Depuis le déclenchement de l'invasion russe de l'Ukraine en février 2022, l'Union européenne est montée en gamme dans son soutien à Kiev et symétriquement dans son opposition à la Russie. En même temps, on a observé la constitution d'une Europe anti-Poutine par la solidarité, une proximité charnelle et une histoire qui remonte à loin dans les territoires d'Europe centrale et orientale. Autour de Varsovie et Vilnius, mais sans la Biélorussie toujours inféodée à Moscou, c'est le passé culturel, politique et identitaire d'une région célébrée par le grand poète Adam Mickiewicz dans son chef d'oeuvre Pan Tadeusz. De son côté, le grand écrivain tchèque Milan Kundera a montré dans « l'Occident kidnappé » la voie de liberté et d'indépendance engagée par les nations centre-européennes qui subirent le joug du IIIème Reich nazi et de l'URSS stalinienne.
Sans conteste, du fait et en conséquence de ce conflit injuste et meurtrier, se profilent à la fois un nouvel élargissement de l'Union européenne, et une sécurité européenne renforcée en partenariat avec l'OTAN, intégrant à moyen terme l'Ukraine et d'autres pays de la région. Bien sûr, personne ne souhaite au sein de l'Europe d'une nouvelle guerre froide, mais un clivage est en train de s'établir entre des pays à vocation libérale et démocratique et des pays autoritaires, nationalistes et toujours à la recherche d'une expansion territoriale.
Pour en parler Émile Malet reçoit :
- Jan Emeryk Rosciszewski, Ambassadeur de Pologne en France
- Michal Fleischmann, Ambassadeur de la République tchèque en France
- Bruno Tertrais, politologue, directeur adjoint de Fondation pour la recherche stratégique
- Nerijus Aleksiejunas, Ambassadeur de Lituanie en France
L'actualité dévoile chaque jour un monde qui s'agite, se déchire, s'attire, se confronte... Loin de l'enchevêtrement de ces images en continu, Emile Malet invite à regarder l'actualité autrement... avec le concours d´esprits éclectiques, sans ornières idéologiques pour mieux appréhender ces idées qui gouvernent le monde.
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Sans conteste, du fait et en conséquence de ce conflit injuste et meurtrier, se profilent à la fois un nouvel élargissement de l'Union européenne, et une sécurité européenne renforcée en partenariat avec l'OTAN, intégrant à moyen terme l'Ukraine et d'autres pays de la région. Bien sûr, personne ne souhaite au sein de l'Europe d'une nouvelle guerre froide, mais un clivage est en train de s'établir entre des pays à vocation libérale et démocratique et des pays autoritaires, nationalistes et toujours à la recherche d'une expansion territoriale.
Pour en parler Émile Malet reçoit :
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- Michal Fleischmann, Ambassadeur de la République tchèque en France
- Bruno Tertrais, politologue, directeur adjoint de Fondation pour la recherche stratégique
- Nerijus Aleksiejunas, Ambassadeur de Lituanie en France
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NewsTranscription
00:00 Générique
00:01 ...
00:22 -Bienvenue dans "Ces idées qui gouvernent le monde".
00:25 L'Europe qui veut en finir avec Poutine.
00:29 Depuis le déclenchement de l'invasion russe de l'Ukraine
00:32 en février 2022, l'Union européenne est montée en gamme
00:35 dans son soutien à Kiev
00:37 et, symétriquement, dans son opposition à la Russie.
00:41 En même temps, on a observé la constitution
00:44 d'une Europe anti-Poutine,
00:46 par la solidarité, une proximité charnelle
00:50 et une histoire qui remonte à loin
00:53 dans les territoires d'Europe centrale et orientale,
00:56 autour de Varsovie et Vilnius.
00:59 Mais sans la Biélorussie, toujours un féodé à Moscou,
01:03 c'est le passé culturel, politique et identitaire
01:06 d'une région célébrée par le grand poète Adam Miskevitch
01:10 dans son chef-d'oeuvre "Pan Tadeusz".
01:14 De son côté, le grand écrivain tchèque Milan Kundera
01:17 a montré, dans un Occident kidnappé,
01:21 la voie de liberté et d'indépendance
01:24 engagée par les nations centre-européennes
01:26 qui subirent le joug du 3e Reich nazi
01:29 et de l'URSS stalinienne.
01:31 Sans conteste, du fait et en conséquence
01:34 de ce conflit meurtrier
01:37 et de plus en plus dévastateur,
01:39 se profile à la fois un nouvel élargissement
01:42 de l'Union européenne
01:44 et une sécurité européenne renforcée
01:46 en partenariat avec l'OTAN,
01:48 intégrant à moyen terme l'Ukraine
01:52 et d'autres pays de la région.
01:54 Bien sûr, personne ne souhaite,
01:57 au sein de l'Europe, d'une nouvelle guerre froide,
02:00 mais un clivage est en train de s'établir
02:03 entre des pays à vocation libérale
02:06 et démocratique
02:07 et des pays autoritaires,
02:10 nationalistes, expansionnistes,
02:13 toujours à la recherche
02:15 d'une expansion territoriale.
02:17 Pour en parler, je vous présente mes invités.
02:20 Jean-Émerick Roszyzewski,
02:22 vous êtes ambassadeur de Pologne en France.
02:25 Michal Fleischmann,
02:28 vous êtes ambassadeur de la République tchèque en France.
02:31 Nerejus Aleksi Younas,
02:34 vous êtes ambassadeur de Lituanie en France.
02:37 Et Bruno Tertre,
02:38 politologue, directeur adjoint
02:41 de la Fondation pour la Recherche Stratégique.
02:44 ...
02:52 Vous venez de voir la citation d'Adam Miskevitch.
02:55 "Créer un monde nouveau sur les ruines de l'ancien."
03:00 L'Europe centrale et orientale aura connu
03:03 des occupations militaires,
03:05 notamment soviétiques et allemandes,
03:07 des déplacements de population, des exterminations,
03:11 des famines imposées, des mouvements nationalistes revanchards.
03:15 Est-ce que vous pensez que la guerre actuelle en Ukraine
03:20 s'inscrit dans cette continuité impériale
03:23 et expansionniste de la Russie ?
03:26 Monsieur l'ambassadeur de Pologne.
03:29 -D'abord, j'aimerais bien vous le remercier beaucoup
03:32 pour venir avec cette citation de notre grand poète,
03:35 notamment de notre ancien commando
03:38 polonolituanien Adam Miskevitch,
03:40 qui écrivait justement "La Lituanie, ma patrie",
03:43 en étant en même temps lituanien et polonais.
03:46 Donc, voilà, c'est un personnage
03:49 qui est absolument remarquable
03:52 pour revenir à cette époque, justement,
03:57 dont la Pologne, la Lituanie,
03:59 créent un pays commun
04:01 il y a plus de 300 ans.
04:05 Je pense que, bon, la réponse
04:09 à votre question,
04:11 si on peut dire très vite, c'est oui.
04:14 Il faut, voilà,
04:16 il faut d'abord gagner la guerre pour l'Ukraine,
04:20 il faut que l'Ukraine gagne la guerre,
04:22 il faut que la Russie s'arrêtie de territoire ukrainien,
04:28 et il faut qu'on rétablisse le paix,
04:31 le paix qu'on a absolument besoin,
04:34 mais le paix, pas sur n'importe quelles conditions,
04:37 bien évidemment.
04:38 Et la Pologne, depuis le début,
04:43 même pas uniquement de février 2022,
04:47 mais depuis Maïdan,
04:49 et même avant, était un pays
04:53 qui soutenait toujours l'Ukraine.
04:55 On essayait de convaincre nos alliés
04:59 que l'Ukraine appartenait, historiquement parlant,
05:02 à cette zone de l'Europe qui doit avoir la liberté
05:06 et doit appartenir à cette zone de la liberté européenne.
05:11 Et je pense qu'aujourd'hui, l'Ukraine a bien prouvé
05:14 que la situation est telle
05:17 que l'Ukraine a absolument besoin
05:19 de devenir un des membres de la communauté européenne
05:23 et de l'OTAN à l'avenir,
05:25 et la Pologne a fait absolument tout
05:27 pour soutenir l'Ukraine.
05:28 -On va revenir, si vous voulez, sur vos propos,
05:33 mais sur cette question précise, M. Alexis Younass.
05:36 Est-ce que vous pensez que la Russie d'aujourd'hui,
05:39 c'est la même que la Russie tsariste,
05:42 c'est la même que la Russie bolchevique,
05:44 c'est une continuité, finalement, de cet impérialisme ?
05:48 -Je pense que notre histoire donne cette réponse très claire.
05:52 Pour nous, c'est une continuation de l'agressivité,
05:55 de cet impérialisme qui existait
05:57 dans l'époque de la Grande-Duchée de l'Etoile
06:00 et de la République des Deux Nations.
