Farid Chopel et Brigitte Morel à propos du livre Et je danse encore - Archive IN

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00:00 J'accueille Paris Chopel et Brigitte Morel.
00:05 [Applaudissements]
00:34 Bonsoir. Alors, Farid Chopel, vous êtes artiste et comédien.
00:38 Brigitte Morel, vous êtes la compagne de Farid depuis dix ans.
00:42 Vous étiez danseuse à l'Opéra de Paris, metteur en scène, prof de danse en France et à l'étranger.
00:47 Et vous publiez tous les deux aux éditions privées un livre qui s'appelle
00:51 "Farid Chopel et je danse encore" qui raconte votre descente aux enfers, Farid,
00:57 et votre remontée grâce à Brigitte. Voilà.
01:00 Alors, on apprend dans ce livre que vous êtes issu d'une famille d'immigrés algériens,
01:04 mais que malgré ça, vous avez une enfance assez heureuse, assez choyée, non ?
01:08 Oui, absolument. C'est-à-dire que j'étais élevé entre deux femmes, ma grand-mère et ma mère,
01:14 et donc fils unique. Et j'étais gâté, quoi. Pas de problème.
01:23 Je veux dire, si ma mère et ma grand-mère, qui travaillaient à l'usine, avaient des difficultés, etc.,
01:29 elle ne me le faisait pas sentir. Moi, j'étais bien, j'étais protégé, quoi.
01:33 Alors, il y a deux points noirs. Il y a d'abord l'absence de votre père, de votre géniteur.
01:38 Un jour, vous trouvez une photo de lui, mais finalement la tête a été coupée.
01:41 C'est assez symbolique.
01:43 Tatouisseuse ?
01:47 Et puis, à l'époque, l'arrestation de votre beau-père, qui était chef de réseau FLN, et de votre mère.
01:53 Et puis de mon oncle, un mois plus tard, lui. Et ce qui fait qu'à chaque fois, il se trouvait que j'étais là, quoi.
01:59 C'est-à-dire que quand j'arrivais à la maison, je suppose qu'il y avait ce qu'on appelait les inspecteurs de la DST,
02:05 qui fuyaient toute la maison, etc. Donc je me retrouvais au milieu de tout ça.
02:09 J'avais cru qu'il y avait quelque chose qui n'était pas normal. Je veux dire, mon beau-père, qui se tournait comme ça,
02:14 pour me montrer, qu'il avait des menottes dans le dos.
02:18 Un jeudi après-midi, j'étais avec ma grand-mère, et puis on ferait pas la porte, mon oncle, entre deux inspecteurs et tout,
02:25 et qui pleurait devant ma grand-mère, et tout. C'est la première fois que je voyais pleurer mon oncle, et tout ça.
02:29 Donc, c'est-à-dire que les deux hommes de la maison sont partis en un mois de temps, quoi, pour trois ans.
02:34 Alors, vous avez été élevé chez les curés, vous étiez premier en catéchisme.
02:38 Et en fait, les problèmes arrivent quand vous allez à l'école publique.
02:42 D'abord, des problèmes de scolarité, vous avez beaucoup plus de mal à suivre les cours.
02:46 Et ensuite, des problèmes de discrimination que vous n'aviez pas connus, en fait.
02:49 C'est-à-dire que chez les Fouers, je suis ce qu'en troisième, et donc, à partir de la seconde, j'étais dans un lycée,
02:55 et c'était quand même 68, et c'était six ans après l'indépendance de l'Algérie.
03:00 Bon, j'ai eu des problèmes avec un fils de rapatrier, etc. Mais bon, je veux dire, trois mois après, on était copains.
03:06 Je veux dire, pas de problème.
03:09 Alors là, vous vous lancez dans le théâtre, avec l'époque du "living theater", évidemment.
03:13 Oui, c'est-à-dire que moi, je voulais être médecin, selon Claire, jusqu'à l'âge de 17 ans,
03:17 et je me suis... Dans le lycée où j'étais, il y avait un club théâtre, et je ne savais pas trop quoi faire le jeudi après-midi.
