Thomas Sotto reçoit François Gemenne, chercheur, membre du GIEC sur le plateau des 4 vérités.
La France est-elle toujours un pays au climat tempéré ? Avec le réchauffement climatique et les nombreux phénomènes météorologiques extrêmes que rencontre notre pays depuis quelques années, on est loin du compte. « Ça va devenir un pays au climat méditerranéen et surtout un pays au climat de plus en plus instable. Avec une augmentation des phénomènes extrêmes, une augmentation de leur fréquence, mais aussi de leur intensité. Ça va bien entendu jouer sur les sinistres couverts par les assurances. Tout ça va avoir un gros coût économique et affecter de nombreuses activités agricoles et économiques », a prévenu François Gemenne. Épisodes de sécheresse, nappes phréatiques à sec, chaleur étouffante, orages extrêmes, tous ces phénomènes sont désormais « structurels » sans « retour à la normale ».
Des séismes liés au réchauffement climatique ?
Vendredi 16 juin, un tremblement de terre d'une magnitude de 5,8 sur l'échelle de Richter a été ressenti dans les Deux-Sèvres. Et une réplique sismique d'une magnitude de 5 a été ressentie la nuit suivante, aux alentours de 4h30. De Bordeaux à Rennes en passant par Limoges, bon nombre d'habitants ont senti la terre trembler. Ce phénomène rare peut-il avoir un lien avec ce dérèglement climatique ? « On pensait que non. Il y a de nouvelles études expérimentales qui donnent à penser qu’il pourrait finalement y avoir un lien, mais aussi avec les pompages que l’on fait de façons souterraines. Ça reste à confirmer, mais c’est intéressant de voir que les phénomènes climatiques pourraient avoir un impact avec les phénomènes géophysiques ».
L’ONU s’alarme
« La réponse du monde est pitoyable », s’est alarmée l’ONU. Comme le précise Thomas Sotto, certains pays semblent ne pas réellement jouer le jeu dans la lutte contre le réchauffement climatique, notamment l’Arabie saoudite ou quelques « petits États pétroliers », précise notre invité. Le but étant le suivant : faire preuve d’ambition et engager des transformations structurelles dont on a besoin. Comme l’indique François Gemenne, il faudrait, pour atteindre les objectifs l’Accord de Paris, que les émissions de gaz à effet de serre baissent de 6 % par an. « Aujourd’hui, elles sont toujours en train d’augmenter de 1 % par an. Tous les pays sont dans la même situation, simplement, nous ne sommes pas encore dans la dimension requise », a-t-il indiqué. Mais, quid de la place de l’industrie pour tenter de nous sortir de ce problème ? « Les technologies ne peuvent pas être un prétexte pour ne pas nous poser des questions quant à la manière dont l’économie et nos sociétés sont organisées ». Bien évidemment, le besoin de pétrole et de gaz sera présent dans les prochaines années. « Il faut couper le robinet progressivement. Tant que l'on investira dans les énergies fossiles, on n’en sortira pas. Or, il faut en sortir ». La situation actuelle provoque de vives oppositions, notamment entre ceux qui veulent promouvoir de grands projets d’infrastructures et ceux qui vont s’inquiéter de l’impact immédiat, en termes de biodiversité. C’est le cas avec la ligne Lyon-Turin. Pour François Gemenne, l’enjeu est « aussi de décarboner la route ». Mais, à quel moment la situation va-t-elle devenir irréversible ? Selon notre expert, « d’ici 30 ans, des zones de la planète seront inhabitables ». Mais, il rassure : la France sera nettement moins touchée que les pays du sud. « Ce qu’il faut aujourd’hui, c’est éteindre l’incendie et aider les pompiers », a-t-il conclu.
La France est-elle toujours un pays au climat tempéré ? Avec le réchauffement climatique et les nombreux phénomènes météorologiques extrêmes que rencontre notre pays depuis quelques années, on est loin du compte. « Ça va devenir un pays au climat méditerranéen et surtout un pays au climat de plus en plus instable. Avec une augmentation des phénomènes extrêmes, une augmentation de leur fréquence, mais aussi de leur intensité. Ça va bien entendu jouer sur les sinistres couverts par les assurances. Tout ça va avoir un gros coût économique et affecter de nombreuses activités agricoles et économiques », a prévenu François Gemenne. Épisodes de sécheresse, nappes phréatiques à sec, chaleur étouffante, orages extrêmes, tous ces phénomènes sont désormais « structurels » sans « retour à la normale ».
