• l’année dernière
Le 19 juin 2022, les résultats des élections législatives sont un séisme politique. La majorité présidentielle, quelques semaines seulement après la réélection d'Emmanuel Macron, subit un revers d'une ampleur inattendue. Avec 246 sièges, le gouvernement d'Elizabeth Borne doit se contenter d'une majorité très relative, à 43 sièges de la majorité absolue : un gouffre. Dans la Ve République, jamais un gouvernement n'avait connu une majorité aussi faible dans l'hémicycle.
Face à cette fragile majorité, les deux premiers groupes d'opposition revendiquent des lignes politiques radicales : le Rassemblement National (88 députés) et la France Insoumise (75 députés).
Ainsi pris en étau, le gouvernement parviendra-t-il à faire voter ses projets de loi ? Comment obtenir des majorités sur les votes ? Devra-t-il recourir de façon récurrente à l'article 49-3 pour passer en force ? Les questions sont multiples et les réponses apparaissent au fil des séances et des tractations.
Un an après ces élections, LCP revient sur les premiers mois de cette majorité mise en minorité. Quels sont les grands projets de loi qui sont arrivés devant les députés ? Qui a voté quoi ? Comment ont évolué les positions politiques de chacun ? Quels stigmates ont laissé les recours à l'article 49-3 ? Pouvoir d'achat, énergie, budget, retraites... Notre magazine décortique les stratégies mises en place par le gouvernement et les groupes parlementaires, qu'ils soient de la majorité ou de l'opposition. Marine Le Pen, Aurore Bergé, Mathilde Panot... Les présidents des principaux groupes parlementaires nous ont accordé des entretiens et reviennent pour nous sur cette année parlementaire qui a durablement chamboulé le paysage politique.

Chaque mois, LCP le Mag vous plonge dans l´application des lois, les grands dossiers d´actualité qui font débat à l´Assemblée nationale ou les coulisses des campagnes électorales.

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Transcription
00:00 ...
00:02 Elle est redevenue le champ de bataille incontournable
00:05 du débat politique.
00:07 Acclamations
00:08 -Ici, c'est l'Assemblée nationale.
00:11 Ce sont les députés qui font la loi.
00:13 -Votes serrés,
00:15 opposition, frontales, alliances incertaines.
00:18 Depuis un an, l'Assemblée nationale concentre à nouveau l'attention.
00:22 -On ne va pas dans une salle de cinéma sans film.
00:25 Là, il passe un film. Les Français s'y intéressent.
00:28 -Contraints à une majorité relative par les électeurs,
00:33 les députés de la coalition présidentielle
00:36 et le gouvernement
00:37 naviguent en eau trouble dans l'hémicycle.
00:41 -Tout le monde nous prédisait le blocage absolu.
00:44 Avec la configuration de l'Assemblée qu'on avait,
00:47 on serait dans l'incapacité de gouverner.
00:49 -Gouverner, vaille que vaille, parfois même,
00:52 dans la tempête.
00:54 -Le niveau de tension qu'on acquiert ce jour-là
00:58 me paraît assez inédit.
01:00 -Les comparaisons n'ont pas raison.
01:03 -Comment le gouvernement parvient-il à faire voter
01:06 ces projets de loi ?
01:07 -Vous interrogez le gouvernement sur une mesure de régulation.
01:10 -Quand et pourquoi décide-t-il de passer en force ?
01:14 -Aussi sur le fondement de l'article 49
01:18 alinéa 3 de la Constitution,
01:20 j'engage la responsabilité...
01:22 -Et à quel prix ?
01:23 -L'Assemblée nationale ne peut pas continuer
01:26 à mettre des années supplémentaires.
01:28 Elle ne peut pas. C'est impossible.
01:30 -Retour sur une année parlementaire
01:32 mouvementée où la majorité a marché en permanence...
01:36 -La séance est suspendue. -...sur un film.
01:39 Musique de tension
01:41 ...
01:43 -Et voilà, le chiffre tombe dans une seconde, maintenant.
01:46 Il est 20h. Vous découvrez le visage
01:48 de la nouvelle Assemblée nationale,
01:50 les estimations en nombre de sièges,
01:53 et c'est Ensemble qui arrive en tête
01:56 avec 224 sièges.