06:03 Donc, c'était toujours cette pression du côté russe
06:06 sur notre territoire, sur notre pays.
06:09 Bien sûr, c'était la période de l'Empire russe,
06:12 quand la Lituanie était occupée par la Russie,
06:15 et c'était aussi deux grandes résurrections
06:18 pendant cette époque,
06:19 une résurrection en Lituanie, une résurrection en Pologne.
06:23 C'était toujours cette tendance, cette direction de notre pays
06:26 vers l'Europe pour vraiment créer l'Europe ensemble,
06:30 créer l'Europe plus forte.
06:31 Et puis, c'était la période de l'URSS.
06:34 Maintenant, on parle beaucoup sur les crimes de Poutine,
06:37 mais pour nous, c'était les crimes de Staline, de Gorbatchev.
06:40 Le 13 janvier 1991, à Vilnius,
06:44 14 Lituaniens étaient tués.
06:46 Donc, pour nous, c'est une séquence qui existait dans notre histoire.
06:50 Et maintenant, ce qu'il se passe en Ukraine,
06:53 c'est une continuation de cette agressivité.
06:55 Peut-être nous avons fait quelques erreurs,
06:58 aussi, après le chute de l'Union soviétique,
07:01 des erreurs qui, peut-être, nous n'avons pas
07:03 eu un débat très franche sur cette période de l'URSS,
07:08 sur les crimes de Staline,
07:10 sur ce que ça veut dire pour nous, pour les autres pays.
07:13 On a essayé d'éviter ce débat un peu sensible.
07:18 -B.Tertrey, pas de rupture avec Poutine ?
07:20 Ca continue ?
07:21 -Je dirais que là, s'il y a une période un peu différente,
07:26 avec ses bons côtés et ses mauvais côtés,
07:28 ça a été la période Gelsine.
07:30 C'est une sorte de parenthèse qu'on hésiterait
07:32 à qualifier de parenthèse enchantée,
07:35 parce que c'était une parenthèse pendant laquelle
07:38 de nombreux Russes étaient très malheureux.
07:40 Pour reprendre l'expression,
07:42 s'il y a bien une chose dont Poutine n'est pas l'héritier,
07:45 c'est le bolchevisme, parce qu'il fait une synthèse
07:48 entre le tsarisme et le stalinisme.
07:51 C'est pas tellement le bolchevisme lui-même.
07:53 Je dirais que lui, il s'inspire, il le dit,
07:57 et Staline est réhabilité,
07:59 mais Lénine, en revanche,
08:01 qui était l'homme qui prétendait
08:03 reconnaître les nations constitutives
08:05 de l'Union soviétique,
08:07 Lénine est oublié, voire brocardé.
08:09 On parle même, Poutine lui-même,
08:12 à parler de la décision funeste de Lénine,
08:14 d'attribuer le statut de l'Ukraine.
08:16 Donc moi, je dirais qu'il est toujours difficile
08:19 d'essentialiser, de parler de l'ADN politique d'un pays,
08:23 mais c'est de constater qu'aujourd'hui,
08:25 la Russie a renoué avec un comportement
08:27 qu'on l'a vu avoir pendant des siècles.
08:30 Ce que nous, Français, avons eu un peu de mal à reconnaître,
08:33 tant nous avions une vision romantique de la Russie,
08:36 qui date du moment où nous étions un empire.
08:39 Il y a deux catégories d'empires dans le monde.
08:42 Il y a les empires guéris et les empires malades,
08:44 ou encore malades. La France, à mon avis,
08:47 est un empire guéri, nous ne sommes plus un pays impérial.
08:50 La Russie est encore, fondamentalement,
08:53 un empire avec un comportement impérial et colonial.
08:56 -M. Fleischmann, je voudrais qu'on précise ce point
08:59 par rapport à ce qui a été dit.
09:01 La Russie de Poutine et Poutine lui-même,
09:05 on vient d'entendre dire, c'est plutôt Staline que Lénine.
09:09 Autrement dit, c'est toujours l'expansion territoriale,
09:12 mais sans idéologie. C'est bien ça ?
09:15 -C'est exactement ça.
09:17 Je me permets de reprendre les mots de Václav Havel,
09:20 qui a dit que le problème de la Russie,
09:22 c'est qu'elle ne sait pas où elle commence ou finit.
09:25 -C'est le principe des empires. -C'est le principe des empires.
09:29 Nous avons l'expérience historique de l'impérialisme russe,
09:33 qu'il soit tsariste, communiste ou poutinienne.
09:38 On a eu... Vous en avez parlé du romantisme français.
09:42 On a eu un regard trop romantique par rapport à la Russie,
09:45 même celle des tsars, qui, à des moments divers,
09:49 étaient des tsars d'origine allemande.
09:51 Donc là, on a eu des espoirs.
09:53 On a eu des espoirs avec...
09:55 À des moments avec Gorbatchev, on a eu un petit espoir.
09:59 Mais ce sont des regards romantiques,
10:02 même par rapport à la littérature, à l'art russe,
10:05 à l'art soviétique.
10:06 On a eu des espoirs de l'européanisme de la Russie.
10:11 Et c'est des espoirs déçus, c'est des espoirs faux.
10:14 C'est ce romantisme... -M. Fleischmann,
10:17 je veux faire une précision.
10:19 Dans "Vie et destin",
10:20 Vassily Grossman dit,
10:23 dans son grand livre,
10:25 que la Russie n'a jamais connu la démocratie.
10:28 Comment se fait-il que la Russie a eu des gouvernements
10:32 qui venaient... Enfin, des princes, des tsars,
10:36 des chefs révolutionnaires
10:39 qui venaient quelquefois de l'Occident ?
10:41 Et comment se fait-il que la démocratie
10:44 n'a jamais pris dans ce pays-là ?
10:46 -Parce que c'est un grand pays,
10:48 parce que c'est un énorme pays,
10:50 parce que la population russe n'est pas habituée
10:53 et éduquée dans le sens de la démocratie.
10:55 Elle ne connaît pas cela.
10:57 C'est une population vasalisée
10:59 depuis des siècles et des siècles,
11:01 qui se sont habituées à cela,
11:04 et ont toujours le batushka tsar,
11:07 le père, le grand-père, etc.
11:09 Mais vous avez raison, ça n'a jamais eu d'idéologie.
11:13 L'idéologie a servi tout simplement
11:15 à desservir la population à l'aide de la Tchéka,
11:18 de la police ou bien de l'Eglise,
11:21 ou bien de l'Eglise orthodoxe.
11:23 C'est tout ce contexte-là.
11:26 Il faudrait un jour quand même commencer à se rendre compte
11:29 que la Russie, ce n'est pas l'euro,
11:32 ce n'est pas...
11:33 l'européen, mais c'est beaucoup plus Eurasie qu'autre chose.
11:38 -M. Rolstein, vous vouliez intervenir.
11:41 -Justement, pour continuer ce que disait
11:44 mon collègue, M. Fleischmann,
11:46 vous avez tout à fait raison.
11:48 Le fondement de l'histoire de la civilisation russe
11:53 est complètement différent
11:55 que le fondement de la civilisation européenne
11:58 de tous nos pays.
11:59 D'accord ? Donc...
12:01 La...
12:02 La...
12:03 La principauté moscovite, parce que c'était ça, en fait,
12:07 qui était le berceau.
12:09 C'est pas la Kiev, en fait, mais c'est...
12:11 La principauté moscovite, qui était le berceau
12:14 de la Russie, de la fédération russe actuelle,
12:17 est effondrée sur la base totalement différente.
12:20 D'abord, il était l'esclave des Mongols.
12:22 Il s'est trouvé sous le...
12:25 Sous la domination de Genghis Khan.
12:27 C'est le pays qui n'a jamais connu l'histoire médiévale,
12:31 qui n'a jamais connu la chanson des Hollands,
12:34 qui n'a jamais connu la perception de l'honneur.
12:39 C'est la population qui était effondrée
12:41 sur la base totalement différente
12:44 que la civilisation européenne.
12:46 -Tchékov et Tolstoy ne sont pas des auteurs totalitaires.
12:49 -Ce sont de très grands écrivains, de très grands musiciens,
12:53 de très grands poètes, qui appartiennent
12:55 à la culture universelle.
12:57 Mais franchement, je rose de dire
12:59 qu'il n'appartient pas à la culture européenne,
13:02 parce qu'il appartient à la culture russe.
13:04 La culture russe, c'est pas la culture européenne.
13:08 Je disais que la Russie ne connaissait pas le Moyen Âge,
13:11 ne connaissait pas la Renaissance,
13:13 ne connaissait pas l'époque baroque,
13:15 ne connaissait pas le roi romain.