03:23 J'ai dit, je vais faire un tour. Et là, ça a été...
03:27 Paf ! Ça a basculé. Je me suis dit, c'est ça que je vais faire, quoi.
03:30 Oui. Alors, il y a le théâtre, il y a la musique. Vous allez au festival de l'île de Wight.
03:34 Bien sûr. J'ai fait du stop en Angleterre avec trois potes.
03:38 Et en redescendant, il y a un autocar qui nous prend, qui me fait que vous allez au festival de pop-musique.
03:42 C'est quoi ce truc-là, à l'île de Wight ? Il nous restait quatre jours, on y a été.
03:45 Et là, on se retrouve au second festival de l'île de Wight. Et pour nous, c'est une hallucination, quoi.
03:50 Ils étaient tous là, quoi. Les Doors, Jimi Hendrix, Led Zeppelin, Deep Purple, les Who... Enfin, bref, quoi.
03:57 Oui. Alors, donc, le théâtre, la musique et la drogue.
04:00 Vous vous en voyez à peu près, à partir de là, tout ce que vous voyez passer, c'est-à-dire...
04:03 Oui, c'est ça.
04:04 ... le LSD, les médicaments, les enfaites ?
04:07 Enfin, c'était une période, c'était les années 70 et tout ce qui passait, on voulait aller essayer, quoi.
04:14 Claire et nette, quoi.
04:15 Moi, je vous ai vu, en fait, la première fois au Palace en 76.
04:18 Grand surf-sol.
04:19 Voilà. Ensuite, en 77, il y a eu Chopelia, que vous avez joué pendant de nombreuses années.
04:25 Je dois dire que je n'ai pas galéré dans ce métier parce que Chopelia a marché tout de suite.
04:29 Et comme c'était international, je l'ai tourné dans le monde entier, quoi. De Tokyo à New York, de Réunion de Paris à Isabella.
04:35 Après, il y a eu "Les aviateurs" avec Jen Marlon, "Le cri de la girafe", enfin, plein de spectacles.
04:40 Vous avez eu beaucoup de succès, Farid, à l'époque.
04:42 Et là, vous vous perdez dans la fête, dans la nuit, dans les boîtes branchées.
04:47 Ouais, ouais, quoi. Bon...
04:49 Le Palace, les bains, la main bleue à Montreuil, la Java, le tango.
04:55 J'étais à la recherche du plaisir, quoi.
04:58 Tout le temps, les filles, bref, etc.
05:03 Et je dirais qu'à partir de la fin des années 80, je buvais un alcool festif, comme on voit en boîte, quoi, etc.
05:12 Et j'ai glissé dans l'alcool, presque sans m'en rendre compte.
05:18 Il y a quand même un problème, c'est que vous ne vous sentez pas respecté à cette époque où vous traînez comme ça au bain, au Palace.
05:25 Vous vous sentez un peu méprisé par les élites.
05:28 Ouais, c'est ça, j'avais l'impression que...
05:33 Ce que je faisais dans ma vie professionnelle, ou le succès que je pouvais avoir sur scène et tout,
05:38 n'était pas reconnu par des gens, plus que j'admirais et que j'aimais bien aussi, quoi.
05:43 Et puis après, à partir des années 80, 90, c'est la défonce, là. Grave, cette fois.
05:50 C'est-à-dire que c'est la cocaïne. C'est-à-dire qu'en fait, quand vous décrochez de l'héros, vous prenez de l'alcool.
05:54 Ouais, souvent ça se passe comme ça, quand même.
05:58 Au début, on nie qu'on est alcoolique, on est dans le déni total.
06:04 Et puis, il y a un moment où vous voyez que toutes vos journées deviennent, et vos nuits,
06:10 votre horizon c'est un comptoir, tout simplement, et que vous ne travaillez plus parce que vous vous en foutez complètement.
06:17 Je veux dire, moi, faire du théâtre, je m'en foutais complètement.
06:20 Au cinéma, on ne vous appelle plus parce que ça se sait très vite dans le métier, etc.
06:26 Mais je m'en foutais complètement. J'étais déjà ailleurs, quoi.
