État de santé - Se sentir mieux au travail, c'est possible ?

  • l’année dernière
Douleurs musculaires, troubles du sommeil, maux de têtes, voire même dépression ... sur le long terme, le stress au travail peut devenir une véritable souffrance et aboutir à des troubles de santé. Or, 2/3 des Français subiraient un stress régulier au travail. Une situation qui semble ne faire qu'empirer, surtout depuis la pandémie.
Certains salariés sont plus touchés que d'autres : dans la fonction publique, et notamment l'éducation nationale et l'hôpital, les salariés sont plus en contact avec du public, et le stress est particulièrement fort. Les fonctionnaires seraient deux fois plus nombreux à prendre des anxiolytiques que les autres Français.
Face à ces constats, entreprises et administration adoptent de plus en plus des démarches de « qualité de vie au travail ». Journées de prévention, formations des managers, réorganisations, aménagement des temps de travail, voire semaine de 4 jours, tous cherchent des solutions pour réduire la souffrance au travail. Mais ces démarches sont-elles vraiment efficaces ou ne sont-elles que des beaux discours ? Reflètent-elles une véritable prise en compte des risques psycho-sociaux. Ne faudrait-il pas repenser toute l'organisation du travail ?

La santé figure au premier rang des préoccupations des Français et au coeur de tous les grands débats politiques et sociétaux.
L'organisation des soins, le service public hospitalier, mais aussi le mal de dos, les allergies, la bioéthique ou encore la nutrition... Sur LCP, Elizabeth Martichoux explore chaque mois un thème de santé publique.
Entre reportages, interviews de professionnels de santé, de personnalités politiques mais aussi de patients, ce rendez-vous aborde tous les maux d'une problématique de santé, ses enjeux, les avancées et les nouveaux défis pour mieux vivre demain !

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Transcript
00:00 LCP Assemblée nationale, en partenariat avec MGEN Mutuelle Santé Prévoyance présente État de Santé
00:09 Générique
00:38 Deux tiers des Français se disent stressés au travail. Burn-out, dépression, douleurs chroniques.
00:44 Ce stress peut avoir de nombreuses conséquences sur la santé.
00:47 C'est difficile à expliquer qu'on tient finalement dans un état de tension permanente.
00:52 Et à un moment cette tension c'est comme un fil, ça craque.
00:56 La prévention des risques passe par une réorganisation du travail.
01:00 Pour cela, de nouvelles pistes sont étudiées.
01:03 Finalement avec la semaine de 4 jours, je viens accroître mes temps de récupération et permettre ce retour à l'équilibre beaucoup plus régulier dans mes semaines.
01:10 Alors, comment mieux prendre en charge le stress au travail ? Que faut-il changer ?
01:15 Se sentir mieux au travail, c'est possible ? C'est le thème de ce numéro d'État de Santé.
01:21 Générique
01:25 Bonjour à tous, bienvenue dans État de Santé, on va parler de la qualité du travail.
01:28 Est-ce que ça s'est amélioré concrètement pour les salariés ? C'est ça qui nous intéresse aujourd'hui, on va explorer la question avec vous.
01:35 Bonjour Christophe Dejoux, on est très heureux de vous recevoir.
01:38 Vous êtes une référence et vous vous parlez donc de souffrance au travail.
01:43 La souffrance au travail, ça commence où ?
01:46 Ça commence pratiquement dès le début d'une activité de travail,
01:50 pour une raison précise qui a été mise en évidence il y a 50, 60 années maintenant,
01:57 c'est que tout travail est encadré par un certain nombre de prescriptions.
02:02 On fixe un objectif à atteindre, ça s'appelle la tâche,
02:06 et puis un mode opérateur, c'est-à-dire un chemin qu'il convient de suivre pour atteindre cette tâche.
02:11 Ce qu'ont montré les ergonomes, c'est que dans toutes ces situations de travail,
02:17 quelle qu'elle soit, les gens ne respectent jamais exactement les prescriptions.
02:22 Ils trichent avec les prescriptions, parce qu'il y a toujours des choses inattendues,
02:27 y compris sur la chaîne de montage, y compris dans une intervention opératoire.
