"L'Heure bleue", c'est bientôt terminé. Productrice emblématique de l'émission de France Inter, Laure Adler était l'invitée du grand entretien de 8h20 mardi 27 juin. L'occasion de revenir sur ses combats et sa vision de la société.
Retrouvez tous les entretiens de 8h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien
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00:00 sommes heureux de recevoir ce matin dans le Grand Entretien la productrice de l'heure
00:04 bleue sur France Inter, également historienne, biographe et séiste. Dialoguer avec elle,
00:09 amie auditrice, amie auditeur, dans quelques instants au 01 45 24 7000 et sur l'application
00:16 de France Inter. Laura Adler, bonjour.
00:18 - Bonjour. - Bonjour.
00:19 - Et bienvenue à ce micro après 50 ans de carrière à Radio France, vous vous apprêtez
00:24 jeudi… - Pas tout à fait, dans 6 mois 50 ans.
00:27 - Voilà, 49 ans et demi comme on dit quand on est petit. Vous vous apprêtez jeudi à
00:32 faire votre dernière émission, l'heure bleue tous les soirs à 20h du lundi au jeudi
00:36 était un lieu de rencontre et un espace pour l'art et les artistes, les films et ceux
00:40 qui les font, les écrivains, les poètes, les plasticiens, les jardiniers, les architectes,
00:45 les intellectuels, les jeunes et les vieux, c'était votre cabinet de curiosité Laura
00:50 Adler et parfois en vous écoutant on se disait aussi que c'était un cabinet de psychanalyse.
00:55 Alors, est-ce que vous êtes guérie Laura ? Est-ce que vous les avez tous guérie ? Est-ce
01:01 que vous en aviez marre ? Pourquoi arrêter ?
01:03 - Bah parce que j'ai l'âge que j'ai et que je pense que chaque génération doit
01:10 exprimer son rapport au monde, surtout à la radio qui est un média qui va très vite
01:15 et qui doit être l'écho des différentes générations. Je pense que vous le savez
01:20 mieux que quiconque Nicolas, que quand on a un âge on dit avec des mots son enthousiasme,
01:30 sa vitalité, sa croyance en l'avenir et je pense que la radio doit aussi voir se succéder
01:37 des générations et laisser la place aux plus jeunes d'entre nous.
01:42 - C'est un message pour Nicolas Demorand ?
01:43 - Non, non, mais parce que je l'ai connu très jeune et que je l'ai remplacé dans
01:48 une radio qui s'appelle France Culture et qui à l'époque était faite par des personnes
01:55 tout à fait remarquables d'ailleurs mais qui avaient une moyenne d'âge entre 70 et
01:59 75 ans et on le sait la radio vieillit, l'auditoire de la radio vieillit et pour pouvoir renouveler
02:08 les générations d'auditrices et d'auditeurs, il faut laisser la place aux jeunes et d'ailleurs
02:13 c'est un grand problème de société je trouve en France, l'absence de croyance que nous
02:19 avons dans les jeunes personnes pour pouvoir détenir des responsabilités, les assumer
02:25 et nous donner ce foutu goût de l'avenir.
02:29 Donc voilà, j'ai remplacé un monsieur qui avait 75 ans par Nicolas Demorand et ça a
02:35 très bien marché.
02:36 - Oui mais vous dites il faut laisser la place aux jeunes, ne pas s'incruster, il faut savoir
02:41 s'en aller avant d'être viré, beaucoup s'accrochent et on peut le comprendre aussi,
02:46 beaucoup s'accrochent en se disant mais si j'arrête demain c'est fini, ce sera rideau.
02:50 Comment vous avez trouvé la force de dire bah moi j'arrête ?
02:54 - Bah parce qu'il y a plein d'autres choses à dire.
