Arthur Delaporte, député "Socialistes et apparentés" du Calvados.
Ce n'est pas le député le plus suivi sur TikTok. Mais c'est sans doute celui que les influenceurs redoutent le plus. Dans ce domaine, comme dans les autres, Arthur Delaporte a appliqué sa propre méthode, avec sérieux et application.
Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements - historiques ou personnels - qui l'ont conduit à choisir la vie publique.
Car on ne naît pas politique, on le devient !
Ce n'est pas le député le plus suivi sur TikTok. Mais c'est sans doute celui que les influenceurs redoutent le plus. Dans ce domaine, comme dans les autres, Arthur Delaporte a appliqué sa propre méthode, avec sérieux et application.
Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements - historiques ou personnels - qui l'ont conduit à choisir la vie publique.
Car on ne naît pas politique, on le devient !
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00:00 -Ce n'est pas le député le plus suivi sur TikTok,
00:02 mais c'est sans doute celui que les influenceurs redoutent le plus,
00:06 car dans ce domaine, comme dans les autres,
00:09 mon invité a appliqué sa propre méthode
00:11 avec sérieux et application.
00:13 Musique de tension
00:15 ...
00:28 -Bonjour, Arthur Delaporte. -Bonjour.
00:30 -Quand on lit les portraits consacrés,
00:32 il y a des formules qui reviennent.
00:34 "Élève modèle", "tête bien faite", "brillant".
00:37 Et puis, cette expression a été employée par Laurence Dumont.
00:41 C'était la députée socialiste sortante
00:43 qui vous a un peu transmis sa circonscription,
00:46 si l'on peut dire, on va en parler.
00:48 Elle vous a qualifiée de "genre idéal".
00:50 Comment vous le prenez ?
00:52 C'est un compliment ou ça vous agace ?
00:54 -Le nom de Laurence, c'est toujours positif,
00:57 parce que c'est quelqu'un que j'apprécie énormément.
01:00 -Dans cette expression, il y a l'idée d'un jeune homme
01:03 presque trop parfait, qui offre très peu d'aspérité,
01:05 et du coup, qu'on a un peu du mal à saisir, à cerner.
01:08 Alors, j'ai envie de vous dire,
01:10 aidez-moi, Arthur Delaporte, qui êtes-vous ?
01:13 -Qui suis-je ?
01:14 -C'est une question à la El-Khabab.
01:16 -Qui suis-je ? Je suis député
01:18 de la 2e circonscription du Calvados depuis 6 mois,
01:21 mais avant, j'étais chercheur.
01:24 Voilà, c'est chercheur en sciences politiques.
01:26 -Oui, je dirais ça,
01:27 parce que c'est l'expression d'une forme de curiosité permanente,
01:31 surtout sur le monde, et la volonté aussi de sortir,
01:34 on va dire, du discours préconçu ou de ce qu'on impose au réel
01:37 pour analyser des phénomènes, analyser les choses
01:40 et toujours prendre un peu de recul
01:42 par rapport à une image un peu lisse ou de façade
01:45 qui serait parfois trompeuse.
01:47 -Si je précise que vos deux parents étaient instituteurs,
01:50 que vos quatre grands-parents étaient instituteurs,
01:53 est-ce que ça aide à répondre à cette question ?
01:56 Est-ce que c'est déterminant pour vous ?
01:59 -Disons que j'ai grandi dans un milieu
02:01 où, on va dire, l'éducation au sens large était importante,
02:04 mais c'est une éducation populaire, à la citoyenneté,
02:07 c'est une éducation au monde qui nous entoure,
02:10 et toujours, voilà, cette idée de la curiosité
02:13 et, on va dire, une certaine forme d'optimisme
02:16 par rapport aux choses.
02:17 C'était une éducation qui était aussi
02:19 sur des nouvelles méthodes pédagogiques.
02:22 C'est pas le côté "j'apprends mes devoirs,
02:25 "je fais des expériences, je mène des projets
02:27 "et on apprend par la découverte".
02:29 -Vos parents n'avaient pas d'engagement politique direct,
02:32 mais tous les étés, ils vous emmenaient
02:35 dans les campings autogérés de la MAIF,
02:37 façon kibouts, on va dire.
02:39 Vous avez aussi fait votre première manif à l'âge de 4 ans.
02:42 Il y a même un article, voilà, on le voit ici,
02:45 le petit bonhomme en rouge à côté de la poussette, c'est vous.
02:48 Plus tard, vous êtes devenu un peu le Géo du lycée,
02:51 vous avez été le président du foyer,
02:54 vous avez créé une radio, vous avez créé aussi un journal.
