -Plusieurs années ?
26:57 -Non, pas plusieurs années, mais c'est pas
26:59 en trois mois.
27:01 Regardez la discussion
27:03 qu'il y a eu en France absolument incroyable
27:05 sur le référendum européen de 2005.
27:07 J'en parle d'autant plus facilement que j'étais
27:09 très favorable au texte de la Constitution
27:11 européenne et que j'étais dans le camp des perdants.
27:13 Et tout le monde discutait de ça.
27:15 Tout le monde est capable de discuter,
27:17 plus ou moins bien, mais tout le monde est capable.
27:19 Et là, vous imaginez qu'on dirait aux Français
27:21 "On va se donner, je sais pas,
27:23 "neuf mois pour discuter
27:25 "de la démocratie qui nous intéresse,
27:27 "qu'est-ce qu'il faudrait mettre dedans ?"
27:29 On sait faire, on sait monter des dispositifs,
27:31 d'autres pays l'ont fait,
27:33 il y a des expériences, et tout ça,
27:35 ça pourrait effectivement aboutir
27:37 à une forme de constituante
27:39 dans des formes constitutionnelles.
27:41 -Christopher Weisberg, je vous vois très attentif.
27:43 Vous pourriez dire oui
27:45 à cette méthode,
27:47 inclusive, pour reprendre un terme à la mode,
27:49 pour réfléchir, avec le pays,
27:51 à cette écriture d'une nouvelle Constitution ?
27:53 -Evidemment, j'ai envie de dire que c'est d'ailleurs
27:55 ce que fait Yael Brown-Pivet
27:57 dans le reportage qu'on a vu,
27:59 la méthode participative, je pense que vous savez bien
28:01 que ça a fait partie de l'ADN du mouvement
28:03 que je représente, et donc oui sur le principe.
28:05 -C'est pas du tout ce qu'a fait Emmanuel Macron jusqu'à présent.
28:07 Ça n'a pas été un de ses chantiers,
28:09 ça a été ça classiquement.
28:11 -La difficulté, c'est qu'on est dans un climat politique,
28:13 c'est la grande différence avec la France insoumise.
28:15 Moi, je ne crois pas aux grands soirs institutionnels,
28:17 et comme l'ont dit à peu près tous les intervenants,
28:19 sauf peut-être vous, je crois que dans la pratique
28:21 des institutions, on pourrait faire beaucoup mieux.
28:23 Il y a deux points, moi,
28:25 sur les règles électorales. Je pense, par exemple,
28:27 que si on mettait l'élection législative
28:29 le même jour que la présidentielle,
28:31 il y aurait un intérêt, en tant que député,
28:33 qui serait très fort, c'est que tout d'un coup,
28:35 on aurait une très forte participation pour la législative,
28:37 ce qui n'est pas le cas,
28:39 puisque aujourd'hui, l'élection maîtresse,
28:41 c'est quand même la présidentielle.
28:43 -Mais vous ne bénéficierez pas forcément
28:45 de la dynamique présidentielle. -Exactement.
28:47 Il faut penser au fait que si on n'est plus au pouvoir,
28:49 et puis le président Macron ne sera plus au pouvoir
28:51 dans cinq ans, il y aura une alternative.
28:53 Moi, je trouverais beaucoup plus sain
28:55 qu'on puisse voter en même temps
28:57 parce que ça relégitimerait le Parlement,
28:59 et le président serait face
29:01 à une composition qui devrait réinventer
29:03 par rapport aux résultats des législatives,
29:05 alors qu'aujourd'hui, il y a un bonus majoritaire,
29:07 puisque l'élection législative
29:09 a lieu plus tard.
29:11 C'est un point très concret
29:13 qui, je pense, changerait beaucoup nos institutions
29:15 et qui est beaucoup plus facile à adopter
29:17 qu'une réforme constitutionnelle
29:19 qui, aujourd'hui, paraît pratiquement impossible...
29:21 -Pascal Perrenault ?
29:23 -Je crois qu'une constituante,
29:25 même préparée par un mouvement participatif,
29:27 ça aboutira à une nouvelle constitution.
29:29 Je ne crois pas que la France a besoin
29:31 d'une nouvelle constitution, c'est mon opinion.
29:33 -Est-ce que vous pouvez nous expliquer,
29:35 dans le cadre des débats citoyens sur la constitution ?
29:37 -En revanche, on peut faire évoluer
29:39 la constitution,
29:41 comme on l'a fait à plus de 25 reprises,
29:43 par la révision constitutionnelle.
29:45 C'est d'ailleurs ce que propose, je crois,
29:47 le président de la République.
29:49 Il faudra que les deux chambres
29:51 se mettent d'accord. -Expliquez,
29:53 pour ceux qui nous regardent, et à moi en particulier,
29:55 comment justifier
29:57 que le président ne soit pas responsable
29:59 du Parlement alors que, dans la pratique,
30:01 c'est lui qui décide, qui gouverne ?
30:03 Est-ce que c'est pas un problème ?
30:05 -Écoutez, nous avons un régime
30:07 qui est à part. Nous avons un régime
30:09 qui mêle à la fois des principes de régime parlementaire,
30:11 puisque la Chambre, si elle le veut,
30:13 si l'article 49 LNA3
30:15 avait débouché sur une mise en cause
30:17 du gouvernement, le gouvernement
30:19 était obligé de démissionner. -Et pas du président.
30:21 -Et non pas le président. -C'est la question qui est posée.
30:23 -Parce que nous avons... Laissez-moi aller jusqu'au bout,
30:25 si vous le permettez. Nous avons
30:27 un régime mixte, qui mêle à la fois
30:29 le régime parlementaire, avec la capacité
30:31 du président de dissoudre,
30:33 du Parlement de mettre en cause,
30:35 pour l'Assemblée nationale, de mettre en cause le gouvernement,
30:37 et un régime qui est...
30:39 qui a une partie présidentielle
30:41 parce que le président est élu
30:43 au suffrage universel direct
30:45 et dispose de pouvoirs que l'on qualifie
30:47 de pouvoirs importants, de pouvoirs propres.