01:58 On est très, très loin de la majorité absolue
02:01 de 289 sièges. C'est un tremblement de terre.
02:04 -Ah, c'est un tremblement de terre.
02:06 C'est la plus petite majorité relative
02:08 qu'on ait pu trouver sous la Vème République.
02:11 -Le nouvel hémicycle, qui s'affiche sur les écrans
02:14 le 19 juin 2022, est inédit.
02:16 Alors même qu'Emmanuel Macron
02:18 vient d'être réélu président de la République,
02:21 ses résultats sont pour sa majorité
02:24 un revers cinglant et inattendu.
02:26 Les rapports de force dans l'hémicycle
02:28 sont profondément chamboulés.
02:30 -On a beaucoup de sièges qui vont séparer
02:33 la majorité relative de la majorité absolue
02:35 et surtout une grande difficulté à faire des alliances.
02:39 -Si la majorité présidentielle
02:41 l'exclut d'emblée de travailler
02:44 avec le Rassemblement national et la France insoumise,
02:47 elle va, en revanche, devoir jouer l'ouverture
02:50 avec les autres groupes.
02:52 L'enjeu, trouver des partenaires texte par texte.
02:56 -Eh, là !
02:58 -Vous avez des grandes coalitions
03:00 qui sont parfois composées de gens
03:02 qui se combattent pendant la période électorale
03:05 mais qui travaillent pour faire en sorte
03:07 que le gouvernement produise et fasse avancer le pays.
03:10 C'est le cas de l'Allemagne.
03:12 On ne voit pas en quoi cela est choquant.
03:14 Peut-être notre culture politique ne nous a pas habitués
03:17 et peut-être que les Français nous ont,
03:20 d'une certaine manière, contraints à devoir faire avec,
03:22 comme ils avaient à l'époque,
03:24 contraints des présidents de la République
03:26 à vivre avec une majorité parlementaire.
03:29 -C'est un exercice assez inédit,
03:31 car souvent, les partis d'opposition
03:33 aiment bien rester confortablement dans l'opposition
03:36 quand ils y sont et dire qu'ils sont contre tout.
03:39 Si on est tous dans cette logique-là,
03:41 il ne se passera pas grand-chose.
03:43 -Le 6 juillet, la nouvelle présidente de l'Assemblée,
03:46 Yael Broun-Pivet, donne à la France
03:49 le véritable coup d'envoi de la 16e mandature.
03:53 Musique intrigante
03:55 -La parole est à madame la Première ministre.
03:58 Applaudissements
04:00 -C'est le jour du discours de politique générale
04:03 d'Elisabeth Borne, nommé quelques semaines plus tôt.
04:06 C'est son baptême du feu dans l'arène parlementaire.
04:09 -Mesdames et messieurs les députés...
04:11 -Les Français font véritablement sa connaissance à ce moment-là,
04:16 parce que tous les projecteurs sont beaucoup plus braqués
04:19 sur l'Assemblée nationale qu'ils ne l'ont jamais été.
04:22 Et à ce moment-là, elle fait un discours qui est fort,
04:25 qui est clair.
04:27 -Les Français nous demandent de nous parler plus,
04:30 de nous parler mieux.
04:32 Je veux qu'ensemble, nous redonnions un sens
04:35 et une vertu aux mots compromis,
04:38 depuis trop longtemps oubliés dans notre vie politique.
04:41 Applaudissements
04:44 ...
04:48 Musique intrigante
04:50 -Faute de majorité dans l'hémicycle,
04:52 la Première ministre renonce à solliciter un vote de confiance.
04:56 En réaction, les groupes de la NUPES déposent une motion de censure
05:00 pour faire déjà tomber le gouvernement.
05:04 Acclamations
05:06 A gauche, le ton est donné.
05:07 -Dans toute grande démocratie du monde,
05:10 la Première ministre demande la confiance au Parlement.
05:13 Et là, elle s'en passe.
05:14 En quelque sorte, la confiance que lui accorderait
05:17 le président suffirait pour que, ensuite,
05:20 ce gouvernement puisse mener son action.
05:22 Nous ne sommes pas d'accord.
05:24 -Pour passer, une motion doit être votée
05:27 par la moitié des députés, plus un.
