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Le Parc National des Ecrins fête ses 50 ans. Créé sur décret ministériel le 27 mars 1973, sa zone cœur englobe aujourd'hui 93.000 hectare. Deux gardes, l'un retraité et l'autre responsable du secteur Oisans-Valbonais, racontent ce demi siècle d'histoire en altitude.

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Transcription
00:00 Bonjour et bienvenue dans Le Grand Format, le reportage en longueur de la rédaction
00:03 de France Bleu Isère. Ce numéro célèbre un demi-siècle d'histoire en altitude.
00:08 Le Grand Format de France Bleu Isère.
00:12 Bonjour Noémie Philippot.
00:14 Bonjour Louise Bullens.
00:15 Ce demi-siècle, c'est celui du Parc National des Écrins.
00:18 Il fête ses 50 ans cette année, créé sur décret ministériel le 27 mars 1973. Depuis,
00:26 ces montagnes et ces chemins ont vu passer des centaines de randonneurs alpinistes scientifiques,
00:31 le tout suivi de près par les gardes du parc.
00:33 Denis Fiat fait partie de la première génération de gardes dans les Écrins.
00:37 Avec l'un de ses successeurs, Pierre-Henri Perret, chef du secteur oiseau valbonné,
00:42 il se replonge dans les racines du Parc National.
00:44 C'est très ancien.
00:45 D'abord, il y a eu un premier parc qui s'appelait le Parc National du Pellevoux, qui était
00:50 plus spécialement basé autour de la Bérare du massif des Écrins.
00:55 Et puis ensuite, bien sûr, c'est sous l'initiative de plusieurs personnes que ça a germé.
01:03 Ça a pris de longues années.
01:04 C'était pour des mesures de protection et par rapport peut-être un petit peu aussi
01:10 à la pression touristique qui pouvait y avoir en matière d'équipement de la montagne,
01:14 que certains ont voulu protéger cet espace naturel.
01:17 Puis en plus de ça, il y avait de plus en plus de fréquentation touristique aussi de
01:20 la part des alpinistes, donc des équipements à réaliser au niveau des refuges, des accès,
01:28 de l'équipement aussi des voies.
01:29 Donc devant ces pressions, peut-être que certains ont voulu garder cet aspect naturel
01:35 de la montagne et n'ont pas voulu des équipements trop importants.
01:38 En fait, il y a eu historiquement, il faut se souvenir de ce dont Denis parlait, le
01:42 Parc du Pellevoux au début, c'est 1912.
01:44 On est déjà dans ces années-là.
01:45 La conservation des eaux et forêts qui imagine déjà un parc en effet de protection, mais
01:50 plutôt à vocation de protection des biens et des personnes face aux dangers de la montagne.
01:55 C'était des années de crues torrentielles, d'avance aussi de certaines avalanches, de
02:00 glaciers.
02:01 Et ils ont déjà imaginé à l'époque comment on pouvait un peu protéger ce milieu-là.
02:04 Ce parc a un petit peu grossi autour de Pellevoux et la Béharde dans ces années-là.
02:08 On est même jusqu'en 1924 où ça bouge un peu.
02:11 Mais après, c'est sans commune mesure.
02:13 C'était autour du Pellevoux, de la Béharde.
02:15 Maintenant, on est à cheval sur le département du Sud-Isère, Loison et le Valbonnet.
02:20 Et puis, on va quasiment jusqu'à l'Embrunet.
02:22 Donc, évidemment, là, en 1973, quand le législateur a créé le Parc national des
02:27 écrins, ça n'avait plus rien à voir avec l'enveloppe initiale du début du XXe siècle.
02:32 Le décret donne ses limites actuelles au Parc national des écrins.
02:35 Tracé sur une carte et qu'il a bien fallu rendre visible sur le terrain, ça a été
02:40 une partie du travail de Denis Fiat.