13:17 Avec toutes les proportions gardées,
13:20 avec tout le respect,
13:22 c'est la civilisation qui est complètement à part.
13:25 C'est le cercle culturel
13:26 qui n'appartient pas à la culture occidentale.
13:30 Bien sûr, il y avait des représentants de la Russie.
13:36 Il y avait un écrivain, un c'était,
13:38 qui essayait d'être européen.
13:40 Il n'était jamais européen.
13:43 Même quand vous voyez, quand vous regardez,
13:46 quand vous lisez des plus grands ouvrages de la littérature russe,
13:50 que j'admire, notamment,
13:51 c'est jamais la littérature européenne.
13:53 C'est la littérature et la culture universelle.
13:56 Je sais pas si Michel est d'accord avec moi,
13:59 mais en fait... -Monsieur Alexis Jonas...
14:01 -Je perçois le... -Vous voulez intervenir,
14:04 monsieur Alexis Jonas, là-dessus ?
14:06 -Peut-être juste pour continuer ce propos.
14:09 Pour moi, c'est aussi les valeurs un peu différentes.
14:12 Et parfois, c'est une erreur de notre côté
14:14 pour juger, pour penser,
14:17 pour évoluer Poutine et son régime dans notre propre valeur.
14:20 Parce que les valeurs en Russie sont un peu différentes.
14:24 Bien sûr, cette période de la démocratie était très courte.
14:27 C'était cette période de Yeltsin,
14:29 peut-être qu'il y avait un espoir
14:31 qu'on puisse avoir la Russie démocratique,
14:34 mais ça n'a pas bien marché.
14:35 -Oui, alors... Oui, monsieur Vreisman, là-dessus ?
14:38 -Non, tout simplement...
14:40 Non, nos pays,
14:43 tels que nous sommes ici,
14:45 nous sommes toujours définis en nous défendant
14:48 de l'occupation,
14:50 en nous défendant contre quelqu'un,
14:53 que ce soit sur l'expansion russe ou de l'Union soviétique,
14:56 que ce soit devant les Allemands
14:59 ou que ce soit, maintenant, de manière plus générale,
15:02 de la volonté russe de nous considérer
15:05 comme des Slaves soumis.
15:07 Et nous, on s'est jamais soumis.
15:09 On s'est définis en se battant.
15:12 Les Russes ne se sont vraiment, vraiment
15:15 jamais battus pour défendre leur pays...
15:17 -Stalingrad, ça existe, quand même.
15:20 -À part ces moments-là, à part ces moments
15:22 où, tout d'un coup, il y avait une certaine communauté d'idées
15:27 qui existait à travers l'Europe.
15:29 Aujourd'hui, ce n'est pas là.
15:30 Il n'y a pas l'idéologie.
15:32 Maintenant, nous sommes dans une situation de guerre
15:35 où cette situation a changé.
15:38 Nous ne sommes plus en guerre ensemble,
15:41 mais nous sommes en guerre, nous sommes attaqués.
15:44 Attaqués en tant que tels,
15:46 attaqués dans nos cultures, dans nos valeurs,
15:48 dans nos systèmes politiques.
15:50 Nous sommes attaqués par la Russie.
15:53 L'attaque de la Russie à l'attaque contre l'Ukraine,
15:56 c'est une attaque contre l'ensemble de l'Europe.
15:59 -Merci. Bruno Tertré, je voudrais qu'on précise quelque chose.
16:03 Je voudrais, en même temps, rendre hommage à Milan Kundera.
16:07 Milan Kundera a écrit quelques lignes
16:10 "Un Occident kidnappé".
16:12 Ca a été repris par Emmanuel Macron
16:15 au cours d'une réunion à Bratislava.
16:18 Est-ce qu'à votre avis,
16:20 vous partagez ce diagnostic de Kundera ?
16:24 -Les pays d'Europe centrale et d'Orientale
16:28 ont été sous le joug à la fois nazis et staliniens,
16:32 mais en se débarrassant de cette double tutelle,
16:36 c'est une culture qui émerge,
16:38 c'est quelque chose de nouveau,
16:40 et un souffle nouveau qui est apporté à l'Europe.
16:43 -Globalement, oui.
16:45 Juste un mot pour terminer sur la nature de la Russie.
16:48 J'aime bien résumer la nature politique de la Russie
16:52 comme une nation qui, depuis plusieurs siècles,
16:54 marche sur deux jambes, une asiatique et une européenne.
16:57 La jambe européenne, c'est l'Ukraine.
17:00 Elle a énormément apporté à la culture russe,
17:02 à énormément apporté aux élites russes,
17:04 qui, souvent, étaient pour les meilleurs d'origine ukrainienne.
17:08 Aujourd'hui, la jambe ukrainienne tombe,
17:11 elle rentre à la maison, d'une certaine manière,
17:14 comme, justement, vous êtes,
17:15 vous, pays, rentrés à la maison en 1991.
17:18 C'est ce qu'on a eu un peu de mal à...
17:20 On a mis du temps à comprendre, en France,
17:22 l'idée selon laquelle il y avait l'Europe de l'Est,
17:25 comme on disait à l'époque,
17:27 c'était un peu l'Europe de la deuxième classe.
17:30 Nous, on était la première classe,
17:32 et c'était la deuxième classe.
17:34 Des pays qui sortaient du communisme...
17:36 Les costumes étaient gris, les gens étaient pauvres.
17:39 -Ce qui était effacé par M. Macron, notamment.
17:42 Ce propos était effacé par M. Macron
17:44 pendant son discours à Bratislava.
17:46 Il n'y a pas deux Europes.
17:48 -C'est exactement cela.
17:49 Les Français ont mis beaucoup de temps à se rendre compte
17:53 que vos pays étaient aussi européens que nous,
17:55 et que cette idée de deux Europes,
17:57 même si on l'a officiellement effacée en 1991,
18:01 on a eu beaucoup plus de mal, dans notre partie du continent,
18:05 à l'effacer dans la tête.
18:06 Votre position géographique est une chose,
18:09 votre histoire en est une autre.
18:11 Le fait d'avoir connu, pour vous tous,
18:14 à la fois, d'abord, le communisme,
18:17 le nazisme, et puis, en plus, avec les allers-retours.
18:20 En Ukraine, ça a été les allers-retours.
18:22 Ca a été la triple peine, et pas seulement la double peine.
18:26 Le discours dont vous parliez d'Emmanuel Macron,
18:29 ce n'est pas la première fois qu'il célèbre l'unité européenne,
18:33 mais il est assez rare de voir un président de la République
18:36 aller aussi loin dans la volonté de reconnaître officiellement
18:40 et de dire que nous ne sommes pas deux Europes.
18:43 Il ne faut pas qu'il y ait, à l'avenir,
18:45 une Europe très anti-Poutine, qui ne pense qu'à l'Est,
18:48 et une Europe plus latine et méditerranéenne ou atlantique,
18:52 qui pense différemment.
18:53 C'est pas seulement un discours, on va dire, de repentance.
18:57 C'est un peu un discours de repentance.
18:59 Il y a un peu de repentir, notamment vis-à-vis des propos
19:02 pas très malins qu'avait prononcé Jacques Chirac,
19:05 pour ne pas le nommer. -Au moment de la guerre d'Irak,
19:08 qui avait demandé à ses pays, d'une manière triviale,
19:11 de la boucler. -Et pourquoi...
19:13 On va revenir une minute sur ce sujet.
19:15 Pourquoi le dit, à ce moment-là ?
19:17 Il est persuadé que l'Amérique est en train de mettre la main
19:21 sur l'Europe centrale, et il ne comprend pas
19:23 que si ses pays soutiennent à tort ou à raison,
19:26 c'est pas le sujet l'aventure américano-britannique en Irak,
19:29 américano-britannique, espagnole et d'autres, quand même,
19:33 c'est aussi parce qu'il voit dans l'Amérique
19:35 un combattant de la liberté et de la démocratie
19:38 qui va faire la même chose en Irak.
19:40 Ce malentendu fondamental, Jacques Chirac n'est pas le seul
19:43 à l'avoir en tête.
19:45 Je crois qu'Emmanuel Macron a voulu effacer cette idée
19:48 en nous avertissant aussi, quand même,
19:51 que d'autres fractures pourraient intervenir
19:53 et que ce n'est pas du jour au lendemain
19:56 que l'Europe de Lisbonne jusqu'à Vilnius
19:59 ou jusqu'à Narva, la frontière entre l'Estonie
20:02 et la Russie, sera totalement unifiée.
20:06 La richesse de l'Europe, c'est d'avoir des histoires
20:09 qui se passent différemment. -Merci.
20:11 -Il y a une avancée
20:14 dans la pensée "ouest-européenne"
20:18 par rapport à l'Europe centrale dans son ensemble
20:21 et dans les pays démocratiques nés après 89.