Des séismes liés au réchauffement climatique ?
Vendredi 16 juin, un tremblement de terre d'une magnitude de 5,8 sur l'échelle de Richter a été ressenti dans les Deux-Sèvres. Et une réplique sismique d'une magnitude de 5 a été ressentie la nuit suivante, aux alentours de 4h30. De Bordeaux à Rennes en passant par Limoges, bon nombre d'habitants ont senti la terre trembler. Ce phénomène rare peut-il avoir un lien avec ce dérèglement climatique ? « On pensait que non. Il y a de nouvelles études expérimentales qui donnent à penser qu’il pourrait finalement y avoir un lien, mais aussi avec les pompages que l’on fait de façons souterraines. Ça reste à confirmer, mais c’est intéressant de voir que les phénomènes climatiques pourraient avoir un impact avec les phénomènes géophysiques ».
L’ONU s’alarme
« La réponse du monde est pitoyable », s’est alarmée l’ONU. Comme le précise Thomas Sotto, certains pays semblent ne pas réellement jouer le jeu dans la lutte contre le réchauffement climatique, notamment l’Arabie saoudite ou quelques « petits États pétroliers », précise notre invité. Le but étant le suivant : faire preuve d’ambition et engager des transformations structurelles dont on a besoin. Comme l’indique François Gemenne, il faudrait, pour atteindre les objectifs l’Accord de Paris, que les émissions de gaz à effet de serre baissent de 6 % par an. « Aujourd’hui, elles sont toujours en train d’augmenter de 1 % par an. Tous les pays sont dans la même situation, simplement, nous ne sommes pas encore dans la dimension requise », a-t-il indiqué. Mais, quid de la place de l’industrie pour tenter de nous sortir de ce problème ? « Les technologies ne peuvent pas être un prétexte pour ne pas nous poser des questions quant à la manière dont l’économie et nos sociétés sont organisées ». Bien évidemment, le besoin de pétrole et de gaz sera présent dans les prochaines années. « Il faut couper le robinet progressivement. Tant que l'on investira dans les énergies fossiles, on n’en sortira pas. Or, il faut en sortir ». La situation actuelle provoque de vives oppositions, notamment entre ceux qui veulent promouvoir de grands projets d’infrastructures et ceux qui vont s’inquiéter de l’impact immédiat, en termes de biodiversité. C’est le cas avec la ligne Lyon-Turin. Pour François Gemenne, l’enjeu est « aussi de décarboner la route ». Mais, à quel moment la situation va-t-elle devenir irréversible ? Selon notre expert, « d’ici 30 ans, des zones de la planète seront inhabitables ». Mais, il rassure : la France sera nettement moins touchée que les pays du sud. « Ce qu’il faut aujourd’hui, c’est éteindre l’incendie et aider les pompiers », a-t-il conclu.
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00:00 [Générique]
00:02 Bonjour et bienvenue dans les 4V, François Gemmell.
00:04 Merci, bonjour.
00:05 Alors quand j'étais gamin, moi mes profs à l'école m'ont appris que la France était un pays au climat tempéré.
00:10 Avec le réchauffement, avec la nouvelle donne climatique, avec les événements météo extrêmes que l'on voit se multiplier,
00:15 est-ce qu'on peut encore dire cela de notre pays ?
00:18 Non.
00:19 Ça va devenir un pays au climat méditerranéen et ça va devenir surtout un pays au climat de plus en plus instable,
00:25 avec une augmentation des phénomènes extrêmes, une augmentation de leurs fréquences, mais aussi une augmentation de leur intensité.
00:32 Et ça va bien entendu jouer notamment sur les sinistres couverts par les assurances.
00:36 Donc tout ça va avoir un coût économique très très fort et va affecter énormément d'activités agricoles ou économiques.
00:41 Ça veut dire que ce qu'on vit là, ce n'est pas des épisodes de type accidentel, c'est ce que va être notre nouvelle ville,
00:46 la sécheresse avec les nappes phréatiques à sec, les chaleurs étouffantes.
00:50 Les orages qu'on a vus notamment ces derniers jours qui sont extrêmes, ça raconte quoi ?
00:55 Ça raconte que ce sont désormais des phénomènes structurels.
00:57 On a encore une petite tendance à les voir comme des phénomènes exceptionnels qui n'auraient pas vocation à se reproduire.
01:02 On doit absolument réaliser que c'est une tendance structurelle, qu'il n'y aura pas de retour à la normale,
01:07 parce que la normale, elle est devant nous, elle n'est pas derrière nous.