30:49 Donc c'est un mixte,
30:51 cette constitution. On sait très bien
30:53 que la constituante que préconise
30:55 la France insoumise, ça nous ramènerait
30:57 à un régime qui serait un régime
30:59 parlementaire, et même plutôt un régime
31:01 d'Assemblée, à mon avis. -Où le Premier ministre
31:03 est issu du parti politique majoritaire.
31:05 -On l'a vu juste après la guerre.
31:07 C'est plutôt le régime d'Assemblée,
31:09 même que le régime parlementaire,
31:11 que cette tradition propose.
31:13 Je crois que
31:15 quand on regarde l'histoire constitutionnelle
31:17 du pays, le mélange de ces principes
31:19 qu'a réussi
31:21 la Ve République
31:23 est plutôt un plus qu'un moins.
31:25 -Il nous reste très peu de temps.
31:27 Raquel Garrido, et puis on terminera
31:29 avec Manuel Vachon. -Le conflit des retraites
31:31 et sa dimension institutionnelle a pris
31:33 corps dans la société. Le débat existe
31:35 à l'échelle intellectuelle,
31:37 théorique, etc., mais surtout il existe
31:39 dans la société, comme vous l'avez montré
31:41 dans ce reportage. C'est une chance.
31:43 Soit on peut dire que le peuple
31:45 ne croit plus à la démocratie elle-même,
31:47 en prenant appui, par exemple,
31:49 sur l'exemple américain, et on se dit
31:51 "Passons-nous de la démocratie."
31:53 Il y a aussi, dans certaines élites,
31:55 l'idée un peu peuplophobe que
31:57 "C'est pas grave, ils veulent plus de la démocratie,
31:59 "OK, on n'en aura plus."
32:01 Moi, je pense que
32:03 les Français sont majoritairement attachés
32:05 à la démocratie. L'aspiration démocratique
32:07 est profonde, est majoritaire,
32:09 pour le moment, et qu'il faut
32:11 prendre appui là-dessus
32:13 pour faire ce que dit Bastien-François,
32:15 c'est-à-dire entrer dans un
32:17 processus de délibération
32:19 qui doit sécréter une constitution
32:21 qui ressemble aux Français.
32:23 - Un mot pour terminer ce débat.
32:25 On n'a pas parlé de l'association
32:27 du citoyen à la décision, ça c'est
32:29 quelque chose qui est quand même très demandé,
32:31 on le sent à travers différents mouvements.
32:33 - Oui, mais la société française a évolué
32:35 depuis 1958, la Constitution
32:37 d'ailleurs a évolué notamment en 1962,
32:39 c'était l'élection au suffrage universel
32:41 du président de la République,
32:43 mais j'ai la conviction que le génie,
32:45 parce qu'il y avait un génie du général De Gaulle,
32:47 c'est d'avoir compris ce dont ce peuple,
32:49 ce pays, avec son histoire,
32:51 avec ses radicalités, avait besoin
32:53 comme type d'institution.
32:55 Ça ne veut pas dire qu'il ne peut pas y avoir des remises en cause,
32:57 c'est normal, nous sommes dans une démocratie.
32:59 Moi j'ai éprouvé, dans des circonstances
33:01 particulières, il est vrai,
33:03 face au terrorisme, la solidité
33:05 de nos institutions.
33:07 Et on le voit aussi maintenant.
33:09 Alors, cette solidité des institutions qui nous permet
33:11 de gouverner dans la durée, contrairement
33:13 à ce qui s'est passé sous la 4ème République,
33:15 ça doit être examiné.
33:17 Moi j'étais un Premier ministre
33:19 qui avait
33:21 tous les pouvoirs qui étaient les siens.
33:23 Je les ai exercés dans un rapport
33:25 de confiance avec le président de la République.
33:27 - Donc c'est une question de personnalité.
33:29 - Le respect des corps intermédiaires,
33:31 des élus locaux ou des partenaires sociaux.
33:33 Le respect de la majorité,
33:35 mais aussi du Parlement.
33:37 Le respect de la personnalité
33:39 de son Premier ministre, qui doit aussi
33:41 s'appuyer dans un rapport fort
33:43 avec le législatif.
33:45 Tout cela revoit ce que je disais
33:47 sur la pratique.
33:49 On peut toujours améliorer les institutions,
33:51 bien évidemment, quand faut-il trouver un accord
33:53 avec le Sénat.
33:55 Et puis je suis convaincu que les Français ne veulent pas
33:57 être dépossédés de l'élection
33:59 au suffrage universel du président,
34:01 et que le président, pour eux, doit avoir des pouvoirs importants.
34:03 - Oui, ça, ils sont très attachés, et on le voit dans les enquêtes d'Occident.
34:05 On va s'arrêter là, Raquel Garrido.
34:07 - Je pense que ce que le débat est terminé.
34:09 - Le débat est proche au président aujourd'hui, c'est le côté monarchique.
34:11 Quand on vous parle d'ancien régime...
34:13 - Raquel Garrido, c'est autre chose.
34:15 C'est la question du contrôle, mais en revanche,
34:17 le pouvoir du président.
34:19 - Rendons-le responsable, mais en tout cas, ça ne peut pas durer
34:21 comme maintenant, de la personne qui consomme tous les pouvoirs
34:23 gouvernants et qui n'est responsable devant strictement...
34:25 - Merci à vous, c'est un débat passionnant.
34:27 - Il est responsable devant le peuple, il a été élu par ce peuple.
34:29 - On va s'arrêter là. Merci infiniment.
34:31 C'est un débat qui va se poursuivre. Je vous propose de revenir
34:33 quand vous voulez sur la chaîne parlementaire, parce que c'était
34:35 passionnant. Vous restez avec moi, Manuel Valls.
34:37 Dans une dizaine de minutes, les partis prides nous a franchis.
34:39 Ce soir, le mot de la semaine
34:41 de la sémiologue Mariette Darrigrand, c'est le mot français
34:43 que les politiques mettent à toutes les sauces.