20:25 Je pense que c'est une avancée énorme
20:27 et absolument cruciale, qui a eu une importance énorme.
20:31 Cela montre aussi une chose, c'est une certaine émergence
20:34 dans le cadre de l'Europe centrale
20:38 en tant qu'un lieu de l'européanité
20:42 et des valeurs européennes.
20:43 On s'en aperçoit enfin.
20:45 -Oui, monsieur l'ambassadeur, Paul Hodge.
20:48 -Je peux encore ajouter une chose.
20:50 Notre discussion tourne autour de la Russie,
20:53 autour du communisme.
20:54 -Elle tourne plutôt autour de l'Europe centrale et orientale.
20:58 -Pourquoi ? On a beaucoup de difficultés
21:02 pour donner des certaines définitions.
21:04 Un des raisons est-elle
21:06 parce qu'on n'a jamais eu
21:08 le vrai procès de Nuremberg et du communisme.
21:11 Aujourd'hui, c'est extrêmement difficile.
21:13 Au début du programme, vous avez dit
21:15 qu'il y avait une petite différence entre Lénine et Staline.
21:19 Si on se pose la question de la vraie différence entre Staline,
21:24 c'est le nombre de morts.
21:25 Personne ne sait pas, probablement,
21:27 que Lénine a tué plus de personnes que Staline.
21:31 Donc, nous vivons dans un monde qui est complètement...
21:35 -Monsieur l'ambassadeur de Pologne,
21:37 je voudrais poser une question qui fâche,
21:39 mais vous êtes des éminents représentants
21:42 de l'Europe centrale et orientale.
21:44 Je voudrais vous poser cette question.
21:46 Ce qu'on reproche beaucoup à la Russie poutinienne,
21:49 comme à la Russie tsariste,
21:52 comme à l'époque stalinienne et bolchevique,
21:55 c'est de mépriser le proche étranger,
21:59 de mépriser les minorités.
22:01 Alors, je voudrais vous poser cette question,
22:04 parce que vous êtes des représentants éminents.
22:07 A l'instar d'autres minorités,
22:08 les Juifs ont constitué une communauté historique
22:12 qui est aujourd'hui disparue.
22:13 Si on prend des villes comme Vilnius,
22:17 comme Sarajevo, comme Odessa,
22:20 elles étaient, ne parlons pas de la Pologne,
22:23 elles étaient habitées, pour certaines d'entre elles,
22:26 par une population juive, pour plus d'un tiers.
22:28 Or, aujourd'hui, ces villes sont "judenhaus",
22:32 c'est-à-dire "il n'y a plus de Juifs".
22:34 Est-ce que vous, aujourd'hui,
22:36 vous pouvez vous engager à dire
22:39 que vous êtes prêts à protéger les minorités
22:42 et que plus jamais, les minorités ne seront brimées
22:47 dans cette Europe centrale et orientale ?
22:50 Toutes les minorités.
22:51 -Vous savez, je pense que la protection des minorités
22:54 est absolument...
22:56 Comment dirais-je ?
22:58 La protection des minorités est protégée par la Constitution polonaise,
23:02 la Constitution lituale. -Je parle de toutes les minorités.
23:06 -Et on parle de toutes les minorités.
23:08 Peu importe la religion,
23:10 peu importe telle ou l'autre préférence,
23:12 telle ou... -Le genre, la race, etc.
23:15 -Donc, la Pologne a une tradition,
23:19 d'abord, de républicanisme très ancien,
23:23 qui date, en fait, du XVe siècle,
23:26 avec toute l'évolution de la démocratie en Pologne,
23:29 qui était réservée, bien sûr,
23:31 pour une couche sociale relativement petite
23:34 jusqu'au XVIIIe siècle,
23:36 mais en fait, on avait quand même,
23:38 on a créé avec le lituanien, notamment à la fin du XVIIIe siècle,
23:42 notre première Constitution européenne
23:44 dans laquelle on essayait de garantir, à l'époque,
23:47 il faut penser historiquement,
23:49 on essayait de protéger, justement,
23:52 les nations, les individus,
23:55 les religions, etc.,
23:57 et le royaume de Pologne,
24:00 c'était le pays, à l'époque, le plus tolérant,
24:02 parce qu'il y avait toutes les religions
24:05 qui pouvaient s'intégrer avec la population.
24:08 -Mais aujourd'hui, il y a de nouvelles religions,
24:11 sociétales, si vous voulez, aussi.
24:14 Bon, ça fait partie de la modernité.
24:17 -Tout à fait, mais je pense que, en fait,
24:19 tous les pays sont en différentes vitesses.
24:22 Je pense qu'il faut adopter la vitesse
24:24 avec la conscience de la population.
24:27 Donc, bon, pour l'instant, vous savez,
24:30 je vois pas de problème majeur
24:32 en tout ce qui concerne la Pologne,
24:34 en tout ce qui concerne le respect des droits de minorité.
24:38 -Pas de problème. Pour vous, M. Alexis Jonas ?
24:41 -C'est une fois un peu destiné de termes qu'on utilise,
24:44 parce que pour nous, les Juifs, c'est pas une minorité,
24:47 c'était une grande partie de notre population
24:50 avant la Deuxième Guerre mondiale,
24:52 c'est une partie de notre patrimoine,
24:55 ils sont venus chez nous dans le Moyen Âge,
24:57 ils ont bien vécu avec nous, c'était Vilnius,
24:59 vous avez mentionné, c'est une ville très multiculturelle,
25:03 à l'époque, c'était trois religions
25:05 qui sont habitées, cohabitées ensemble,
25:07 catholiques, protestants et les Juifs,
25:10 sans aucune tension, sans aucune guerre de religions
25:13 qui existait dans les autres régions.
25:15 Donc, chez nous, c'était cette tradition d'ouverture
25:18 toujours présente pour accueillir les gens
25:21 de l'autre religion, d'autre nationalité,
25:23 sans aucune tension.
25:25 Bien sûr, c'était l'écho, c'était le nazisme
25:27 qui a détruit cette harmonie qui existait chez nous.
25:32 Bien sûr, 90 % des Juifs ont disparu,
25:35 mais maintenant, je pense que nous,
25:37 il n'y a aucune question sur cette partie de notre histoire,
25:41 sur cette partie de notre population
25:43 qui est très importante pour nous,
25:45 c'est notre propre histoire,
25:47 c'était pas juste, comme vous avez dit,
25:49 une minorité qui habitait, non, c'était les Litouaniens
25:52 qui étaient des religions juives,
25:54 comme des religions aussi provoslaves,
25:56 mais c'était notre pays, c'était la grande duchée de Litouani,
26:00 c'était la république des deux nations,
26:02 donc c'était toujours une grande partie de notre population,
26:06 donc aucune minorité. -Oui, monsieur Freischmann ?
26:09 -Tout simplement, à Prague, ça fait des siècles
26:11 qu'il n'y a pas de ghetto, c'était la première ville
26:14 qui a fait disparaître la notion de ghetto.
26:17 Donc, on peut pas parler d'une minorité juive
26:19 à Prague, en République tchèque,
26:21 parce que c'était, faisait partie intégrante
26:25 de la population.
26:26 Et puis, bon, Prague, la Bohème en tant qu'hôtel,
26:29 est un croisement de cultures,
26:32 et, évidemment, la culture juive
26:35 jouait un rôle énorme.
26:36 Prague, Vienne, Prague, ville de Kafka,
26:40 nous avons tout cet espace-là
26:43 qui est ancré dans la population tchèque,
26:46 dans la population centré-européenne,
26:49 et ça a de l'influence.
26:50 Les seuls qui ont relevé des défis
26:55 et de l'assassinat des Juifs,
26:57 c'était Hitler et Staline.
26:59 Et Staline a vraiment tué
27:03 toute une part de la population
27:06 dans les procès des années 50,
27:08 et, en fin de compte, a mis au banc
27:11 toute la judaïté de l'Europe centrale
27:15 et orientale.
27:16 Il faut s'en rendre compte,
27:18 c'est des besoins politiques
27:20 pour menacer ces pays
27:24 qui ne sont pas des pays orientaux,
27:26 ce sont des pays occidentaux.
27:28 -Oui, Bruno Tertrais,
27:30 cette question des minorités,
27:32 pour vous, elle n'est plus d'actualité
27:34 dans ces pays d'Europe centrale et orientale ?
27:37 -Je n'ai pas connaissance de problèmes majeurs
27:40 qui puissent se poser dans ces pays,
27:43 spécifiquement, au regard d'autres problèmes de minorité
27:46 qu'il peut y avoir dans d'autres pays d'Europe.