02:31 C'est quoi un incident qui crée de la souffrance ? Vous me direz qu'il y en a tout le temps.
02:35 Si vous prenez la chaîne de montage, vous attrapez le boulon, selon ce qu'on vous dit, il faut le rentrer,
02:41 et puis en fait cet écrou est mal calibré, ça ne passe pas, vous perdez du temps.
02:46 Pendant ce temps, la chaîne avance. Si vous continuez, vous arrachez les doigts.
02:50 Quand ça ne marche pas, ça s'appelle couler sur la chaîne.
02:53 Donc les autres, vous voyez, commencent à crier en disant que ça ne va pas.
02:57 Et vous, ensuite, il va falloir remonter la chaîne. C'est l'angoisse.
03:02 Donc les gens, qu'est-ce qu'ils font ? Ils essayent d'inventer des trucs pour gagner du temps.
03:07 Ils mettent la main gauche et la main droite, ils plongent et reviennent avec un écrou entre chaque doigt.
03:14 Et avec l'habitude, ils arrivent à sentir si le truc est bien calibré.
03:18 Vous voyez, donc ce n'est pas du tout prescrit. Ils ont inventé ça.
03:21 Ça ne leur permet de gagner du temps parce qu'ils sentent tout de suite et ils jettent l'écrou.
03:25 Donc ils savent qu'il est mal calibré en criant en général.
03:29 Bon, ça fait partie du métier. Et grâce à ça, ils arrivent à ne jamais avoir l'écrou qui n'est pas bien calibré.
03:36 Donc ils s'adaptent. Ils s'adaptent à une contrainte.
03:39 Donc ces gens-là, ils essayent d'inventer des choses. Donc ils trichent avec des procédures pour ne pas souffrir.
03:46 C'est la souffrance qui mobilise leur intelligence. Et donc il n'y a pas de travail sans souffrance.
03:52 On a compris que vous connaissez parfaitement le monde du travail, que vous étudiez depuis très longtemps.
03:56 Je disais, vous êtes un spécialiste de la souffrance au travail. Votre parcours le prouve. Regardez.
04:06 Psychiatre, psychanalyste, Christophe Dejour est un spécialiste français de la souffrance au travail.
04:11 Ancien professeur au Conservatoire national des arts et métiers, il a publié de nombreux ouvrages de référence sur le travail et les pathologies liées au monde de l'entreprise.
04:21 Comme souffrance en France, et plus récemment, le choix, souffrir au travail n'est pas une fatalité.
04:28 Ses recherches portent sur les questions d'organisation du travail et leurs effets sur la santé.
04:34 Aujourd'hui, il est le directeur de l'Institut de psychodynamique du travail depuis 2018.
04:40 Alors docteur, avant de revenir très en détail sur la souffrance au travail, quand même un mot.
04:49 Les gens qui sont épanouis au travail, qui transforment la souffrance en plaisir, qui sont dans la passion, ils souffrent sans le savoir ?
04:58 Il n'y a pas de travail sans souffrance. Il ne faut pas imaginer des organisations du travail dans lesquelles tout irait parfaitement bien, où il n'y aurait pas de souffrance.
05:05 Ça n'existe pas. La souffrance est toujours au rendez-vous du travail. Mais évidemment, dans certains cas, il faut regarder quelles sont les conditions qui permettent cette transformation.
05:15 La souffrance se mute, se transmute en plaisir. Mais le plaisir, il est second.
05:21 C'est quand on gagne la partie, c'est au fond quand on triomphe de cette souffrance, que la souffrance se transforme en plaisir.
05:29 Et pour beaucoup d'entre nous, on a en plus besoin, pour vraiment transformer la souffrance en plaisir, on a besoin du regard de l'autre, de la reconnaissance.
05:38 Ça s'appelle la reconnaissance.
05:40 Justement, vous avez été un pionnier, ça fait 30 ans que vous observez ces questions-là. On a un sentiment que ça va mieux, parce qu'on ne va plus à la mine, parce qu'il n'y a plus les chaînes de production comme avant.
05:52 Il y a peut-être plus de souffrance psychique aujourd'hui et moins de souffrance physique. Donc on se dit que ça va peut-être mieux.