02:57 Est-ce que vous faites le lien
02:58 entre tout ça et votre engagement politique futur ?
03:01 -C'est sûr que quand on est amené à s'engager,
03:04 on va dire, dans la vie de la cité,
03:07 par différentes formes,
03:09 de toujours essayer d'animer un collectif,
03:11 on finit aussi par se dire "qu'est-ce que je peux, moi, apporter ?"
03:15 Et quand on voit la politique,
03:17 j'ai toujours été intéressé par la politique,
03:19 je me suis dit "oui, c'est peut-être l'une des étapes
03:22 "quand on a dynamisé des collectifs toute sa jeunesse",
03:25 ce que j'ai pris beaucoup de plaisir à faire,
03:28 parce que c'était toujours un esprit de solidarité,
03:31 comment on va vers les autres,
03:33 il y a quand même cette dimension-là.
03:35 -Il y a votre éveil à la politique,
03:37 votre conscientisation, qui s'est faite très jeune,
03:40 à l'âge de 10 ans, vous avez épluché
03:42 toutes les professions de foi des candidats à la présidentielle
03:46 et vous avez décidé de voter Taubira.
03:48 -A l'époque, c'était un choix un peu marginal,
03:51 j'avais regardé les différentes professions de foi
03:53 et je trouvais que son programme était celui qui me parlait le plus.
03:57 Après, voilà, on a été...
03:59 J'étais évidemment déçu, triste et traumatisé
04:02 par la défaite de Lionel Jospin,
04:04 c'est resté quelque chose d'extrêmement marquant.
04:07 -Mais il est aussi jeune, quoi.
04:08 -Oui, alors après, on me parlait toujours de politique,
04:12 autour de moi, c'est vrai que ce milieu,
04:14 ce qu'on appelle le milieu partisan du PS
04:17 en sociologie politique, c'est des enseignants
04:19 qui sont investis dans l'éducation populaire
04:22 et qui vont parfois en camping l'été, c'est vrai,
04:24 et notamment dans des campings où on élit
04:27 les responsables de camp qui sont propriétaires de la collectivité.
04:30 -Si on regarde votre trajectoire,
04:32 ça ressemble un peu presque à un parcours sans faute,
04:35 du côté des études, d'abord,
04:37 vous avez fait normal sup à Lyon en même temps que sciences po à Paris
04:41 et vous êtes devenu agrégé d'histoire.
04:43 Et puis, dans votre trajectoire politique,
04:46 vous avez été collaborateur de député,
04:48 vous avez été ensuite collaborateur
04:50 de la présidente du groupe PS, Valérie Rabault,
04:53 ensuite patron de la fédération PS du Calvados,
04:55 puis enfin député et porte-parole du groupe socialiste
05:00 à l'Assemblée nationale.
05:01 Ca donne l'impression de quelque chose de très méthodique,
05:05 très rationnel dans votre ascension politique,
05:08 comme si vous aviez fixé des marches
05:11 à gravir une par une.
05:13 -Je sais pas si c'est des marches à gravir une par une,
05:16 mais c'est une histoire de rencontres.
05:18 Quand je me suis engagé au Parti socialiste,
05:20 j'ai pris ma carte en 2013, au moment du mariage pour tous,
05:24 je me suis dit que je vais m'engager
05:26 pour lutter contre l'extrême droite,
05:28 contre cette espèce de droitisation permanente
05:31 du débat public et mener la bataille.
05:33 Il s'avère qu'en même temps, j'ai cherché à faire un stage,
05:37 et c'est après un refus de Laurence Dumont,
05:39 qui, pour ceux qui ne me connaissaient pas,
05:42 a accepté de me prendre avec lui,
05:44 et on a été engagé à un collectif, Gauche forte,
05:46 dont l'idée, c'était de dénoncer, finalement,
05:49 et d'être fier de se dire "je suis de gauche,
05:51 "je défends des valeurs",
05:53 et de dénoncer le Rassemblement national.
05:56 Après, de fil en aiguille, on fait des rencontres.
05:58 -Il y a ce côté méthodique et sérieux chez vous
06:01 qui ressort... -C'est ce qui peut
06:03 en ressortir derrière.
06:05 Je dirais pas que je suis pas sérieux,
06:08 mais je pense que la politique, aussi,
06:10 on peut prendre de la distance par rapport à ça,
06:13 mais soi-même, on peut ne pas toujours l'être
06:15 dans son rapport aux gens.
06:17 -Vous pouvez laisser de place au hasard ?
06:19 -Il y avait du hasard.
06:20 C'était pas sûr que ce qu'il allait se passer.
