"Entre 1971 et 2011, il y a eu une chute de 59% de la qualité du sperme dans tous les pays développés".
Pauline Pellissier, co-autrice du livre "Génération Infertile ?" nous parle de l'infertilité croissante de notre génération et celles à venir et revient également sur son histoire personnelle.
Pauline Pellissier, co-autrice du livre "Génération Infertile ?" nous parle de l'infertilité croissante de notre génération et celles à venir et revient également sur son histoire personnelle.
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00:00 En 2045, une majorité de couples auraient besoin d'une PMA pour devenir parent.
00:03 Je m'appelle Pauline, j'ai 35 ans, je suis journaliste indépendante et je suis la co-auteur
00:07 d'un livre sur l'infertilité qui s'appelle "Génération infertile".
00:11 L'infertilité c'est quand on n'arrive pas à avoir d'enfants au bout d'un an de
00:14 rapports non protégés.
00:15 Et on estime qu'en France c'est un couple sur six qui au bout d'un an sans contraception
00:19 ne parvient pas à avoir d'enfants.
00:20 Il y a environ 5 ans, j'étais avec mon conjoint depuis quelques années déjà, on s'était
00:23 rencontré à l'école, on avait commencé nos vies pros, on commençait à gagner correctement
00:26 nos vies à Paris pour envisager aussi financièrement de pouvoir accueillir un enfant.
00:30 On a d'abord essayé naturellement et au bout de plusieurs mois, je ne sais pas, 7-8 mois,
00:34 où ça ne fonctionnait pas, je suis allée consulter ma gynécologue qui m'a réorientée
00:37 en fait vers un spécialiste de la PMA.
00:39 Et ce gynécologue nous a prescrit des tests, donc pour mon conjoint c'était un spermogramme.
00:44 Et pour moi j'ai eu plusieurs examens, donc une échographie pour vérifier que mes trompes
00:48 par exemple fonctionnaient, regarder ma réserve ovocitaire où on regarde la qualité des
00:51 ovocytes.
00:52 Et un examen qui est hyper douloureux, l'hystérosalpingographie, où on injecte un liquide dans les trompes
00:58 pour vérifier qu'elles ne soient pas bouchées et que du coup les spermatozoïdes puissent
01:01 bien remonter vers l'ovaire et la fécondation se faire.
01:04 Donc tout de suite on entre en fait tout un parcours de tests pour vérifier que tout
01:08 va bien.
01:09 Je me souviens du jour où j'ai reçu les résultats, je sortais du boulot dans un tramway
01:13 bondé, tout serré comme ça entre deux personnes.
01:15 J'avais mon kit main libre et mon conjoint m'appelle en me disant qu'il a reçu les
01:18 résultats et que son spermogramme n'est pas vraiment dans les normes et qu'il n'y
01:21 a pas de très bons chiffres.
01:22 Et je me souviens lui dire "envoie-moi ça, envoie-moi ça" et du coup sur mon téléphone
01:26 à essayer d'ouvrir la pièce jointe de l'analyse médicale et de se rendre compte
01:30 en fait qu'effectivement chaque fois il y a les normes à côté et que les chiffres
01:33 ne correspondaient pas.
01:34 Le spermogramme de mon conjoint montrait que ces spermatozoïdes étaient de mauvaise qualité.
01:40 De mon côté, je n'avais pas une réserve ovarienne incroyable, on va dire que c'était
01:44 moyen.
01:45 Alors moi je me souviens que j'ai beaucoup pleuré et j'ai beaucoup appelé ma famille.
01:50 C'est vrai que moi j'en ai tout de suite parlé à mes parents, j'avais besoin que
01:53 mon entourage soit au courant et je trouve que ça m'a aidée, j'aurais pas pu garder
01:56 ça pour moi.
01:57 Pour ces hommes-là qui sont infertiles, c'est comme si il y avait un manquement,
02:01 une insuffisance de leur corps aussi et de "bah en fait si je suis infertile, je ne
02:05 peux pas donner un enfant à une femme".
02:06 En fait c'est relié à l'impuissance, alors que ça n'a absolument rien à voir
02:08 mais du coup les hommes ont tendance à le voir comme ça, comme "les autres y arrivent,
02:12 moi je n'y arrive pas, donc je suis en sous-homme parce que je n'y arrive pas,
02:14 voilà, à avoir un enfant avec ma chérie".
02:16 Le fait qu'on ait eu des difficultés à pouvoir avoir un enfant, ça n'a absolument
02:19 pas changé la vision que j'ai de lui.
02:21 Parmi les causes d'infertilité, il y a notre mode de vie de manière plus générale,
02:24 donc on pense assez rapidement à tout ce qui est tabac, alcool, cannabis et ensuite
02:29 il y a tout ce qui est les perturbateurs endocriniens et qui sont en fait des molécules chimiques
02:33 qu'on trouve partout, aussi bien dans notre alimentation parce qu'on a dans les pesticides
02:36 que dans les cosmétiques, que dans les produits ménagers, la pollution de l'air, les peintures
02:40 de nos maisons, donc on est vraiment tout le temps exposé.
02:42 Des études ont montré que 100% des femmes enceintes sont exposées aux perturbateurs
02:45 endocriniens.
02:46 Alors on peut éviter par exemple de réchauffer ses tupperwares en plastique au micro-ondes
02:50 ou choisir du verre, on peut choisir de consommer bio même si forcément c'est un coût financier.