02:56 D'abord je raccroche pas les gants de boxe, j'espère que j'aurai une petite cure de désintoxication
03:04 radiophonique qui me permettra de continuer à être dans cette maison que j'aime tant,
03:10 qui m'a tant apporté et qui continuera à m'apporter beaucoup de choses dans différents
03:15 supports et notamment des supports que je ne maîtrise pas bien et justement c'est pour
03:19 ça que je compte sur les équipes de France Inter pour devenir la plus vieille influenceuse
03:26 des réseaux sociaux de France Inter.
03:27 - Vous savez, c'est la direction TikTok.
03:28 - Bah oui mais pourquoi pas.
03:29 - Vous allez prendre des cours de TikTok et d'Instagram.
03:31 - Bah oui.
03:32 - Et vous allez devenir influenceuse.
03:33 - Oui.
03:34 - Alors Adelaire, influenceuse c'est pour quand ? C'est juste pour savoir où s'abonner ?
03:37 - C'est pour la rentrée.
03:38 Vous savez, la radio a beaucoup évolué depuis que j'ai commencé à la faire.
03:42 Moi, j'ai travaillé avec les bandes magnétiques, avec ce qu'on appelait des cellules de montage.
03:47 Aujourd'hui, c'est les réseaux sociaux qui structurent.
03:50 Peut-être, quelquefois, on peut le critiquer avec une immédiateté terrible.
03:57 Ce qu'on appelle la pensée publique, eh bien il faut essayer de savoir s'adapter à tous
04:04 les différents supports pour pouvoir, non pas s'incruster à tout crin, mais pour essayer
04:11 de comprendre notre temps présent.
04:13 - Cette ultime semaine de l'heure bleue, vous l'avez démarrée avec Edgar Morin, 101 ans.
04:18 - 102.
04:19 - 102, pardon.
04:20 - Ah non, pardon.
04:21 - 101, 101, j'ai vérifié ce matin.
04:22 - 102 dans une semaine.
04:24 - Voilà.
04:25 Le tout dernier invité s'appelle Shai, il est en CM1.
04:29 Expliquez-nous, pourquoi lui ? Où l'avez-vous rencontré ?
04:32 - Je l'ai rencontré dans une librairie.
04:35 Il est venu me parler.
04:38 J'ai trouvé cet enfant absolument extraordinaire, à la fois par son côté poète, son côté
04:45 rêveur.
04:46 On dit toujours que les enfants sont innocents, mais nous, les adultes, nous avons beaucoup
04:52 à garder et à écouter cette innocence qui peut nous construire un rapport justement
04:57 à l'avenir que nous sommes en train de perdre.
05:00 J'ai trouvé que cet enfant était en train de construire notre monde de demain.
05:05 Je ne le connaissais pas, je ne le connais toujours pas, je ne sais pas ce qu'il va
05:10 me dire.
05:11 - Vous allez discuter avec lui, avec un enfant de 9 ans, sur une heure.
05:17 Et ce sera votre dernier invité.
05:19 - Oui.
05:20 Je ne sais pas comment ça va se passer, mais je trouve que la radio, c'est par définition
05:24 un espace d'aventure, d'écoute, de partage, de dialogue.
05:28 Après, je me suis dit que je suis complètement dingue d'inviter un enfant que je ne connais
05:34 pas.
05:35 Et je me suis souvenu que Marguerite Duras, du temps de l'ORTF, avait une émission hebdomadaire
05:43 où elle écoutait les enfants.
05:45 Et j'ai réécouté.
05:46 Alors, je ne me mets pas du tout au niveau de Marguerite Duras, mais vous ne pouvez pas
05:50 savoir comment c'était bien.
05:51 - On va écouter, ce sera jeudi soir.
05:53 - Avant ça, il y a la manière d'interviewer.
05:57 Je ne sais même pas s'il y a eu une interview d'ailleurs.
05:59 Les questions de Laure Adler, le style Laure Adler.
06:03 On vous a fait un petit mix et ça commence avec Catherine Deneuve.
06:06 - 1, 2, 3, 4, 5, 6.
06:09 - 1, 2, 3, j'irai dans les bois.
