Ouissem Belgacem a caché son homosexualité pour être footballeur

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00:00 Un jour, j'ai dit à un de mes potes,
00:01 "Si t'apprenais que ton fils était gay, tu ferais quoi ?"
00:03 Là, il m'a répondu, "Si j'apprends à la naissance que mon fils est gay,
00:05 moi, j'irais prendre une bassine, je la remplis d'eau,
00:08 je le noie dedans et je préfère ne pas avoir de fils."
00:09 Forcément, je me suis dit,
00:10 "Mon pote n'est clairement pas prêt à ce que je lui fasse mon coming out."
00:13 Tu vas être vachement fort au foot
00:16 parce qu'il arrivera un jour où les gens sauront
00:18 que tu aimes les garçons
00:20 et donc peut-être que si t'es super bon en sport,
00:22 ça va un peu tempérer la déception.
00:25 Très tôt à l'école, j'ai compris que mes yeux, ça tardait peut-être plus sur les garçons que sur les filles.
00:30 Et au même moment, j'ai compris qu'il allait falloir le cacher
00:32 parce que même si je n'avais jamais eu la discussion avec qui que ce soit,
00:35 j'avais entendu plein de paroles, que ce soit chez moi, au foot ou dans mon quartier.
00:39 C'était toujours des propos dégradants qu'on utilisait pour parler des homos.
00:43 Et donc forcément, moi, je n'avais pas envie d'appartenir à cette communauté.
00:46 Moi, je suis arrivé à Toulouse, j'avais 13 ans.
00:49 C'est un des centres de formation les plus performants en France.
00:51 Je m'entraîne deux fois par jour, tous les jours.
00:53 Et les mecs autour de moi sont tous hyper bons.
00:55 Je suis très heureux, très épanoui.
00:57 Donc d'un point de vue football, en arrivant à Toulouse, tout se passe merveilleusement bien.
01:01 En grandissant, je réalise que mes pensées envers les garçons ne partent pas.
01:09 Et donc là, je vais commencer à enchaîner psy sur psy,
01:12 toujours en me demandant ce qu'on m'aide à changer.
01:15 Et les psy me répondront qu'il n'est pas possible de changer sa sexualité,
01:18 qu'il faut que je m'accepte.
01:19 C'était une lutte perpétuelle envers moi-même, dans le sens où tout se passait dans ma tête.
01:24 Personne ne lui aurait parlé au centre de formation.
01:26 Mais là, c'est sûr et certain.
01:27 Connaissant le centre pendant nos années,
01:31 vas-y pour survivre.
01:33 Et j'essayais de trouver la plus belle fille de mon université, de sortir avec elle.
01:37 Et c'est là où je me suis dit qu'elle est tellement belle,
01:39 tellement intelligente, tellement élégante.
01:40 Si elle ne me change pas hétéro, qui va le faire en fait ?
01:43 Avant de faire mon coming out, je testais toujours un peu le terrain avec mes amis.
01:46 Parfois, je lançais des sujets.
01:48 Puis un jour, je dis à un de mes potes,
01:49 "Si tu apprenais que ton fils était gay, tu ferais quoi ?"
01:51 Puis là, il me répond, "Si j'apprends à la naissance que mon fils est gay,
01:54 je vais prendre une bassine, je la remplis d'eau,
01:57 je le noie dedans et je préfère ne pas avoir de fils."
01:59 Forcément, je me suis dit,
02:00 "Là, mon pote n'est clairement pas prêt à ce que je lui fasse mon coming out."
02:04 Mais je lui ai fait quelques années plus tard et en fait, il a hyper bien réagi.
02:08 On a reparlé de cette anecdote.
02:09 Et il m'expliquait qu'il pensait que c'était ce que j'attendais comme réponse.
02:13 C'est-à-dire que parfois, tu as des groupes de jeunes mecs entre eux
02:15 qui pensent que pour bien se faire voir dans le groupe,
02:18 il faut avoir des prises de position très homophobes sur des sujets.
02:22 Et en fait, ce pote-là, ensuite, il est venu en bar et en boîte gay avec moi.
02:25 Il n'a aucun problème avec le sujet et on est très proche aujourd'hui.
02:27 La plupart de mes amis ont extrêmement bien réagi
02:30 et c'était important pour moi de le montrer
02:31 pour un peu casser ce cliché de forcément,
02:34 si tu viens d'une cité ou si tu es musulman,
02:36 forcément, tu n'es pas ouvert d'esprit.
02:38 Et je pense que ce que montre ma série,
02:39 c'est que justement, l'ouverture d'esprit n'a pas de frontière en fait.
02:43 Et l'homophobie, surtout, n'est pas assignée seulement à une classe sociale,
02:47 à une religion ou à une couleur de peau.
02:48 Si tu ne parles pas, rien ne changera.
02:51 Et c'est là où je prends la décision d'écrire ce livre.
02:53 Ce qui est paradoxal dans le football,
02:54 c'est que c'est à la fois le sport qui fait l'air le plus,
02:56 mais c'est aussi, il faut le dire, le sport qui exclut le plus.
02:59 C'est pour ça qu'on n'a toujours pas de footballeurs out.
03:01 C'est pour ça qu'on a mis tellement de temps à accepter les femmes.
03:04 Et moi, je n'ai jamais perdu mon amour pour le football
03:06 parce qu'il est important pour moi de dissocier le sport
03:09 de la communauté qui compose ce sport.
03:12 Moi, le ballon ne m'a jamais rien fait.
03:14 C'est aux instances dirigeantes sportives,
03:16 c'est aux fédérations, de créer un environnement sportif
03:20 dans lequel les gens se sentiront assez à l'aise
03:22 pour être qui ils ou elles sont,
03:24 sans penser qu'ils en subiront des préjudices quels qu'ils soient.
03:28 Par exemple, la Ligue de football professionnelle
03:29 pourrait créer un département de lutte contre les discriminations
03:33 avec des formateurs qui sont mis en place
03:35 par les instances dirigeantes sportives
03:36 pour proposer des campagnes de sensibilisation.
03:40 Ce n'est pas assez fort, de formation,
03:41 parce que je pense qu'on peut former les gens au respect de la différence.
03:44 Ça va prendre du temps, peut-être 10-15 ans
03:46 avant qu'on voit des résultats.
03:47 Ce n'est pas juste une action de com' par an
03:50 avec ces maillots floqués couleur arc-en-ciel
03:52 qui changera la donne.
03:52 Sur le chemin d'acceptation, je pars d'extrêmement loin,
03:56 mais aujourd'hui, je suis très heureux dans mes baskets
03:58 et surtout, je ne changerai pour rien au monde.
04:00 Mais j'ai découvert avec le temps
04:02 que c'est une communauté qui a une histoire,
04:03 que des gens se sont battus pour l'obtention de droits
04:06 dont je jouis aujourd'hui et j'en suis très content.
04:09 Et je pense que c'est pour ça que je me dis qu'à mon échelle,
04:12 à travers ce livre, à travers ce documentaire,
04:14 je pose ma pierre dans le combat
04:16 en espérant faire un peu avancer les choses.
04:18 Et je souhaite de tout cœur qu'il y ait d'autres personnes
04:21 qui reprendront le flambeau pour l'emmener un peu plus loin.
04:24 Il y a beaucoup de chemin qui a été parcouru,
04:26 mais il en reste pas mal à accomplir aussi.
04:29 Sous-titrage Société Radio-Canada
04:31 [Musique]

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