34:45 Et puis l'avocat Bertrand Perrier va pousser un petit coup de gueule
34:47 contre le Sénat, qui vient d'autoriser
34:49 l'activation à distance des caméras des téléphones
34:51 dans certaines enquêtes. Et puis d'un bourbon express,
34:53 Elsa, ce soir ? - Je vous fais compter
34:55 jusqu'à 17, comme le nombre de motions de censure
34:58 depuis un an ici à l'Assemblée. - Elsa Mondingava,
35:00 merci à vous. Les Afrochis, à tout à l'heure.
35:03 On revient avec vous, Manuel Valls, à la fois
35:05 sur votre livre, mais aussi sur le drame d'Annecy,
35:08 parce qu'il est évident qu'on a envie
35:10 de vous entendre et la réaction d'un ancien Premier ministre
35:13 contre. Regardez, c'est dans l'invitation
35:15 de Marion Becker.
35:17 - Si on vous invite, Manuel Valls,
35:24 c'est pour votre regard sur la situation
35:27 que traverse la France, celui d'un ex-Premier ministre
35:30 et d'un spectateur engagé, comme vous vous définissez
35:33 vous-même désormais. Il y a quelques mois,
35:37 Manuel Valls, vous sortiez de votre silence médiatique
35:41 et vous publiiez un livre sur le courage.
35:44 Une galerie de 12 portraits et des personnalités
35:48 dont le courage a guidé les pas. Jean Moulin, évidemment.
35:52 - Le destin de la résistance est suspendu
35:56 au courage de cet homme.
35:59 - Vous saluez aussi le courage de ces hommes d'Etat.
36:02 Clémenceau, le tigre devenu père de la victoire.
36:06 Churchill qui disait lui-même que c'est la première
36:09 des qualités humaines parce que c'est celle
36:12 qui garantit toutes les autres.
36:15 Le courage également de Charbes, directeur de Charlie Hebdo.
36:19 Les 343 femmes qui dans le nouvel Observateur
36:22 s'engageaient pour l'IVG. Mais aussi
36:25 la figure révolutionnaire de Louise Michel.
36:28 Le courage, un héritage qui devrait selon vous
36:32 guider l'action publique et la politique
36:34 dans laquelle, Manuel Valls, vous êtes tombé très jeune.
36:37 Engagé au Parti Socialiste à peine naturalisé français
36:41 dans les années 80, vous soutenez Michel Rocard
36:44 puis deviendrez conseiller en communication
36:47 de Lionel Jospin. Maire d'Evry pendant 11 ans
36:50 puis député, vous devenez ministre de l'Intérieur
36:53 de François Hollande puis son premier ministre.
36:56 Le 13 novembre 2015, vous êtes au cœur du pouvoir
37:01 lorsque la France est secouée par une vague
37:04 d'attentats terroristes. Charlie Hebdo, Hyper Cacher,
37:07 le Bataclan, Nice.
37:10 Hier, la nation a été plongée dans l'effroi
37:13 après une attaque au couteau à Annecy.
37:16 Quatre enfants en bas âge et deux adultes
37:18 ont été blessés par un homme isolé,
37:20 un réfugié syrien d'origine chrétienne.
37:22 Aucun mobile terroriste n'a été retenu.
37:25 Le procès en laxisme ne tient pas.
37:28 Alors, Manuel Valls, comment réagir face à l'inexplicable ?
37:32 Votre réaction sur Annecy, Manuel Valls ?
37:35 Par la dignité et par la responsabilité,
37:38 d'abord en pensant évidemment aux victimes
37:40 et puis à ces personnes, notamment à ces gamins,
37:42 à ces bébés qui luttent encore pour leur survie.
37:46 Et puis en faisant en sorte que sur ces questions-là,
37:49 si c'était possible, je ne suis pas naïf, vous savez,
37:51 j'ai de l'expérience, mais que l'unité nationale
37:53 soit un élément fondamental face à la violence,
37:57 quelle que le soit.
37:58 On n'est pas du tout, hein.
37:59 Vous avez vu ces tweets, "l'immigration incontrôlée tue",
38:01 ça, c'est ce qu'a tweeté Olivier Marlex,
38:03 "les demandeurs d'asile quittent désormais leur pays
38:06 pour tuer nos enfants", c'est Éric Zemmour,
38:08 en parlant de francocide, ils ont parlé trop vite,
38:11 sans attendre, il y a une course aux tweets,
38:14 une forme d'indignité dans les réactions,
38:16 dans la récupération ?
38:18 Sans doute, on va trop vite,
38:20 et donc il faut être capable,
38:23 parce que nos démocraties, nous voulons en parler,
38:25 sont sensibles, sont fragiles,
38:28 parce que l'actualité, c'est aussi une question
38:30 qui est posée pour vous, journalistes,
38:32 emporte tout, et face à des actes terribles,
38:37 vous savez, dans les scénarios possibles,
38:40 qu'on examinait quand nous gouvernions
38:42 après les actes terroristes, il y en avait un terrible,
38:45 quand j'en parle, je parle toujours avec émotion,
38:47 qui était l'attaque d'une école.
38:49 Il y a déjà eu, on l'oublie très souvent,
38:52 une école attaquée.
38:53 - Aux Erratoras, Toulouse ?
38:54 - A Toulouse. C'était une école.
38:56 On a tué des gamins.
38:58 Donc la peur d'un attentat de masse
39:00 dans une école a toujours été présente,
39:03 parce que là, on voit bien que l'opinion peut basculer.
39:05 On touche, d'une certaine manière, à ce qu'il y a de plus sacré,
39:07 c'est-à-dire des enfants.
39:09 Donc oui, la dignité et la responsabilité,
39:11 il n'y a pas d'autre chemin,
39:13 si nous voulons être forts, face au terrorisme,
39:16 face à la violence, face au basculement
39:19 que nous avons connu à Annecy,
39:20 ce qui ne veut pas dire que nous n'ayons pas un débat,
39:22 je vais dire serein, je sais que c'est impossible,
39:24 mais sur les questions d'immigration.
39:26 Mais chaque chose en son temps, avec méthode,
39:29 parce que pour traiter les questions d'immigration,
39:31 et moi je pense qu'il faut radicalement changer,
39:33 dans ce domaine-là, le politique...