01:10 C'est irréversible tout ce qu'on vit là.
01:11 À l'échelle de nos vies, c'est irréversible et ça va s'aggraver.
01:14 Donc il va falloir s'adapter.
01:16 Petite parenthèse, les séismes assez forts, on en parlait à cette heure et demie, comme celui qui a touché l'ouest de la France,
01:20 et particulièrement ressenti en Charente-Maritime, ça peut avoir un lien avec ce dérèglement climatique,
01:26 avec cette nouvelle donne climatique ou là, c'est deux choses qui sont très différentes ?
01:29 On pensait que non.
01:30 Jusqu'ici, il y a de nouvelles études expérimentales qui donnent à penser qu'il pourrait finalement,
01:35 contrairement à ce qu'on croyait jusqu'ici, y avoir un lien et y avoir un lien aussi avec les pompages qu'on fait de façon souterraine.
01:42 Alors ça reste encore à confirmer, ce sont encore des études expérimentales,
01:46 mais c'est assez intéressant de voir que les phénomènes climatiques pourraient aussi avoir un impact sur les phénomènes géophysiques.
01:51 C'est assez flippant tout ce que vous nous dites là, pour l'instant.
01:54 Disons que c'était prévu.
01:55 Alors c'est certain que si on le découvre d'un coup comme ça, brutalement, effectivement, c'est assez alarmant.
02:00 Il faut absolument que, comme je le disais, que nous nous adaptions également à ces impacts,
02:05 que nous réalisions qu'effectivement, c'est une tendance structurelle,
02:09 que les températures ne vont pas baisser, que tout l'enjeu c'est d'essayer de limiter au maximum la hausse des températures qu'on connaîtra au cours de nos vies.
02:15 Je le disais, vous êtes un expert du GIEC, ça fait des années et des années que les experts du GIEC crient dans le vide, qu'on ne les écoute pas.
02:20 Vous êtes surpris par l'ampleur que ça prend aujourd'hui en 2023 ?
02:23 Est-ce que ça va plus vite que ce que vous redoutiez déjà ?
02:25 Ça va un peu plus vite que ce que les modèles avaient prévus.
02:27 C'est-à-dire que pour le moment, on a l'impression que le changement climatique avance à grand galop
02:32 et que nous, nous en sommes encore toujours un peu aux petits pas, entretenant.
02:35 On est rattrapé par la réalité, littéralement.
02:37 Face au réchauffement, la réponse du monde est pitoyable.
02:39 Vous savez qui a dit ça ?
02:41 Le secrétaire général de l'ONU, António Guterres.
02:43 Qui est-ce qui ne joue pas le jeu aujourd'hui ?
02:45 Parce que c'est marrant, on a des grandes réunions, des sommets, tout ce qu'on veut, des déclarations de la communication dans tous les sens.
02:51 Et finalement, on a le patron du monde, en quelque sorte, Guterres, qui dit c'est pitoyable, personne ne joue le jeu.
02:55 Alors clairement, il y a quelques grands pays qui ne jouent pas le jeu.
02:58 Je pense en particulier à l'Arabie saoudite ou à quelques petits États pétroliers.
03:02 Globalement, le problème aujourd'hui, c'est que personne ne joue vraiment le jeu qu'il faudrait jouer.
03:07 C'est quoi le jeu qu'il faut jouer ?
03:08 C'est-à-dire faire preuve d'ambition et engager les transformations structurelles dont on a besoin.
03:14 Aujourd'hui, tout le monde est encore un peu sur des marges d'ajustement.
03:16 Tout le monde en fait un petit peu, mais pas suffisamment.
03:18 Ça veut dire quoi, les engagements structurels ? Il y a quoi derrière ces mots dans la réalité ?
03:22 Il faudrait, idéalement pour atteindre les objectifs de l'accord de Paris, que les émissions mondiales de gaz à effet de serre baissent de 6% par an.
03:29 Aujourd'hui, elles sont toujours en train d'augmenter d'environ 1% par an.
03:33 Même en France, les émissions baissent de 2,5%.
03:36 Mais vous voyez, s'il faut faire 6% au niveau mondial, en sachant la responsabilité historique qu'on a,
03:40 en sachant les besoins de développement, les besoins énergétiques des pays du Sud,
03:43 il faut évidemment qu'on fasse beaucoup plus que -2, -2,5%.
03:47 Et j'ai envie de dire, tous les pays sont dans la même situation.