05:29 Les seuls élus de la NUPES ne suffisent pas
05:32 pour atteindre ce seuil.
05:34 ...
05:38 C'est dans ce contexte déjà éruptif
05:41 que l'Assemblée nationale va se réunir en session extraordinaire,
05:44 à l'été 2022.
05:46 Les deux premiers textes qui arrivent dans l'hémicycle
05:49 portent sur la gestion de la crise sanitaire
05:52 et sur une aide exceptionnelle au pouvoir d'achat.
05:55 -Les textes restent relativement consensuels.
05:58 Ils sont pensés comme ça, au début.
06:00 On peut discuter sur les milliards qu'on va redistribuer,
06:03 mais c'est plus facile de redistribuer des milliards
06:06 qu'en enlever.
06:08 -Des textes consensuels sur le papier,
06:11 mais dans l'hémicycle, c'est une autre affaire.
06:14 -Il va peut-être falloir s'habituer à des débats vifs
06:17 dans cette Assemblée nationale,
06:19 et peut-être que ça vous sortira un peu,
06:22 un peu de votre ronron néolibéral.
06:24 -Le projet de pouvoir d'achat du gouvernement,
06:27 il est nullissime.
06:29 On va pas s'en cacher, il est nullissime.
06:31 -Cette Assemblée de Playmobil,
06:33 qui ne répond qu'aux injonctions de l'exécutif,
06:36 elle est finie, elle est finie !
06:38 -Ce que j'en retiens, c'est quand même
06:41 un décor qui est planté,
06:43 qui me paraît être durable,
06:45 c'est celui d'une opposition forte,
06:49 d'une confrontation sans merci.
06:53 -Pour 96 contre 161,
06:56 l'Assemblée nationale n'a pas adopté.
06:59 -Mise à mal dans l'hémicycle,
07:01 la majorité est pour la première fois battue
07:03 par les oppositions lors d'un vote important.
07:06 Il concerne un article du projet de loi sanitaire.
07:09 -Cet applaudissement un peu commun
07:11 pour montrer que le gouvernement ne peut pas tout
07:14 est un peu quelque chose qui va nous donner le ton
07:17 de cette année parlementaire.
07:19 La majorité est sur le grill.
07:22 On a le sentiment que l'opposition a plus comme objectif
07:26 de défaire ce que fait la majorité
07:29 que, parfois, de lancer des propositions alternatives.
07:32 -La vie est défavorable.
07:34 Poussé dans leur retranchement,
07:36 le gouvernement et la majorité, pourtant,
07:38 l'emportent au moment des votes définitifs
07:41 sur l'ensemble de ces deux textes.
07:43 -C'est un soulagement, étant donné que,
07:45 pour la majorité, l'idée qu'on peut gouverner texte par texte
07:50 devient, à présent, relativement crédible.
07:53 Personne n'est tout à fait dupe.
07:55 Gouverner comme ça sur ce type de texte
07:58 est déjà compliqué.
07:59 En tout cas, ça amène à des tensions parlementaires.
08:03 Que va-t-il advenir à l'automne, quand les textes seront plus compliqués ?
08:06 -L'automne, puis le reste de l'année parlementaire,
08:10 vont confirmer la tendance de l'été.
08:13 -L'Assemblée nationale a adopté.
08:15 -Le projet de loi est adopté.
08:18 -L'Assemblée nationale a adopté.
08:21 -Tous les projets de loi soumis au vote
08:23 sont adoptés par les députés,
08:25 avec des alliances différentes selon les textes.
08:28 Ils portent sur la sécurité, les énergies renouvelables,
08:32 le nucléaire ou encore la réforme du marché du travail.
08:35 Les détails des votes montrent
08:38 que le premier allié de la majorité
08:40 est le groupe Les Républicains.
08:43 Il a voté pour dans 64 % des votes sur des projets de loi.
08:47 -On a avancé sur l'assurance-chômage,
08:50 on a avancé sur le nucléaire,
08:52 on a voté, effectivement, pas mal de textes.
08:55 Nous, on fait en sorte, effectivement,
08:57 de les aiguiller plutôt vers la droite.
09:01 -La proximité entre LR et le gouvernement
09:03 est aujourd'hui flagrante.