39:35 - Mais ceux qui ont fait le lien entre cette attaque et l'immigration,
39:36 ont eu tort.
39:37 - Il faut du temps, parce qu'il faut trouver des consensus,
39:40 et il faut des politiques de long terme,
39:42 pour bien expulser, et il le faut,
39:44 pour réformer le droit d'asile,
39:46 pour mener une autre politique en Méditerranée et en Afrique,
39:49 pour remettre en cause, si c'est nécessaire,
39:50 je le crois nécessaire,
39:52 l'accord de 1968 avec l'Algérie,
39:54 comme le propose l'ancien ambassadeur des Hancourt,
39:56 ou Edouard Philippe,
39:59 c'est des politiques qui nécessitent de trouver des consensus,
40:01 large au Parlement,
40:03 ce sont aussi des actions de moyen et de long terme,
40:07 il faut retrouver cette responsabilité,
40:09 sinon nous allons être emportés en permanence
40:11 par l'émotion et par l'opportunisme politique.
40:14 - Dans la barbarie de cet acte,
40:16 je rappelle qu'il n'y a pas de mobile terroriste,
40:18 et que le procès en Alexandrie ne fonctionne pas,
40:20 ça n'était pas un islamiste,
40:22 c'est un chrétien d'Orient,
40:24 et manifestement les enquêtes psychiatriques le diront,
40:26 il y avait un problème de ce point de vue.
40:28 Il y a aussi des héros, dans ces moments-là,
40:30 Henri, que l'on a surnommé "l'homme au sac à dos",
40:33 qui a poursuivi l'assaillant et qui l'a fait fuir,
40:36 et puis bien sûr, les policiers.
40:38 On va écouter le Président de la République,
40:39 qui salue leur courage.
40:41 - Je rends hommage à ceux qui sont ici présents,
40:44 qui sont intervenus avec beaucoup de courage
40:46 pour s'interposer, sans se poser de questions,
40:49 et qui, dans une actualité qui parfois nous fait voir
40:53 le pire des visages de l'humanité,
40:55 nous disent ô combien avoir reçu une éducation,
41:00 porter des valeurs, et savoir trouver en soi
41:03 les ressorts de ce qui nous tient debout,
41:06 et les plus belles valeurs,
41:07 permet de faire des grands gestes.
41:09 - Voilà, les grands gestes,
41:11 le courage au nom des valeurs.
41:13 Quelle est cette vertu du courage
41:15 que vous auscultez dans votre livre,
41:17 et qui se révèle ou pas, d'ailleurs,
41:19 chez chacun d'entre nous ?
41:21 - Oui, ça dépend d'un moment, d'un événement.
41:25 Le livre sans doute le plus difficile à faire
41:27 n'est pas celui que j'ai écrit sur des grandes personnalités,
41:30 qui sont des références, qui nous dépassent
41:32 par le poids qui est le leur dans l'histoire,
41:34 mais c'est le courage parfois des anonymes,
41:37 du policier qui est rentré dans le Bataclan
41:40 et qui a tué l'un des terroristes,
41:42 sauvant sans doute des dizaines de vies.
41:45 Ce sont les gens qui sont intervenus l'autre jour à Annecy.
41:48 Oui, ce sont les justes pendant l'occupation
41:52 qui ont sauvé sans se considérer comme des héros
41:55 des enfants, des familles, des juifs.
41:59 C'est le colonel Beltrame, évidemment,
42:02 qui a pris la place d'un otage
42:05 lors d'une opération terroriste.
42:07 C'est un moment donné où tout bascule.
42:09 Vous savez, il y a une personnalité que je cite,
42:12 même si j'avais déjà eu l'occasion de faire un portrait,
42:14 qui est Geneviève de Gaulle-Antonios,
42:16 la nièce du général de Gaulle,
42:18 qui est rentrée en résistance le 17 juin 1940,
42:22 la veille du discours de son oncle,
42:24 mais en écoutant le message de soumission du maréchal Pétain.
42:28 C'est comme un instinct, d'une certaine manière,
42:30 c'est comme l'amour.
42:32 Il y a quelque chose qui bascule au nom de valeur,
42:34 parfois d'une expérience,
42:36 parce que c'est une haute valeur morale.
42:38 -Alors, dans votre panthéon,
42:40 de ces 12 destins face à l'histoire,
42:42 on retrouve vos héros de longue date,
42:44 Clémenceau, Camus, Jean Moulin aussi.
42:46 Vous parlez du préfet, d'ailleurs.
42:48 Très intéressant, les angles que vous choisissez,
42:50 ce n'est pas des angles classiques.
42:52 -C'est le préfet de 1940, de juin.
42:54 -A chaque fois, vous prenez le temps
42:57 de revenir sur un parcours,
42:59 mais aussi d'expliquer ce qu'il a changé pour vous
43:01 et de raconter des parties de l'histoire peu connues.
43:04 Alors moi, j'en ai retenu quelques-uns.
43:06 Louise Michel.
43:08 Ça m'a surpris de voir Louise Michel,
43:10 la révolutionnaire, l'anarchiste.
43:12 Pourquoi vous fascine-t-elle ?
43:14 Vous ne partagez pas vraiment ses idées ?
43:16 -Non, mais parce que je suis arrivé à Louise Michel
43:18 grâce à Georges Clémenceau
43:20 et à l'amitié qu'il y ait.
43:22 Deux personnages totalement différents,
43:24 mais qui se rencontrent à Montmartre.
43:26 Lui, il est le maire de Montmartre
43:28 pendant la guerre de 70,
43:30 pendant la Commune.
43:32 -Elle est institutrice.
43:34 -Oui, ils commencent à se connaître.
43:36 Ils sont différents.
43:38 Clémenceau voit très vite, d'ailleurs,
43:40 comme Victor Hugo, les limites de la Commune,
43:42 les exactions qui sont insupportables.
43:44 Louise Michel est radicale,
43:46 mais elle est fascinante, parce qu'au nom de l'égalité
43:48 entre les femmes et les hommes,
43:50 devant ses juges, elle réclame la peine de mort
43:52 qu'on implique aux hommes et pas aux femmes.