02:55 Pareil, choisir de la clean cosmétique, de la cosmétique naturelle, des produits ménagers
03:00 naturels et au quotidien essayer de réduire tout ce qui est chimique et qui peut potentiellement
03:04 avoir des effets sur notre système hormonal et donc sur notre fertilité.
03:07 Et surtout, la cause la plus importante, c'est que c'est l'âge en fait.
03:10 Si on est infertile aujourd'hui, de plus en plus infertile, c'est parce qu'on fait
03:13 des enfants plus tard et malheureusement la qualité ovocitaire et même du sperme se
03:18 réduit dans le temps.
03:19 Mais pour autant en fait, on ne peut pas non plus mettre la pression sur les femmes, parce
03:22 que c'est insupportable.
03:23 Alors tu t'y mets quand ? À chaque fois qu'il y a l'entourage qui est là.
03:26 Et nous on veut dire aux femmes, voilà, pas de pression mais on veut juste qu'elles
03:30 soient informées pour après agir en fonction.
03:32 Nous face à cette infertilité, on a décidé de suivre un parcours de PMA.
03:35 On a d'abord fait des stimulations ovariennes et ensuite on est passé en FIV, parce qu'après
03:39 quatre stimulations qui n'ont pas fonctionné, on est passé à l'étape suivante.
03:42 On a fait un ensemble de PMA à Paris et on a eu la chance qu'en fait cette première
03:45 FIV fonctionne.
03:46 On a eu une fille qui est née en juin 2019 et qui va bientôt avoir trois ans.
03:49 Il y a une épidémiologiste américaine qui s'appelle Shanna Swan qui a expliqué qu'entre
03:54 1971 et 2011, il y a une chute de 59% de la qualité du sperme en fait dans tous les pays
04:02 développés.
04:03 Donc c'est vrai que c'est une tendance de fond.
04:04 Et chez les femmes, on se rend compte aussi, on en parle de plus en plus, de l'endométriose,
04:08 du syndrome des ovaires polycystiques.
04:10 Ces syndromes-là en fait entraînent de l'infertilité et du coup, SOPK c'est 10% des femmes concernées
04:15 et l'endométriose c'est aussi 10% des femmes concernées.
04:17 Donc ça fait déjà 20% des femmes françaises qui potentiellement, à cause d'un de ces
04:21 deux syndromes, peuvent avoir cette infertilité touchée.
04:23 On estime qu'en France aujourd'hui, on a un enfant sur 28 qui naît d'une PMA.
04:27 Et il faut savoir, je crois que c'était en 2011, c'était un enfant sur 50.
04:30 Donc on a vraiment en fait augmenté le nombre d'enfants.
04:33 Shanna Swan, elle estime que si on continue comme ça et que notre environnement continue
04:37 à se dégrader et que la qualité du sperme, enfin voilà, si on continue comme ça, en
04:41 2045, une majorité de couples auraient besoin d'une PMA pour devenir parents.
04:44 On s'est rendu compte qu'on a un rôle encore un peu plus militant.
04:47 À force d'entendre tous ces couples qui galèrent, et les couples qui galèrent le
04:50 plus c'est vraiment ceux qui ont besoin d'un don de vocite ou un don de sperme.
04:53 Parce qu'il y a une pénurie en fait, il n'y a pas assez de gens qui donnent en France
04:56 parce que le don est non rémunéré.
04:58 Et donc ça nous a donné envie de donner.
05:00 Ça n'a pas me coûté tant que ça en fait.
05:01 Je me dis c'est une dizaine de piqûres dans le ventre et après une anesthésie générale
05:05 où je ne vais rien sentir et ce sera fini.
05:08 Donc en fait, ça vaut le coup de se dire que ça peut permettre à un couple, voire
05:13 même plusieurs en fait, potentiellement d'avoir un enfant.
05:16 Et en fait je trouve ça hyper beau de se dire qu'on peut faire des dons de soi comme
05:20 ça, de manière altruiste et j'aurais aimé si j'avais eu besoin en fait, pouvoir en
05:25 bénéficier.
05:26 Donc voilà, je trouve que c'est un engagement qui a du sens.
05:28 Et d'être passée par là, d'avoir compris la souffrance de ces couples-là, je me dis
05:31 que si moi je ne donne pas, qui va donner ?
05:33 Alors je veux dire aux jeunes de parler de tout ça, de tous ces sujets entre eux, de
05:37 se protéger aussi parce que tout ce qui est MST peut avoir un impact plus tard sur la
05:41 fertilité donc c'est important.
05:43 D'en parler à votre gynécologue ou à votre andrologue, dire "ben voilà, j'aimerais
05:46 savoir où j'en suis de ma fertilité, est-ce qu'on peut faire un petit check-up pour
05:49 voir si tout va bien ?"
05:50 Plus tôt en fait on est informé sur notre santé et sur notre fertilité, plus tôt
05:54 on pourra agir si un jour on a envie d'avoir un enfant, ce qui n'est pas du tout une
05:57 obligation pour pas qu'en fait plus tard on se réveille un peu trop tard et que ce
06:01 soit difficile et pour s'épargner en fait des souffrances inutiles.
06:03 Merci.
06:04 Merci.
06:04 Merci.
06:09 [SILENCE]