06:10 - Oui.
06:11 - C'est ça, hein ?
06:12 - Et après, je ne me souviens plus.
06:13 - 4, 5, 6, cueillir des cerises.
06:15 7, 8, 9, dans mon panier, 9.
06:17 10, 11, 12, elles seront toutes rouges.
06:19 - Pourquoi, Amélie Notombe, avez-vous voulu vous suicider à l'âge de 4 ans ?
06:24 - Êtes-vous douée pour le bonheur, Barbara Cassin ?
06:27 - Quand avez-vous pris du LSD pour la première fois, Alain Finkielkraut ?
06:31 - À quoi pensez-vous, Bruno Latour, quand vous regardez la lune ?
06:34 - À quand remontent vos premiers souvenirs, Marceline ?
06:37 - D'abord, Denis Mukwege, le miracle de votre naissance.
06:42 Vous ne devriez pas être là dans ce studio ce soir.
06:46 Vous ne deviez pas naître.
06:47 - Quand avez-vous lu Homère, le poème de Liliade, pour la première fois, Fanny Ardant ?
06:53 Comment vous appelez-vous ?
06:55 - Alain Fabien Maurice Marcel Delon.
07:02 - C'est le vrai nom ?
07:03 - Oui, c'est mon vrai nom, oui.
07:06 - Voilà le générique de Daft Punk.
07:08 Et cette interview de Delon qui était ontologique avec vous.
07:13 Vous dites que vous venez sans notes devant les invités.
07:16 Je ne vous crois pas.
07:18 - Vous avez tort.
07:20 - Vous ne prenez aucune note.
07:21 Vous arrivez comme ça.
07:22 - Si, je travaille.
07:24 Je suis très angoissée.
07:27 Donc, comme les mauvais élèves, je travaille beaucoup jusqu'au dernier moment.
07:31 Mais à partir du moment où on est dans un studio et que je suis avec quelqu'un pour une heure,
07:39 c'est à la fois très court et très long.
07:41 Par définition, je trouve que la première des politesses, c'est d'essayer de regarder,
07:47 comme je vous regarde, Léa, mon interlocutrice ou mon interlocuteur,
07:52 et d'essayer de nouer quelque chose qui peut-être va advenir et qui est une forme d'écoute.
08:00 L'invité, il arrive avec rien.
08:03 Donc, pourquoi nous, on arriverait avec ce qu'on appelait autrefois des sèches,
08:07 et puis des notes, et des notes, et des notes ?
08:10 Les notes permettent de se désangoisser,
08:13 mais les notes indiquent un cheminement obligatoire vers une conversation
08:18 qui est déjà pré-pensée par l'intervieweur.
08:22 - Et ça, vous n'aimez pas ?
08:23 - Bah, en politique, je pense que peut-être qu'on en souffre, d'ailleurs.
08:28 Peut-être que les femmes et les hommes politiques aimeraient peut-être se lâcher
08:32 et dire des choses qui ne sont pas forcément pré-mixées par leurs équipes en amont,
08:40 avec des mots choisis, avec des coachs de parole.
08:44 Peut-être que la parole n'est plus assez libre aujourd'hui pour entretenir une vitalité démocratique.
08:50 Souvent, les femmes et les hommes politiques que vous recevez,
08:53 ils savent déjà, avant de venir dans votre studio, ce qu'ils ont à dire.
08:58 - Ça s'appelle un élément de langage, et ils les répètent.
09:01 Vous avez été conseillère culture de François Mitterrand.
09:03 Quel regard vous portez sur les hommes et les femmes politiques aujourd'hui,
09:06 sur le débat public d'aujourd'hui ?
09:07 Diriez-vous, vous, la progressiste, que sur ce plan-là, au moins, c'était mieux avant ?
09:11 - Je dirais jamais que c'était mieux avant, parce que je pense,
09:15 comme un de mes professeurs qui s'appelait Michel Serres,
09:17 que c'est toujours mieux après et c'est jamais mieux avant.