43:54 Elle sera ensuite déportée en Nouvelle-Calédonie,
43:56 mais n'acceptera pas une amnistie partielle
43:58 que propose Clémenceau.
44:00 -Elle va lui avouer des crimes qu'elle n'a pas commis.
44:02 -Exactement. Elle apprendra les langues canaques
44:04 et ne reviendra qu'en 1980,
44:06 au moment d'une amnistie totale.
44:08 -Il y a plein de fils comme ça,
44:10 notamment la Nouvelle-Calédonie,
44:12 parce que c'est important pour vous.
44:14 -C'est un autre fil qui est important.
44:16 -Le couple Mandelstam, je voulais m'arrêter sur eux.
44:18 Je les ai découverts, Nadejda et Ossip Mandelstam.
44:20 Qui était-il ?
44:22 -Ossip est un immense poète
44:24 qu'on connaît aujourd'hui.
44:26 Il n'était pas un engagé politique,
44:28 même s'il avait suivi
44:30 la révolution bolchevique.
44:32 Je crois qu'il était aux obsèques de Lénine.
44:34 Mais c'est un poète pur.
44:36 C'est une âme pure
44:38 qui écrit sur la nature,
44:40 sur l'amour, sur les paysages,
44:42 sur la Russie.
44:44 Et qui, tout à coup, écrit un poème
44:46 contre Staline, dont il ne supporte pas, évidemment,
44:48 les crimes. Ce poème, personne ne le lit,
44:50 sauf des proches, comme le grand écrivain Boris Pasternak,
44:52 qui est effrayé par le seul fait de l'avoir lu,
44:54 pour être complice de cette critique
44:56 de Staline.
44:58 Il sera condamné, dénoncé,
45:00 déporté, il reviendra,
45:02 il mourra au bout.
45:04 -Pourquoi vous l'avez associé à sa femme ?
45:06 -Parce que d'abord, il y a la pureté de la poésie,
45:08 ce n'est pas uniquement courageux,
45:10 ce n'est pas uniquement un acte d'un politique.
45:12 -Ménage d'art.
45:14 -Sa femme apprend par coeur tous les poèmes.
45:16 -Pour les sauver après sa mort.
45:18 -Elles apprennent des nombreuses oeuvres
45:20 et qu'on peut lire, publier. C'est magnifique.
45:22 Il y a une édition, notamment en français et en russe,
45:24 "Elle mourra bien plus tard et elle sauve son oeuvre".
45:26 C'est un acte de courage. Sauver une oeuvre.
45:28 C'est comme quand Clémenceau
45:30 surveillait, gardait
45:32 les tableaux de son ami Monet,
45:34 les impressionnistes, parce que
45:36 certains voulaient les détruire.
45:38 La culture doit être protégée, donc il y a des courageux
45:40 qui la protègent, comme cette femme.
45:42 -Le seul contemporain
45:44 dans ces 12 destins,
45:46 dans ces 12 passages, personnalités,
45:48 c'est Volodymyr Zelensky.
45:50 Il faut quand même dire un mot de lui.
45:52 Vous dites, au fond,
45:54 que certes, il y a ce courage inouï,
45:56 mais il y a aussi tous ces codes politiques
45:58 qu'il a fait exploser. -Oui.
46:00 C'est toujours difficile de prendre un contemporain,
46:02 parce qu'on ne sait pas comment l'histoire va se terminer,
46:04 mais il y a quelque chose, comme Berlin-Henri Lévy
46:06 a pu l'écrire, de Tchertchilien,
46:08 de Gaulien, chez lui.
46:10 Il refuse d'être
46:12 extradé, d'être exfiltré
46:14 plutôt par les Américains
46:16 au moment de l'invasion russe dans un coffre de voiture.
46:18 Et c'est lui, grâce
46:20 à son portable, au "Fast Time"
46:22 qu'il filme, en montrant
46:24 qu'il n'a pas fui Kiev, puisque la propagande russe
46:26 explique qu'il est parti. Non, on voit Kiev
46:28 derrière, et par la manière de s'habiller,
46:30 la manière de s'exprimer, cet homme a parlé
46:32 devant toutes les assemblées du monde,
46:34 et pas seulement les assemblées parlementaires,
46:36 mais aussi le festival de Cannes,
46:38 Davos, etc. Il introduit
46:40 la communication comme un élément de la résistance.
46:42 Et ces mots,
46:44 comme le discours de
46:46 Tchertchil devant la Chambre des communes,
46:48 comme l'appel du général de Gaulle
46:50 en 1940,
46:52 a électrisé, a donné la force
46:54 au peuple ukrainien pour défendre
46:56 leur démocratie, mais ils nous défendent
46:58 aussi, ce sont les courageux qui défendent
47:00 nos valeurs, la démocratie
47:02 et l'Europe. - Un tout petit mot de politique,
47:04 ça vous manque pas ? Vous avez connu des hauts,
47:06 des bas,
47:08 ça vous manque plus ? - Si, ça me manque, bien évidemment.
47:10 C'est l'action qui me manque,
47:12 mais moi je ne vis pas avec
47:14 le regret, et encore moins la rancœur,
47:16 sinon c'est dramatique, donc j'observe,
47:18 je suis en effet un spectateur
47:20 engagé, j'écris. - Vous pourriez revenir ?
47:22 - Mais nous avons toujours,
47:24 il y a toujours, quand on prend
47:26 les destins de Clémenceau, de Tchertchil et de Gaulle,
47:28 on se dit toujours, on peut revenir,
47:30 mais il faut laisser faire la vie,
47:32 il faut laisser faire les choses, j'ai eu la chance
47:34 d'avoir les plus grandes responsabilités,
47:36 il faut se laisser porter aussi par la vie.
47:38 - Et sur votre ancienne famine politique, un tout petit mot ?
47:40 - Le fil conducteur de ces livres, c'est la liberté,
47:42 donc il faut être libre, on ne peut pas avoir toutes les contraintes,
47:44 je me sens très libre de m'exprimer,
47:46 de dire ce que je pense,
47:48 mais toujours avec l'amour de mon pays, parce que je suis un républicain et un patriote.