05:58 Ça va mieux ou ça ne va pas mieux dans le monde du travail ?
06:01 Ça va plus mal.
06:02 Parce que l'organisation du travail a été profondément transformée. On va prendre des exemples simples dont vous entendez parler partout dans les journaux.
06:10 Les médecins, les infirmiers sont confrontés à une organisation du travail qui pousse à la production en termes quantitatifs, un.
06:21 Deux, qui standardisent tous les modes opératoires, ce qui est complètement incompatible avec la qualité d'un soin.
06:28 Donc, vous dégradez la qualité du travail.
06:31 Vous le disiez, ça ne va pas mieux. Les statistiques le prouvent et on le regarde avec cette infographie.
06:38 Le travail, c'est la santé ? Pas vraiment pour les deux tiers des salariés français qui subissent un stress régulier au travail.
06:50 La pandémie a d'ailleurs fait exploser ce stress. En deux ans, la proportion des salariés touchés a augmenté de 9 points, surtout chez les jeunes.
06:59 Plus inquiétant encore, 34% des salariés seraient en burn-out.
07:04 La raison ? D'abord, des journées jugées trop longues et qui perturbent l'équilibre entre travail et vie personnelle.
07:12 Ensuite, un salarié sur cinq considère qu'il a trop de responsabilités depuis la crise sanitaire, notamment dans la construction, dans l'éducation et dans la santé.
07:23 Enfin, 20% des travailleurs ont peur de perdre leur emploi.
07:27 Avec la pandémie, l'avènement du télétravail a lui aussi changé la donne. Désormais, près de la moitié des entreprises y ont recours.
07:36 Mais travailler chez soi ne réduit pas forcément le stress, bien au contraire.
07:41 Pour la moitié des télétravailleurs, la surcharge de travail ou les signes de stress seraient en fait moins détectables par les managers, ce qui les rend plus à risque.
07:50 Face à ces risques psychosociaux plus forts, les employés se sentent souvent délaissés.
07:55 33% d'entre eux considèrent que leur employeur ne prend pas de mesures pour favoriser leur bien-être mental.
08:02 « Alors, docteur, ça va moins bien. D'ailleurs, est-ce que les gens en parlent davantage ? Est-ce qu'avant on subissait la souffrance sans oser en parler ?
08:16 Est-ce qu'aujourd'hui, on est plus quand même dans la colère, dans la revendication et donc on en parle davantage ?
08:22 On ose davantage mettre sur la table sa souffrance au travail ? »
08:26 « Si vous voulez, au début de mes enquêtes, il y a 40-50 ans, on ne parlait pas directement de la souffrance dans le travail, dans le monde ouvrier, dans le monde des techniciens.
08:35 On ne parlait pas de souffrance. On parlait du travail. Il y avait des grandes délibérations sur la manière de travailler.
08:42 Il y avait des espaces dans lesquels on faisait des réunions d'équipe, sur comment on aborde tel chantier dans le bâtiment,
08:49 comment on fait le débriefing d'un incident qui s'est passé dans la centrale nucléaire.
08:54 Tout le monde se réunissait. On passait une heure, deux heures à discuter, donner son point de vue.
08:58 Les gens n'étaient pas tous d'accord sur l'interprétation. On en tirait des conclusions. On élaborait des accords, des règles.
09:06 Ce faisant, alors qu'on parlait du travail collectivement, qu'on délibérait sur le travail, en réalité on parlait de la souffrance, mais pas en termes de souffrance. »
09:15 « Donc ça c'était avant ? »
09:16 « Ça c'était avant. »
09:17 « Et maintenant ? »
09:18 « Aujourd'hui, il n'y a plus de temps de délibération. Il y a un changement radical.
09:21 Avant, c'était des gens de métier et des ingénieurs qui dirigeaient l'organisation du travail.
09:26 À partir des années 90, il y a un tournant majeur dans le monde du travail, ce qu'on appelle le tournant gestionnaire.
09:32 Les ingénieurs ont été chassés, y compris dans l'industrie, et les médecins des hôpitaux qui dirigeaient les hôpitaux ont été chassés et sont remplacés par des gestionnaires.