06:30 Brigitte, c'est là que vous le rencontrez.
06:32 Oui, quand je l'ai rencontré en 80, ça va faire la 11e année, je l'ai rencontré par hasard.
06:39 Et j'étais très intimidée, donc j'ai fait un machin comme ça, puis je suis repassée en disant,
06:46 je vais lui demander comment il va, donc je dis, "M. Choppel, comment ça va ? Est-ce que..."
06:50 Et pour qu'on ne vous voie plus sur scène, il m'a dit, "Bon, asseyez-vous donc."
06:53 Et puis, il s'est passé une rencontre à laquelle je ne m'attendais pas du tout.
06:58 Mais il était, je pense qu'il était extrêmement alcoolique, enfin, je pense, j'ai la certitude qu'il était déjà extrêmement alcoolique,
07:05 puisque bon, ce jour-là, il prenait de la tequila, il venait de se réveiller, il était à la 3e,
07:09 il était parfaitement charmant, très, très, très, très drôle, très, très beau, etc.
07:16 Donc, je pense que c'était les derniers instants avant une chute vertigineuse.
07:21 Oui, parce qu'en fait, ce qu'on découvre en lisant le bouquin, c'est que votre rencontre et votre amour n'empêchent pas la descente aux enfers.
07:28 Pas du tout. Au contraire, enfin, je ne pense pas l'avoir provoqué, mais peut-être, bon, le fait d'avoir une maison, d'avoir une femme attentive,
07:36 très, très, très amoureuse au départ, bon, j'aime profondément Farid, mais bon, je veux dire, on ne peut pas parler de passion quand on passe sa vie entre le commissariat, l'hôpital, etc.
07:45 Après, il s'est agi d'autres choses.
07:48 Vous allez très loin parce que vous faites même une overdose à la méthadone.
07:51 En général, la méthadone, c'est ce qu'on prend pour sortir de l'héros.
07:54 Mais vous, vous faites une overdose à la méthadone.
07:57 Ce jour-là, il est mort à la maison. Ce jour-là, il est mort.
08:00 Quand il va à l'hosto, en plus, la nuit, il sort pour boire.
08:03 Oui, oui, oui. Il était...
08:06 C'est pas un mec, c'est un jeu vidéo, en fait.
08:09 C'était quelque chose de totalement...
08:12 Et puis, à un moment, alors, ce qui est terrible, c'est le moment où vous commencez à vraiment...
08:15 À dévisser. Un jour, vous voulez enlever une lentille qui est déjà tombée et vous vous arrachez presque l'œil.
08:21 C'est un des moments les plus pathétiques du bouquin.
08:24 Vous avez pensé le faire interner à un moment, quand même.
08:27 On dit péter un câble. Je n'ai pas pété un câble.
08:30 - 18. - Je ne sais pas combien il y en a. Il y en a un.
08:33 - Je les avais pétés tous. - Il y a un jour où tu jettes un chiot sur un mur, quand même.
08:36 - Absolument. - Si ça n'avait pas été le chien, ça aurait été moi.
08:39 Ah oui, d'accord. Alors ensuite, vous vous êtes envoyé dans une clinique.
08:42 Vous vous êtes soigné pour une psychose et une cirrhose.
08:45 Et là, ce qui est incroyable, c'est que vous commencez à remonter doucement.
08:48 Oui, c'est-à-dire que la première étape, c'était de voir un psychiatre, un psychanalyste.
08:51 Mais je continue à boire, etc.
08:54 Et il nous a parlé d'une clinique privée dans le 14e et d'un médecin.
08:59 Et là, j'ai dit j'y vais parce que j'ai quand même des éclairs de lucidité.
09:04 Parce que devant moi, c'était soit le cimetière, soit l'HP.
09:07 C'était clair et net. Et j'ai complètement arrêté.
09:11 - Et la démence était partie. - C'est incroyable.
09:14 - C'est ça, Rose. - Et comme on dit, comme disait le docteur...
09:19 Là, d'où Farid revient, je n'ai jamais vu personne revenir.
09:22 (Applaudissements)
09:25 Voilà.
09:27 Le nouveau...

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