06:23 De fil en aiguille, Yann Dialu connaît quelqu'un,
06:26 me dit "elle aimerait bien te prendre comme collaborateur,
06:29 "je bosse, on se connaît, on se rencontre."
06:32 C'est plutôt une affaire de rencontres.
06:34 -Il y a autre chose qui m'a marqué,
06:36 c'est que votre formation de chercheur en histoire,
06:39 vous l'avez aussi méthodiquement associée
06:42 à la politique. Quand j'ai découvert vos sujets de recherche,
06:45 j'ai pas pu m'empêcher de sourire.
06:47 Vous avez commencé par un mémoire consacré au voyage
06:51 de François Mitterrand à Sofia, vous avez fait une thèse
06:54 consacrée à la recomposition des courants au PS,
06:57 vous avez étudié la façon dont la série "Baron noir"
07:00 consacrée au PS a été perçue par les militants,
07:03 les responsables du PS.
07:04 Vous évoquiez Yann Dialu,
07:06 vous avez été son directeur de campagne
07:08 au législatif dans le Cher.
07:10 Vous avez décidé de faire un petit travail de recherche
07:13 sur la fédération PS dans le département.
07:16 Ca veut dire quoi, ça ?
07:17 -Ca veut dire que, finalement, la politique,
07:20 c'est quelque chose qui est chronophage.
07:22 Donc, moi, j'aimais aussi beaucoup la recherche.
07:25 J'avais un matériau sous les yeux passionnant,
07:28 le Parti socialiste, c'est quelque chose
07:30 qui me questionnait en tant que militant
07:32 et en tant que chercheur.
07:34 C'était à des moments de recomposition.
07:36 Quand je suis arrivé dans cette organisation,
07:39 faire de la recherche, c'était un moyen
07:41 de comprendre cette histoire, cette culture,
07:43 et c'était aussi un moyen de gagner du temps
07:46 pour faire de la recherche et de la politique.
07:49 Moi, quand j'étais, par exemple, avec Yann Dialu,
07:51 j'étais sur les routes du matin au soir,
07:54 mais le midi, je m'arrêtais chez un militant,
07:56 je faisais un entretien,
07:58 je passais le soir au siège du Parti socialiste,
08:01 j'explorais les archives de la fédération.
08:03 Ca permettait, en fait, de faire les deux,
08:06 d'être à la fois militant le jour ou la nuit,
08:09 et puis chercheur le jour ou la nuit.
08:11 -On va évoquer maintenant votre activité en tant que député.
08:14 Je sais pas si Maéva Guénam, Nabila ou Seb Laffrite
08:17 regardent LCP, mais il y a un député
08:19 dont ils connaissent, à mon avis, le nom, c'est vous.
08:22 Vous êtes à l'origine d'une loi
08:24 qui a donné des surfroides aux influenceurs.
08:27 Regardez.
08:28 -Hello, guys.
08:29 -On est là pour vous raconter
08:31 ce qui s'est passé à l'Assemblée nationale.
08:34 -L'Assemblée nationale, les guys.
08:36 -Vu ma tête et mes expressions du visage,
08:38 on sait que ça ne s'est pas très bien passé pour moi.
08:41 Pourquoi ?
08:43 Ils m'ont demandé si j'avais déjà fait des placements de produits
08:47 pour les paris sportifs.
08:49 -Oui.
08:50 -Pour la chirurgie esthétique.
08:52 -Oui.
08:53 -Crypto-trading.
08:54 -Oui.
08:55 -Je vous dis la vérité, je me sentis tellement honteuse.
08:59 On aurait dit que les députés, c'était mes pères.
09:02 -C'était Mélana, une influenceuse
09:04 qui a un million d'abonnés sur Instagram
09:06 et que vous avez reçue à l'Assemblée
09:08 dans le cadre de cette proposition de loi
09:11 que vous aviez portée avec Stéphane Vogeta
09:13 et qui a été adoptée, proposition de loi,
09:16 sur les influenceurs.
09:17 Vous l'avez traumatisée, cette pauvre Mélana.
09:20 -Je peux vous dire qu'on n'a pas été méchants.
09:23 On voulait comprendre ce qui se passait
09:25 et discuter avec les influenceurs.
09:27 Ça fait partie du parcours de la loi.
09:29 Quand on a dit qu'on avait cette dérive-là,
09:32 "Est-ce que ça vous est arrivé ?"
09:34 Elle a dit "oui", donc elle a dit "je suis une repentie".
09:37 C'est bien qu'elle ait fait des choses
09:39 qui avaient conduit à des dérives énormes
09:42 et que les influenceurs s'étaient mis plein les poches,
09:45 mais c'est une minorité,
09:46 ceux issus de la télé-réalité,
09:48 mais on fait un peu n'importe quoi.