09:21 Et d'ailleurs, c'est vrai, ça n'a jamais été mieux avant.
09:25 Par rapport aux femmes et aux hommes politiques, je pense que...
09:28 - Il n'y avait pas plus de substance, tout de même ?
09:30 Plus d'idées ? Plus d'hommes et de femmes d'État ?
09:33 - Peut-être qu'on idéalise aussi.
09:36 Peut-être que le passé entretient une forme de nostalgie.
09:40 Moi, je voudrais dire mon admiration aux femmes et aux hommes politiques
09:45 et à tous les élus, à tous ceux qui nous représentent aujourd'hui,
09:49 parce qu'ils vivent une vie extrêmement chaotique, extrêmement violente.
09:55 Le fait de représenter une délégation de pouvoir
09:59 autorise une violence absolument inqualifiable.
10:05 Et je trouve qu'il est extrêmement difficile et de plus en plus difficile
10:09 d'être une femme et un homme politique aujourd'hui.
10:12 Or, nous n'avons toujours pas trouvé la solution dans nos démocraties,
10:16 car nous vivons en démocratie, il faut le rappeler.
10:19 Même si on râle toujours sur notre État démocratique, il ne l'est pas assez.
10:23 Eh bien, on n'a pas trouvé d'autres moyens de nous représenter
10:27 que les élections, que les représentants de notre peuple.
10:31 Donc, peut-être que le débat subit une forme d'anomie.
10:36 Peut-être que les éléments de langage ont envahi le domaine public.
10:40 Mais ça aussi, il faut réfléchir au support d'information
10:44 et pas seulement au contenu de l'information.
10:47 Maintenant, on va vers une vitesse tellement stupéfiante
10:52 et une rapidité qui empêche la possibilité, justement,
10:58 de prendre position, de mettre en perspective,
11:02 de l'échange, du partage, de l'écoute.
11:06 C'est ça qu'il faudrait peut-être trouver, mais la vitesse.
11:09 Cette vitesse du jugement.
11:11 Il n'y a plus que de la place pour le jugement.
11:14 Pourquoi n'y a-t-il plus de place pour l'interrogation et la nuance ?
11:19 En 2016, quand François Hollande vous propose de devenir ministre de la Culture,
11:22 vous refusez. Pour quelle raison, Laura Adler ?
11:25 Parce qu'à l'époque, François Hollande avait besoin de quelqu'un
11:29 qui puisse ramener les intellectuels à sa cause.
11:32 C'était extrêmement difficile.
11:34 C'était peut-être pas une cause perdue, mais c'était une cause extrêmement difficile.
11:38 Et que la seule personne qui aurait pu le faire,
11:41 vous voyez, la vie politique va à toute vitesse.
11:44 La seule personne qui pouvait le faire et qui avait une étoile, une aura,
11:48 qu'on avait envie d'écouter absolument tout le temps parce que
11:52 sa parole était vitale et nécessaire, c'était Christiane Taubira.
11:56 On sait ce qui s'est passé avec la carrière politique
12:01 et la proposition d'élection à la présidentielle de Christiane Taubira.
12:05 Mais à l'époque, Christiane Taubira ne voulait pas endosser ce rôle.
12:09 Il y avait très peu de temps.
12:11 Et puis, moi, je ne suis pas faite pour être en première ligne.
12:13 Je préfère écouter que de prononcer des paroles.
12:18 - On ne vous croit pas. - Mais si.
12:21 - Dans vos années d'études, vous avez eu la chance d'assister au cours de Deleuze, Foucault,
12:25 Lacan, Jean Kélévitch et de bien d'autres.
12:29 Vous avez évidemment aussi, dans votre vie de journaliste,
12:34 pu en interviewer de ces intellectuels qui sont les successeurs.
12:39 Et est-ce que, selon vous, la figure du grand intellectuel existe encore aujourd'hui ?