09:40 Les gestionnaires considèrent que les temps de délibération, c'est du temps non-productif,
09:45 alors que c'est le moment où justement on centralise non seulement le savoir, mais aussi les difficultés.
09:52 Tout le monde se met à travailler ensemble pour résoudre des problèmes. »
09:56 « La conséquence de cette souffrance, c'est le burn-out. C'est un mot qui s'est imposé il y a une dizaine d'années dans le langage courant, dans le monde du travail.
10:05 Alexia Leperon, pour Etat de santé, est allée rencontrer précisément des salariés touchés par cette pathologie. Reportage. »
10:18 En plein cœur de la Bourgogne, loin du stress des bureaux, les émotions se libèrent lorsque la nuit tombe.
10:26 « Alors quand vous voulez, vous pourrez tranquillement fermer vos yeux, à votre rythme.
10:33 Vous allez pouvoir laisser revenir à vous le souvenir d'un moment de votre vie, quel qu'il soit, récent ou plus lointain.
10:43 Un moment de votre vie où vous avez ri, mais vous avez ri. Rappelez-vous. »
11:05 Derrière la bonne humeur, ces salariés sont en fait ici pour faire face à un moment difficile de leur vie, le burn-out.
11:13 « Le but de tous ces exercices-là, c'est de ramener des sensations agréables en lien avec le rire,
11:21 sensations qui ont souvent été éteintes pendant la phase d'épuisement. »
11:33 Le lendemain matin, les rires auraient fait presque oublier la raison de leur présence.
11:39 Un séjour d'une semaine pour les aider à sortir du burn-out.
11:49 La plupart préfèrent rester anonymes pour ne pas être reconnus au travail.
11:56 Mais cette directrice d'école accepte de partager son expérience.
12:02 « Je pense que pour sortir de la dépression, il faut déjà comprendre ce qui nous arrive,
12:06 comprendre les mécanismes et comment on peut en sortir.
12:09 C'est difficile à expliquer qu'on tient finalement dans un état de tension permanente.
12:14 Et à un moment, cette tension, c'est comme un fil.
12:18 Ça craque et notre corps nous le dit et nous lâche. »
12:23 Après un troisième burn-out, elle vient ici, sur les conseils d'une psychologue de l'Éducation nationale.
12:30 Une semaine de bien-être et de soins, loin du stress.
12:35 Et surtout, au cœur du programme, une formation pour retourner au travail sereinement.
12:44 La formatrice est aussi co-fondatrice des séjours Human Tempo.
12:49 « Aujourd'hui, ce qu'on va faire, c'est les limites, les parasitages et ma stratégie de retour au travail.
12:56 »
12:57 Alors, quelles sont les limites que vous avez déjà posées ou que vous aimeriez mettre en place au travail ?
13:03 « Les demandes incessantes dans les couloirs sur le temps de déjeuner.
13:08 Ce flot d'informations permanentes, de demandes permanentes,
13:13 qui sont jetées un peu à droite, à gauche.
13:16 Parce que ça, je ne peux pas le gérer.
13:18 Mon cerveau ne peut pas tout gérer d'un coup et ce n'est pas possible. »
13:21 « Le stress est de plus en plus présent dans le monde du travail.
13:24 C'est 30 dernières années, notamment du fait de l'évolution des technologies. »
13:33 « C'est la manière dont le travail fonctionne qui ne va pas avec ce que sont les gens aujourd'hui,
13:42 ce qu'ils en attendent.
13:44 Les risques psychosociaux, ce sont des risques qui ont émergé, on va dire,
13:48 fin des années 90, mais c'était un petit peu avant.
13:50 Et en fait, face à ces risques-là, il n'y a pas vraiment d'action de prévention qui a été mise en place. »
13:57 C'est avec Rachel que Virginie a fondé Humane Tempo.
14:02 Elle-même a aussi déjà vécu un burn-out.
14:06 « Nous, ce qu'on leur enseigne, et ce que j'ai appris aussi,
14:09 c'est que ma santé n'a pas à être le fusible de mon implication professionnelle.
14:14 Et qu'aucun employeur, aucun projet ne vaut la peine d'être en arrêt maladie pendant 7 mois.