09:50 Aujourd'hui, l'idée de la loi, c'était d'arrêter
09:53 avec l'absence de cadre et de remettre un peu d'ordre là-dedans.
09:57 Il y a une prise de conscience chez Mélanite,
09:59 mais pas seulement.
10:01 Je peux vous dire que Maëva Guénam,
10:03 quand elle regardait l'autre jour,
10:05 elle a fait une story où elle montre
10:07 qu'elle découvre l'amende qui est faite,
10:09 donc ça peut être jusqu'à 300 000 euros d'amende.
10:12 Elle fait "Oh !" et un petit mouvement de recul.
10:15 -Vous êtes le député qui fait peur aux influenceurs.
10:18 Cette loi, vous l'avez coécrite avec le député Renaissance,
10:21 Stéphane Vogeta. Le début de cette législature
10:24 a été marqué par des tensions très fortes
10:26 entre les députés de la majorité et ceux de l'opposition.
10:30 Vous avez voté pour faire voter une loi à l'unanimité,
10:33 quand même, dans cet hémicycle très tendu.
10:36 C'est quoi, c'est votre côté géo du lycée qui ressort ?
10:39 -Alors, je peux vous dire que c'est pas fini, les tensions.
10:43 Aujourd'hui encore, on a des tensions,
10:45 et je suis le premier à m'opposer au gouvernement
10:48 et à sa politique d'atrophisation du débat démocratique.
10:51 Mais ce que j'ai voulu montrer, c'est qu'il y avait
10:54 une autre méthode qui était possible,
10:56 où le Parlement reprenait son pouvoir et se saisissait des sujets.
11:00 J'ai écrit mon texte fin décembre,
11:01 et j'ai été contacté par Stéphane Vogeta,
11:04 qui m'a dit qu'il travaillait sur le sujet.
11:06 -Vous avez unifié vos forces.
11:08 -Il s'avère que le gouvernement avait plutôt envie
11:11 de soutenir Stéphane Vogeta.
11:13 On a réussi à montrer qu'on pouvait travailler majorité
11:16 comme opposition sans partir du même point de départ,
11:19 mais qu'on pouvait converger par le dialogue, la discussion
11:22 et le respect mutuel. -On passe à notre quiz.
11:25 Vous avez droit à un quiz spécial,
11:27 où vous allez dresser un palmarès des meilleurs influenceurs
11:30 de l'Assemblée. Je précise, il s'agit de juger
11:33 les prestations des députés sur les réseaux sociaux,
11:36 pas dans l'hémicycle. On commence avec la catégorie
11:39 boss de la punchline, le ou la député
11:41 qui vous impressionne le plus sur les réseaux sociaux.
11:44 -Alors, moi, celui qui a les meilleurs punchlines
11:47 à l'Assemblée et qui devrait être encore plus fort
11:50 sur les réseaux sociaux, c'est Boris Vallaud,
11:52 mon président de groupe. Il a un sens de la formule,
11:55 il est très corporel, et en même temps,
11:57 il est capable de sortir des punchlines
12:00 dix à la minute. -Et sur les réseaux sociaux ?
12:02 -Sur les réseaux sociaux, il faut qu'il continue à travailler.
12:06 -On a ensuite la catégorie roi ou reine du lol.
12:08 L'humour, c'est important en politique.
12:11 -Celui qui rigole beaucoup et sur les réseaux sociaux,
12:14 c'est Adrien Clouet. C'est un député insoumis.
12:16 Il fait souvent des petites vidéos,
12:19 et il a une capacité à prendre de la distance
12:21 par rapport au quotidien et à faire rire les gens,
12:24 donc c'est une capacité assez forte.
12:26 -Enfin, "the doc of TikTok",
12:28 le ou la député le plus pédago, si l'on peut dire.
12:31 C'est important, la pédagogie, en politique.
12:34 -Moi, j'aime beaucoup, évidemment,
12:36 ma collègue écologiste, Marie-Charlotte Garin.
12:39 Je trouve qu'elle fait des vidéos sur TikTok très pédago.
12:42 -Vous-même, vous y êtes essayé. -Disons que j'en fais aussi.
12:45 TikTok, c'est un média super intéressant
12:48 pour aller vers les jeunes et leur montrer
12:50 ce qu'est l'Assemblée dans les coulisses de derrière.
12:53 Finalement, déconstruire un peu les idées reçues
12:56 tout en valorisant l'institution au sens large,
12:59 car c'est un bel objet démocratique
13:01 qui est malheureusement un peu trop dévoyé.
13:03 -Merci, Arthur Delaporte, d'être venu dans "La Politique".
13:07 ...
13:26 Merci.