• l’année dernière
Thomas Ménagé, député Rassemblement National du Loiret.
Il a longtemps préféré l'ombre à la lumière, en travaillant aux côtés de Nicolas Dupont-Aignan. Mais cela ne l'a pas empêché de devenir porte-parole du groupe Rassemblement national à l'Assemblée.

Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements - historiques ou personnels - qui l'ont conduit à choisir la vie publique.
Car on ne naît pas politique, on le devient !

Category

🗞
News
Transcription
00:00 -Mon invité a longtemps préféré l'ombre à la lumière,
00:03 mais cela ne l'a pas empêché pour autant
00:06 de devenir porte-parole du groupe Rassemblement national.
00:09 Musique intrigante
00:11 ...
00:24 Bonjour, Thomas Ménager. -Bonjour, Clément Méric.
00:27 -Sur la réforme des retraites, une de vos prises de parole
00:30 a déclenché beaucoup de réactions sur les réseaux sociaux,
00:33 mais pas seulement. C'était sur la question
00:36 du report de l'âge légal à 64 ans.
00:38 -Laissez-nous expliquer au gouvernement la vraie vie.
00:41 Je vais vous prendre l'exemple de mon père.
00:43 Mon père a 58 ans.
00:45 Mon père a travaillé toute sa vie sur les toits et les couvreurs.
00:48 Mon père a 58 ans aujourd'hui.
00:50 Chaque soir, il a les genoux qui doublent de volume.
00:53 Chaque matin, il ne se lève pas car il est cassé.
00:56 Il ne se lève pas. Détachez des réalités,
00:58 détachez des difficultés de ce monde.
01:00 Venez sur le terrain et vous comprendrez
01:02 que pour une partie des Français,
01:04 il est impossible d'aller jusqu'à 64 ans.
01:07 -Cette prise de parole a déclenché une riposte assez cinglante
01:10 de la majorité par la voix de Stéphanie Rist.
01:13 "Personne n'a le monopole du papa qui a souffert",
01:16 vous a-t-elle répondu.
01:17 Vous comprenez que ça puisse agacer,
01:20 cette façon de faire de la politique,
01:22 de jouer sur les émotions pour défendre ses idées ?
01:25 -Je considère que quand on s'engage en politique,
01:28 on est le fruit de notre histoire, de notre passé, de notre famille.
01:31 Parfois, quand ça touche directement à notre quotidien,
01:34 à nos familles, on s'exprime et on prend les exemples
01:37 que l'on connaît bien.
01:39 Stéphanie Rist avait réagi.
01:41 Je ne voulais pas m'octroyer un quelconque monopole.
01:43 Je voulais juste expliquer au gouvernement
01:46 qu'il y avait des Français qui ne seraient pas en capacité.
01:49 Mon père me disait régulièrement qu'il ne pouvait pas
01:52 aller plus longtemps sur les toits,
01:54 qu'il était comme hiver et que c'était difficile.
01:57 Donc, ce n'est pas du tout un monopole.
01:59 Stéphanie Rist avait peut-être plus de pudeur.
02:02 On en a parlé après.
02:03 -Parce qu'elle a raconté l'histoire de son père,
02:06 qui tenait un biscot. -Un café, oui.
02:08 Après, on a parlé de nos histoires personnelles.
02:11 Mais c'est ça, ce que je reprochais à une partie des députés
02:14 de la majorité sur cette réforme des retraites,
02:17 c'est que quand même, ils étaient, pour certains,
02:20 dans la réalité des choses.
02:21 Des familles avaient pu être confrontées
02:24 à la difficulté, à la pénibilité.
02:26 Ils avaient tendance à l'oublier.
02:28 C'est ce que j'ai souhaité leur rappeler.
02:30 J'ai réalisé par les réactions sur les réseaux sociaux
02:33 que les gens se sentaient aussi représentés, entendus.
02:36 J'ai eu incroyablement...
02:38 Énormément de retours, même de personnes du bâtiment.
02:41 -3 millions de vues pour cette vidéo sur votre compte TikTok.
02:45 -Oui, parce qu'en fait, je pense qu'aujourd'hui,
02:48 les Français ont le sentiment qu'on ne sait pas
02:50 ce qu'est la réalité, qu'on est en orbite, hors sol.
02:53 Ils ont le sentiment avec le président de la République
02:56 et avec une partie de députés.
02:58 Quand ils ont l'impression d'être des réels porte-parole,
03:01 ils nous remercient.
03:02 -Ca a pu agacer. En même temps, on sent que quand vous vous exprimez,
03:06 vous remuez des choses très personnelles
03:09 sur votre histoire à vous.