03:50 Parfois, on imagine qu'il ne se passe rien en Chine ou en Inde.
03:53 Ce n'est pas vrai.
03:53 Ces pays ont également engagé des politiques.
03:56 39 degrés à Pékin ces jours-ci.
03:57 Mais bien sûr, ils sont aussi très directement touchés, sans doute bien plus que nous encore,
04:01 par les impacts du changement climatique.
04:03 Simplement, on n'est pas encore dans la dimension requise.
04:05 Anthony Gutierrez, il dit aussi que trop de gens sont prêts à tout miser sur des vœux pieux,
04:09 des technologies qui n'ont pas fait leur preuve ou des solutions miracles.
04:12 Est-ce que vous croyez, vous, qu'au final, la science nous sortira de ce mauvais pas ?
04:16 Est-ce qu'on a raison ou est-ce qu'on croit au Père Noël ?
04:18 Non.
04:19 Je pense qu'on a tendance à croire au Père Noël si on pense que la solution sera uniquement technologique.
04:23 On va avoir besoin de l'innovation.
04:25 On aura besoin des technologies pour décarboner l'économie.
04:28 Donc, il ne s'agit pas du tout de les rejeter.
04:29 Mais les technologies ne peuvent pas être un prétexte pour ne pas nous poser des questions aujourd'hui
04:34 quant à la manière dont l'économie et nos sociétés sont organisées.
04:37 Et on a trop souvent tendance à opposer un peu les politiques structurelles de décarbonation
04:41 avec les innovations technologiques.
04:43 On va avoir besoin des deux.
04:44 On n'a plus le luxe de choisir.
04:46 La décarbonation, c'est intéressant.
04:47 On en parlait avec notre expert de 7h15 sur les avions, avec le salon du Bourget.
04:51 On ne va pas manquer de voir nous faire avaler là-bas que demain, on pourra tous voler propre
04:55 et qu'il n'y aura pas de problème.
04:56 Vous y croyez ou c'est du greenwashing ?
04:57 Il y a énormément de choses à faire pour décarboner le secteur aérien.
05:00 Il y a énormément de progrès qui sont en cours et c'est tant mieux.
05:03 Il va également falloir réduire le nombre de vols et en particulier le nombre de vols
05:07 court-courrier et moins courrier parce que c'est des déplacements qui pourraient s'effectuer autrement.
05:11 Et donc, à mon avis, il va falloir réserver les vols en avion à des déplacements qui
05:14 ne pourraient pas se faire autrement.
05:15 Mais par exemple, quand la France supprime quelques lignes intérieures, que c'est un
05:18 gros effet d'annonce et quelques petits vols simplement qui sont supprimés, on est à
05:23 côté de la plaque ?
05:24 On est à côté de la plaque et on a manœuvré pour être à côté de la plaque parce qu'on
05:27 a fait comme si l'aéroport Charles de Gaulle n'était pas à Paris.
05:30 Et en gros, quand il s'agissait de calculer les distances, on a calculé les distances
05:34 à partir des gares parisiennes et pas à partir de l'aéroport de Charles de Gaulle.
05:38 Donc, très clairement, on a manœuvré pour essayer d'en faire le moins possible et ça,
05:42 c'est un vrai problème.
05:43 Il y a quelqu'un que vous connaissez bien qui s'appelle Jean-Marc Jancovici qui a dit
05:45 qu'en fait, il faut des quotas de vols par vie.
05:47 On pourra prendre, vous, moi, deux, trois avions dans toute notre vie.
05:50 J'y crois absolument pas.
05:51 Pourquoi ?
05:52 Parce que ça me paraît malheureusement complètement impraticable parce que tout le monde n'a
05:55 pas les mêmes besoins de déplacement.
05:57 Alors, est-ce que ça serait des quotas échangeables ?
05:59 Est-ce que les riches pourraient acheter des quotas aux pauvres ?
06:01 Je pense qu'il faut réfléchir collectivement pour voir comment on va à la fois décarboner
06:05 le secteur aérien et aussi, oui, réduire le nombre de vols, comme je disais, en particulier
06:09 des cours et moyens courriers.
06:10 Et quand vous lisez le patron de Total, Patrick Pouyanné, qui hier, dans le journal du dimanche,
06:14 disait « Nous ne renonçons ni au pétrole ni au gaz et nous continuons à investir dans
06:18 les énergies fossiles parce que nos clients les utilisent encore aujourd'hui ».
