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Le témoignage de Delphine sur sa vie avec le lymphoedème
Transcription
00:00 On a l'impression d'avoir deux boulets à chaque cheville et qu'il faut porter régulièrement.
00:05 Je m'appelle Delphine et je souffre d'un lymphodème primaire des membres inférieurs.
00:14 C'est une maladie rare, c'est dû à une malformation du système lymphatique.
00:19 C'est une malformation que moi j'ai depuis la naissance.
00:23 Donc ça c'est le lymphodème primaire.
00:25 Et on distingue aussi le lymphodème secondaire qui est dû à une chirurgie comme le cancer du sein,
00:32 comme le cancer de l'utérus.
00:34 Et c'est dû au curage ganglionnaire.
00:37 Le fait d'avoir une malformation du système lymphatique ou d'avoir touché au ganglion
00:41 fait que ça donne des œdèmes sur les membres touchés.
00:45 Donc en fait exactement, la lymphe ne circule plus et elle vient s'installer dans les tissus.
00:50 Donc en fait ça fait gonfler les membres aux atteints.
00:55 Moi j'ai commencé à avoir les premiers symptômes quand j'avais 15 ans.
00:58 Donc quand je suis adolescente, quand on se construit,
01:02 quand on se rend compte qu'on est complètement différente des copines
01:05 et qu'on ne peut pas mettre les jeans à la mode, qu'on ne peut pas mettre les bottes.
01:08 C'est très dur. Moi j'ai subi du harcèlement avec cette maladie.
01:14 Donc c'est compliqué.
01:15 Et le problème c'est à 25 ans quand je tombe enceinte de mon premier enfant.
01:20 Bon là j'ai les jambes qui explosent d'un coup.
01:23 Je vois bien qu'il y a quelque chose qui ne va pas.
01:25 Je vois bien que mes jambes elles sont gonflées, qu'elles ont changé d'apparence.
01:30 Et là je vais voir des médecins, des médecins, des angiologues
01:33 et tout le monde me dit "écoutez madame Batteau, c'est dans votre tête.
01:37 Il y a un moment donné, c'est des problèmes veineux.
01:39 Surélevez vos jambes, vous êtes grosse, il faut prendre soin de vous."
01:43 À aucun moment on n'écoute.
01:45 C'est ça que je veux faire passer, c'est qu'on n'écoute pas le patient.
01:48 Et je n'ai eu que le diagnostic à mes 42 ans.
01:51 Quand l'angiologue a pris mon diagnostic au sérieux en 2018,
01:57 là l'angiologue me dit "c'est dommage qu'on ne vous ait pas pris en charge avant.
02:02 Parce que si on vous avait pris en charge avant,
02:04 vous n'auriez pas les jambes aussi gonflées à l'heure d'aujourd'hui."
02:07 Donc c'est juste une sacrée claque qu'on se prend dans la tête
02:10 parce qu'en fait on se rend compte qu'il y a toujours eu quelque chose qui n'allait pas.
02:15 Personne ne nous écoute, personne ne nous prend au sérieux.
02:19 Et à un moment donné on nous dit même "prenez des antidépresseurs
02:23 parce que là vous nous faites simplement une dépression."
02:26 Ça c'est vraiment quelque chose qui m'a fait énormément de mal
02:30 parce qu'arrivée à 42 ans, je me dis "ah ben non, j'étais pas folle.
02:35 Ah ben oui, j'avais bien quelque chose."
02:37 Et ça c'est très compliqué.
02:39 C'est compliqué à vivre avec votre famille,
02:41 c'est compliqué à vivre avec votre mari, avec les enfants.
02:44 Parce que le mari et les enfants ne comprennent pas
02:46 parce que c'est une parole ouverte.
02:48 Mais le médecin a dit "vous avez rien".
02:51 Pourquoi le mari vous prendrait au sérieux en vous disant "vous avez quelque chose"
02:54 puisque le médecin a dit "vous avez rien".
02:56 Les parents, les frères et sœurs ne comprennent pas.
02:59 "Pourquoi tu nous dis que tu as quelque chose
03:01 puisque de toute façon le médecin il a dit "tu as rien".
03:04 Tout le temps où j'étais en erreur, j'ai eu une colère qui a été monumentale,
03:08 qui a été incalculable.