02:42 En premier lieu, on a eu, lorsque nous avons été mis en place sur nos différents territoires,
02:48 c'était d'abord de matérialiser les limites du parc, donc par des peintures bleu, blanc,
02:53 rouge pour créer la fameuse zone centrale.
02:58 On appelait à l'époque la zone centrale, c'était la zone de protection.
03:02 Donc là, effectivement, ça a été un travail assez important puisque ça représente des
03:06 kilomètres et des kilomètres de balisage dans des terrains très accidentés, parfois
03:11 pour une bonne part, ce sont des limites géographiques naturelles qui ont donc été
03:16 choisies pour délimiter le parc dans des terrains très accidentés.
03:20 Il fallait se promener, se promener, c'est un bien grand mot, escalader quelques fois
03:24 avec des pots de peinture.
03:25 Et malheureusement, quelques fois, il y a eu des pertes de pots de peinture et ça voulait
03:31 dire qu'il fallait redescendre, chercher du matériel et remonter pour faire ses limites.
03:36 Donc c'était quand même un travail assez astreignant et quelquefois un peu périlleux
03:41 aussi.
03:42 Ça donne un parc avec une zone centrale, renommée zone cœur, de 93 000 hectares,
03:47 plus de 160 000 en comptant l'aire d'adhésion.
03:50 Cette aire, c'est là où il y a les communes comme Bourdoisans ou Antrègue et le cœur,
03:55 ce sont les montagnes et la haute montagne.
03:57 Et ici, pas de feu, pas de camping, seulement du bivouac, on vient à pied, sans chien et
04:02 on n'y chasse pas.
04:03 Des règles strictes complètement nouvelles pour les habitants à l'époque.
04:06 Il faut bien comprendre qu'on leur mettait quelque part une barrière au-delà de laquelle
04:12 il y avait une certaine protection et donc une réglementation à respecter.
04:16 Quelquefois, ça traversait aussi des terrains privés et là, bien sûr, il y a eu quand
04:20 même des relations un peu tendues avec les particuliers, mais aussi les associations
04:27 de chasse et autres.
04:28 Donc il a fallu user beaucoup de diplomatie pour arriver à implanter ses limites.
04:34 Quelquefois, il a fallu avoir des compromis et il y a eu même sur certains secteurs des
04:41 ententes où on avait installé des limites, ce que l'on appelait des limites blanches,
04:45 c'est-à-dire qu'il y avait la limite du parc, mais à l'intérieur de la zone de
04:48 protection, il y avait des limites blanches qui donnaient le droit uniquement aux chasseurs
04:53 de pouvoir aller chasser sur cette petite zone qui, c'était une convenance, mais qui
04:58 n'avait rien de, au point de vue réglementation, qui n'était pas très nette puisque bon,
05:03 finalement, à l'intérieur de la zone centrale, la chasse était interdite.
05:07 Aujourd'hui, ces zones blanches n'existent plus parce que bon, ça a créé quand même
05:12 aussi une certaine polémique et des précédents avec d'autres associations de chasse qui
05:18 auraient bien voulu aussi avoir les mêmes accords.
05:21 Donc il y a eu un certain moment, on est arrivé à faire entendre que les limites du parc
05:26 étaient celles qui étaient mises en place dès le départ et qu'il n'y avait pas de
05:30 passe droit.
05:31 On ne change pas les habitudes en un claquement de doigt, ça a pris plusieurs années à
05:34 se mettre vraiment en place.
05:36 Même si protégé, ça ne veut pas dire qu'il n'y a plus aucune activité.
05:39 Il faut faire vivre les refuges, entretenir les sentiers, les alpages des écrins sont
05:44 toujours fréquentés par les bergers, mais de moins en moins, l'agriculture évolue
05:48 et puis en 50 ans, les montagnes ont vu par exemple le retour du loup.
05:51 Les paysages du parc national changent énormément, raconte Denis Fiat.
05:55 C'est la végétation qui a énormément changé.