09:05 Ils l'ont montré de manière récurrente depuis un an,
09:09 au point que je pense qu'ils ont perdu tout crédit
09:12 auprès des Français,
09:15 qui sont opposés au gouvernement d'Emmanuel Macron.
09:18 -Deuxième partenaire de la majorité dans l'hémicycle,
09:21 le groupe centriste Lyot,
09:23 avec 57 % de votes favorables sur les projets de loi.
09:27 Vient ensuite le Rassemblement national,
09:30 avec 38 %, un chiffre qui peut surprendre,
09:33 venant d'un groupe en opposition frontale au gouvernement.
09:37 -Nos électeurs nous envoient à l'Assemblée
09:39 pour défendre un certain nombre de choses.
09:41 Si on leur dit qu'ils ne votent pas,
09:44 ils vont nous dire que nous rompions le mandat qu'on leur a donné.
09:48 Il y a un certain nombre de textes comme ceux-là
09:51 qui nous apparaissent, évidemment,
09:54 très largement améliorables,
09:56 mais qui vont plutôt dans le sens de l'intérêt général.
10:00 Nous les votons.
10:01 -C'est une stratégie politique de leur part.
10:04 Ils ne peuvent plus apparaître comme opposants claniques.
10:07 Ils doivent montrer qu'ils deviennent un parti de gouvernement.
10:10 Après, ils votent ou pas, c'est pas mon problème.
10:13 Je cherche pas leur voix. J'ai pas besoin de leur voix.
10:16 D'ailleurs, dans les différents textes,
10:18 même sans leur voix, ces textes auraient été adoptés.
10:21 -Mesdames et messieurs,
10:23 les alliances sont beaucoup plus difficiles avec la nupes.
10:26 Les socialistes n'ont voté favorablement
10:29 que sur 14 % des projets de loi.
10:31 Les écologistes et la France insoumise, eux,
10:35 n'ont jamais rien voté.
10:38 ...
10:41 -Nous n'allons pas voter des textes avec lesquels nous sommes en désaccord.
10:45 Nous n'allons pas voter des textes qui sont les mêmes recettes,
10:48 qui mèment aux mêmes échecs.
10:50 Nous sommes, encore une fois, les opposants d'Emmanuel Macron.
10:53 La question n'est pas est-ce que nous,
10:55 nous devons faire des ouvertures ?
10:58 Les gens de la nupes, ce sont les otages de la France insoumise,
11:01 les otages de M. Mélenchon.
11:02 Ils sont un peu tenus,
11:05 même s'ils essaient d'en sortir
11:07 par le jou de cette alliance électorale.
11:10 Musique de tension
11:12 -Ces votes gagnés donnent l'impression
11:14 d'un gouvernement souverain à l'Assemblée.
11:17 Mais la réalité est bien de plus nuancée.
11:21 Ces alliances sont fragiles
11:25 et pour certains textes, pas des moindres,
11:27 le gouvernement a choisi de ne pas solliciter le vote des députés.
11:31 Il a préféré passer en force.
11:35 Musique de tension
11:37 10 octobre 2022,
11:39 Yael Brounpivet ouvre l'examen en séance publique
11:42 du budget 2023.
11:43 -L'ordre du jour appelle la discussion
11:46 du projet de loi de programmation des finances publiques...
11:49 -Il apparaît clairement que le gouvernement, cette fois,
11:52 ne trouvera pas de majorité.
11:54 -C'est vous qui avez tort !
11:57 Ce ne sont pas l'intégralité des oppositions qui ont tort !
12:02 -Les Français ne sont pas cons et vous auriez tort
12:04 de prendre les Français pour des cons.
12:07 -Une coalition de l'irresponsabilité
12:09 a envoyé l'image d'un pays
12:10 qui est incapable de se fixer comme objectif
12:14 de maîtriser sa dépense publique.
12:17 -Il est de tradition en politique
12:19 que les oppositions votent systématiquement
12:22 contre un budget.
12:23 -Moi, j'ai le souvenir
12:25 de vieil enseignement,
12:26 de vieux briscard de la politique locale
12:29 qui disait que quand tu es dans l'opposition,
12:32 tu ne votes pas le texte budgétaire.
12:34 Ca se retranscrit au niveau de la politique nationale.
12:37 C'est comme ça. Pas d'abstention. Contre.