06:21 Les clients, c'est vous, c'est moi, c'est tous ceux qui nous regardent.
06:23 Ce n'est pas faux ce qu'il dit, n'empêche.
06:25 On se dit que la vie n'est pas si simple ni simpliste.
06:27 Ce n'est pas blanc ou noir, forcément.
06:29 Et donc l'enjeu, c'est l'enjeu de la trajectoire.
06:31 Bien sûr, on va continuer à avoir besoin de pétrole et de gaz dans les prochaines années.
06:35 Mais toute la question, c'est de savoir si nous nous plaçons sur une trajectoire qui
06:39 nous permet de renoncer progressivement au pétrole et au gaz pour les remplacer par des
06:43 énergies décarbonées, soit renouvelables, soit nucléaires.
06:46 Si on investit encore à la fois dans les fossiles et dans les renouvelables…
06:50 Il faut couper le robinet des fossiles.
06:51 Il faut couper le robinet progressivement, évidemment.
06:53 Mais le problème, c'est la trajectoire.
06:55 Pour le moment, on est en train de réinvestir massivement des énergies fossiles.
06:59 Tant qu'on investira, et je parle ici d'investissement privé et public, il y a également énormément
07:03 de subventions publiques pour les fossiles, tant qu'il y aura ce niveau de financement
07:07 pour les fossiles, on n'en sortira pas.
07:08 Or, il faut en sortir.
07:09 Ça, c'est un levier qui est très concret.
07:11 Vous savez qu'on est à la fois un peu perdu, un peu inquiet pour l'humanité et un peu perdu.
07:16 Par exemple, ce week-end, on a vu, et vous avez sans doute vu, des écologistes se mobiliser
07:19 contre la construction de la ligne entre Lyon et Turin.
07:22 C'est du train.
07:23 Ça fait des années qu'on nous dit que le train, c'est la solution, ou une partie de la solution.
07:26 Il faut croire qui ?
07:27 Ceux qui veulent construire cette ligne à grande vitesse entre Lyon et Turin, ou les
07:30 écologistes peut-être radicaux qui disent "non, c'est une très mauvaise idée".
07:33 C'est compliqué, comme vous le disiez.
07:35 Ce n'est pas blanc ou noir, et c'est assez nuancé.
07:37 On va avoir de plus en plus des oppositions, effectivement, entre ceux qui veulent promouvoir
07:41 de gros projets d'infrastructures pour décarboner l'économie et ceux qui vont s'inquiéter
07:45 de l'impact immédiat, notamment en termes de biodiversité, de ces gros projets.
07:49 Sur la question de la ligne Lyon-Turin, je pense que l'enjeu, c'est de décarboner dès
07:53 maintenant la route.
07:54 C'est l'enjeu d'un manifeste qu'on a présenté dans le journal du dimanche avec plusieurs
07:58 experts, d'un colloque qu'on tient à Sciences Po demain.
08:00 Il faut décarboner la route maintenant.
08:02 C'est-à-dire que ça va passer en partie par un report modal sur le train, mais il
08:05 faut aussi s'occuper de la route.
08:06 La route, aujourd'hui, c'est l'essentiel des déplacements.
08:09 Et comment on va décarboner la route ?
08:10 Il y a plein de technologies possibles.
08:11 D'abord, il va falloir réduire le nombre de véhicules en circulation sur la route.
08:15 Et puis, il y a plein de technologies aussi qui vont permettre effectivement de décarboner
08:19 la route et notamment le transport de frais de surroute.
08:22 François Gémin, il y a quelques semaines, la patronne d'Europe Écologie Les Verts,
08:24 Marine Tendelier, disait ceci.
08:25 On ne peut pas garantir aux enfants qui naissent en 2023, donc aujourd'hui, que la planète
08:29 sera encore habitable pour leurs 30 ans.
08:31 Est-ce que vous êtes d'accord avec ça ?
08:32 Non, ça dépend où ils naissent.
08:34 Les enfants qui naissent en 2023 en France, globalement, ils vivront encore sur une planète
08:39 habitable.
08:40 Donc, on ne peut pas non plus alarmer les gens.
08:41 L'enjeu de l'habitabilité…
08:42 C'est anxiogène, toi.
08:43 C'est très anxiogène.
08:44 L'enjeu de l'habitabilité de la planète, c'est surtout un enjeu pour les pays du
08:48 sud.
08:49 C'est surtout une responsabilité que nous avons au-delà de nos frontières.