03:09 Quand il y a eu un non sur la pathologie, il y a eu une vraie délivrance.
03:13 Mais paradoxalement, quand j'ai eu mon diagnostic en 2018,
03:17 je suis tombée en dépression.
03:18 Parce qu'en fait, ça a été un coup, tout a relâché.
03:23 En tant que femme, on est très touchée par le côté esthétique.
03:28 Je ne mets plus de chaussures, je ne mets plus de chaussures féminines.
03:32 J'ai des baskets.
03:33 Heureusement, aujourd'hui les baskets sont à la mode.
03:36 Mais je mets des pantalons qui sont plutôt larges.
03:39 Parce que plus on met des pantalons serrés sur un lymphodème,
03:42 plus le lymphodème augmente.
03:44 Donc non, c'est sur le côté habillement.
03:47 J'ai l'impression de ne plus toujours être une femme comme je l'aurais souhaité.
03:53 Je n'ai aucune douleur.
03:56 Il est fatigant.
03:58 Il est fatigant parce que c'est un poids à...
04:01 On a l'impression d'avoir deux boulets à chaque cheville
04:04 et qu'il faut porter régulièrement.
04:07 Il faut savoir que le lymphodème ne se soigne pas.
04:11 Une fois qu'on l'a, on l'a. C'est avis.
04:13 Par contre, il y a des choses pour stabiliser le lymphodème et pour aller mieux.
04:18 Déjà, il y a le professionnel de santé qui devient votre meilleur ami,
04:22 qui est le kinésithérapeute,
04:24 qui intervient dans votre quotidien quand tout se passe bien,
04:27 deux fois par semaine, pour faire des drainages lymphatiques.
04:30 Ça, c'est déjà la première chose.
04:32 Après, on porte des bas de contention lymphatiques,
04:36 c'est-à-dire tricotés verticalement,
04:39 qu'on porte toute la journée, qui sont faits sur mesure.
04:43 Et la nuit, moi, je porte des bandages,
04:46 des bandages compressifs,
04:49 pour justement éviter que la lymphe vienne de nouveau dans les tissus pendant la nuit.
04:54 Donc, il faut savoir que moi, je mets 40 minutes pour faire les deux bandages.
05:00 Et ça veut dire que le matin,
05:02 on met à peu près une demi-heure pour enlever les deux bandages
05:06 et derrière, on met 20 minutes pour ré-enrouler toutes les bandes.
05:10 C'est très, très, très mal remboursé.
05:12 Il faut savoir que le lymphodème n'est absolument pas reconnu en France.
05:16 Donc, ça aussi, c'est aussi pour ça que j'essaye vraiment de porter cette parole.
05:20 Les cures thermales ne sont pas prises en charge par la Sécurité sociale.
05:23 Il faut savoir que si vous voulez être prise en charge par une cure thermale,
05:26 il faut marquer "cure thermale de flébologie".
05:29 Depuis que je suis en traitement, j'ai énormément stabilisé la situation,
05:33 je l'ai même améliorée.
05:35 Les traitements fonctionnent.
05:37 Oui, c'est chronophage.
05:39 Oui, ça prend du temps, mais ça fonctionne.
05:41 Moi, j'ai perdu, en l'espace de quatre ans, maintenant que j'ai eu mon diagnostic,
05:46 j'ai presque perdu 10 centimètres de tour de jambe.
05:49 Je me suis inscrite à l'association de l'AVML,
05:55 qui est une association nationale.
05:57 C'est l'association "Vivre mieux le lymphodème".
06:00 Le bureau est à Montpellier.
06:02 Quand on trouve des bénévoles, chaque région ouvre sa délégation,
06:07 de manière à rester avec le même médecin,
06:10 de manière à rester avec le même dialogue,
06:12 avec les mêmes paroles, pour unir nos forces,
06:15 au lieu qu'on soit chacun divisé de notre côté.
06:18 À l'heure d'aujourd'hui, sur les réseaux sociaux,
06:21 je veux montrer qu'on peut vivre avec cette pathologie.
06:25 On peut faire plein de choses.
06:27 Il faut juste s'adapter. Ce n'est pas grave.
06:29 Mais une fois qu'on s'est adapté, le corps est tout à fait capable
06:33 de vivre des choses comme tout le monde.
06:35 [Musique]

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