12:45 - Je crois qu'il y a une très jeune génération d'intellectuels
12:49 qui est en train de changer notre rapport au monde et au savoir.
12:52 Je crois qu'il y a une responsabilité des très jeunes.
12:55 Et quand je dis très jeune génération, c'est des gens qui ont entre 20 et 30 ans,
12:59 qui sont en train de comprendre ce que nous ne comprenons pas.
13:02 En tout cas, ce que je n'avais pas compris dans ma génération,
13:06 c'est-à-dire l'habitabilité de la Terre, le rapport au climat,
13:10 ce que ça veut dire de vivre, tout simplement.
13:13 Ils sont déterminés. Pour eux, ce n'est pas une cause idéologique.
13:18 C'est une cause vitale et d'autre part, c'est une cause commune
13:21 qui embrasse toute la planète.
13:23 Donc, cette espèce de conscientisation, cette espèce de responsabilité urgente,
13:29 elle se dit avec des mots très beaux.
13:32 Je trouve que la définition de l'intellectuel a beaucoup évolué.
13:35 Moi, j'appartiens à une génération qui a été bercée, si j'ose dire,
13:40 par des Jean-Paul Sartre, des Michel Foucault,
13:44 qui nous éveillaient à des causes qui n'étaient pas seulement les leurs,
13:48 mais qui étaient des causes tout à fait citoyennes,
13:52 dont on ne parle que très peu aujourd'hui.
13:53 Je me souviens, par exemple, de Michel Foucault,
13:56 qui nous enseignait au Collège de France la manière de voir la sexualité
14:01 au centre de la compréhension des sociétés du 19e siècle,
14:05 qui construisait notre rapport au 20e puis au 21e siècle.
14:09 Ça, c'était pendant les cours du Collège de France.
14:11 Mais le week-end, qu'est-ce qu'on faisait ?
14:13 On était avec Foucault. Et on était où avec Foucault ?
14:16 On était avec Foucault, rue de la Santé, tous les week-ends,
14:19 parce qu'on faisait la queue pour pouvoir aider les familles de prisonniers,
14:23 pour améliorer leur vie quotidienne, pour leur groupe information prison.
14:28 Qui parle des prisons, si ce n'est en termes de répression,
14:31 si ce n'est en termes d'augmentation de la criminalité,
14:34 en termes de peine, en termes de répression, etc. ?
14:38 Où est la pensée critique qui se déploie pour essayer d'inclure la citoyenneté ?
14:41 Où est la figure du grand intellectuel ?
14:44 Vous le voyez, le grand intellectuel, aujourd'hui, en 2023 ?
14:46 La figure du grand intellectuel ?
14:48 Moi, j'en vois beaucoup d'intellectuels de différentes générations.
14:52 Ils ont renoncé parce que, justement, les intellectuels porte-voix
14:58 ont fait leur temps, peut-être, et que les temps sont moins, hélas,
15:02 et je le déplore, moins universalistes.
15:04 Et la plupart des intellectuels se sont non pas réfugiés,
15:08 mais ont décidé de parler au nom de leur discipline,
15:11 au nom de leur savoir, et pas au nom du peuple français,
15:15 laissant cette place, peut-être, un peu trop aux politiques.
15:18 Mais moi, je trouve que, par exemple, Esther Duflo,
15:21 que vous avez reçue la semaine dernière, excusez-moi,
15:24 mais est-ce qu'il y a une plus grande intellectuelle qu'Esther Duflo,
15:28 qui est en train de penser à la fois ce que ça veut dire la pauvreté,
15:33 à la fois comment sortir la pauvreté,
15:35 à la fois quelle est la solidarité mondiale dans les précarités,
15:40 à la fois les migrants climatiques et pas seulement les migrants politiques ?
15:45 Qui est cette femme qui est en train, avec tout un groupe de penseurs,
15:50 à l'intérieur du monde entier, dans les continents dont on parle,
15:54 si peu qui est en train de penser le rapport au futur et à notre avenir ?