14:19 Ce qui est la durée moyenne d'un arrêt pour burn-out. »
14:21 L'aide qui peut être apportée dans ce séjour n'est cependant pas accessible pour tous.
14:27 Il faut compter 1 500 euros pour une semaine,
14:30 même si certains organismes de formation et mutuels peuvent le prendre en charge.
14:35 « Alors docteur, vous, le burn-out, c'est une pathologie qu'on a un peu découverte.
14:46 Cette formule, ça existe depuis toujours, le burn-out.
14:49 Juste pour être précis, le burn-out, pour vous, quelle est la définition ? »
14:52 « En gros, quand on parle de burn-out aujourd'hui, c'est à peu près n'importe quoi.
14:55 C'est une grande salade dans laquelle on met tout.
14:57 Les gens vont pas bien.
14:59 Le plus souvent, ce dont il s'agit, c'est d'un surmenage ou d'un épuisement professionnel.
15:04 Mais le vrai burn-out, c'est-à-dire la définition originale, c'est pas ça.
15:07 C'est dans la fin des années 90, aux Etats-Unis.
15:11 Ça concerne des personnels très particuliers.
15:13 C'est des personnels qui sont engagés dans des relations d'aide.
15:16 Et la relation d'aide concernait essentiellement les infirmiers, infirmières,
15:20 les travailleurs sociaux et puis un certain nombre de médecins.
15:24 C'était des gens qui étaient engagés dans une relation d'aide
15:26 dans des situations difficiles, particulièrement difficiles.
15:29 Donc auprès des toxicomanes, c'était à propos des toxicomanes que ça a été décrit.
15:35 Aussi auprès des cas sociaux difficiles,
15:38 qui sont des cas dans lesquels l'échec est itératif, si vous voulez, inlassablement.
15:44 Vous êtes obligé de recommencer.
15:45 Et c'est toute cette motivation qui, au bout d'un certain nombre d'années,
15:49 d'exercice, s'épuise.
15:51 Et on dit à un moment donné, il est burnt out.
15:54 Il est grillé.
15:56 C'est-à-dire qu'il ne peut plus.
15:58 Et donc, il ne peut plus fournir.
16:00 Et rien que de retourner sur le lieu du travail le rend malade
16:04 parce que c'est comme si le pétrole avait disparu.
16:10 Il n'y a plus la motivation.
16:12 Et ça s'appelle, c'est un épuisement.
16:14 Et en fait, la seule solution, c'est de changer de métier.
16:16 On ne peut pas continuer.
16:18 On ne peut plus exercer, on ne peut plus supporter.
16:20 Ce que je retiens, en tout cas, c'est que dans la définition première du burn out,
16:25 celui qui en est victime ne peut plus reprendre l'activité.
16:28 Et ça, c'est la définition.
16:30 On ne peut plus supporter de faire le même travail.
16:32 On doit changer de travail. C'est vertigineux.
16:34 Alors, comment réduire ça ? Quelle solution ?
16:36 Je m'intéresse de savoir ce que vous allez en dire.
16:38 Mais quand même, on va s'intéresser au rythme de travail.
16:42 La semaine de 4 jours, par exemple.
16:44 On se dit, c'est formidable la semaine de 4 jours.
16:46 Mais est-ce que c'est vraiment la solution ?
16:49 Alexia Le Perron a enquêté pour État de santé.
16:53 Elle a suivi une expérience dans le service public à la CNAV,
16:57 la célèbre Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse.
17:01 [Musique]
17:04 Bonjour Sylvain.
17:06 Bonjour Alex.
17:07 Toujours disponible pour un entretien ?
17:09 Oui, oui, oui. Pas de souci.
17:11 Super.
17:12 Paul est docteur en psychologie cognitive.
17:15 Il cherche à mieux comprendre l'influence des rythmes de travail sur les salariés.
17:20 Est-ce que, du coup, depuis ce mois et demi,
17:24 vous ressentez des effets de la semaine de 4 jours sur votre bien-être ?
17:27 Votre niveau d'anxiété, par exemple, ou votre niveau de fatigue ?
17:30 Alors, c'est plutôt très positif.