03:10 Faites-vous un lien entre le milieu social
03:13 dans lequel vous avez grandi et votre engagement en politique ?
03:16 -Oui, j'ai grandi en France, mes parents n'ont pas le bac.
03:19 Ca a été aussi une réelle volonté de participer à changer les choses,
03:23 notamment au niveau de l'ascenseur social.
03:26 Je viens d'une petite commune de 800 habitants,
03:29 mes parents n'ont pas le bac, ils se sont "saignés"
03:31 pour faire en sorte que je puisse aller à l'université.
03:35 J'ai envie de les rendre fiers et j'essaie de jamais oublier
03:38 d'où je viens, même si j'ai fait des études,
03:41 que j'ai eu un confort personnel, financier
03:43 et un mode de vie différent de ma famille.
03:46 A chaque fois, et surtout en tant que néo-député,
03:48 je suis arrivé dans l'Assemblée, j'ai eu une pensée
03:51 pour mes ancêtres et mes parents.
03:53 -Vous êtes engagé en politique très jeune,
03:56 à 15 ans, vous avez soutenu la campagne de Nicolas Sarkozy,
03:59 vous avez ensuite pris votre carte à l'UMP,
04:02 mais quand on vous demande ce qui a été l'élément déclencheur
04:05 de votre engagement, vous évoquez un drame personnel,
04:08 la mort de votre maman à 19 ans. -Oui, ça a été un moment important.
04:12 Dans un premier temps, c'était une fuite en avant.
04:15 C'était l'occasion de ne pas se sentir utile,
04:17 de trouver un sens, quand on a l'impression,
04:20 quand on est jeune comme moi, que la perte d'une maman
04:23 fait perdre du sens à la vie, de se sentir utile,
04:26 d'essayer de penser à autre chose, et ça a accéléré l'engagement,
04:30 la volonté de se mettre au service des autres.
04:32 Dans un premier temps, j'aimerais, je le cache pas,
04:35 d'oublier ce moment difficile.
04:37 -En 2012, vous avez commencé à avoir
04:39 une première visibilité médiatique.
04:42 C'était en tant que porte-parole de la Manif pour tous,
04:45 notamment à Blois.
04:46 Pourquoi vous vous mobilisez contre le mariage gay ?
04:49 C'était lié à des convictions religieuses ?
04:52 -Pas du tout, c'était pas religieux.
04:54 C'était, là encore, quelques mois,
04:56 et c'était réellement, je pense, qui a accéléré cet engagement.
04:59 Après le décès de ma mère, j'ai ressenti,
05:02 sur la question de l'adoption,
05:04 le mariage n'était pas un problème pour moi,
05:06 c'était la filiation. Je venais de perdre
05:08 la présence féminine à mes côtés, et je m'interrogeais
05:11 sur la nécessité, dans la construction de l'enfant,
05:15 de la femme masculine. Je demandais un référendum,
05:17 il y avait un engagement contre François Hollande.
05:20 Aujourd'hui, dix ans après, je regrette pas,
05:23 je l'ai fait dans le respect de chacun,
05:25 je suis heureux de voir que les doutes
05:27 que je pouvais avoir sur la filiation sont levés,
05:30 que je me suis peut-être "trompé" par rapport à mes doutes.
05:33 On me demandait comment on le demande,
05:35 et c'est ça qui a participé à mon engagement au RN,
05:38 que sur les sujets de société,
05:40 que la société régle les soucis par le référendum,
05:43 et que, quand il y a des sujets bloquants,
05:46 comme c'était le cas sur les retraites,
05:48 ça aurait dû être le cas. -Est-ce que ça veut dire
05:51 que si on refaisait ce débat parlementaire,
05:53 si la loi repassait dans l'hémicycle,
05:55 vous voteriez à nouveau contre ? -Non.
05:58 -Vous avez évolué. -Oui, j'avais 19 ans,
06:00 j'avais pas du tout la même vision,
06:02 et puis le monde a évolué, on s'est rendu compte
06:05 qu'on pouvait avoir des inquiétudes sur la question,
06:08 et qu'elles n'étaient pas fondées.
06:10 En politique, il faut être en cohérence.
06:13 On a le droit de poser des questions,
06:15 de s'interroger. Je suis content
06:16 que tout le monde puisse s'aimer librement en France.
06:19 Je m'inquiète pour les homosexuels,
06:22 sur d'autres combats, notamment le combat
06:24 contre le fondamentalisme islamiste,
06:26 qui menace un certain nombre de droits.
06:29 La question, elle est réglée,
06:30 et c'est tant mieux.
06:32 -Une question aussi. Les rares images
06:34 que j'ai retrouvées de vous à l'époque,
06:36 en fouillant à droite, à gauche, c'est les seules.