47:50 - Comment vous regardez votre ancienne famille ?
47:52 Cette nupe, elle a commis que des erreurs,
47:54 selon vous ?
47:56 - Non, il y a toujours un besoin de gauche
47:58 dans ce pays, d'égalité,
48:00 de fraternité, d'espérance,
48:02 de justice sociale,
48:04 bien évidemment, mais vous savez,
48:06 je m'étais exprimé déjà, par le passé,
48:08 sur le fait qu'il y avait des gauches irréconciliables,
48:10 leur vision du monde, de l'Europe,
48:12 de la République, de la société,
48:14 sont aux antipodes, on ne peut pas uniquement être contre,
48:16 donc seul moyen, un jour,
48:18 de la gauche se faire entendre,
48:20 c'est d'avoir un message positif,
48:22 mais elle vit une très profonde crise d'idées institutionnelles,
48:24 et c'est pour cela qu'elle est
48:26 aujourd'hui marginalisée. - Et d'un mot, vraiment, pour ne pas
48:28 prendre trop de temps sur les chroniques qui arrivent,
48:30 le macronisme, à votre avis,
48:32 survivra à Emmanuel Macron ?
48:34 - Je ne sais pas, non, parce que je pense
48:36 que d'une certaine manière, non, parce que je pense
48:38 qu'Emmanuel Macron n'a pas voulu
48:40 bâtir un parti et une doctrine
48:42 qui lui permette de durer, mais attention,
48:44 il lui reste quatre ans, c'est beaucoup,
48:46 et le pays a besoin de réformes,
48:48 mais aussi a besoin d'apaisement, de réconciliation
48:50 avec lui-même. - Manuel Valls,
48:52 "Le courage guidait leurs pas, douce destin
48:54 face à l'histoire", merci beaucoup, c'est à lire
48:56 chez Talendier. Vous restez avec moi,
48:58 c'est l'heure des partis pris de nos affranchis,
49:00 on les accueille tout de suite, ils vont vous faire réagir.
49:02 Allez, on y va !
49:04 Maître Bertrand Perrier,
49:06 qui nous parle d'une décision du Sénat
49:08 qu'il a un peu fâché cette semaine,
49:10 Mariette Darré-Grand et son mot de la semaine,
49:12 les Français à toutes les sauces
49:14 dans la bouche des politiques, mais on commence
49:16 comme chaque soir par le Bourbon Express.
49:18 L'histoire du jour à l'Assemblée, nous est racontée
49:20 ce soir par Elsa Mondingava. Bonsoir, Elsa.
49:22 - Bonsoir, je vous raconte l'histoire de la 17e
49:24 motion de censure que va devoir affronter
49:26 Elisabeth Borne, ce sera en début de semaine,
49:28 dans l'hémicycle, une motion de censure
49:30 annoncée dès hier par les représentants
49:32 des quatre groupes de la NUPES.
49:34 - Membre de l'intergroupe
49:36 NUPES, nous avons
49:38 aujourd'hui fait un serment,
49:40 serment de ne jamais
49:42 lâcher le combat contre la retraite
49:44 à 64 ans et de continuer
49:46 sur notre objectif commun du droit
49:48 à la retraite à 60 ans.
49:50 L'ensemble des groupes de la NUPES
49:52 porteront une motion de censure
49:54 qui devrait être examinée,
49:56 je pense, au début de la semaine prochaine.
49:58 Il nous semble important que nous marquions
50:00 le fait que nous n'acceptons pas
50:02 que la démocratie parlementaire
50:04 et la démocratie dans son ensemble soient
50:06 au bafoué de cette façon.
50:08 - Comme à son habitude, le Rassemblement national
50:10 a d'ores et déjà dit qu'il votera cette motion.
50:12 - Lorsque
50:14 le gouvernement et une majorité
50:16 se permettent d'attenter à ce point
50:18 au fonctionnement démocratique
50:20 d'un pays,
50:22 il mérite la censure, c'est en tout cas ce que je plaiderais
50:24 devant mes députés.
50:26 - En revanche, le groupe Liott
50:28 ne signera pas cette motion. Pour le vote,
50:30 ce sera à chacun fait ce qui lui plaît.
50:32 Le porte-parole du groupe, Benjamin Saint-Huil,
50:34 nous explique pourquoi.
50:36 - Je considère que ce gouvernement doit partir,
50:38 qu'il est allé au bout de son processus
50:40 et qu'il a démontré son incapacité.
50:42 Est-ce que ça doit passer par l'utilisation
50:44 d'une motion de censure ? Je ne suis pas sûr.
50:46 Si jamais il n'était pas censuré,
50:48 ils auront l'outrecuidance de nous faire croire
50:50 qu'ils sont légitimes.
50:52 - Pourquoi ? Elle n'a aucune chance d'être adoptée, cette motion de censure ?
50:54 - Non, ça, il n'y a pas de suspense. Elle n'a aucune chance d'être adoptée.
50:56 La vraie question, c'est de savoir si elle va faire
50:58 plus ou moins de voix que la dernière fois.
51:00 Je vous le rappelle, c'était le 20 mars dernier,
51:02 après le 49-3, la motion transpartisane
51:04 portée par l'inénarrable Charles de Cousson de Lyott.
51:08 Elle avait échoué à neuf voix près.
51:10 Je pense que quand on est premier ou première ministre,
51:12 garder sa place à neuf voix près,
51:14 c'est un sacré avertissement.
51:16 Le résultat avait été plus serré que prévu.
51:18 À l'époque, Lyott avait voté,
51:20 ainsi que la gauche et le Rassemblement national,
51:22 mais la surprise, ça avait été les 19 députés de droite,
51:26 du groupe Les Républicains,
51:28 qui avaient voté pour cette motion,
51:30 qui devait être beaucoup moins nombreuse.
51:32 Donc elle peut souffler, au moins là-dessus, Elisabeth Borne.
51:35 Exactement. A priori, le gouvernement d'Elisabeth Borne
51:38 ne tombera pas la semaine prochaine.