12:39 -Les oppositions sont parfaitement dans leur rôle
12:42 en refusant de s'affilier à un budget,
12:45 puisque le budget, c'est votre manière
12:47 de faire de la politique et de dépenser
12:49 pour financer cette politique.
12:51 Donc c'est très symbolique.
12:53 Applaudissements
12:54 -Le 19 octobre, Elisabeth Borne s'avance donc à la tribune
12:58 pour annoncer le premier recours au 49-3
13:01 de la mandature.
13:03 ...
13:05 -Sur le fondement de l'article 49-3
13:09 de la Constitution,
13:11 j'engage la responsabilité de mon gouvernement
13:14 pour la première partie du projet de loi de finances
13:17 pour 2023.
13:18 Applaudissements
13:21 -Concrètement, le gouvernement fait passer le texte
13:24 sans vote en engageant sa responsabilité.
13:26 Mais cette procédure l'expose
13:28 à une motion de censure des oppositions.
13:31 -Votez.
13:32 -La NUPES en dépose une immédiatement.
13:34 -Ce n'est pas interdit.
13:36 -Et surprise, le groupe Rassemblement national...
13:39 -Madame la présidente.
13:41 -Va la voter.
13:42 -Madame la Première ministre et mes collègues.
13:44 -Parce que seul l'intérêt national guide ces paroles et ces actes,
13:49 le groupe que j'ai l'honneur de présider
13:52 votera également la motion de censure
13:54 présentée en des termes acceptables
13:56 de l'autre côté de l'hémicycle.
13:58 Applaudissements
14:01 -Une motion de censure,
14:03 c'est pas une adhésion au groupe qui la dépose.
14:08 Une motion de censure, c'est, clairement,
14:11 le gouvernement mérite-t-il sur ce texte,
14:14 compte tenu de son comportement, d'être censuré ?
14:17 Si la réponse est oui,
14:19 on la vote. C'est aussi simple que ça.
14:22 -Je vais être avec vous. J'ai été...
14:25 pas amusé.
14:27 J'ai souri lorsque j'ai vu les têtes des députés de la DUPES,
14:31 au moment où Marine Le Pen a, dans ses calettes, voté.
14:34 Voilà.
14:37 -Ca ne nous met pas mal à l'aise.
14:39 Je ne vais pas demander à mes députés
14:41 de s'allonger sur les boutons de vote des députés RN.
14:44 Les députés RN votent comme ils le souhaitent.
14:47 Ca n'a rien à voir avec ces gens.
14:49 Nous combattons fermement l'extrême droite,
14:51 mais je veux dire, ensuite, chacun est libre de son vote.
14:55 -L'addition des voix de la DUPES et du RN
14:58 ne suffit pas pour atteindre la majorité.
15:01 La motion est rejetée.
15:03 Au total, l'article 49.3 est utilisé à 10 reprises
15:10 pour faire passer l'ensemble du budget.
15:12 Ces passages en force répétés ont déjà échauffé les esprits
15:17 quand arrive en séance le texte majeur
15:20 de cette année parlementaire,
15:21 la réforme des retraites.
15:24 -Madame la présidente...
15:25 -Le 6 février, les débats s'ouvrent dans un hémicycle survolté.
15:30 -Vous n'avez pas à frapper les pupitres.
15:33 La parole est au gouvernement.
15:35 -Les engagements présidentiels...
15:37 -Mes chers collègues, on n'est pas dans un amphi,
15:40 on n'est pas dans une manif,
15:42 on est dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale.
15:45 Applaudissements
15:47 ...
15:49 -Nous y sommes.
15:51 -Pour cet examen, le gouvernement a décidé
15:54 de recourir à une procédure accélérée.
15:57 Les députés ont 20 jours pour débattre du texte.
16:00 C'est l'article 47.1 de la Constitution
16:04 et son utilisation n'est pas du goût des oppositions.
16:08 -Avoir deux semaines de discussion
16:11 sur un texte qui va changer la vie
16:14 de millions de Français et même de générations à venir,
16:17 c'est inadmissible.
16:19 Je le dis, c'est la première fois que le 47.1 est utilisé.
16:22 Ca risque d'être un précédent très dangereux.
16:25 -Le gouvernement a en réalité une seule exigence,
16:28 c'est l'urgence, c'est-à-dire d'aller très vite
16:31 et avec des débats très courts.