15:58 - Alors, il y a beaucoup de monde au Standard Inter qui voudrait vous dire tout simplement merci.
16:02 On va commencer avec Catherine. Bonjour Catherine.
16:06 - Bonjour. - Vous nous appelez de Dijon, on vous écoute.
16:09 - Ça n'est d'ailleurs pas une question.
16:12 Je voulais dire alors que je lui souris, que je lui souhaite encore une jolie route,
16:18 qu'elle va beaucoup me manquer ou nous manquer.
16:21 Et voilà, ce n'est pas grand-grand chose.
16:26 - Je voulais vous remercier infiniment. Merci, merci beaucoup.
16:30 Je sais que la radio, parce que pour moi elle est aussi ça,
16:33 d'abord je suis très émue, parce que par définition,
16:36 je ne sais pas à qui je parle et qui m'écoute, vous non plus d'ailleurs, Léa et Nicolas.
16:42 La radio est un exercice à la fois très collectif
16:44 et moi je voudrais rendre hommage à toutes les personnes avec qui j'ai travaillé,
16:48 parce que voilà, on vous entend, mais il y a toute une équipe
16:51 et vous ne pourriez pas travailler s'il n'y avait pas cette ambiance
16:54 que j'ai trouvée dès ce matin en vous rejoignant, où il y a une ambiance.
16:59 Voilà, vous êtes devant le micro, mais c'est un collectif la radio,
17:02 même si on est très seul devant le micro.
17:05 Mais par définition, la radio publique,
17:07 et je voudrais insister sur le mot de ce mot, radio publique,
17:11 je voudrais qu'il soit accolé, je voudrais qu'il ne soit jamais séparé.
17:14 Radio publique, on a besoin d'une radio publique
17:17 en ce moment où les systèmes d'information sont en train d'être privatisés,
17:21 au moment où des actionnaires et des propriétaires de médias
17:26 sont en train d'attaquer la déontologie et l'indépendance de l'information.
17:30 Radio publique, et bien par définition, la radio publique, elle s'adresse à qui ?
17:35 Aux auditrices et aux auditeurs.
17:37 Je ne vous connais pas, mais vous faites partie de ma famille,
17:40 donc je suis très très émue.
17:41 Et ceux qui disent que le service public de l'audiovisuel,
17:43 que la radio publique ou que la télévision publique
17:45 est politisé, bien pensante et élitiste, vous leur répondez quoi ?
17:49 Mais qui dit ça ?
17:50 Beaucoup.
17:51 Beaucoup, mais qui ? Dans quel spectre politique ?
17:54 Encore, il y a quelques semaines, Le Figaro magazine faisait sa une
17:57 sur un service public qui serait partiel, bien pensant.
18:01 Vous connaissez la phrase, Bobo, bien pensant.
18:03 Qu'est-ce que vous répondez à ça ?
18:05 Je leur répondrai qu'ils n'écoutent pas beaucoup la radio,
18:09 que ce sont des éléments de langage qui leur servent beaucoup,
18:13 puisque je note, moi j'ai toujours eu beaucoup,
18:15 même si j'ai lu le cœur à gauche depuis ma jeunesse,
18:18 et je suis très fière d'être toujours de gauche,
18:21 même si je ne sais plus très bien ce que ça veut dire.
18:24 Mais après tout, il y a de l'espoir pour dans quelques années
18:27 aux prochaines élections présidentielles.
18:29 Cet espoir subsiste, je ne l'ai pas perdu.
18:33 Mais par contre, je note qu'une certaine partie de la droite
18:36 que je respecte infiniment et que j'aime et que j'admire,
18:40 parce que nous avons besoin d'une droite et d'une gauche
18:42 et non pas d'une fragmentation et d'un émiettement des opinions
18:46 qui nuit à la vitalité démocratique de notre pays.
18:49 Je note qu'une certaine droite est en train, en tout cas,
18:53 dans certains de ses discours répétés maintenant,
18:56 de perdre certaines valeurs républicaines.