06:39 Il y a plus rien de vous sur les réseaux sociaux,
06:43 sur vos comptes. Vous avez tout effacé ?
06:45 -Quand j'ai vraiment pris un engagement
06:47 auprès de Nicolas Dupont-Aignan,
06:50 j'ai remis en cause l'ensemble de mes réseaux sociaux.
06:53 Je considérais que la parole d'un gamin de 16, 17, 18 ans,
06:56 les photos de famille, avec ses proches,
06:58 des prises de position...
07:00 -Enlever les photos de famille, je peux comprendre,
07:03 mais là, c'était un engagement public.
07:05 -Moi, j'ai "recommencé" des comptes à zéro,
07:08 parce que je considérais que je voulais pas être responsable
07:11 de ces propos que je pouvais avoir à 15, 16 ans
07:14 sur les réseaux sociaux, mes photos en soirée avec mes amis.
07:17 Il y avait rien de gênant.
07:19 Ce qu'il y avait dans la presse, c'était clair,
07:21 mais je considérais que quand on devient
07:24 un personnage politique public,
07:26 il faut être responsable de ses propos.
07:28 Aujourd'hui, depuis mon engagement
07:30 au comité Nicolas Dupont-Aignan, tout est public.
07:33 -En mai 2014, vous avez posté une photo
07:35 de votre carte de militant en UMP
07:37 en vous interrogant sur le fait de rester ou non
07:40 dans la présidence. Vous l'avez quittée
07:43 pour rejoindre Dupont-Aignan. Pourquoi ?
07:45 -J'avais des doutes depuis un moment,
07:47 comme beaucoup de militants de l'UMP,
07:49 même si j'étais pas pleinement engagé.
07:52 Sur la ligne du parti, sur la réelle défense
07:54 des classes moyennes, de la valeur du travail.
07:57 Depuis Nicolas Sarkozy, j'avais des doutes
07:59 sur la capacité à passer le Karcher,
08:02 sur la question du régalien, de la souveraineté.
08:04 Pour être clair, moi, j'étais pas prêt à rejoindre
08:07 le Front National, c'était le passé de Jean-Marie Le Pen.
08:11 La ligne du RPR ancien et une ligne qui était compatible
08:13 avec Marine Le Pen, c'était Nicolas Dupont-Aignan.
08:16 -Dès 2015, vous êtes devenu chef de cabinet.
08:19 Vous êtes resté dans son ombre tout du long
08:21 de cet engagement à ses côtés, mais au coeur de son dispositif,
08:25 au point que vous avez participé directement
08:27 aux négociations avec Marine Le Pen
08:29 après le second tour de la présidentielle
08:32 et avant les législatives en 2017.
08:34 Ca a été une étape clé de votre engagement.
08:36 Qu'est-ce qui s'est joué pour vous ?
08:39 -C'est intéressant, puisque c'était le premier contact
08:42 avec Marine Le Pen. C'est le moment où j'ai réalisé
08:45 que, loin des fandasques que j'avais véhiculés
08:47 par un certain nombre d'opposants,
08:49 par une petite doxa médiatico-politique,
08:52 Marine Le Pen est une femme humaine avec qui on avait eu
08:55 des échanges très clairs dans l'intérêt général.
08:58 -Là, vous vous êtes dit "pourquoi pas elle ?"
09:00 -Pourquoi pas ? Ca m'a fait forcer,
09:02 alors que j'étais très jeune, à négocier cet accord
09:05 avec Nicolas Dupont-Aignan, car autour de lui,
09:08 il refusait de travailler avec Marine Le Pen.
09:10 Ca a été ce premier contact qui m'a donné envie
09:13 de m'engager pour Marine Le Pen. -Vous êtes plusieurs députés
09:16 à avoir une place importante à ses côtés,
09:19 aux côtés de Marine Le Pen, à être passés
09:21 par Nicolas Dupont-Aignan. On vous voit ici
09:23 avec Jean-Philippe Tanguy ou Alexandre Loubet.
09:26 Vous avez créé ensemble un petit parti,
09:28 un micro-parti, comme on dit, l'Avenir français.
09:31 Ca veut dire que c'est une bonne école de la politique,
09:34 Nicolas Dupont-Aignan. Vous lui devez beaucoup.
09:37 -Oui, je lui dois beaucoup. C'est un excellent élu local.
09:40 J'ai appris à ses côtés. Je suis ultra heureux
09:43 d'être avec mes compagnons de route,
09:45 qui étaient à Debout-la-France,
09:47 aujourd'hui, aux côtés de Marine Le Pen.
09:49 Ce qui est certain, c'est qu'on n'a pas changé.