51:40 Ça lui donne un peu plus d'espérance de vie,
51:42 mais survivre à une motion de censure,
51:44 c'est pas non plus un totem d'immunité.
51:46 Ça frappe à terre les rumeurs de remaniement.
51:48 Oui, elles commencent à faire beaucoup de bruit, ces rumeurs.
51:50 Merci beaucoup, Elsa.
51:52 Bertrand, vous vouliez revenir sur une décision assez controversée,
51:54 comprise les sénateurs.
51:56 La semaine dernière, ils ont permis,
51:58 dans le cadre de la réforme de justice,
52:00 d'activer à distance nos appareils téléphoniques.
52:02 De quoi parle-t-on précisément ?
52:04 Oui, c'est une chronique Big Brother, ce soir, Myriam,
52:07 puisque, en effet, mercredi, le Sénat a voté une disposition
52:10 qui permet aux enquêteurs, policiers et gendarmes,
52:13 d'activer à distance vos appareils électroniques,
52:16 chez vous, d'allumer la caméra, d'allumer les micros,
52:20 pour vous filmer, évidemment, à votre insu
52:22 et sans votre consentement,
52:24 ou enregistrer ce qui se dit dans votre appartement.
52:28 Alors, l'idée, peut-être, soit de vous localiser
52:31 ou de localiser votre téléphone portable,
52:33 soit donc de vous filmer ou de vous enregistrer à votre insu.
52:37 Alors, c'est pour faire une sorte de suivi
52:39 et s'adapter à l'évolution des technologies
52:41 dans le cadre de certaines enquêtes ?
52:43 Oui, alors, évidemment, la délinquance elle-même progresse,
52:46 y compris dans les moyens techniques,
52:48 et Éric Dupond-Moretti explique qu'en réalité,
52:50 c'est très compliqué aujourd'hui,
52:52 pour enregistrer les images ou les sons,
52:55 il faut aller poser des micros, des balises,
52:57 que ce n'est pas toujours possible,
52:59 que c'est du temps et que c'est parfois complexe,
53:01 et qu'il est plus facile de passer directement
53:03 par l'ordinateur ou le téléphone des gens.
53:06 Évidemment, c'est décidé par un magistrat, encore heureux,
53:09 c'est limité dans le temps, encore heureux,
53:11 et ça ne peut pas être, sur certaines professions,
53:13 avocat ou journaliste, encore heureux.
53:15 Sur enchères sécuritaires, hurlent les associations.
53:18 Oui, ce n'est pas absolument sans raison.
53:20 Évidemment, tout le monde sait qu'il faut lutter
53:23 contre la criminalité organisée,
53:25 les formes de délinquance de plus en plus sophistiquées,
53:27 bien sûr, mais tout de même,
53:29 il y a une atteinte forte à la vie privée.
53:31 On a un peu passé un cap.
53:33 D'abord, l'activation éloignée
53:35 de ces dispositifs électroniques
53:37 est simplement subordonnée à une qualification juridique.
53:39 C'est assez évanescent.
53:41 Il suffit de dire, j'enquête sur un blanchiment en bande organisée,
53:44 une escroquerie en bande organisée,
53:46 et je peux déclencher ces mécanismes,
53:48 sans que la qualification soit vraiment contrôlée.
53:50 Et puis, les personnes,
53:52 de qui on peut écouter le téléphone portable ou filmer ?
53:55 Une personne soupçonnée.
53:57 Mais c'est quoi une personne soupçonnée ?
53:59 Et puis, sa famille, et puis ses proches,
54:01 et puis son entourage.
54:03 Et puis, il y a les gens qui sont écoutés par ricochet.
54:05 Vous allez chez quelqu'un,
54:07 vous ne savez pas qu'il est écouté,
54:09 mais vous êtes écouté par ricochet.
54:11 Vous êtes filmé par ricochet.
54:13 Vous croisez quelqu'un dans la rue qui est sous écoute,
54:15 vous êtes écouté par ricochet.
54:17 Et vous ne le savez même pas.
54:19 Donc, la pente est glissante.
54:21 Bien sûr qu'il y a la garantie du juge,
54:23 mais c'est toujours pareil.
54:25 Ça hante dans les habitudes.
54:27 Les enquêteurs vont expliquer que c'est très important qu'ils puissent le faire.
54:29 Et peut-être que les juges vont se laisser aller.
54:32 Et je crois que ces dispositifs
54:34 pourraient se banaliser, et c'est dangereux.
54:36 Dans les années 70,
54:38 Michel Foucault a publié
54:40 "Surveiller et punir".
54:42 Je voudrais juste qu'on fasse attention à ne pas
54:44 trop surveiller, sous prétexte de mieux punir.
54:46 - Merci.
54:48 En voilà un parti pris et un avertissement.
54:50 Merci, Bertrand. Vous étiez ministre de l'Intérieur.
54:52 Quelle est votre réaction ?
54:54 Attention aux dérives.
54:56 - J'ai surtout porté, comme Premier ministre,
54:58 la grande loi sur le renseignement,
55:00 qui a intégré les nouvelles technologies
55:02 de la communication.
55:04 - Mais là, ça va trop loin ou pas ?
55:06 - Honnêtement, je ne connais pas le texte,
55:08 je ne connais pas ces dispositions.
55:10 Mais d'abord, il faut s'adapter à ces nouvelles technologies
55:12 en permanence.
55:14 C'est un sujet brillant.
55:16 Mais s'il y a le juge derrière,
55:18 en tout cas celui qui surveille
55:20 cette application,
55:22 c'est quand même, de mon point de vue,
55:24 déjà une manière de me rassurer.
55:26 Mais il faut faire évidemment très attention
55:28 au fond, moins à ce que fait un Etat,
55:30 dans une démocratie contrôlée
55:32 comme la nôtre,
55:34 que ce que peuvent faire les entreprises,
55:36 les géants du numérique.
55:38 C'est ça, moi, qui me préoccupe bien davantage
55:40 que l'action contre la délinquance ou la criminalité,
55:42 qui est toujours, je le répète, encadrée.