27:49 Sur la question des Juifs dans la région,
27:51 il me semble quand même que la difficulté
27:54 d'être passé de Hitler à Staline,
27:58 justement, c'est qu'il me semble
28:00 que dans certains des pays dont nous parlons,
28:03 le temps de comprendre qu'il y avait
28:05 une spécificité de la Shoah,
28:07 que c'était quelque chose qui, dans les têtes,
28:09 devait être bien compris, c'est quelque chose
28:12 qui, à la fin des années 80,
28:14 n'a pas forcément toujours et partout
28:16 été bien compris.
28:18 Le retour sur nos histoires,
28:20 nos histoires nationales et nos histoires communes,
28:23 en raison des circonstances,
28:26 a peut-être été plus rapide dans certains pays
28:29 que dans d'autres. C'est une chose
28:31 de reconnaître ce qui s'est passé,
28:33 de commémorer là où ça doit être commémoré,
28:35 c'est l'autre chose de comprendre
28:38 à quel point ça a été un acte fondateur,
28:40 malheureusement, dans la culture européenne moderne.
28:44 D'ailleurs, on peut parler de l'Ukraine,
28:46 ou même en Ukraine, ce pays que nous admirons
28:48 et apprécions tant aujourd'hui,
28:50 qui est pleinement européen.
28:52 Ce qui s'est passé en Ukraine n'a pas,
28:55 tout de suite, après 1991, été reconnu
28:57 comme un crime majeur envers les Juifs.
29:00 Ca a mis du temps.
29:01 Donc, je dirais, ça, c'est la réponse longue,
29:03 la réponse courte, c'est...
29:05 Je ne pense pas qu'on puisse dire
29:07 que dans vos pays, il y a des problèmes
29:09 de minorité très différents.
29:11 Sur la question des Juifs,
29:13 le passage historique a fait
29:15 qu'il y a peut-être certaines choses
29:17 qui, dans certains de ces pays-là,
29:19 ont mis plus de temps à être comprises
29:21 par les opinions et les populations
29:23 que dans certains autres pays.
29:25 -Oui, Michel Fachman ?
29:27 -J'aimerais ajouter que cette question
29:29 des minorités est quand même très importante.
29:32 La Tchécoslovaquie a été détruite,
29:36 à Munich,
29:37 à cause de la minorité allemande de Bohème,
29:41 qui, cette minorité,
29:44 s'était mise du côté de Hitler,
29:46 même si elles avaient des représentants
29:49 au Parlement et étaient vraiment défendues
29:52 de par leurs propres députés, etc.
29:54 Mais cette utilisation,
29:57 par le régime de Poutine,
29:59 de minorités,
30:01 et opposant des minorités
30:03 face à l'autre,
30:07 c'est vraiment ce que...
30:09 On a l'impression de revenir...
30:11 Au siècle dernier,
30:12 et se retrouver au début de quelque chose
30:16 qu'on pensait être banni de notre histoire.
30:19 -Merci. Oui, monsieur l'ambassadeur de Pologne ?
30:23 -Il y a une phrase à propos de narration
30:25 qui n'existait pas.
30:27 Cette narration n'existait pas entre 1945
30:30 jusqu'en 1989,
30:32 parce que cette narration libre,
30:35 naturelle, ne pouvait pas exister,
30:37 car nos pays étaient dominés par les Russes
30:40 et par les Soviétiques,
30:41 dont la narration était imposée
30:44 par les occupants.
30:46 Vous avez dit, et vous avez tout à fait raison,
30:49 qu'on est un tout petit peu en retard
30:51 dans une certaine narration.
30:53 Les raisons pour lesquelles nous sommes en retard
30:57 dans cette narration, c'est que pendant quelques années,
31:00 cette narration n'existait pas.
31:02 -Vous le savez mieux que moi,
31:04 mais au milieu des années 1980,
31:07 par exemple, l'image des Juifs en Pologne
31:10 n'était pas... C'est une image négative, encore.
31:13 C'était quelque chose qui était, me semble-t-il,
31:16 assez bien attesté. Il y avait parfois...
31:19 Je ne veux pas stigmatiser un pays,
31:21 mais il y avait ce qu'on avait parfois.
31:23 Un antisémitisme sans les Juifs.
31:25 Ce sont des phénomènes, et là encore,
31:28 je ne cherche pas à mettre...
31:30 à jeter l'opprobre sur un pays ou un autre,
31:32 mais c'est vrai que la gestion de cette mémoire collective...
31:36 Vous n'y êtes pour rien.
31:38 Ca a été beaucoup plus compliqué et plus long
31:40 que pour d'autres pays,
31:42 dans lesquels ça a été douloureux.
31:44 On parlait de Jacques Chirac.
31:46 Il faut quand même aussi rappeler, saluer le fait que...
31:49 Il est attendu...
31:50 Enfin, saluer le fait qu'il ait, en 1995,
31:53 dit "Vichy, c'était la France",
31:55 et on a quand même, nous-mêmes,
31:57 attendu 50 ans pour reconnaître
32:00 certaines de nos responsabilités historiques,
32:02 comme français.
32:04 Là, j'allais dire, nous avons tous notre part de responsabilité,
32:07 mais chaque pays a eu une histoire différente sur cette question.
32:11 -Merci beaucoup. On va aborder les questions politiques.
32:14 Musique rythmée
32:17 ...
32:21 On va voir la citation de Charles Michel,
32:24 président du Conseil européen.
32:28 "Bienvenue chez vous.
32:30 "L'Union européenne, c'est l'Ukraine.
32:32 "L'Ukraine, c'est l'Union européenne."
32:35 Alors, la guerre en Ukraine
32:38 a renforcé considérablement
32:40 le sentiment européen.
32:42 J'imagine que vous êtes tous favorables,
32:45 mais il faut nous dire quand et comment
32:48 un élargissement de l'Union européenne à l'Ukraine
32:51 et aux autres Etats de la région.
32:54 Qui veut commencer ? M. Alexis Younos.
32:56 -Pour nous, c'était très clair.
32:58 Avant la guerre, nous avons poussé beaucoup cette idée
33:01 qu'Ukraine doit être intégrée vers l'Union européenne,
33:04 vers l'OTAN, parce que pour nous, c'était clair
33:07 que c'était pas possible d'avoir la zone grise,
33:10 parce que quand on a le régime de Poutine,
33:13 cette zone grise encourage
33:15 de faire de la guerre, de la pression militaire, etc.
33:19 Parce que c'est peut-être la méthode
33:22 et aussi la mentalité
33:25 de ce régime en Russie.
33:27 Mais pour nous, c'était vraiment un peu difficile,
33:30 peut-être, à l'époque.
33:31 Mais maintenant, avec la guerre,
33:33 je pense qu'il y a cette perspective très claire,
33:36 vers l'Union européenne, mais aussi, pour nous,
33:38 c'est très important qu'on se prépare
33:40 pour le sommet de l'OTAN, pour avoir aussi
33:43 des perspectives pour l'Ukraine à l'OTAN.
33:45 C'est difficile d'imaginer comment on peut avoir
33:48 la nouvelle architecture de sécurité en Europe
33:51 sans avoir l'Ukraine avec nous,
33:53 sans avoir la préservation de l'Ukraine avec nous.
33:56 Et ça, c'est un message très important pour Poutine,
33:59 qu'il n'y a aucune possibilité d'avoir l'Ukraine
34:02 comme une zone grise, comme une zone d'influence de la Russie.
34:05 Et ça, c'est quelque chose de très important
34:08 pour la société russe, comme un message
34:11 qui s'est fini avec cette idée d'impéralisme.
34:13 -Oui, monsieur l'ambassadeur de Pologne.
34:16 -Je pense que, tout simplement,
34:19 il faut qu'on soit conformes
34:21 à ce que dit le grand, grand penseur,
34:23 grand créateur de l'Europe.
34:25 Le père fondateur, il est resté,
34:28 au niveau d'esprit, toujours très ouvert.
34:31 C'est grâce à leurs idées aussi,
34:34 que la Pologne, la Lituanie, la République tchèque
34:37 font partie de l'Europe actuelle.
34:39 On ne peut pas fermer des portes,
34:41 c'est la première chose, pour différentes raisons.
34:44 -Est-ce qu'on peut les ouvrir, grand ouvert,
34:47 sans un dossier...
34:48 -Il faut ouvrir la porte de façon raisonnable.
34:51 Je pense que l'Ukraine, aujourd'hui,
34:53 nous montre que c'est une nation,
34:55 c'est un pays qui est capable
34:57 de défendre les valeurs européennes,
35:00 qui est capable de se battre,
35:01 qui est capable de sacrifier le sang
35:04 de ses meilleurs fils et filles,
35:07 qui se bat, qui perd leur vie,
35:09 justement, pour les valeurs qui sont les nôtres.