17:36 Surtout dans le niveau de fatigue.
17:39 Depuis presque deux mois, il suit Sylvain,
17:42 employé à la CNAV, la Caisse Nationale de l'Assurance Vieillesse.
17:46 L'organisme teste la semaine de 4 jours
17:49 et a demandé à des chercheurs de les accompagner
17:52 et d'évaluer l'impact de ce nouveau rythme sur les salariés.
17:56 Globalement, un avis qui est partagé par au moins la majorité des exportateurs,
18:01 c'est ce bénéfice d'avoir un jour de moins de travail dans la semaine
18:05 pour l'allouer à sa famille, à des activités extra-professionnelles,
18:09 au repos aussi.
18:11 Ça a un effet plutôt bénéfique sur le niveau de fatigue, le niveau d'anxiété.
18:15 Gaëtan Delavilléon coordonne cette étude pour la CNAV.
18:19 Pour ce chercheur, les bénéfices de la semaine de 4 jours
18:23 s'expliquent par le fonctionnement cognitif en situation de stress.
18:27 Si on devait résumer de manière très schématique,
18:29 à chaque fois que je vais avoir un état de stress associé au travail,
18:32 ou tout état de stress, je vais avoir une modification de l'activité de mon organisme
18:35 pour me permettre de réagir face à une situation donnée.
18:39 Ça va passer par une libération d'adrénaline, de cortisol,
18:42 qui va modifier un petit peu mon organisme,
18:44 augmentation du rythme cardiaque, augmentation du taux de sucre dans le sang, etc.
18:48 Le problème, c'est qu'il faut qu'en face, j'aie un retour à l'équilibre.
18:52 C'est ce que nous apportent les temps de récupération.
18:54 Je vais permettre de diminuer mon rythme cardiaque, mon taux de sucre dans le sang.
18:57 Et donc je dois avoir cette balance qui est respectée en permanence.
18:59 Finalement, avec la semaine de 4 jours, je viens accroître mes temps de récupération
19:02 et permettre ce retour à l'équilibre beaucoup plus régulier dans mes semaines.
19:06 Le rythme de travail a donc un impact sur le stress,
19:11 mais aussi sur la qualité de vie.
19:14 Abris sur Marne, nous retrouvons Sylvain,
19:17 le salarié de la CNAV qui expérimente la semaine de 4 jours.
19:21 C'est ça ? Tire un peu plus sur le bras.
19:24 Tire sur le bras, Guillaume. T'arrêtes pas.
19:26 Son jour de repos supplémentaire lui permet de libérer plus de temps
19:30 pour sa passion, le judo.
19:33 Ça me permet de gagner en souplesse sur l'équilibre,
19:37 en fait, vie professionnelle, vie privée.
19:40 Ça permet d'être effectivement peut-être un poil moins fatigué,
19:45 stressé le reste de la semaine,
19:47 puisque je sais que j'ai ma journée complète pour les accoter
19:51 et que le soir, voilà, je peux rester un petit peu plus au travail
19:54 ou je peux profiter le soir de la famille.
19:57 Alors face à tous ces bénéfices, faudrait-il adopter massivement
20:06 la semaine de 4 jours ?
20:08 Il y a quand même certaines conditions à prendre en compte.
20:14 En Angleterre, des chercheurs de Cambridge ont participé cette année
20:18 à la plus large étude jamais menée sur la semaine de 4 jours.
20:22 Ils en avaient conclu, au même bénéfice,
20:25 des employés beaucoup moins stressés et un meilleur équilibre
20:29 vie personnelle, vie professionnelle.
20:32 L'expérimentation anglaise impliquait une réduction du temps de travail.
20:37 Une différence qui peut expliquer qu'à la CNAV,
20:40 seuls 20 employés ont décidé de tenter l'expérience.
20:44 Concrètement, il s'agit de faire 35 ou 37 heures sur 4 jours au lieu de 5.
20:50 Oui, il y a forcément un peu de réticence,
20:53 notamment sur les questions d'intensification du travail,
20:56 d'intensification de la journée,
20:58 de densification des flux informationnels.
21:01 Lire ses mails sur 4 jours, ce n'est pas comme sur 5.