05:58 Sur certains vallons d'ailleurs, cette végétation qui était pratiquement inexistante auparavant
06:05 est aujourd'hui largement occupée par soit des arbustes, soit même des forêts.
06:11 Autrefois, certains vallons étaient beaucoup plus pâturés, notamment par des chèvres.
06:16 Aujourd'hui, ils sont complètement abandonnés par le pastoralisme et à partir de ce moment-là,
06:21 la végétation reprend ses droits.
06:23 Moi, j'ai travaillé tout spécialement sur le vallon du Lovittel.
06:27 Au début du parc, on montait au Lovittel, le vallon était complètement inoccupé par
06:32 la forêt.
06:33 Aujourd'hui, on monte pratiquement tout à l'ombre.
06:36 Donc voilà, ça c'est vraiment un changement caractéristique.
06:39 Sur les espèces par contre aussi, on a eu des changements.
06:43 Sur les espèces animales, on ne trouvait pas certaines espèces dans le fond du vallon
06:48 du Vénéon, notamment le sanglier, le chevreuil.
06:52 Au début du parc, on n'avait pas ce retour de la bérarde.
06:55 Aujourd'hui, on en trouve.
06:57 Après, sur les glaciers, il y a pas mal de changements.
06:59 Là, c'est plutôt le contraire.
07:00 C'est les glaciers qui ont énormément réduit.
07:03 En termes d'impact sur les espèces animales, je pense que pour le moment, on ne voit pas
07:08 encore vraiment les effets.
07:10 Mais à terme, je pense qu'effectivement, on pourra notamment sur des espèces vraiment
07:14 infériorisées au milieu glaciaire, comme la gopède, comme les invariables, certainement
07:20 qu'il y aura des répercussions à ce propos.
07:22 Est-ce que vis-à-vis de ces changements-là, ça a changé des choses au niveau des missions
07:26 du parc ?
07:27 Oui, évidemment.
07:28 Le parc étant un établissement de connaissances scientifiques et d'acquisition de la connaissance
07:33 et de valorisation de la connaissance, en effet, on documente beaucoup le changement
07:36 de milieu.
07:37 Comme l'a dit Denis, on fait face à un verdissement des Alpes, à une refermeture
07:42 d'un certain nombre de paysages.
07:43 Alors, c'est multifactoriel.
07:45 Il y a une hausse majeure des températures, il y a une augmentation du taux de dioxyde
07:51 de carbone dans l'air, donc on documente.
07:53 On documente également aussi, évidemment, le retrait des glaciers.
07:58 Donc nous, ça fait une force de travail scientifique qui va là-dedans, qui va documenter, parce
08:02 que c'est aussi documenter l'avenir, essayer de comprendre aussi ce qui se passe
08:05 maintenant sur l'influence des milieux.
08:07 Si les sujets d'études changent, la mission scientifique des gardes est là depuis les
08:11 origines du Parc National des Écrins.
08:13 C'est même le premier parc à avoir eu un conseil scientifique.
08:16 Mais depuis quelques années, les gardes ont un défi de plus, sensibiliser les nouveaux
08:21 visiteurs et ils sont nombreux, assure Pierre-Henri Péret.
08:24 On fait face à, depuis vraiment très peu d'années, on va dire, un phénomène post-Covid
08:29 qui est en effet une hausse massive de la fréquentation.
08:32 Sur certains sites très prisés du Parc National, côté Iserois, on peut imaginer
08:37 en zone cœur, par exemple, le lac Lovittel.
08:39 On peut parler en zone à proximité du cœur, mais qui n'est pas en Parc National, mais
08:45 le plateau dans Paris, le plateau du Taillefer.
08:46 Là, clairement, on a affaire à une nouvelle fréquentation, donc à des gens qui n'ont
08:50 pas les codes et qui n'ont pas encore les usages de la montagne de manière générale,
08:55 mais de la montagne conservée en particulier.
08:57 Donc, c'est là, en ce sens, nos métiers ont un petit peu changé.