16:33 Ca permet aussi d'avoir des débats
16:35 qui ne vont pas s'embonniser pendant des mois et des mois,
16:38 mais qui vont, en tout cas, c'est ce qu'on espérait,
16:41 non seulement durer un peu moins longtemps,
16:44 mais être plus fructueux, plus utile et plus serein.
16:47 C'est pas ce qui s'est passé.
16:49 -Serein, ce n'est effectivement pas l'adjectif
16:52 qui convient le mieux pour qualifier les débats.
16:56 -Vous faites pitié.
16:57 Voilà le sentiment que vous m'inspirez.
17:00 -Ce ne sont pas les mots d'une première ministre,
17:03 ce sont les mots d'un bourreau.
17:05 -C'est une réforme ou la faillite.
17:07 C'est ça, la réalité de notre système, aujourd'hui.
17:11 -Entre 2017 et 2019, c'est 33 % d'accidents du travail
17:15 causant la mort en plus.
17:17 Vous avez la responsabilité de ces choix politiques.
17:20 Vous êtes un imposteur et un assassin.
17:22 Applaudissements
17:24 -Cette intervention du député Aurélien Saint-Aoul
17:27 lui vaudra un rappel à l'ordre,
17:29 symbole de débats d'une extrême tension.
17:32 -Pour les retraites, les salaires et l'emploi !
17:36 -Alors que dans toute la France,
17:37 les manifestations s'enchaînent à l'appel des syndicats...
17:41 -Les débats s'enlisent dans l'hémicycle.
17:43 20 000 amendements ont été déposés,
17:45 dont 13 000 par les députés France Insoumise,
17:48 qui refusent d'entrer dans la logique d'urgence du gouvernement.
17:51 -Vos amendements sont inutiles, c'est de l'obstruction !
17:55 Votre comportement ne sert à rien !
17:57 Applaudissements
17:58 -Les jours passent, le texte n'arrivera jamais jusqu'au vote
18:02 lors de son examen à l'Assemblée.
18:04 Même l'article 7, qui prévoyait le report
18:07 de l'âge de départ à 64 ans, ne sera jamais étudié.
18:11 -Monsieur le ministre, vous avez la parole.
18:14 -Au 20e jour, Olivier Dussopt siffle la fin des débats...
18:17 -Merci, madame la présidente.
18:19 -...dans une ambiance électrique.
18:21 -C'est dans le respect de la Constitution
18:23 que nos débats doivent prendre fin.
18:25 Ce délai s'achève ce soir.
18:28 Les 20 500 amendements déposés par la NUPES
18:31 auront empêché notre Assemblée d'achever l'examen du texte.
18:35 Mesdames et messieurs les députés insoumis,
18:37 vous m'avez insulté 15 jours,
18:39 vous chantez, mais vous m'avez insulté.
18:41 Personne n'a craqué, personne n'a craqué.
18:44 Et nous sommes là, devant vous, pour la réforme.
18:47 -Je vous remercie, monsieur le ministre.
18:50 -Cette semaine de discussion de la réforme des retraites,
18:53 oui, je crois que dans les sondages d'opinion,
18:56 c'est la semaine où l'Assemblée a acquis
18:58 la plus mauvaise image de son histoire.
19:00 -Ca a été un débat de très mauvaise qualité
19:03 qui a laissé un goût amer en travers de la gorge
19:06 pour la majorité des députés, je le pense.
19:08 -Le texte part alors au Sénat, où il est voté.
19:12 Il doit revenir une dernière fois à l'Assemblée
19:15 pour une adoption définitive.
19:17 Nous sommes le 16 mars 2023,
19:21 et le vote prévu ce jour-là
19:23 est le moment le plus attendu de l'année parlementaire.
19:26 Le gouvernement prendra-t-il le risque
19:28 de laisser les députés voter
19:30 ou dégainera-t-il à nouveau le 49-3 ?
19:34 -Mes chers collègues...
19:35 -J'étais à l'Elysée, on s'est vus trois fois
19:38 avec le président de la République ce jour-là,
19:40 parce que je suis assez persuadée
19:43 que sa conviction à lui, sa force de caractère,
19:46 c'est qu'évidemment, il veut aller au vote
19:48 et qu'il veut que chacun ait à se prononcer,
19:51 j'allais dire, en son âme et conscience.