18:59 Et cet aveuglement les conduit à penser
19:02 que cette radio publique est une radio qui serait quoi ?
19:05 Ça veut dire quoi ?
19:07 Être bobo, ça veut dire quoi ?
19:09 Être woke, ça veut dire être en éveil ?
19:11 Ça veut dire être citoyen ?
19:13 Ça veut dire parler des différentes opinions ?
19:18 Ça veut dire recueillir toutes les opinions ?
19:20 Eh bien, c'est ça la mission du service public.
19:23 Et je note, a contrario, que par contre,
19:28 notamment par rapport au coup de boutoir répété,
19:30 on l'a vu encore ce week-end,
19:32 un combat ne fait que commencer avec le JDD,
19:35 mais il a commencé depuis longtemps avec CNews, avec E-Télé,
19:38 avec Paris Match, et j'en passe, etc.
19:42 Je note qu'à part la ministre de la Culture,
19:44 courageusement, qui se prend plein de coups
19:46 pour essayer de défendre la liberté de l'information,
19:50 qui, je le rappelle, est couverte par une juridiction française
19:55 qui doit protéger la liberté de l'information,
19:59 qui sont les membres du gouvernement qui en ce moment s'expriment
20:02 par rapport à ce qui est en train de se passer pour le JDD ?
20:07 Pourquoi ce silence assourdissant ?
20:10 On repasse au Standard où nous attend Laurent.
20:12 Laurent, bonjour !
20:13 Oui, bonjour, merci d'abord Léa, Nicolas,
20:16 s'il vous plaît, nos matinées si brillamment.
20:19 Merci à vous.
20:21 J'ai toujours rêvé, madame Adler, vous poser la question,
20:26 à savoir votre rencontre avec Marguerite Duras,
20:29 combien elle a influencé votre vie d'écrivaine,
20:32 de journaliste et de femme.
20:34 Merci Laurent pour cette question.
20:36 Laura Adler vous répond.
20:38 Écoutez, la première fois que je l'ai vue,
20:40 j'étais tellement intimidée que je n'avais pas pu lui dire deux mots.
20:44 Donc elle m'a offert un café, comme il était midi, midi et demi,
20:48 et que je ne disais toujours pas un mot.
20:49 Elle m'a dit "écoutez, je vais vous préparer la cuisine"
20:52 et on a comme ça épluché les pommes de terre.
20:55 Et j'ai commencé à parler.
20:58 Et depuis, effectivement, par-delà sa disparition,
21:02 les décennies ont beau s'écouler,
21:05 je pense que c'est une voix, V-O-I-X,
21:09 qui me hante, qui hante beaucoup de lectrices et de lecteurs.
21:12 C'est quelqu'un qui a été courageuse à l'intérieur de ce XXème siècle tourmenté,
21:16 à l'intérieur duquel elle est née,
21:19 puisqu'elle est née à l'aube de la Première Guerre mondiale
21:24 et elle a vécu de plein fouet des événements extrêmement importants,
21:28 comme justement la décolonisation,
21:30 ensuite l'arrivée en France, ensuite la résistance,
21:33 l'engagement dans la résistance.
21:35 Ensuite, elle s'est engagée contre la guerre d'Algérie,
21:40 elle a signé le Manifeste des 121
21:43 et elle a continué par son écriture à essayer de,
21:48 non pas d'influencer le monde,
21:51 mais d'influencer par son écriture
21:54 le rapport au monde que nous pouvons avoir quand nous la lisons.
21:58 Elles sont très nombreuses les écrivaines.
22:01 Et on n'a pas parlé du féminisme !
22:03 Oui, mais le féminisme c'est quand même la nouvelle génération !
22:06 - Mais c'est vous qui avez dit qu'une interview devait aller où elle va !
22:10 - C'est vous qui l'avez emmenée !
22:11 - On l'avait prévue !