08:51 Il y aura, malheureusement, si nous continuons sur cette voie, des zones de la planète qui
08:56 deviendront inhabitables d'ici 30 ans.
08:58 Mais il ne faut pas non plus affoler les gens en France.
09:01 Nous avons beaucoup de chances en France et en Europe d'être sur un territoire qui
09:05 sera, il faut le dire, proportionnellement moins touché que d'autres.
09:07 Si on regarde l'agenda des mois à venir, on voit deux choses.
09:09 On voit l'ONU qui organise le 20 septembre un sommet sur l'action climatique à New
09:13 York.
09:14 Et puis, on voit une COP, la COP 28, qui se tiendra à Dubaï en décembre.
09:17 Qu'est-ce que ça vous inspire ?
09:18 Je comprends que l'idée qu'on fasse un sommet sur le climat dans un des pays les
09:25 plus gros exportateurs de pétrole puisse choquer…
09:27 C'est le contre-exemple parfait en matière de sobriété énergétique, Dubaï.
09:29 C'est le contre-exemple parfait.
09:30 Aujourd'hui, quand on regarde l'empreinte carbone par habitant, c'est à Dubaï et
09:33 dans ces pays qu'elle est la plus forte au monde.
09:34 D'un autre côté, si on veut sortir des énergies fossiles, si c'est ça l'enjeu,
09:38 il va bien falloir discuter avec les pays qui ont construit leur économie sur ces énergies
09:42 fossiles.
09:43 Qu'est-ce qu'on va dire au Qatar ? Qu'est-ce qu'on va dire aux Émirats ? Qu'est-ce
09:45 qu'on va dire à la Paris Saoudite ? Il est certain qu'il va falloir travailler
09:48 avec eux aussi.
09:49 On ne va pas pouvoir fuir le problème éternellement en se parant de vertu et en organisant les
09:53 COP uniquement dans des capitales européennes.
09:55 Vous avez l'impression que les pays du monde globalement ont conscience du problème ? Est-ce
09:58 qu'il y a une pression qui vient des populations ? Parce que ça fait des années qu'on vous
10:03 reçoit les uns les autres, Jean Jouzel, longtemps, maintenant il y a vous, et qui
10:06 disent exactement la même chose.
10:08 Vous n'avez pas varié d'un iota.
10:09 Et voilà.
10:10 On va bien s'en tenir notre constance.
10:12 Effectivement, la science, évidemment on devient plus précis, mais la science n'a
10:15 pas changé sur le sujet depuis 30 ou 40 ans.
10:18 Ce qui a changé quand même, c'est la prise de conscience par les populations.
10:21 Quand on regarde des sondages d'opinion à l'échelle mondiale, on observe une très
10:24 forte préoccupation pour ces sujets.
10:26 Les Chinois, les Mexicains sont aussi concernés que les Européens.
10:30 Là où nous divergeons, par contre, c'est sur les solutions à mettre en œuvre et c'est
10:33 aussi pour cela qu'il faut des négociations internationales et de la coopération internationale.
10:37 Si je vous dis pour finir, notre maison brûle et ?
10:40 Je dirais que nous sommes encore en train de crier au feu.
10:44 Ce qu'il faut aujourd'hui, c'est éteindre l'incendie et aider les pompiers.
10:47 Et c'est pour ça aussi, je crois que notre communication en tant que chercheurs doit
10:50 changer.
10:51 Sonner l'alerte aujourd'hui, à mon sens, est une stratégie du passé.
10:55 Les gens voient bien que la maison brûle.
10:56 Il faudrait vivre dans une grotte pour ne pas le réaliser.
10:58 Mais les gens ont besoin de solutions, ont besoin qu'on leur dise comment éteindre
11:01 l'incendie.
11:02 La phrase de Chirac c'est "notre maison brûle et nous regardons ailleurs".
11:04 C'était en 2002.
11:05 Je pense que maintenant nous regardons la maison mais nous sommes encore un peu immobilisés.
11:08 On se demande qu'est-ce qu'on pourrait faire.
11:10 On compte sur vous pour nous aider et on vous remercie.
11:12 En tout cas, merci François Gémin.
11:13 N'êtes-vous dans les 4 V.
11:14 Votre livre s'appelle "L'écologie n'est pas un consensus.
11:17 Il faut dépasser l'indignation".
11:18 Ce que vous nous avez expliqué fort bien.
11:19 Et c'est publié chez Fayard.
11:21 Merci d'être venu et bonne journée à vous.