35:12 Je pense que l'Europe a besoin de renforcement.
35:15 On a besoin de renforcement
35:17 au niveau économique,
35:20 au niveau démographique, etc.
35:23 Je pense que l'Ukraine, aujourd'hui,
35:25 peut nous apporter beaucoup d'actifs
35:28 que nous ne retrouvons pas même aujourd'hui en Europe
35:32 et qui sont extrêmement précieux
35:35 et qui vont nous permettre de redéfinir,
35:37 en certaine façon, la Nouvelle-Europe
35:40 et d'avoir cet élan absolument important
35:42 pour la future croissance.
35:45 Donc...
35:46 Donc la Pologne, comme vous le savez très bien,
35:50 supporte de début l'accès de l'Ukraine
35:53 à la communauté européenne, aussi à l'OTAN.
35:56 Bien sûr, il faut bien déterminer
35:58 les colondriers et les méthodes,
36:03 mais je pense qu'on ne peut pas permettre
36:07 que la Russie, tout simplement,
36:09 décide qui peut être le membre
36:11 de la communauté européenne
36:13 ou qui peut être le membre de l'OTAN.
36:15 C'est inimaginable. Aujourd'hui,
36:17 c'est évident qu'ils doivent rejoindre notre communauté
36:20 parce qu'ils sont européens des premiers rangs.
36:23 -Oui, M. Fleischmann ?
36:25 -Je pense qu'il faut aller plus vite qu'on ne va.
36:28 Dans l'intégration des pays
36:30 qui ne sont pas encore membres de l'Union européenne,
36:33 il faut accélérer.
36:34 On sait que ça ne se fait pas d'un jour au lendemain.
36:37 Néanmoins, il y a des pays qui attendent
36:40 des dizaines d'années avant d'accéder à l'Union européenne.
36:43 Donc il faut accélérer.
36:45 Ca veut dire qu'il faut quand même un peu réformer
36:48 ce système d'adhésion.
36:50 Il faut se mettre d'accord là-dessus
36:53 comment et dans quel espace-temps.
36:55 On a quand même aussi un autre pan.
36:59 Le président Macron a lancé l'idée
37:01 de la communauté politique européenne,
37:04 qui a été vue un tout petit peu...
37:06 On ne savait pas très bien ce que ça veut dire.
37:09 En même temps, maintenant, on a eu Prague,
37:12 on a eu, à mon avis, le deuxième,
37:15 le troisième sera, si je ne me trompe pas,
37:17 à Madrid et après à Londres.
37:20 Donc il y a une idée européenne d'ensemble
37:23 qui se construit et qui, de fait,
37:27 élargit l'Europe, élargit l'Union européenne.
37:31 C'est un signal fort par rapport à Poutine.
37:34 Regardez, nous sommes 44.
37:36 Faites attention.
37:37 Ne vous attaquez pas à nous.
37:41 Ce qui est important quand même,
37:43 c'est qu'il faut aller vite aussi pour une raison,
37:46 c'est que la désinformation
37:48 et la puissance russe, voire chinoise,
37:51 à travers les pays européens,
37:53 est énorme et bien sûr,
37:55 tout échec de communication de la part de l'Europe
37:59 vers ces populations qui veulent adhérer
38:01 à l'Union européenne est dangereux,
38:04 parce que tout simplement, le vide est remplacé
38:06 par la Russie et par la Chine.
38:08 Regardez Bruno Tertrais sur cet élargissement.
38:11 -Il faut s'arrêter deux minutes sur cette déclaration
38:14 de Charles Michel. Qui aurait dit, il y a un an et demi,
38:17 seulement, que ce qui est présenté et qui nous semble à nous,
38:21 autour de ce plateau, comme une évidence,
38:23 serait prononcé par une des plus hautes autorités européennes ?
38:27 Qui l'aurait dit ? Il faut prendre la mesure
38:30 du chemin intellectuel et politique parcouru
38:32 à quelque chose, malheur et bon.
38:34 Le malheur de la tragédie de la guerre en Ukraine
38:38 nous a fait aussi prendre conscience
38:40 de la réalité fondamentalement européenne de ce pays
38:43 qui nous était présenté quand nous étions à l'école,
38:46 au lycée ou pendant nos études, c'était, je cite,
38:49 "le grenier à blé de la Russie".
38:51 C'était ça, l'Ukraine, pour nous.
38:53 La plupart d'entre nous ne connaissions pas l'Ukraine.
38:56 J'avais eu la chance d'y aller une ou deux fois,
38:59 mais la plupart des Européens ne connaissaient pas l'Ukraine.
39:02 Donc, le simple fait de dire "bienvenue, l'UE, c'est l'Ukraine,
39:06 "c'est quelque chose de phénoménal",
39:08 sur le plan historique, c'est tout à fait considérable.
39:11 Après, la question que vous avez commencée à soulever,
39:15 c'est est-ce que l'Ukraine doit prendre le chemin normal
39:18 de l'adhésion normale, et dans ce cas-là, ça va prendre du temps,
39:21 ou est-ce qu'il faut, parce que les circonstances sont historiques,
39:25 changer le processus d'adhésion ? Je dirais que je serais
39:28 plutôt favorable à quelque chose entre les deux,
39:31 changer le processus d'adhésion pour éviter une dérive,
39:35 aussi rapidement que possible, l'Ukraine, oui,
39:37 mais pas au prix de casser le système européen,
39:40 qui a tout de même certaines fragilités.
39:43 Donc, réformer le système d'adhésion
39:45 pour que ça aille plus vite, certainement.
39:47 Accepter, même si l'Ukraine est encore en guerre,
39:50 on peut très bien imaginer que l'Ukraine
39:53 rentre dans l'UE. En principe, ça ne se fait pas,
39:56 mais après tout, on a bien accepté Chypre,
39:58 donc pourquoi pas ?
40:00 Donc, voilà, ma position est entre les deux,
40:03 mais mesurons les mots de Charles Michel,
40:05 parce que l'Ukraine européenne, c'est une évidence pour nous,
40:08 mais pour la France et pour la plupart des Européens,
40:11 en tout cas dans la partie occidentale du continent,
40:14 c'était pas évident il y a deux ans.
40:16 -De l'Union européenne à l'OTAN,
40:18 il n'y a qu'un pas.
40:20 Or, monsieur l'ambassadeur de Lituanie,
40:24 en juillet prochain, il y a le sommet de l'OTAN à Vilnius.
40:28 Vos pays, c'est-à-dire la Pologne, la République tchèque,
40:32 mais les pays qui constituent cette Europe centrale,
40:35 est-ce qu'ils vont pousser à une adhésion très rapide
40:39 aussi de l'Ukraine dans l'OTAN ?
40:42 Est-ce que vous êtes favorable ?
40:43 -Oui, nous sommes favorables.
40:45 Je pense que la position est très claire, publique.
40:48 Notre président a visité Paris il y a deux semaines.
40:51 C'était la position publique.
40:55 Pour nous, c'est très important
40:57 d'avoir peut-être pas l'adhésion immédiatement,
41:01 mais pour avoir cette perspective,
41:03 pour donner cette perspective qu'est l'Ukraine avec nous,
41:06 qu'il y a cette possibilité d'intégration d'Ukraine à l'OTAN
41:09 à l'avenir, quand les conditions sont présentes.
41:12 Peut-être personne ne parle pour vraiment avoir l'Ukraine demain,
41:16 mais pour avoir cette perspective,
41:18 c'est la même chose que nous avons fait pour l'Union européenne,
41:22 pour avoir perspective, pour commencer le processus,
41:25 pour avoir possibilité, pour avoir discussion
41:28 avec Bruxelles, à l'OTAN,
41:30 comme je me souviens très bien de ce qui s'est passé avec la Russie.
41:34 L'OTAN avec la Russie.
41:35 Donc il faut vraiment créer la structure aussi,
41:38 comment on peut intégrer l'Ukraine
41:40 sans avoir l'adhésion déjà aujourd'hui.
41:44 Donc il y a beaucoup de possibilités,
41:47 mais c'est le message politique le plus important
41:49 pour donner à l'Ukraine cet espoir, cette perspective.
41:52 Et ça sera aussi un message, comme je l'ai dit, pour Poutine,
41:56 pour la Russie aussi.
41:57 -M. Ptushkevski, il y a une question
41:59 qu'on se pose en France
42:02 concernant la collaboration,
42:05 la coopération entre les forces de défense
42:08 et de sécurité européenne et l'OTAN.
42:11 Comment vous voyez ça, vous ?
42:13 Est-ce qu'à terme, il va falloir qu'il y ait une OTAN élargie ?
42:18 Est-ce qu'à terme, il faudra
42:20 qu'il y ait une défense européenne compacte ?
42:23 Comment vous voyez ça ?
