Déserts médicaux : un amendement trans-partisan pour limiter la liberté d'installation des médecins

  • l’année dernière

Chaque jour, Romain Desarbres et ses invités font un point complet sur l'actualité.
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Transcript
00:00 Europe 1 Midi, Romain Desarbres.
00:04 - Bonjour docteur Marti. - Bonjour.
00:07 - Bonjour Jérôme Marti, merci d'être avec nous.
00:09 Médecin généraliste, président de l'Union française pour une médecine libre.
00:13 On va parler, j'allais dire, reparler des déserts médicaux.
00:17 Ce n'est pas la première fois qu'on en parle, mais là il y a des députés qui font des propositions.
00:22 Notamment celle-ci, des députés veulent réglementer l'installation des médecins.
00:26 Pas d'autorisation nécessaire pour s'installer en désert médical.
00:29 Si un jeune médecin veut s'installer dans un désert médical, il peut le faire librement.
00:34 En revanche, s'il veut s'installer dans une zone où il y a déjà beaucoup de médecins,
00:39 une zone bien pourvue, il aura besoin d'une autorisation de l'ARS, l'Agence régionale de santé.
00:45 Qu'est-ce que vous en pensez vous ?
00:47 - J'en pense qu'il faudra qu'ils nous indiquent où sont les zones où il y a trop de médecins,
00:51 parce que selon nous elles n'existent pas.
00:53 Je vous rappelle que l'île de France a perdu l'an dernier 354 médecins, dont 244 médecins généralistes.
00:59 Ça représente 300 000 patients sans médecin en île de France, qui est le premier désert médical.
01:04 Donc les déserts globalement ils sont partout.
01:06 Ces politiques ont un logiciel qui date des années 2000, mais qui n'est plus adapté au monde actuel.
01:11 Le monde actuel c'est soit des zones qui sont déjà désertifiées, soit des zones en voie de désertification.
01:17 Et pour la boutade, on propose 8000 euros, une prime de 8000 euros, au maire qui s'engagera sur l'honneur,
01:24 et par écrit, qui nous dira "j'ai assez de médecins, je ne veux plus qu'ils s'en installent".
01:28 Cette prime elle est proposée depuis 3 ans, on ne l'a toujours pas amenée à Télévivore.
01:31 - Oui, oui, oui.
01:32 Alors, il y a quand même des... Donc il y a un problème de désertification médicale, appelons ça comme ça.
01:38 Qu'est-ce que vous proposez vous pour que chaque Français puisse avoir accès, j'allais dire facilement, à un médecin ?
01:46 Ne serait-ce qu'un généraliste, ne serait-ce qu'un généraliste.
01:48 - Très simplement, que l'on rende attractifs nos métiers, vous avez environ 15 à 20 000 jeunes là,
01:53 qui sont formés, qui bénéficient de la meilleure formation du monde, et qui attendent pour s'installer.
01:58 Et qui ne le font pas parce que les conditions sont devenues tellement peu attractives, qu'ils préfèrent attendre.
02:03 L'Ordre National des Médecins a alerté il y a 4 jours sur ce qu'ils appellent l'abandonnisme,
02:08 et qui est en train d'exploser, c'est-à-dire que vous avez des jeunes qui ont passé le concours le plus difficile,
02:12 qui bossent 80 à 90 heures par semaine et qui tiennent à bout de bras nos hôpitaux,
02:16 qui en cours d'études abandonnent parce qu'ils disent "le jeûne n'en vaut pas la chandelle".
02:20 Voilà où on en est rendus. Donc il faut aujourd'hui rendre ces professions très attractives,
02:25 pour que les jeunes s'installent, et aussi pour que les plus vieux restent.
02:30 Je vous rappelle que 15% des médecins sont des retraités actifs.
02:34 Et là on est en train de les dégoûter, ça veut dire que les retraités vont arrêter,
02:37 vous aurez donc 15% de moins de médecins, et les jeunes ne vont pas s'installer. Comment on va faire ?
02:42 - Alors, comment rendre la profession plus attractive ? Qu'est-ce qui bloque ?
02:47 - Alors un, il y a un problème de rémunération qui est évident.