22:12 - C'est le grand changement d'aujourd'hui, c'est la nouvelle génération des féministes !
22:15 - Et vous trouvez que MeToo a vraiment changé les choses ?
22:17 - Ah ben bien sûr !
22:19 C'est une véritable révolution et j'ai la chance de la vivre !
22:23 Elle nous a permis, à nous les femmes,
22:25 de plus nous sentir des quarts de citoyennes, des demi-citoyennes.
22:29 Elle nous a permis de considérer que notre corps nous appartenait.
22:34 Elle nous a permis de pouvoir dire au effort les violences que nous pouvions subir.
22:39 Elle nous a permis de nous organiser en collectif.
22:43 Et elle nous permet encore aujourd'hui de continuer un combat
22:47 qui ne va jamais crescendo.
22:50 Et il faut toujours faire attention à ce que le combat des femmes
22:53 n'est pas forcément un combat comme un mur avec des pierres
22:57 qui petit à petit construisent quelque chose qui va de mieux en mieux vers l'avenir.
23:01 Non !
23:02 Il faut toujours être en éveil pour pouvoir défendre les droits des femmes.
23:06 - Je voudrais vous offrir un bouquet de réactions d'auditeurs et d'auditrices
23:09 sur l'application d'Inter.
23:10 Stéphane, l'or, votre voix, votre intelligence, votre poésie manchante.
23:14 Emmanuel, vous allez tellement nous manquer.
23:16 Vous nous donnez le goût de l'avenir.
23:18 - Je vous signale qu'Eva Bester meurt en plein air.
23:21 - On va le dire, évidemment.
23:22 Sylvia, comment on va faire sans Laura Adler ?
23:25 David, bravissimo à Laura Adler qui nous a apporté tant de lumière et de bonheur.
23:29 Olivier, Madame Adler, je vous aime.
23:32 Anne, chère Laura Adler.
23:33 - Vous les avez préparées toute la nuit.
23:35 - Non, un énorme merci.
23:37 Un énorme merci, je vous aime.
23:39 Relin, mille merci madame pour ces heures superbes,
23:42 ça j'aime beaucoup, qui ont magnifié ma petite cuisine.
23:44 - Et ça continue là.
23:45 Régis, je vous écoute et je pleure.
23:47 Laura Adler forever.
23:49 Mathieu, ah tiens, une petite question très Laura Adlerienne.
23:54 Vos couleurs et vos prénoms préférés ?
23:56 C'est souhaiter sur l'appli France Inter.
23:58 Vos couleurs et vos prénoms préférés ?
24:02 - Ma couleur préférée, c'est le bleu, comme l'or bleu,
24:05 comme le bleu du ciel ce matin, que j'ai regardé avec attention.
24:09 Et comme le bleu du ciel ce soir et encore plus jeudi soir,
24:13 que je vais regarder quand je sortirai de la maison de la radio
24:16 et qu'une sorte de lueur va illuminer la nuit qui va être longue.
24:24 - Et votre prénom préféré ?
24:25 - Mon prénom préféré, j'espère que je vais vous faire rougir,
24:28 c'est Léa, parce que c'est le prénom de ma fille.
24:32 C'est aussi Paloma et c'est aussi Rose,
24:34 parce que c'est le prénom de ma dernière petite fille
24:37 et qu'elle a deux ans aujourd'hui.
24:39 - Et on l'embrasse.
24:41 C'est vrai que vous lisez un passage de l'Ancien Testament tous les jours, Laure Adler ?
24:44 - Bah oui, même ce matin je me suis réveillée un peu plus tôt.
24:47 - Vous avez lu quoi ?
24:48 - Jérémie, c'est pas très drôle.
24:51 - Merci Laure Adler.
24:52 - Merci beaucoup et l'or bleu toute cette semaine.
24:56 - Merci à vous et Eva Bestet.
24:57 - Eva Bestet est à la rentrée !
24:58 - Eva Forever.
24:59 - Eva Forever, merci Laure.