21:05 C'est donc justement pour évaluer l'impact de cette surcharge de travail
21:09 que la CNAV fait appel aux chercheurs en neurosciences.
21:13 Et pour eux, la clé du succès de la semaine de 4 jours
21:17 réside dans une meilleure organisation du temps de travail.
21:20 Si je veux pouvoir m'adapter à ce nouveau rythme,
21:23 il faut que je sois en capacité de modifier mon organisation dans la journée.
21:27 Si je ne fais qu'augmenter mon temps de travail sans jamais le réguler,
21:31 alors il peut y avoir des risques sur le lien social, sur la fatigue,
21:34 sur la fatigue à court terme et la fatigue à plus long terme.
21:37 Réfléchir à la semaine de 4 jours permettrait donc
21:40 de repenser l'organisation de son travail.
21:43 Aujourd'hui, la semaine de 4 jours en est encore à ses premiers pas en France.
21:48 Et comme Sylvain, 64% des salariés français souhaiteraient en avoir la possibilité.
21:54 Docteur Dejoua, la semaine de 4 jours.
22:02 On se dit c'est formidable, on va travailler moins.
22:05 Est-ce que vous en pensez ? En fait, on va devoir faire encore plus dans un temps encore limité ?
22:09 Ou ça permet, parce qu'on a 3 jours de repos, de souffler mieux que simplement 2 jours ?
22:15 Le travail, on sait où ça commence.
22:18 C'est-à-dire quand j'entre dans mon bureau et puis quand j'en sors.
22:22 Ça, c'est la durée de travail.
22:24 Mais c'est faux.
22:26 La plupart d'entre nous, on continue à penser à son travail.
22:29 Quand l'infirmière rentre chez elle, elle pense à ses malades.
22:33 Le chercheur, quand il rentre chez lui, il pense à sa recherche.
22:36 Donc, s'il vous plaît, il n'y a pas d'étanchéité entre travail et hors-travail.
22:40 Donc là, on dit 4 jours.
22:43 Mais en fait, il y a plein d'endroits dans lesquels c'est absolument pas vrai.
22:46 Donc, en fait, c'est un miroir aux alouettes.
22:48 Non, ce n'est pas un miroir aux alouettes.
22:51 Si on veut le généraliser, c'est faux.
22:54 D'accord. Est-ce que vous pensez de la jeune génération
22:57 qui précisément revendique une étanchéité plus importante
23:01 entre le monde du travail et la vie personnelle ?
23:05 Est-ce que ça, c'est quelque chose qui va dans le bon sens ?
23:08 Je ne sais pas si ça va dans le bon sens, mais c'est vrai.
23:10 Les jeunes sont effectivement beaucoup plus attentifs à ce pourquoi.
23:13 Autrefois, c'est dans le monde du travail que les gens se rencontraient et se mariaient.
23:17 C'est fini, ça, aujourd'hui.
23:19 Vous arrivez dans le monde du travail comme chacun est seul
23:21 et que tout le monde est en concurrence les uns avec les autres
23:24 et que si votre voisin réussit bien, c'est mauvais pour vous.
23:27 Tout le monde est en lutte. Les gens se surveillent.
23:31 La peur, la méfiance.
23:33 Donc, vous allez vers un monde du travail.
23:36 Pour les jeunes, ils n'ont pas confiance en l'entreprise.
23:39 Ils n'ont pas tort.
23:40 Du coup, pour pouvoir tenir dans la vie, il faut préserver un espace privé.
23:46 Dans ma génération, on a quand même une chance folle
23:50 parce que le travail était une source aussi de camaraderie, d'amitié,
23:56 l'étanchéité entre les deux était moins tragique.
23:59 Juste un mot, parce que quand même, vous l'avez dit, on ne peut pas s'y arrêter,
24:03 ce sont les suicides.
24:05 Ça, évidemment, c'est l'exemple ultime de la souffrance au travail.
24:10 On a vu ça dans des grandes entreprises comme France Télécom.
24:13 Vous avez fait scandale. Comment prévenir ça ?
