« Ce soir-là, je suis entrée dans une drôle de vie ». Odile de Vasselot est une ancienne résistante française. Aujourd’hui centenaire, elle raconte la double vie qu’elle a dû mener pour collecter des informations contre les Allemands. Pour Lou, elle revient sur ces évènements marquants.
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AmusantTranscription
00:00 J'ai entendu l'appel du général de Gaulle.
00:02 C'était le 18 juin 1940.
00:04 J'étais montée dans ma chambre.
00:06 J'ai entendu "moi, général de Gaulle, actuellement à Londres".
00:11 Je suis descendue au salon et j'ai attendu un silence pour dire
00:15 "vous savez pas ce que j'ai entendu ?
00:16 Le colonel de Gaulle est à Londres".
00:19 On a quelque chose à vous faire écouter.
00:21 Le gouvernement français a demandé à l'ennemi
00:24 à quelle condition honorable un cessez-le-feu était possible.
00:29 Monsieur de Gaulle.
00:30 Oui, dis-moi.
00:32 Moi qui vous parle en connaissance de cause
00:35 et vous dis que rien n'est perdu pour la France.
00:38 La France n'est pas seule.
00:40 Elle n'est pas seule.
00:42 Elle n'est pas seule.
00:44 Elle peut faire bloc.
00:45 Je croyais qu'on avait perdu le registrement.
00:48 Ils ont reproduit sa voix à partir d'intelligence artificielle
00:53 et des récits des anciennes...
00:54 C'est pas vrai.
00:56 Nous avons passé les quatre années d'occupation
00:59 en face de la salle Pléiel, rue du Faubourg Saint-Honoré au 221.
01:04 On se disait "il faut faire quelque chose".
01:06 Il y avait partout des oriflames qui pendaient avec la croix gammée.
01:11 Il y avait la musique allemande qui remontait à les Champs-Élysées
01:15 avec un petit bout de craie qu'on avait comme ça.
01:17 On faisait des croix de Lorraine sur les murs.
01:20 Si possible sur les hôtels où habitaient les Allemands,
01:24 on arrachait des affiches.
01:25 Si on avait peur, on fait souvent des choses quand on a peur même.
01:30 J'ai été au cinéma un jour avec une amie qui s'appelait Hélène.
01:34 J'ai dit à mon amie "moi je rêve de faire de l'espionnage".
01:37 "Oh bah tu sais, moi je connais quelqu'un qui est là-dedans jusqu'au cou".
01:41 Alors cette personne est venue, elle m'a dit "tu t'appelles madame Poirier".
01:45 C'était évident que c'était pas son vrai nom.
01:47 Et j'ai quand même dû faire bonne impression
01:49 parce qu'elle m'a téléphonée quelques jours après.
01:52 "Est-ce que je peux vous voir ?"
01:54 La première chose qu'elle m'a dit "est-ce que vous pouvez partir vendredi à Toulouse ?"
01:58 Le chef là qu'on m'a présenté m'a dit "alors voilà le plan de la gare d'Austerlitz.
02:03 Je vous retrouverai à l'entrée de la brasserie, je vous donnerai un paquet.
02:08 Vous arrivez à Toulouse à 8h du matin, vous n'avez rien à faire
02:13 que d'aller entre midi et 2h au restaurant de Seville.
02:18 Vous demandez la serveuse Roland.
02:21 Vous mettez sur la chaise à côté de vous le paquet que vous aurez retiré de votre valise
02:27 et elle vous en apporte un autre.
02:29 Alors je sais pas si vous vous rendez compte à quel point
02:31 pour une jeune fille de 18-20 ans qui n'avait jamais voyagé toute seule bien sûr,
02:37 qui disait tout à sa famille, ça m'a fait un effet.
02:41 Le ciel me serait tombé sur la tête que je n'aurais pas été plus effrayée.
02:45 J'ai quand même pris mon courage à deux mains.
02:47 Oui pas de problème.
02:49 Je sais pas comment j'ai eu le culot de dire ça.
02:51 Le réseau Réseau, j'ai appris son nom après la guerre.
02:55 Là on disait "Ma boîte".
02:56 Je me suis dit ce soir-là, je suis rentrée dans une drôle de vie.
03:01 Où est-ce que ça va me conduire ?
03:03 D'ailleurs maman m'aurait défendue d'aller à Toulouse.
03:05 Je crois pas que j'aurais osé le faire quand même.
03:07 À ce moment-là on n'était pas encore aussi libérés que...
03:11 le sont les jeunes aujourd'hui.
03:13 Mais ça a été pointable quand même.
03:15 J'étais torturée un peu.
03:16 J'ai dû mentir d'avoir une double vie.
03:19 Quand j'ai échangé pour le Réseau Comet,
03:21 je guidais des aviateurs anglais-américains.
03:24 Il fallait passer la frontière entre la Belgique et la France.
03:27 Je les amenais à Paris.
03:28 Le 4 janvier il m'était arrivé une nouvelle.
03:31 C'est le jour où les aviateurs ont été pris dans le train à côté de moi.
03:34 J'étais entre les deux.
03:36 Il y en a un à droite, un à gauche.
03:38 On leur a demandé leur carte d'identité.
03:40 Ils n'ont pas pu répondre en français.
03:42 Donc on savait qu'ils seraient dans ce train.
03:44 On les a arrêtés.
03:45 Ils ont fermé les compartiments en leur fermant la clé et tout le monde
03:48 parce qu'ils voulaient surtout le guide.
03:50 Ils ont arrêté un monsieur de 40 ans qui n'avait rien à voir
03:54 alors que moi qui avais été entre les deux types.
03:56 Ils ne m'ont même pas demandé ma carte d'identité.
03:59 C'était plutôt trois fois par semaine que le samedi.
04:02 Là j'ai été obligée de dire à un moment,
04:04 vous savez je m'occupe de choses contre les Allemands.
04:07 On était ce qu'on était, on avait cette identité.
04:10 On était étudiant ou mère de famille.
04:14 Non, il y a eu de tout.
04:15 [Musique]