19:53 -Sous la Ve République, c'est la 1re fois
19:55 qu'on a autant de réunions élyséennes.
19:58 Il y a cette phrase très intéressante
20:00 de Bruno Rotaïo du choix entre la Grosse Bertha
20:03 et le gouvernement, entre deux écueils
20:05 qui ne lui conviennent pas.
20:07 Et il y a ce moment du comptage, en réalité.
20:10 Je pense que les 48 dernières heures
20:12 ont été consacrées au comptage.
20:14 -Je fais passer le message,
20:15 d'après la ministre,
20:17 duquel est l'état des forces dans mon groupe,
20:20 qui a environ, je crois, de mémoire,
20:23 30-35 députés qui sont prêts à voter ce texte
20:27 et une vingtaine qui sont plutôt contre.
20:30 -Le président a voulu sonder
20:32 les différents groupes parlementaires.
20:34 Moi, en ce qui me concerne, j'ai assez rapidement
20:38 considéré qu'il n'y aurait pas
20:42 une majorité pour le texte tel quel.
20:45 Et ensuite, il y a eu une réflexion
20:48 qui s'est jouée aussi entre les deux têtes de l'exécutif
20:53 et nous avons appris que le 49-3 allait être utilisé.
20:57 Musique de tension
20:58 -Avec 10 minutes de retard sur l'horaire d'ouverture
21:02 de la séance, Elisabeth Borne arrive à l'Assemblée
21:05 pour vivre sans doute le moment le plus éprouvant
21:07 de sa carrière politique.
21:09 Applaudissements
21:11 ...
21:23 Dans un hémicycle chauffé à blanc,
21:25 sa voix est couverte par les cris et les chants de l'opposition.
21:29 -La déclaration de politique générale
21:31 est mort de la présentation...
21:33 -Ca a été un moment extrêmement violent.
21:36 Je n'ai pas entendu un traître mot
21:38 de ce que la Première ministre a dit quand elle est montée
21:41 à la tribune. Il y avait un tel niveau sonore,
21:44 un tel niveau d'hurlement, de débordement,
21:47 d'indignité dans cet hémicycle
21:49 que nous n'avons rien entendu.
21:51 Ca a été une grande épreuve, je crois, d'abord pour elle.
21:54 Et la majorité fait bloc.
21:56 Et on ne la lâche pas parce qu'on ne peut pas ne pas être solidaires
21:59 malgré la décision prise.
22:01 -Une image qui a fait le tour du monde
22:03 et de tous les médias internationaux
22:06 de cette Marseillaise que nous chantons
22:08 avec ces panneaux "démocratie"
22:10 qui, eux, marquent le fait qu'on est en train de passer un seuil
22:14 où le Parlement ne compte pas, la rue ne compte pas,
22:17 les syndicats ne comptent pas.
22:19 Bref, en quelque sorte, il n'existe que le président,
22:22 isolé et seul, qui fait un annuaime acte d'autoritarisme
22:25 que nous refusons.
22:26 -Dans les heures qui suivent,
22:28 c'est cette fois le groupe centriste Lyot
22:30 qui dépose une motion de censure
22:33 que la NUPES et le RN soutiennent.
22:35 Les Républicains,
22:36 avec qui l'exécutif avait pourtant conclu un accord,
22:40 sont très divisés sur ce texte.
22:42 Le gouvernement ne semble plus tenir qu'à un fil.
22:46 ...
22:49 Résultat du vote,
22:50 la motion échoue à neuf voix près, neuf députés.
22:54 Voilà ce qui a manqué pour faire chuter le gouvernement.
22:58 -Le coup passe à si près que le chapeau tombe.
23:01 C'est Victor Hugo.
23:02 Ca arrive en politique.
23:05 Le chapeau est tombé, pas le gouvernement.
23:10 -Si l'exécutif est pressé de tourner la page des retraites,
23:14 les oppositions, elles, ne veulent pas en rester là.
23:17 Le groupe Lyot dépose une proposition de loi
23:21 pour revenir sur le report de l'âge de départ.
23:24 Il est soutenu par la NUPES et le RN.
23:27 La bataille des retraites vire à la guérilla parlementaire.