42:25 -Je pense que nous sommes en même longueur d'onde
42:28 avec le Lituanien.
42:29 Nous sommes tout à fait pour que l'Ukraine
42:31 rentre le plus vite possible à l'OTAN.
42:35 Je pense que l'Ukraine a déjà fait
42:37 des choses absolument remarquables pour l'OTAN.
42:40 Regardez bien les effets,
42:42 en tout ce qui concerne la mer Baltique, par exemple.
42:45 L'accès de Finlande et, futur,
42:49 l'accès de la Suède à l'OTAN,
42:52 c'est un renforcement de notre sécurité,
42:54 de tous nos pays, de toutes nos nations.
42:57 C'est grâce à l'Ukraine.
42:59 Grâce à l'Ukraine,
43:01 il y avait le renforcement de l'OTAN quand elle.
43:04 Aujourd'hui, nous pouvons parler,
43:07 nous pouvons se sentir beaucoup mieux
43:09 qu'il y a deux, trois ou quatre ans.
43:12 Bon, donc, pour nous, c'est absolument évident
43:15 que l'Ukraine doit rentrer à l'OTAN.
43:18 On souhaite que ce processus se passe le plus vite possible.
43:22 Aujourd'hui, l'Ukraine,
43:24 vu l'armement qui a été livré chez eux,
43:27 constitue l'une des plus grandes armées
43:31 de terres européennes.
43:33 Je pense que c'est une nation
43:36 qui est capable de se battre,
43:38 souhaite se battre,
43:39 et donne un très bon exemple
43:41 aux autres nations européennes.
43:43 Voilà comment il faut défendre.
43:45 -Est-ce que vos pays, aujourd'hui,
43:47 sont prêts à s'engager, à soutenir l'Ukraine
43:50 dans une guerre très longue
43:52 pour libérer complètement ces territoires,
43:55 quitte à s'engager dans la guerre ?
43:57 -Vous savez qu'aujourd'hui, la Pologne,
44:00 d'abord, comme tous nos pays, nous sommes les membres de l'OTAN.
44:03 Donc, nous prenons tous les engagements
44:07 comme les membres de l'OTAN.
44:08 Ce ne sont pas des engagements individuels.
44:11 Donc, la France, la Lituanie, la République tchèque, la Pologne
44:15 en prend tous les mêmes engagements,
44:17 parce que nous sommes alliés.
44:19 Je pense que nous devons faire absolument tout
44:22 pour que l'Ukraine devienne notre alliée.
44:24 La question fondamentale est telle que l'Ukraine se trouve en guerre,
44:28 et bien évidemment,
44:29 le pays de l'OTAN ne souhaite pas rentrer en guerre actuellement.
44:35 Donc, il faut trouver une formule qui permettra
44:38 d'aider l'Ukraine, de toute notre force,
44:40 sans faire engagement direct en guerre.
44:43 C'est difficile.
44:45 Mais c'est indispensable de l'autre côté.
44:48 Mais je pense que nous avons besoin,
44:51 tous, comme alliance atlantique,
44:54 justement, d'avoir un allié comme l'Ukraine
44:58 le plus vite possible.
44:59 -C'est votre avis, monsieur Fleischmann ?
45:02 -Je pense que nous constatons tous que la présence de l'OTAN
45:06 comme couverture de défense,
45:09 même de l'Europe,
45:11 c'est montré efficace et existante.
45:14 Même le président Macron a reconnu une renaissance de l'OTAN
45:19 dans son discours de Bratislava.
45:21 -En soi, il les avait, c'est.
45:23 -D'accord.
45:25 Mais en même temps,
45:28 il est évident que l'Europe, en tant qu'hotel,
45:30 l'Union européenne en tant qu'hotel,
45:33 a montré aussi sa capacité de se mettre d'accord ensemble
45:37 et d'aider l'Ukraine dans sa défense de son territoire.
45:40 Donc, l'OTAN, bien sûr,
45:44 l'Union européenne et la défense de l'Union européenne aussi.
45:48 Je pense que c'est important que cette autonomie européenne,
45:52 ce sens de l'autonomie européenne existe
45:55 et que ça ne disparaisse pas quelque part.
45:57 Donc, se regarder les yeux dans les yeux.
46:00 Cela dit, vous dites attaquer la Russie.
46:04 Le problème, personne ne veut attaquer la Russie.
46:07 Nous voulons défendre notre Europe
46:10 et nos pays européens,
46:13 comme l'Ukraine,
46:15 qu'elle soit dans l'OTAN
46:16 ou qu'elle soit dans l'Union européenne.
46:19 Maintenant,
46:20 s'attaquer à la Russie, on n'a pas envie,
46:24 mais il faudrait aussi avoir un interlocuteur.
46:26 Et on n'a pas d'interlocuteur.
46:28 Qui est en face de nous ?
46:30 Poutine ? Mais est-ce qu'il nous parle ?
46:32 Il ne nous parle pas. Il nous attaque.
46:34 Il ne nous parle pas, c'est autre chose.
46:36 Nous n'avons pas avec qui discuter de la peine
46:40 et de la fin de ce conflit,
46:42 et de constituer vraiment une Union européenne
46:45 et bien sûr l'OTAN.
46:47 -Oui, Bruno Tertrais, là-dessus.
46:49 -Premièrement, l'Ukraine entrera dans l'OTAN un jour.
46:52 On lui dit depuis 2008 que si elle veut entrer,
46:55 elle aura le droit d'être candidate.
46:57 Le un jour... Deuxième point,
46:59 le un jour ne peut pas être maintenant,
47:01 tant que le pays est en guerre,
47:03 parce que c'est un pays qu'on s'engagerait, du coup,
47:06 à défendre alors qu'il est en guerre.
47:08 Quand vous êtes formellement dans l'OTAN,
47:11 vous devez défendre votre territoire.
47:13 Donc, ça ne sera pas tout de suite.
47:15 Troisième point, dans l'intervalle,
47:17 il faut s'engager résolument pour lui dire
47:19 que tant que vous n'aurez pas récupéré
47:22 tout votre territoire, on vous soutiendra.
47:24 Quatrièmement, l'Ukraine après la guerre
47:27 sera la première ligne de défense de l'Europe.
47:29 Ce sera l'armée la plus aguerrie d'Europe,
47:32 notre première ligne de défense contre la Russie.
47:35 Dernier point, je reviens à votre titre.
47:37 L'Europe qui veut en finir avec Poutine.
47:40 Quelle Russie aurons-nous après ?
47:42 Nous ne le savons pas.
47:44 Je fais partie de ceux qui estiment
47:46 que des relations normales avec la Russie
47:49 ne seront pas possibles tant que Poutine sera là.
47:52 C'est terminé. C'est une rupture historique.
47:55 Ca n'est pas possible. C'est vrai pour toute l'Europe.
47:58 En revanche, est-ce que nous,
48:00 nous voulons en finir avec Poutine de manière active ?
48:03 Est-ce que nous allons soutenir, après la défaite russe,
48:06 un changement de régime en Russie ?
48:08 Est-ce qu'il y aura un consensus européen ?
48:11 Je crois que la vraie question, ça sera,
48:13 est-ce que nous devons, nous, Européens et nous, Occidentaux,
48:17 aider les mouvements qui pourraient, éventuellement,
48:20 naître en Russie d'opposition à Poutine,
48:23 comme nous avons aidé, comme nous vous avons aidé,
48:26 à l'époque du rideau de fer,
48:28 où il y avait une aide occidentale, notamment américaine,
48:31 au mouvement de libération ou de défense des droits de l'homme ?
48:35 Ca sera ça, aussi.
48:37 -Votre titre, c'était "l'Europe qui va en finir avec Poutine".
48:40 On a Poutine, mais je ne connais pas beaucoup d'Européens
48:43 qui seraient prêts à aller se battre pour changer le régime russe.
48:47 -On va terminer sur cette question-là
48:49 et avoir votre avis à chacun.
48:51 Comment vous voyez la collaboration...
48:54 Imaginons que cette guerre se termine.
48:57 Il faudra bien qu'elle se termine.
48:59 Comment vous imaginez la collaboration
49:01 entre cette nouvelle Europe en train de se constituer
49:05 et la Russie ?
49:07 Est-ce qu'il faut aller jusqu'à mettre K.O.,
49:10 en quelque sorte, l'impérialisme russe,
49:13 ou est-ce qu'il faut vivre...
49:15 On aura une espèce de nouvelle guerre froide
49:18 entre les pays démocratiques et libéraux
49:21 et des pays qui sont nationalistes et expansionnistes ?
49:26 Que chacun donne son avis sur un futur optimiste,
49:30 si on peut dire.
49:32 -Si je peux...