02:50 À 25 euros l'acte, avec une inflation qui aujourd'hui est entre 10 et 11 points, on ne peut pas s'en sortir.
02:56 - On vous a promis 1,50€ en plus.
02:58 - Voilà, 1,50€, ce qui a fait rire 99% de nos patients.
03:03 - C'est 1,50€, il faut comprendre qu'on les touchera en octobre prochain,
03:08 et qu'ils sont censés être une augmentation pour 5 ans.
03:11 Je ne sais pas si vous voyez bien la chose.
03:13 Donc ce n'est pas 1,50€, c'est 1,50€ divisé par 5.
03:16 Et attention, c'est du brut, ce n'est pas du net.
03:21 Donc on se fout de nous, et on se fout des patients.
03:25 - Qu'est-ce qu'il faut faire ? Est-ce que ça doit être pris en charge par l'État ?
03:29 Est-ce qu'il faut que les patients payent une petite participation ?
03:32 Quand on va chez le médecin, on paye 5€, on paye 6€, 7€.
03:35 Ça peut être ça ? Qu'est-ce qu'il faut faire ?
03:38 - Mais très simplement, si vous voulez.
03:40 1, il faut qu'on arrive à rejoindre la moyenne européenne qui est de 50€.
03:44 Ça, il faut le faire sur plusieurs années.
03:46 Et nous, on s'engagera sur un certain nombre de choses,
03:48 à mieux prendre en charge les ALLD, à mieux prendre en charge, par exemple,
03:51 les effets de l'addiction, etc.
03:53 Et l'État, il gagnera beaucoup.
03:55 Et ensuite, il faut certainement ouvrir ce que l'on appelle le secteur 2, à tous.
03:59 Ce secteur 2, c'est la possibilité d'avoir des honoraires complémentaires,
04:03 ce que vous appelez souvent les dépassements d'honoraires,
04:06 avec tact et mesure, de façon à faire jouer les mutuelles et les assurances privées,
04:10 pour lesquelles cotisent énormément de patients,
04:14 et qui ne voient absolument aucun retour de ces cotisations.
04:17 - Alors, vous connaissez le principe, Dr. Marti.
04:20 Les auditeurs d'Europe 1 Midi appellent, et chacun donne son avis.
04:24 On est avec Géraldine. Bonjour Géraldine.
04:27 - Bonjour, merci de me prendre.
04:29 - Merci à vous d'être avec nous.
04:31 Vous êtes chef d'entreprise, et vous nous appelez des pays de la Loire.
04:33 Vous nous appelez d'où ? De Nantes ?
04:35 - Non, d'à côté d'Angers.
04:37 - D'à côté d'Angers, d'accord.
04:39 Vous êtes chef d'entreprise dans quoi ?
04:42 - Dans la conception de meubles.
04:45 - D'accord, d'accord.
04:47 Interdire l'installation des médecins dans les zones largement pourvues,
04:51 vous dites, oula, attention Jérôme Marti, bouchez-vous les oreilles,
04:53 vous dites, pour moi c'est une super idée.
04:55 Expliquez-nous pourquoi.
04:57 - En fait, c'est quand même un serpent de mer,
04:59 parce que ça fait très très longtemps qu'il en est question,
05:01 et que ça avait été proposé déjà plusieurs fois, il y a des décennies de ça,
05:06 et je suis d'accord sur certaines choses qu'a dit Jérôme Marti,
05:10 je ne suis pas complètement contre tout ce qu'il a dit,
05:13 mais en revanche, si vous allez sur amelie.fr,
05:15 quand vous êtes profession médicale,
05:17 vous avez des codes qui vous permettent d'aller sur amelie.fr
05:20 pour voir les zones justement où on peut s'installer,
05:23 puisque mon mari est profession médicale,
05:26 donc on voit où on peut s'installer,
05:28 où il y a des zones creusées, pas.