23:31 -Cette proposition de loi d'abrogation d'un texte
23:34 qui vient d'être voté, déjà, c'est un inédit,
23:37 sous la Ve République,
23:38 on installe une concurrence entre l'Assemblée et le gouvernement.
23:42 Cette proposition n'a pas d'avenir législatif.
23:44 La seule chose qui compte, c'est le symbole.
23:47 Ca prouve bien que les oppositions ne digèrent pas,
23:50 à mon avis, peut-être même bien plus,
23:53 une certaine manière d'avoir traité le Parlement
23:56 pendant cette réforme des retraites
23:58 que la réforme des retraites en tant que telle.
24:01 -On peut supprimer le Parlement,
24:03 puisqu'ils ont une majorité relative.
24:05 Faisons plus simple.
24:06 Il faut qu'ils comprennent que l'Assemblée nationale
24:09 n'est plus une chambre d'enregistrement.
24:12 -Ils savent que le dispositif passera jamais.
24:15 Et que, donc, on veut convoquer l'Assemblée nationale
24:18 pour faire un coup politique.
24:19 Un coup politique qui peut être susceptible
24:22 de mettre beaucoup de désordre dans le pays.
24:25 Je trouve ça assez...
24:26 assez glaçant.
24:28 Musique pesante
24:30 -Le jour de l'examen, Yael Brunpivet déclare
24:32 la proposition de loi irrecevable sur le plan financier.
24:36 -Le règlement, rien que le règlement,
24:38 la Constitution, rien que la Constitution.
24:41 -La proposition ne sera donc pas soumise au vote.
24:44 Cette décision fait encore monter d'un cran
24:46 la tension dans l'hémicycle.
24:48 -Vous nous avez empêchés de voter !
24:52 Vous avez osé le faire, mais vous êtes devenus complètement fous !
24:55 Acclamations
24:57 ...
24:59 -Vous abimez, vous écrabouillez la démocratie parlementaire
25:02 et il y a une chose que vous oubliez,
25:05 c'est la séparation des pouvoirs.
25:06 -Je sais que vous voulez vous en aborder.
25:09 -La présidente est mise en cause personnellement.
25:12 -La présidente de l'Assemblée nationale,
25:14 aux ordres de l'Elysée, assume de ne pas être la garante
25:17 des droits du Parlement, mais la misérable courroie
25:21 de transmission d'un passage en force ahurissant.
25:24 -Ce climat débouche sur un nouveau débordement.
25:27 -Vous n'êtes pas en droit de vote !
25:29 -M. Bouillard !
25:31 M. Bouillard, je vous rappelle à l'ordre !
25:33 -J'ai fait une censure
25:35 pour la majorité !
25:36 -M. Bouillard !
25:38 -Vous n'êtes pas en droit de vote !
25:40 -Je vous rappelle à l'ordre
25:41 avec inscription au procès verbal.
25:43 -Sur l'ensemble de l'année parlementaire,
25:46 91 sanctions ont ainsi été prononcées
25:48 contre des députés, un record, et le signe d'un hémicycle
25:51 où le dialogue devient parfois impossible.
25:54 -Tout le monde comprend que l'Assemblée nationale
25:57 ne peut pas continuer 4 années supplémentaires comme cela.
26:00 Elle ne peut pas. C'est impossible.
26:03 Et nous arrivons à des stades d'autoritarisme
26:06 tellement forts que la question même de savoir
26:08 comment nous siégeons dans l'Assemblée est posée.
26:11 -En vérité, déjà, après la réforme des retraites,
26:14 on a démontré qu'on pouvait continuer à travailler
26:17 et qu'on pouvait continuer à adopter des textes,
26:20 que ce soit des projets de loi ou des propositions de loi.
26:23 Nos institutions ne sont pas bloquées.
26:25 Il n'y a pas de crise institutionnelle.
26:28 Musique de suspens
26:30 -En un an, le gouvernement a survécu à 17 motions de censure,
26:34 une situation jamais vue dans l'histoire de la Ve République.
26:38 Jusqu'ici, malgré la tempête parlementaire,
26:42 les projets de loi du gouvernement sont arrivés à bon port,
26:46 mais la traversée est encore loin d'être terminée.
26:50 ...

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