49:33 Si je peux me permettre, je pense qu'on en revient, justement,
49:37 à cette aide de l'Europe centrale et orientale
49:40 dans les années 80 et dans les années 90.
49:45 Je pense qu'on vit aujourd'hui
49:46 dans une certaine peur de l'après-Poutine.
49:49 Poutine, c'est terminé.
49:51 Poutine, c'est terminé.
49:52 Il a perdu toute crédibilité.
49:55 Il est impossible de le croire,
49:58 d'avoir confiance en ce qu'il signe.
50:00 Donc, Poutine, je pense que c'est terminé.
50:04 -Celui qui lui succèdera peut être pire.
50:07 -Il peut. Qu'est-ce que vous en savez ?
50:09 -On n'en sait rien. -Peut-être.
50:11 Mais cela dit, je pense qu'on a des peurs totalement inutiles
50:15 de se poser la question de l'après-Poutine.
50:18 Ca va être le côté...
50:20 -Mais de l'après-Russie poutinienne,
50:23 plutôt que d'après-Poutinienne.
50:25 -La Russie sera toujours la Russie.
50:27 La Russie n'oubliera pas, si tôt,
50:29 ses idéaux impérialistes et expansionnistes.
50:34 Elle ne les oubliera pas, si tôt.
50:36 Ce qu'il faut faire, c'est, effectivement,
50:39 ne pas oublier, ne pas se faire kidnapper l'Occident
50:43 et ne pas se faire kidnapper ces populations
50:47 qui sont toujours liées à la Russie
50:50 et qui veulent aussi leur indépendance.
50:53 Il ne faut pas oublier tous ces dissidents russes
50:56 qui existent et qui ne sont pas tous partis.
50:59 Il faut continuer cette pensée des valeurs européennes
51:04 sans les imposer, mais tout simplement être un exemple.
51:08 -M. Jean-Émerick Roshyshevski,
51:10 est-ce que vous êtes en accord avec ça ?
51:14 Est-ce qu'il faut désimpérialiser la Russie
51:17 après une éventuelle défaite de la Russie en Ukraine ?
51:22 -A propos de ce que vous avez dit
51:24 en tout ce qui concerne l'aide occidentale
51:27 à tous nos pays à l'époque communiste,
51:29 je pense que c'est un très bon exemple,
51:32 mais pas tout à fait comparable,
51:34 parce que nos sociétés étaient complètement différentes
51:37 que la société russe actuelle.
51:42 Moi, je ne vois pas beaucoup de points de comparaison,
51:45 à vrai dire.
51:46 J'imagine très bien l'Europe avec l'Ukraine.
51:52 C'était votre première question.
51:55 Je vois l'intégration européenne parfaitement bien
51:58 avec l'Ukraine, avec d'autres pays,
52:00 avec les Balkans occidentaux, etc.
52:02 Par contre, jusqu'au...
52:03 Franchement, je ne sais pas ce que ça veut dire, la Russie,
52:07 actuellement. Je ne vois pas,
52:09 comme le disait l'ambassadeur Fleischmann,
52:11 avec qui on peut parler là-bas.
52:13 D'abord, il n'y a pas une vraie opposition.
52:16 Il ne faut pas oublier, en tout petit peu de statistiques,
52:20 parce que c'est très important,
52:22 depuis que Poutine est président d'Etat,
52:24 chaque année, il y avait 500 000 personnes
52:27 qui émigraient de la Russie.
52:30 En dernière année, c'était 2,5 millions de personnes
52:33 qui ont quitté la Russie.
52:35 Si on compte 23 ou 24 ans de la présidence de Poutine,
52:39 on arrive au chiffre de presque 15 millions de jeunes Russes
52:43 au-dessous des 40 ans qui ont quitté le pays.
52:47 Ca veut dire qu'aujourd'hui,
52:49 au niveau de la pyramide démographique,
52:51 on a un trou gigantesque de personnes
52:53 les plus jeunes et les mieux éduquées.
52:56 Tout ce qui reste...
52:57 Bon, je ne veux pas appeler par les mots.
53:01 -Il reste... -L'Ukraine n'est pas
53:03 dans une situation démographique...
53:05 L'Ukraine avant la guerre n'était pas dans une situation
53:08 très favorable non plus. -Il nous reste très peu de temps.
53:11 -On parle de la Russie, maintenant.
53:14 -Je pense que vous avez un argument très fort,
53:16 et c'est vrai, d'ailleurs, qui est énoncé
53:19 depuis plusieurs semaines par Mme Carrère-Dancos,
53:22 à savoir que la Russie a perdu une bonne partie de ses élites
53:28 et qu'elle sera affaiblie durablement.
53:30 M. Alexis Younass, vous, vous voyez comment
53:33 la relation de l'Europe qui se constitue aujourd'hui
53:38 avec une Russie dépoutineisée,
53:41 ou en tout cas, quelle Russie ? Comment vous voyez l'avenir ?
53:45 Parce que la Lituanie,
53:46 je crois que c'est le dernier checkpoint, Charlie.
53:50 Vous êtes tout près de vulnérable à la Russie.
53:54 -Oui, et je pense à notre expérience,
53:56 et je suis d'accord avec mon collègue Tchèque,
53:59 qu'il faut éviter cette peur de la Russie après la guerre.
54:02 C'était la même chose au début de notre indépendance.
54:05 C'était la même peur de chute de l'Union soviétique.
54:08 Il faut vraiment éviter cette peur,
54:10 parce que c'est pas imaginer tous les scénarios possibles.
54:14 Il y a ce slogan russe très connu
54:16 que c'est pas possible de comprendre la Russie.
54:18 Et les scénarios peuvent devenir différents.
54:21 Juste un petit exemple.
54:22 Qui peut imaginer que Svetlana Tsikhanouska
54:25 va devenir une opposante-clé en Bélarusse ?
54:28 Il y a, je sais pas, un an avant les élections en Bélarusse.
54:32 Pour moi, ça donne cette compréhension
54:35 qu'une Russie, c'est aussi un peu difficile.
54:37 Imaginez peut-être maintenant une leader
54:39 qui sera un provocateur de changement en Russie.
54:42 Donc il faut vraiment éviter cette peur.
54:45 -N'oublions pas ce qui s'est passé en Allemagne en 1945.
54:48 Il y avait tout le processus de dénazification
54:50 de l'Allemagne qui s'est passé.
54:52 On peut juger si c'est bien passé ou mal passé,
54:55 mais en fait... -La différence,
54:57 c'est que nous ne marchons pas jusqu'à Moscou.
55:00 -Le problème est tel que le problème
55:02 de la dépotilisation ou décommunisation
55:04 ou de la déressuscification de la Russie même,
55:07 aujourd'hui, c'est difficilement...
55:10 -Merci.
55:11 -Merci. -Merci.
55:12 -Slave à l'Ukraine. -Voilà.
55:14 On a terminé. On fera d'autres émissions sur le sujet.
55:18 Laissez-moi suggérer une bibliographie
55:21 sur ce sujet.
55:23 "La reconstruction des nations",
55:26 de Timothy Snyder.
55:28 Je voudrais également signaler, de Nicolas Baverez,
55:32 "Démocratie contre empire autoritaire".
55:35 Alors, on a parlé amplement de Milan Kundera.
55:39 Voilà un opuscule très important,
55:42 "Un Occident kidnappé".
55:44 C'est paru dans la collection "Le débat"
55:47 chez Gallimard.
55:49 Je voudrais également, évidemment,
55:51 souligner l'oeuvre d'Adam Miskevitch,
55:54 "Pantadeus".
55:56 C'est publié chez Noir & Blanc.
55:58 Un très grand ouvrage.
56:00 C'est un poème épique
56:03 sur ce grand duché de Lituanie.
56:07 Donc, il y a quelque chose...
56:09 Je crois qu'il faut faire référence
56:12 à cette histoire culturelle pour avancer.
56:15 Et de Bruno Tertrey, "La guerre"...
56:17 -C'est pas un poème. -C'est pas un poème.
56:20 Mais c'est un ouvrage qui nous permet
56:23 aussi de mieux appréhender
56:25 les enjeux martiaux,
56:27 aujourd'hui, en Ukraine.
56:29 Voilà. Je voudrais vous remercier,
56:32 messieurs, d'avoir participé à cette émission.
56:35 Je voudrais remercier l'équipe de LCP.
56:38 Et avant de nous quitter,
56:40 je voudrais vous soumettre cette citation.
56:42 On m'a souvent posé la question
56:45 "Pourquoi suis-je resté et n'ai-je pas fui ?"
56:48 Parce que si j'avais fui,
56:51 tout le monde aurait fui. C'est de qui ?
56:54 C'est le héros du jour,
56:56 Volodymyr Zelensky.
56:59 -Oui.
57:00 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
57:03 ♪ ♪ ♪