09:52 On veut le rassemblement de tous les patriotes,
09:55 pour sauver le pays et éviter d'être dans l'ornière
09:58 que nous connaissons. -C'est sous les couleurs
10:00 de l'Avenir français que vous êtes présenté
10:03 du Rassemblement national et de Marine Le Pen.
10:06 Il se trouve que Jean-Michel Blanquer a choisi
10:08 de se présenter dans la même circonscription que vous.
10:11 Ca a eu pour conséquence de braquer un peu les caméras sur vous.
10:14 Vous diriez que cette candidature de Blanquer,
10:17 ça a été une chance pour vous ?
10:19 -Oui, en quelque sorte, ça m'a obligé
10:21 à arrêter d'être le garçon timide
10:23 qui voulait être en arrière-plan,
10:25 qui ne voulait pas répondre aux caméras.
10:27 Ca m'a forcé, puisque pour une question d'équipe
10:30 des temps de parole, je devais m'exprimer,
10:32 ça m'a permis aussi de me faire un petit peu...
10:35 Un petit nom, à ce moment-là,
10:38 et de pouvoir, dès mon arrivée à l'Assemblée nationale,
10:41 être porte-parole. -C'est ce qui s'est passé.
10:44 Très vite après votre élection, Marine Le Pen vous a repérée.
10:47 Elle vous a nommé porte-parole du groupe Rassemblement national
10:51 à l'Assemblée et vous vous êtes retrouvé en pleine lumière,
10:54 alors que vous dites que vous n'aimez pas cela.
10:57 Pourquoi ? Vous avez l'air plutôt à l'aise.
10:59 -Je pense que j'aime pas l'image que je renvoie.
11:02 On s'aime ou on s'aime pas, on apprend à s'aimer
11:04 au fur et à mesure, on grandit physiquement
11:07 dans la manière de s'exprimer,
11:09 et puis aussi parce que je pense que, dans un premier temps,
11:12 j'avais un complexe de classe, un sentiment de l'imposteur,
11:15 et historiquement, je me disais,
11:17 "Qu'est-ce que le petit gars de la ruralité
11:20 "dont les parents ont pas fait d'études,
11:22 "qu'est-ce qu'il fait dans ce milieu ?"
11:24 -Vous ne sentiez pas de légitimes à votre place ?
11:27 -J'avais la légitimité des yeux, mais je me sentais pas à ma place.
11:31 C'est ce qui arrive à énormément de députés
11:33 qui ne viennent pas des milieux habituels,
11:35 qui ne répètent pas la vie familiale,
11:38 qui sont souvent d'une famille très politisée.
11:40 C'est pas pour nous.
11:42 C'est intéressant qu'il y ait des jeunes
11:44 issus d'un autre milieu qui s'engagent en politique.
11:47 C'est pas réservé seulement aux fils à papa.
11:49 L'Assemblée nationale doit représenter tous les Français.
11:52 -On va passer à notre quiz.
11:54 Je vous explique comment ça se passe.
11:56 C'est très simple. Je vais commencer une phrase,
11:59 et vous allez devoir la compléter.
12:01 On commence.
12:02 Ce qui m'agace le plus à l'Assemblée ?
12:04 -Le brouhaha permanent.
12:06 Le fait que chacun est là pour faire sa petite vidéo,
12:09 pour faire le buzz,
12:10 et pas forcément toujours pour débattre du fond.
12:13 La deuxième chose qui m'agace,
12:15 c'est le côté sectaire des autres groupes.
12:17 Je vote des propositions de gauche, de droite, de la majorité.
12:20 Je pense à l'intérêt des Français,
12:22 ce que ne font pas tous les députés.
12:24 -Contrairement au RN, l'avenir français...
12:27 -Le RN, c'est un mouvement de rassemblement,
12:29 ni droite ni gauche, gauche et droite.
12:32 Nous, nous sommes de droite, gaulliste,
12:34 vous l'assumez, de droite, gaulliste,
12:36 sans hésitation.
12:37 La beauté du RN, c'est de rassembler des personnes
12:40 d'horizons différents.
12:42 -Dans une autre vie, je rêverais de...
12:44 -Je rêverais d'avoir du temps,
12:46 parce que c'est la problématique en politique,
12:48 et on se rend compte à quel point c'est une dorée rare,
12:51 c'est d'avoir du temps pour sa famille,
12:54 pour ses proches, pour souffler,
12:56 et pour, des fois, prendre une bouffée d'air frais
12:58 pour être plus efficace pour défendre les Français.
13:01 -Merci, Thomas Bénéger, d'être venu dans "La Politique est moi".
13:05 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
13:08 Générique
13:10 ...
13:22 [SILENCE]

Recommandations