09:01 Nous, on fait énormément, énormément, énormément de sensibilisation, d'explication,
09:05 d'accompagnement.
09:06 Pourquoi en zone cœur, on n'amène pas son chien ? Pourquoi on n'allume pas son
09:11 feu ? Des choses qui étaient, on va dire, assez rentrées dans les mœurs et les usages.
09:16 Mais maintenant, on a affaire à des gens qui sont des néopratiquants, des néophytes
09:20 de la montagne.
09:21 Ils ont tout à apprendre.
09:22 Tout à apprendre pour poursuivre le même objectif qu'il y a 50 ans.
09:26 Protéger ces montagnes qui attirent et fascinent.
09:28 Un objectif porté par les gardes du Parc National d'une génération à une autre.
09:33 50 ans, ça veut dire simplement, moi, je le vis comme ça, que déjà, c'est un métier
09:37 passion et c'est un métier qui se transmet.
09:39 J'espère et j'essaye au quotidien d'être à la hauteur de l'héritage que nous ont
09:43 laissé les anciens.
09:44 C'est une réelle transmission.
09:46 Ce métier là, même si on a un statut de fonctionnaire et qu'on a un poste à un
09:50 moment donné dans ce parc national, il y a quand même la notion d'être dépositaires
09:54 d'un patrimoine que les anciens ont préparé pour nous.
09:57 Ici, en Oisans, ils ont énormément travaillé.
10:00 Quasiment tous, ils étaient issus de ce territoire ou ils sont issus de ce territoire.
10:04 Ils sont partis de très loin.
10:05 On l'a vu quand il a fallu mettre les limites en place, les usages en place, le réseau
10:10 de sentiers en place.
10:11 Mon équipe et moi-même, tous autant qu'on est, je pense qu'on essaye d'être à la
10:16 hauteur de cet héritage tout simplement.
10:17 Ce n'est pas un 20 mots.
10:19 On essaye d'être à la hauteur de l'enjeu d'aujourd'hui, de demain, pour les générations
10:23 futures.
10:24 Pour un garde de parc qu'on se situe en 1973, en 1989, en 2000 ou en 2023, ce ne sont que
10:32 des défis.
10:33 On a vu les défis de la montagne, les défis des gens qui les visitent, ce qui est prévu
10:38 dans le plan de développement ou le plan d'accompagnement ou le plan de connaissances
10:41 scientifiques.
10:42 Et puis l'imprévu aussi, tous les imprévus, les imprévus climatiques.
10:45 C'est un défi.
10:46 C'est un patrimoine qui appartient à tous.
10:49 Et nous, on en est dépositaires et puis on est aussi dépositaires de cette histoire-là.
10:53 On parle de 50 ans.
10:55 On a parlé du début du parc de 1912.
10:58 On a dans les mains un patrimoine qui convient de faire perdurer.
11:02 On l'a reçu de nos anciens et j'espère le transmettre aux générations futures.
11:06 Ce n'est pas un 20 mots, je pense, de travailler dans cet esprit-là.
11:09 Des nouvelles générations dont l'envie de protéger la montagne se construit en randonnée
11:13 ou en escalade en voyant les peintures bleu-blanc-rouge tracées par Denis Fiat et ses collègues
11:18 il y a 50 ans.
11:19 L'histoire du parc national des écrins, c'est celle du rapport des humains à la
11:23 montagne.
11:24 Alors je ne pense pas me tromper en disant que 50 ans, ce n'est qu'un petit bout de
11:27 cette histoire et qu'elle a encore de belles années devant elle.
11:30 C'était le grand format de la rédaction de France Bleu Isère.
11:36 Merci à Noémie Philippot, merci à Simon Berthier pour la réalisation.
11:40 Les 50 ans du parc des écrins c'est à retrouver sur le site de France Bleu Isère,
11:44 sur nos réseaux sociaux et sur l'application Radio France.
11:47 Merci.

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