24:15 La meilleure prévention en matière de santé mentale, c'est l'existence d'une coopération
24:20 parce que la coopération, ce n'est pas seulement orientée vers la production,
24:25 la production de qualité et une œuvre commune,
24:28 c'est aussi toujours un tissage de liens entre les gens autour des enjeux fondamentaux du travail.
24:36 Donc, ce qu'il faut, c'est réintroduire la coopération.
24:39 La délibération, c'est plus que ça ?
24:41 La coopération, un des noyaux durs de la coopération, c'est ces espaces de délibération.
24:47 Quand on rétablit ça, on n'est plus seul.
24:50 Et ça, c'est la meilleure prévention.
24:53 Vous connaissez très bien la fonction publique.
24:55 Oui.
24:56 Vous avez voulu demander, comme c'est la règle dans cette émission,
24:59 on interroge un député sur la souffrance au travail,
25:01 et vous avez voulu précisément savoir comment nos élus,
25:06 quelles étaient leurs propositions pour éviter, par exemple,
25:10 des cascades de démission dans la fonction publique.
25:12 Et c'est Pierre Daréville, député NUPS, élu communiste des Bouches-du-Rhône, qui vous répond.
25:22 J'avais déposé une proposition de loi, il y a quelques temps,
25:25 qui s'appliquait plutôt au privé, mais dont on pourrait réfléchir aux applications dans le secteur public,
25:30 qui visait à reconnaître les collectifs de travail.
25:33 Reconnaître le collectif de travail, c'est-à-dire permettre à ce collectif de se réunir
25:37 pour discuter tout simplement de la manière dont on travaille,
25:40 de la place de chacun et de l'amélioration de ce qui est produit.
25:45 Et la fonction publique, elle aussi, produit une part importante de réponse, de richesse dans notre société.
25:52 À Christophe Dejour, Pierre Daréville, finalement, il frôle un peu cette notion
25:58 dont vous nous parliez, essentielle dans le monde du travail,
26:01 qu'il faut absolument rétablir, c'est la coopération.
26:03 On lui appelle ça des lieux collectifs pour se retrouver.
26:06 Vous êtes d'accord avec lui ?
26:08 Oui, je pense que c'est juste.
26:10 Mais il faudrait à terme pouvoir légiférer sur la question de l'organisation du travail,
26:16 pour pouvoir contrer un peu la tendance qui s'est faite, si vous voulez,
26:21 sans aucun contrôle, de transformation de l'organisation du travail,
26:25 avec des dispositifs qui sont très destructeurs pour les êtres humains qui travaillent.
26:29 Dernière question, puisqu'on pourrait parler des heures.
26:32 Docteur, quand vous faites ce type de préconisation à des chefs d'entreprise
26:37 qui viennent vous voir en disant "comment je peux améliorer la qualité du travail",
26:42 vous leur expliquez, j'imagine, ils comprennent, ils sont intelligents, est-ce qu'ils le font ?
26:46 Oui.
26:47 D'accord.
26:48 Mais la situation est grave, mais pas désespérée.
26:51 Il y a plusieurs. Moi, j'ai plusieurs expériences.
26:54 C'est vrai que c'est récent, c'est dans les dernières années, la dernière décennie,
26:57 mais ce sont des petites et moyennes entreprises.
27:00 Jamais les grandes.
27:02 Pas les grands groupes du 440 ?
27:03 Non, sûrement pas.
27:05 Pour avoir la qualité, il faut garder les gens longtemps.
27:08 Et donc, si on veut les garder longtemps, il faut les protéger.
27:11 Quels sont les moyens ?
27:12 Il faut réorganiser le travail avec les principes de la coopération.
27:15 Et j'ai plusieurs entreprises déjà qui nous demandent de les aider à recomposer tout ça.
27:19 Et c'est possible.
27:20 Sur cette bonne nouvelle et cette belle perspective.
27:23 Merci beaucoup, Christophe Dejour, docteur, d'avoir été avec nous aujourd'hui dans "État de santé".
27:28 Merci de nous avoir suivis et à très vite.
27:30 [Musique]
27:43 LCP Assemblée nationale, en partenariat avec MGEN Mutuelle Santé-Prévoyance, vous a présenté "État de santé".
27:53 [Musique]

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