05:30 Et quand il dit qu'il y a des déserts médicaux,
05:32 oui, il y en a certainement du côté de Paris, ça je viens de croire,
05:35 mais n'empêche que si vous regardez la carte,
05:37 si vous avez la possibilité d'y aller et que vous voyez cette carte-là,
05:39 vous voyez qu'en revanche, dans le sud-est,
05:41 ils sont cul-à-cul les uns à côté des autres,
05:44 dans le sud-ouest, ils sont aussi les uns à côté des autres,
05:47 donc c'est ces gens-là qui après vont demander 50 euros
05:49 parce qu'ils ne gagnent pas assez leur vie,
05:51 parce qu'ils aillent ailleurs.
05:53 Donc les pharmaciens, ça fait très longtemps
05:55 qu'ils ont obligation de demander à l'ARS pour s'installer,
05:58 les notaires, c'est pareil,
06:00 vous avez un serment d'hypocrate,
06:02 vous êtes là pour soigner les gens,
06:04 il y a un problème de fond qui n'est jamais géré
06:07 en médecine générale, en tout cas en médecine générale,
06:10 ça c'est sûr, c'est que les vieux médecins,
06:13 ils sont épuisés parce que ça fait des années qu'ils travaillent,
06:17 et eux ils ont connu d'autres façons de travailler
06:19 et ils sont épuisés.
06:21 Les hospitaliers ne veulent pas trop se faire chier,
06:23 ils veulent des horaires tranquilles,
06:25 ils veulent des horaires tranquilles,
06:27 nous au Fabon-Mé, on a une maison médicale,
06:29 ils sont là trois jours et demi par semaine,
06:31 ils font 9h-18h,
06:33 le reste du temps c'est des remplaçants,
06:35 et les remplaçants ne veulent pas s'installer,
06:37 le système leur convient très très bien.
06:39 C'est presque des salariés, je suis d'accord avec vous.
06:43 - Alors, on vous a entendu Géraldine,
06:46 c'est effectivement votre point de vue,
06:49 Jérôme Marty, qu'est-ce que vous répondez à Géraldine ?
06:51 Ça existe avec les pharmaciens et les notaires.
06:53 - Elle a parlé du sud-ouest, c'est très bien, j'y suis.
06:56 - Non, du sud-est, du sud-est.
06:58 - Non mais sud-est et sud-ouest, elle a dit.
07:00 Il faut savoir que tout le pourtour de Nice,
07:02 la première couronne, pas loin, pas la deuxième, pas la troisième,
07:04 la première couronne c'est le désert.
07:06 Tout le pourtour de Cannes c'est du désert.
07:08 Toute la côte d'Azur, en dehors des villes,
07:10 des centres-villes, c'est du désert.
07:12 Le sud-ouest, vous en parlez, je suis à côté de Toulouse.
07:15 66% des médecins sont à moins de 10 ans de la retraite.
07:19 Moins de 20% en moins de 40 ans.
07:21 Donc Toulouse est un désert qui va tomber bientôt.
07:23 Et alors que Toulouse est à une heure et demie de l'océan,
07:26 à une heure et demie de la Méditerranée,
07:28 à une heure du ski, avec toutes les universités,
07:30 avec Airbus, etc. Et pourtant c'est un désert.
07:32 C'est partout.
07:34 Donc le jeu de domino, il est impossible.
07:36 Vous ne pouvez pas prendre des médecins d'un côté
07:38 pour les mettre ailleurs parce qu'ils manqueront
07:40 de vie. Parce que les zones, comme je vous le disais,
07:42 sont en voie de désertification.
07:44 Partout. Partout.
07:46 Parce qu'on ne veut pas, on ne fait rien pour que les jeunes
07:48 s'installent. Et que nous sommes dans une pyramide inversée.
07:51 Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que chaque fois
07:53 que vous enlevez une tranche d'en haut, c'est-à-dire
07:55 des médecins les plus âgés qui partent à la retraite,
07:58 la tranche qui rentre est beaucoup plus petite
08:00 que la tranche qui sort. Et donc le problème se creuse.
08:03 Et donc si on ne les fait pas rentrer, ces 15 000 médecins
08:05 dont je vous parlais qui attendent pour s'installer,
08:07 si on ne les fait pas rentrer là tout de suite,
08:09 nous en avons encore pour 10 ans avec une aggravation
08:11 des problèmes.
08:13 Merci beaucoup.

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