55:44 Mais il faut aussi donner les moyens
55:46 à la justice.
55:48 - Allez, ça s'appelle une réponse et en même temps.
55:50 Mariette, les Français par-ci,
55:52 les Français par-là,
55:54 on les a beaucoup entendus dans la bouche des politiques
55:56 cette semaine, c'est votre mot. Pourquoi ?
55:58 - C'est une expression, d'ailleurs, on l'a entendue tout à l'heure
56:00 dans le débat, Myriam, mais je vous ai préparé
56:02 un petit florilège sur la longue séquence des retraites.
56:04 Jordan Bardella, "Les Français n'ont pas
56:06 vocation à travailler jusqu'au cimetière."
56:08 Mathilde Panot, "Les Français iront jusqu'au bout."
56:10 Bernard Lachey, "Il faut de la proximité
56:12 avec les Français." Elisabeth Born,
56:14 "Nous avons fait
56:16 ce que les Français attendaient de nous."
56:18 Mais qui sont ces Français que tout le monde s'attribue ?
56:20 - Vous pensez qu'en réalité, on ne les connaît pas ?
56:22 - Oui, je pense que c'est une façon de ne pas
56:24 les connaître, évidemment pas à chaque
56:26 personne, mais globalement, parce que
56:28 ce méta-concept, en fait, leur font faire
56:30 des erreurs aux politiques. Alors je vais en prendre
56:32 deux cette semaine.
56:34 Carole Delgale a reconnu elle-même que c'était une bourde
56:36 de parler de l'immigration réussie
56:38 incarnée par Mbappé et Noah.
56:40 Mais je crois que c'est à mettre
56:42 en rapport avec ce qu'elle avait dit auparavant dans l'entretien.
56:44 "Les Français ont besoin d'espoir."
56:46 Voilà, toujours cette même formule.
56:48 Alors, c'est français générique, sans vie,
56:50 sans... C'est un français de papier.
56:52 Et il faut bien voir que les politiques ont emprunté
56:54 la formule au sondeur. Mais autant
56:56 c'est justifié quand un statisticien
56:58 a compté ces grandes masses,
57:00 etc., autant dans la bouche du politique,
57:02 c'est beaucoup moins justifié. Donc je vais prendre
57:04 l'exemple, cette fois à droite, d'Edouard Philippe.
57:06 Il a repris la parole fortement
57:08 avec "Les Français
57:10 trouvent à 74 % qu'il y a trop
57:12 d'étrangers en France." C'était avant
57:14 Annecy.
57:16 Et je crois que, bon,
57:18 évidemment, ça peut faire une émergence politique.
57:20 On peut prendre spectaculairement la parole.
57:22 Mais on est dans ce qu'on pourrait appeler
57:24 le marketing politique
57:26 un peu grossier, un peu basique,
57:28 un peu macro. - C'est ça qui vous gêne, manifestement.
57:30 - Alors, le marketing politique,
57:32 en soi, ne me gêne pas. Mais quand on fait du marketing,
57:34 il faut en faire du bon. Et le bon marketing,
57:36 il n'est pas mainstream.
57:38 Il est toujours l'art d'aller
57:40 trouver des signaux faibles. Donc je vais
57:42 en donner deux.
57:44 Pour Carole Delga,
57:46 bon, il est élitiste. Mon signal faible,
57:48 je le reconnais, mais les bobos des grandes villes
57:50 n'achètent plus bio, ils achètent
57:52 local, que ce soit
57:54 Île-de-France ou ailleurs. C'est quand même
57:56 intéressant pour une femme comme elle qui est présidente
57:58 de région. Et là, elle a une belle
58:00 rhétorique de la partie qui vaut pour le tout,
58:02 de la région qui vaut pour la France. Il faut regarder
58:04 ça plutôt que les Français.
58:06 Et puis, Edouard Philippe,
58:08 il veut prendre la posture de l'homme
58:10 rationnel, qui n'est pas dans l'émotion. Il n'a pas
58:12 pris d'ailleurs la parole sur Annecy, je ne crois pas.
58:14 Mais il faut regarder des sondages moins
58:16 connus. J'en prends un qui
58:18 je trouve passionnant.
58:20 Un sondage demandé par le CNRS.
58:22 8 Français sur 10 attendent
58:24 d'avoir plus d'informations scientifiques. Et c'est
58:26 corroboré par le succès des Youtubers
58:28 sur les
58:30 pédagogies scientifiques. Voilà. Non, ce que je veux dire
58:32 par là, Myriam, c'est que c'est un scoop, d'ailleurs.
58:34 Les Français, eh bien, ils existent
58:36 en vrai. - Très bien.
58:38 Vous avez un peu abusé de l'expression.
58:40 - Oui, bien sûr, parce qu'on cherche
58:42 à s'adresser d'une manière ou d'une autre, très directant,
58:44 avec nos compatriotes.
58:46 Le général de Gaulle ne
58:48 parlait pas les Français. Il en parlait beaucoup.
58:50 Il parlait de la France. - C'est vrai.
58:52 - C'est une autre conception de voir
58:54 les choses. Il faut faire appel en permanence
58:56 à l'intelligence de nos compatriotes.
58:58 Michel Rocard disait "Les Français sont d'une intelligence
59:00 confondante".
59:02 C'est un peuple très mûr, très politique,
59:04 très informé. Et donc, il faut
59:06 se méfier des emballements, des sondages.
59:08 Il faut aller au fond
59:10 examiner leurs
59:12 pensées, leur cœur,
59:14 pour mieux comprendre ce que ce grand peuple veut.
59:16 Et avec sincérité. Et vérité.
59:18 - Et on en trouve de la vérité,
59:20 de la sincérité dans tous ces destins.
59:22 "Le courage guidait leurs pas", "12 destins face
59:24 à l'histoire", c'est donc à lire chez Talendier.
59:26 Merci beaucoup, Manuel Valls, de nous avoir accompagnés
59:28 dans cette émission. Les Affranchis, à vendredi prochain.
59:30 Elsa, à la semaine prochaine.
59:32 C'est le week-end. Profitez bien.
59:34 A très vite.
59:36 (Générique)

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